Le Vent de la Chine Numéro 31-32 (2022)

du 19 au 25 septembre 2022

Editorial : 970 jours plus tard
970 jours plus tard

Cela faisait presque trois ans, depuis le début de la pandémie en janvier 2020, que le Président Xi Jinping n’avait plus quitté la Chine. Le dirigeant a finalement choisi de sortir de sa bulle sanitaire en se rendant au Kazakhstan le 14 septembre, pays où il avait inauguré son initiative « BRI » en 2013, puis en Ouzbékistan les 15 et 16 septembre pour participer au sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai (SCO).

Avant lui, seuls le ministre des Affaires étrangères Wang Yi, son supérieur Yang Jiechi, le vice-président Wang Qishan, et le n°3 du Parti Li Zhanshu, s’étaient tour à tour aventurés hors frontières, signalant qu’un déplacement à l’international de Xi Jinping n’était qu’une question de temps, après une courte escapade à Hong Kong en juillet dernier.

Le fait que Xi Jinping n’ait pas daigné attendre la tenue du XXème Congrès du Parti (16 octobre) avant de s’envoler à l’étranger a pris de court les observateurs, qui misaient plutôt sur un grand retour du président chinois sur la scène internationale à l’occasion du G20 de Bali et du sommet de l’APEC à Bangkok mi-novembre.

En effet, avant même la Covid-19, les leaders chinois préféraient remettre leurs déplacements hors frontières à plus tard de manière à se concentrer sur l’événement politique majeur pour les cinq années à venir. Ce n’est qu’une fois le conclave terminé que les dirigeants s’accordaient un voyage à l’international, en guise de tour d’honneur.

Ce voyage anticipé signifie que l’actuel Secrétaire général du Parti est confiant quant à sa réélection lors du prochain Congrès et ne craint pas d’éventuelles manigances visant à l’évincer en son absence. 

En s’envolant ainsi à l’étranger, le leader juge aussi que la situation domestique est « sous contrôle », malgré un marché immobilier mal en point, un taux de chômage record chez les jeunes et des confinements à répétition qui suscitent un mécontentement grandissant au sein de la population (cf. Xinjiang, Tibet ).

Mais bien sûr, ce n’est pas parce que Xi se remet à voyager, sous protocole sanitaire strict, que ses 1,4 milliard de concitoyens seront autorisés dans un futur proche à faire de même ! Alors que l’OMS vient de déclarer que la pandémie pourrait bien toucher à sa fin, le pays devrait malgré tout continuer à appliquer sa stratégie « zéro Covid ». Et cela ne changera pas radicalement du jour au lendemain…

Néanmoins, cette évolution est positive dans le sens où elle signale que le leadership juge désormais le risque d’être contaminé par le virus moins important que celui d’être isolé sur la scène internationale. Pékin semble avoir pris conscience que faire de la diplomatie par vidéo-calls ne peut être une solution de long terme et que les échanges en face-à-face sont irremplaçables, particulièrement alors que les chefs d’État du monde entier multiplient les entrevues sans se soucier de la Covid-19. 

Le choix de l’Asie Centrale pour son premier voyage post-Covid n’est pas non plus anodin. Il reflète la priorité croissante accordée par Pékin à ses relations de voisinage, aux pays du « Sud » et plus globalement au monde « non occidental ». C’est dans cet esprit que la Chine souhaite promouvoir les sommets multilatéraux où ses rivaux occidentaux sont absents. C’est le cas de la SCO, sorte d’OTAN eurasiatique qui réunit Chine, Inde, Pakistan, quatre ex-républiques soviétiques (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan) et Russie.

C’est justement sa rencontre en marge du sommet avec son homologue russe Vladimir Poutine (cf. photo) qui a fait les gros titres de la presse internationale. Les deux hommes ne s’étaient plus revus depuis le 4 février dernier, jour de l’inauguration des Jeux Olympiques d’hiver, où ils avaient signé un accord stratégique insistant sur le partenariat « sans limites » entre leurs deux pays, quelques jours avant que le Kremlin ne lance son « opération militaire spéciale » en Ukraine

Cependant, force est de constater que Moscou et Pékin, alignés contre l’hégémonie américaine, ne sont pas exactement sur la même longueur d’onde sur tous les dossiers. En témoigne le surprenant aveu de Vladimir Poutine qui a affirmé « comprendre les questionnements et les inquiétudes du partenaire chinois » au sujet de la crise ukrainienne, alors que le maître du Kremlin cherche à tout prix à obtenir davantage d’assistance (économique, technologique…) de la part de la Chine.

Cette déclaration démontre que le rapport de force entre les deux partenaires s’est inversé : la Chine n’est plus le « petit frère » qu’elle était sous l’ère soviétique. Elle a désormais l’ascendant dans la relation. La grande question est : Xi Jinping va-t-il se servir de cette influence pour orienter les décisions de son « vieil ami » ? Rien n’est moins sûr…


Politique : Nouvel amendement pour nouveau mandat
Nouvel amendement pour nouveau mandat

Restrictions aux voyages d’ici la fin octobre (test PCR de moins de 48h exigé pour tout déplacement en Chine), filtrage des entrées de la ville de Pékin et lancement d’une campagne de purge sur la toile des rumeurs liées aux « réunions politiques »… Aucun doute, voilà venu le temps du XXème Congrès du Parti qui s’ouvrira le 16 octobre – le 7ème et dernier Plénum du XIXème Congrès débutant quelques jours plus tôt, le 9 octobre.

À ce jour, très peu de détails ont filtré sur les préparatifs de l’événement. Cependant, grâce à un communiqué de Xinhua (dont le directeur a promis de ne pas dévier « une seule minute » des instructions du Secrétaire général Xi Jinping) relatant une nouvelle réunion du Politburo le 9 septembre, le public sait désormais qu’un nouvel amendement à la Constitution du Parti (et non de l’État) sera à l’ordre du jour, sans toutefois préciser lequel. 

Ce n’est pas exactement une surprise : la charte du PCC a été amendée à chaque Congrès depuis sa fondation en 1921. En 2017, lors du XIXème Congrès du Parti, une annonce similaire avait précédé l’inscription dans la constitution de « la pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour la nouvelle ère  » – un tour de force que ses deux prédécesseurs, Hu Jintao et Jiang Zemin, n’avaient pas réussi, leur nom n’apparaissant pas. 

Cinq ans plus tard, il pourrait cette fois s’agir de raccourcir cette dénomination pompeuse (de 16 caractères à 5), de manière à donner davantage de poids symbolique au corpus idéologique de Xi Jinping, le plaçant ainsi un cran au-dessus de la « théorie de Deng Xiaoping » et le rapprochant de la « pensée de Mao », largement ancrée dans la conscience populaire.

Cette élévation pourrait aller de pair avec l’intégration à la constitution du concept des « deux établissements » (两个确立), qui marque la prééminence de Xi Jinping en tant que « noyau » (核心) du Parti et érige « sa pensée » comme ses principes directeurs. Cet amendement serait également l’occasion d’élaborer davantage les théories du leader mises en avant ces cinq dernières années, comme le concept de « prospérité commune » ou encore le principe de « gouvernance par des patriotes » imposé à Hong Kong. 

Autres possibilités : l’octroi à Xi Jinping du surnom de « leader du peuple » (人民领袖) ou de « timonier » (舵手) ou encore la résurrection du statut de Président du Parti, un titre uniquement réservé à Mao, aboli par Deng Xiaoping en 1982.

Quel que soit l’amendement apporté, il viendra renforcer le statut suprême du leader et le caractère intouchable de ses politiques. 

À ce stade, rares sont ceux qui doutent encore que Xi Jinping obtienne un troisième mandat en tant que Secrétaire général du Parti (et donc de Président de la RPC). Pourtant, selon Cai Xia, professeure à l’École Centrale du Parti de 1997 à 2012 et réfugiée aux États-Unis après avoir critiqué le leader, un vent de contestation serait en train de grandir au sein de l’élite chez ceux qui regrettent l’abandon du principe de collégialité établi par Deng Xiaoping, puis respecté (voire renforcé) par Jiang et Hu.

Dans un commentaire publié le 9 setembre par Foreign Affairs, elle juge néanmoins ce mécontentement interne insuffisant pour contrecarrer son couronnement, chacun se retrouvant pris au piège de sa propre corruption. 

Une fois que Xi Jinping aura décroché son 3ème mandat, l’intellectuelle en exil s’attend donc à ce qu’il poursuive ses politiques économiques étatiques, renforce le contrôle social, isole encore plus la Chine du reste du monde, et continue à éliminer tout rival potentiel. 

Enhardi par sa réélection et en même temps convaincu d’être perpétuellement menacé en interne, le leader pourrait très bien prendre des décisions encore plus radicales, comme accélérer la militarisation des zones disputées avec ses voisins, voire attaquer Taïwan Ainsi, le pays se retrouverait piégé dans un cercle vicieux dans lequel Xi réagit plus ou moins brutalement aux menaces perçues dans le seul but de se maintenir au pouvoir.

Outre une fine analyse des enjeux liés à la réélection de Xi Jinping ainsi qu’une précieuse description du processus de décision au plus haut niveau, ce commentaire de Cai Xia regorge d’anecdotes personnelles sur le leader. 

Elle y décrit l’ascension au pouvoir du dirigeant non pas grâce à son talent, mais grâce à l’aura de son défunt père Xi Zhongxun, l’un des compagnons de Mao ; le plaidoyer de sa mère auprès de Jia Qinglin, alors secrétaire du Parti au Fujian, pour qu’il soutienne l’avancement de son fils (ce qui explique que Jia, notoirement corrompu, ait été épargné par l’impitoyable campagne de Xi) ; la forte susceptibilité du Président et son manque de tolérance vis-à-vis des opinions des autres, causés selon elle par un profond complexe d’infériorité lié à son manque d’éducation, notamment perceptible à son emploi d’expressions truculentes faute de références plus littéraires ; les récriminations du vice-président Wang Qishan, pourtant initialement proche du leader, face au comportement d’empereur moderne de Xi avec les autres membres du Comité Permanent ; ou encore sa dangereuse tendance au micro-management, insistant personnellement à ce que Shanghai et d’autres villes soient placées en confinement strict… Un récit rare et instructif sous bien des aspects.


Technologies & Internet : Pékin purge son secteur des semi-conducteurs
Pékin purge son secteur des semi-conducteurs

Nous sommes en avril 2018 à Wuhan. Le Président Xi Jinping est en visite chez Yangtze Memory Technologies Corp (YMTC), l’un des plus gros producteurs de semi-conducteurs du pays. Vêtu d’une blouse blanche, le leader déclare alors que ces petits circuits intégrés sont aussi importants pour la production industrielle que le cœur pour les êtres humains.

Depuis lors, le dirigeant ne cesse d’appeler les entreprises et les ingénieurs du pays à redoubler d’efforts pour réaliser des percées technologiques dans ce secteur-clé afin de mettre un terme à la dépendance de la Chine vis-à-vis des puces étrangères.

Encore fin août, Xi Jinping rappelait à quel point ces avancées sont indispensables à la « réjuvénation » de la nation, alors que Washington cherche à restreindre par tous les moyens l’accès de la Chine à ces technologies *.

Bien conscient que ces semi-conducteurs représentent son talon d’Achille, Pékin a investi sans compter dans le développement de sa propre filière. Cependant, une série de mises sous enquête de « pointures » du secteur pour corruption depuis juillet suggère que les résultats des investissements massifs de l’État n’ont pas été à la hauteur des attentes du leadership.

Parmi les dirigeants mis en cause, Zhao Weiguo, l’ex-président du conglomérat surendetté Tsinghua Unigroup, Ding Wenwu, ancien directeur du « Big Fund », principal fonds d’investissement chinois ayant levé plus de 50 milliards de $ depuis 2014 auprès d’entreprises publiques comme China Tobacco et China Mobile pour développer le secteur, ainsi qu’une demi-douzaine de ses collègues. Même le ministre de l’Industrie et des Technologies de l’information, Xiao Yaqing, dont le « Big Fund » dépend, a été placé sous enquête – une première depuis des années pour un ministre en poste **.

Derrière cette purge, se trouve une contradiction fondamentale entre l’ambition de Xi Jinping de faire de la Chine un pays autosuffisant dans ce domaine grâce aux directives et financements de l’État, et la nature extrêmement complexe et mondialement interconnectée de l’industrie des semi-conducteurs, avec leur conception aux États-Unis, la mise au point d’équipements aux Pays-Bas, la production à Taïwan et en Corée du Sud, et enfin l’assemblage en Chine. Cette division internationale du travail est d’ailleurs davantage le résultat d’une dynamique de marché que de l’intervention des gouvernements de ces pays respectifs.

Selon les experts, il est donc quasi impossible pour un seul pays – que ce soit la Chine ou les USA – de maîtriser de A à Z toutes les technologies de la chaîne de production. Pourtant, Xi Jinping semble persuadé qu’en mobilisant toutes les « ressources nationales », à la manière du « Grand bond en avant » de Mao, son pays devrait être en mesure d’atteindre cet objectif.

Certes, le pays a connu des développements encourageants sous l’angle de l’augmentation de la production ces dernières années, notamment grâce aux efforts du « Big Fund ». Mais malgré les fonds versés, plusieurs projets de grande ampleur ont fini par capoter, tandis que le conglomérat Tsinghua Unigroup, qui se voyait déjà devenir l’un des cinq leaders mondiaux d’ici à 10 ans, s’est retrouvé avec une ardoise de 200 milliards de yuans qu’a dû éponger l’Etat en 2021, sans compter sur les dizaines de milliers de faillites de petites entreprises qui, attirées par les généreuses subventions de l’État, se sont lancées dans l’aventure sans la moindre expérience… En attendant, les investissements réalisés par le « Big Fund » n’ont pas réussi à réduire de manière significative la dépendance de la Chine vis-à-vis des semi-conducteurs importés.

Un constat qui a suscité l’ire de Pékin et poussé les inspecteurs à mettre le nez dans les affaires du fonds d’investissement. Le problème est que ce dernier s’est contenté de financer les entreprises déjà bien établies et les plus rentables, souvent déjà cotées en bourse telles SMIC et YMTC, délaissant les projets les plus risqués, qui n’intéressent pas les investisseurs privés, mais qui auraient pu faire à terme la différence. La cause ? Trop de cupidité, et pas assez de patriotisme au goût du leadership.

C’est la raison pour laquelle Pékin souhaite faire d’eux un exemple pour le reste de l’industrie : quiconque s’enrichit illégalement sur le dos des investissements publics sans que les résultats soient à la hauteur, sera sanctionné.  

Cependant, Pékin ne compte pas lancer une interminable campagne de répression qui pourrait déstabiliser l’ensemble de la filière et nuire au moral des entrepreneurs. Les fonds continueront de pleuvoir sur le secteur, mais le gouvernement compte cette fois s’assurer qu’ils seront utilisés à meilleur escient.

* Il est intéressant de noter que là où la Chine fait cavalier seul dans cette quête vers l’autosuffisance, les États-Unis prennent le chemin opposé en tentant de mettre sur pied une alliance avec les autres poids lourds du secteur des semi-conducteurs (Japon, Corée du Sud et Taïwan) et en incitant les leaders mondiaux à installer leurs usines sur sol américain (cf. récente signature du CHIPS Act).

** Le ministre Xiao Yaqing a déjà été remplacé par Jin Zhuanglong, « commandant en chef » du projet du C919, le premier moyen-courrier chinois qui pourrait être certifié dès la date symbolique du 19 septembre (« 9.19 »).


Portrait : Le cas « Li Qiang », patron de Shanghai
Le cas « Li Qiang », patron de Shanghai

Cet article est le 3ème d’une série consacrée aux leaders de demain qui sera publiée à chaque numéro du Vent de la Chine d’ici l’ouverture du XXème Congrès le 16 octobre prochain. À l’occasion de cet événement politique hors du commun, nous publierons une étude offrant une analyse des rapports de force en présence et les portraits des 25 dirigeants les plus influents du pays pour les cinq prochaines années. Un éclairage indispensable pour mieux comprendre les arcanes du pouvoir chinois et les orientations politiques qui en découlent – à paraître fin 2022 (600 euros). Pré-commandez-la dès maintenant en nous contactant ! Pour retrouver un aperçu de notre précédente étude réalisée lors XIXème Congrès en 2017, cliquez ici. 

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Le cas « Li Qiang » est l’un des nombreux mystères qui planent sur le XXème Congrès. En tant que secrétaire du Parti de Shanghai, sa promotion au Comité Permanent était quasi assurée, tous ses prédécesseurs sauf un (tombé pour corruption) ayant intégré le pinacle du pouvoir ces 25 dernières années. C’était sans compter sur la débâcle du confinement de Shanghai au printemps dernier : va-t-elle lui coûter sa place ?

Né en 1959 à Rui’an, petite cité industrielle du Zhejiang (1,2 million d’habitants), Li Qiang (李强), est un cadre discret, voire effacé. Avide de connaissances, il retourna six fois aux études (mécanisation agricole, sociologie, management de l’ingénierie, économie internationale…) durant sa carrière, ce qui lui a permis de sortir du lot.

En 2001, Li Qiang monte à Pékin pour suivre une formation réservée aux cadres talentueux à l’école Centrale du Parti. L’année suivante, il est de retour au Zhejiang, comme Secrétaire de Wenzhou. Puis, de 2003 à 2007, il devient le chef de cabinet du n°1 de la province, qui n’est autre que… Xi Jinping.

C’est ainsi que Li devient membre de la « nouvelle armée du Zhijiang », l’équipe des anciens collaborateurs dévoués au futur chef de l’État, rencontrés dans cette province. Comme un long fleuve tranquille, il passe alors vice-secrétaire du Zhejiang en 2011, puis gouverneur en 2013. En 2016, à la faveur de la campagne anti-corruption dans la province voisine, le Jiangsu, Li Qiang obtient le poste tant convoité de Secrétaire provincial, à 57 ans. 

Seize mois plus tard, lors du XIXème Congrès de 2017, Li poursuit son irrésistible ascension : il intègre le Bureau Politique et prend la tête de Shanghai, relayant Han Zheng, monté au Comité Permanent. C’est une petite révolution : c’est la première fois en plus de 20 ans que Shanghai n’est plus aux mains du « gang » de l’ancien président Jiang Zemin.

Li Qiang aura pour mission de faire décoller la zone de libre-échange de Pudong qui végète depuis sa création en 2013 et d’accélérer l’intégration de la région du delta du Yangtze entre Zhejiang, Jiangsu et Shanghai – provinces où il a ses contacts.

En tant qu’« espoir de la 6ème génération » , tout comme Hu Chunhua (59 ans), Chen Min’er (61 ans) et Ding Xuexiang (60 ans), Li Qiang avait toutes ses chances de monter au Comité Permanent lors du XXème Congrès de 2022, probablement en tant que vice-premier ministre exécutif, en remplacement de son prédécesseur, Han Zheng.

Mais ça, c’était avant le fiasco du confinement de Shanghai au printemps dernier, où Li Qiang se retrouva incapable de mettre en œuvre les consignes de son patron-protecteur Xi Jinping face à une opposition des cadres locaux. Plusieurs habitants mécontents de la situation réclamèrent d’ailleurs ouvertement sa démission sur les réseaux sociaux.

Cet épisode le privera-t-il d’une place au Saint des Saints ? Les analystes sont partagés. Certes, d’importantes flambées épidémiques ont déjà déraillé la carrière de bon nombre de (petits) cadres. Mais aucun d’entre eux n’avait la stature d’un secrétaire du Parti de Shanghai ni n’entretenait une vieille relation avec le secrétaire général du Parti.

D’ailleurs, depuis la crise sanitaire dans la « Perle de l’Orient », aucun signal ne laisse entrevoir que Li Qiang sera mis au placard ou rétrogradé. Lors du Congrès municipal en juin dernier, Li Qiang, fraîchement réélu, a déclaré « victoire » contre le virus tout en chantant les louanges de Xi. Si la lutte épidémique à Shanghai a été un tel « succès », alors pourquoi Li Qiang serait-il sanctionné ?

Autre aspect non négligeable : Xi Jinping a besoin de s’entourer au Comité permanent d’un maximum de fidèles. Or, « abandonner » Li Qiang reviendrait à envoyer un signal inquiétant à tous ses alliés quant à sa capacité à les protéger, ce qui pourrait pousser certains à rompre les rangs…  

Malgré les critiques visant la désastreuse gestion de crise de Li Qiang, notamment formulées par Han Zheng, l’ancien patron de Shanghai, le scénario le plus probable est que Xi fasse des compromis avec d’autres factions politiques de manière à assurer l’entrée de Li Qiang au Comité permanent. Ainsi, le sort de Li Qiang mais aussi son affectation seront l’un des baromètres les plus fiables de l’influence de Xi au sein du Parti.


Vocabulaire de la semaine : « OMS, épidémie, prendre fin, Poutine, relation, limites, acteur, prostitution, fans, marques »
« OMS, épidémie, prendre fin, Poutine, relation, limites, acteur, prostitution, fans, marques »
  1. Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : 世界卫生组织 ; shìjiè wèishēng zǔzhī
  2. Directeur-général : 总干事 ; zǒng gànshi
  3. Epidémie : 疫情 ; yìqíng
  4. Prendre fin, se terminer : 结束 ; jiéshù (HSK 3)
  5. Imminent, à portée de main, sous les yeux de (expression) : 近在眼前 ; jìn zài yǎn qián
  6. Causer, conduire, mener à : 引起 ; yǐnqǐ (HSK 4)
  7. Chine continentale : 大陆 ; dàlù
  8. Population : 民间 ; mínjiān (HSK 6)
  9. Fortement, grandement : 高度 ; gāodù
  10. Susciter l’attention, l’intérêt, suivre (réseaux sociaux) : 关注 ; guānzhù
  11. Internautes : 网友 ; wǎngyǒu
  12. Nouvelle (actualité, information) : 新闻 ; xīnwén (HSK 3)
  13. Censurer : 审查 ; shěnchá (HSK 6)

世界卫生组织总干事又说出疫情结束近在眼前”,这引起仍在严控清零的大陆民间高度关注。有网友说,这个新闻正被中共审查

Shìjiè wèishēng zǔzhī zǒng gànshi yòu shuō chū yìqíng jiéshù “jìn zài yǎnqián”, zhè yǐnqǐ réng zài yán kòng qīng líng de dàlù mínjiān de gāodù guānzhù. Yǒu wǎngyǒu shuō, zhège xīnwén zhèng bèi zhōnggòng shěnchá ”.

« Le directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé a déclaré que la fin de l’épidémie était « imminente ». Cela a suscité un fort d’intérêt en Chine continentale, où la population vit encore sous une politique de contrôle sanitaire stricte. Certains internautes ont déclaré que la nouvelle était censurée par le Parti ».

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  1. Poutine (Vladimir) : 普京 ; pǔjīng
  2. Rarement : 罕见 ; hǎnjiàn (HSK 6)
  3. Reconnaître, admettre : 承认 ; chéngrèn (HSK 5)
  4. Russie : 俄罗斯 ; èluósī
  5. Ukraine : 乌克兰 ; wūkèlán
  6. Opération militaire : 军事行动 ; jūnshì xíngdòng
  7. Questionnements, interrogations, doutes : 疑问 ; yíwèn (HSK 5)
  8. Inquiétudes : 担忧 ; dānyōu
  9. International : 国际 ; guójì (HSK 4)
  10. Médias : 媒体 ; méitǐ (HSK 5)
  11. Politique : 政治 ; zhèngzhì (HSK 5)
  1. Analyste : 分析家 ; fēnxī jiā
  2. Estimer, croire, considérer : 认为 ; rènwéi (HSK 3)
  3. Guerre, conflit : 战争 ; zhànzhēng (HSK 5)
  4. Révéler, exposer : 暴露 ; bàolù (HSK 6)
  5. Sino-russe : 中俄 ; zhōng é
  6. Relation, lien : 关系 ; guānxì (HSK 3)
  7. Limites : 局限 ; júxiàn (HSK 6)

普京罕见承认中国对俄罗斯乌克兰军事行动存有“疑问担忧”。国际媒体和政治分析家认为,乌克兰战争暴露中俄关系局限性

Pǔjīng hǎnjiàn chéngrèn zhōngguó duì èluósī zài wūkèlán de jūnshì xíngdòng cún yǒu “yíwèn hé dānyōu”. Guójì méitǐ hé zhèngzhì fēnxī jiā rènwéi, wūkèlán zhànzhēng bàolù le zhōng é guānxì de júxiàn xìng.

 « En un rare aveu, Poutine a reconnu que la Chine avait « des questionnements et des inquiétudes » concernant les opérations militaires de la Russie en Ukraine. Les médias internationaux et les analystes politiques estiment que la guerre en Ukraine a révélé les limites de la relation sino-russe ».

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  1. Film : 电影 ; diànyǐng (HSK 1)
  2. Jouer le rôle : 扮演 ; bànyǎn (HSK 6)
  3. Mao Zedong : 毛泽东 ; Máo Zédōng
  4. Star de cinéma : 影星 ; yǐngxīng (HSK 4)
  5. Récemment : 最近 ; zuìjìn (HSK 3)
  6. En raison de, parce que : 因为 ; yīnwèi (HSK 2)
  7. Être suspecté de : 涉嫌 ; shèxián
  8. Solliciter les services de prostituées : 嫖娼 ; piáochāng
  9. Police : 警方 ; jǐngfāng
  10. Placer en détention : 拘留 ; jūliú (HSK 6)
  11. Actuellement, en ce moment : 目前 ; mùqián (HSK 5)
  12. Populaire : 当红 ; dàng hóng
  13. Nombreux : 众多 ; zhòngduō
  14. Fans : 粉丝 ; fěnsī
  15. Marques : 品牌 ; pǐnpái
  16. Représentant, ambassadeur, porte-parole : 代言人; dàiyánrén
  17. Publier : 发表 ; fābiǎo (HSK 5)
  18. Déclaration : 声明 ; shēngmíng (HSK 6)
  19. Couper, rompre : 切断 ; qiēduàn

在2021年一部电影扮演毛泽东的中国影星李易峰最近因为涉嫌嫖娼遭到北京警方拘留。作为中国目前当红影星,李易峰不仅拥有众多粉丝,而且还是全球很多品牌代言人。许多品牌便在第一时间发表声明,与他切断一切关系

Zài 2021 nián yī bù diànyǐng zhōng bànyǎn guò máozédōng de zhōngguó yǐngxīng lǐyìfēng zuìjìn yīnwèi shèxián piáochāng zāo dào běijīng jǐngfāng de jūliú. Zuòwéi zhōngguó mùqián dí dàng hóng yǐngxīng, lǐyìfēng bùjǐn yǒngyǒu zhòngduō de fěnsī, érqiě háishì quánqiú hěnduō pǐnpái de dàiyánrén. Xǔduō pǐnpái biàn zài dì yī shíjiān fābiǎo shēngmíng, yǔ tā qiēduàn yīqiè guānxì.

« La star de cinéma Li Yifeng, qui a joué Mao Zedong dans un film en 2021, a récemment été arrêté par la police de Pékin, suspecté d’avoir sollicité les services de prostituées. En tant que star de cinéma populaire actuellement en Chine, Li Yifeng a non seulement de nombreux fans, mais est également le représentant de nombreuses marques à travers le monde, qui ont immédiatement publié une déclaration pour rompre tout lien avec lui ».


Podcast : 36ème épisode des Chroniques d’Eric : « Docteur Xi and Mister Jinping »
36ème épisode des Chroniques d’Eric : « Docteur Xi and Mister Jinping »

Venez écouter le 36ème épisode des « Chroniques d’Éric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine.

Cet épisode, le 36ème de la série, fait le point sur deux années de ce podcast, et sur le rapport entre l’auteur et ses fidèles auditeurs. 

On y entendra aussi une analyse revisitée d’un proverbe chinois bien connu. 

À un mois du XXème Congrès enfin, il est temps de se pencher sur la personnalité profonde du Premier secrétaire du Parti, candidat à sa reconduction, personnage si secret et allusif.  L’ on découvrira ici que de personnalité, Xi Jinping en fait en possède plus d’une, et tel ce héros doué d’un don d’ubiquité, peut passer de l’une à l’autre sans laisser à ses observateurs la chance de s’arrêter sur une. 

Suivez dès à présent les « Chroniques d’Eric » via le flux RSS ou sur Apple Podcast !
 


Petit Peuple : Zhengzhou (Henan) – Misères et grandeurs de l’ère digitale
Zhengzhou (Henan) – Misères et grandeurs de l’ère digitale

Les « mesures de prévention et de contrôle de l’épidémie » (疫情防控, yì qíng fáng kòng), expression brandie dans tous les discours sur la politique « zéro Covid », en plus de protéger les Chinois dun dangereux virus, contribuent aussi à d’heureux dénouements comme celui qui sest produit en avril dernier dans la ville-préfecture de Zhengzhou, capitale de la province du Henan. 

Le 26 avril 2022, Zhang Shan, son casque orange sur la tête, a quitté tôt le chantier sur lequel il travaille pour faire le pied de grue devant une porte close, celle du logement de son fils, Zhang Yang. Cette adresse, il l’a obtenue après de longs pourparlers avec la police locale, muni de son hukou (户口 – passeport intérieur chinois) et de sa carte d’identité. Habituellement peu enclins à aider un migrant, ces derniers se sont émus de la volonté de ce père sans nouvelles de son fils depuis huit ans, et peut-être réunis grâce à un test PCR. 

Zhang Yang a les tempes blanchies, les mains calleuses et les ongles noirs. Son visage, vieilli avant l’âge, porte les stigmates d’une vie de labeur, celles d’un travailleur migrant (民工, míngōng) employé dès ses quinze ans dans des fermes aux alentours de sa ville natale de Luohe, puis sur des sites de construction dans des grosses métropoles.

Cantonné aux emplois 3D (Dangereux, Difficiles et Déplaisants), rentré chez lui une à deux fois par an, il a appris très tôt la valeur du travail. Tout cela, il l’a enduré pour faire vivre sa femme, et permettre à son fils unique de continuer ses études, d’avoir accès à des emplois mieux rémunérés que le sien, de bien se marier. Alors, quand l’addiction du fils aux jeux vidéo en ligne ne fait plus aucun doute, quand il abandonne l’école et dépense son salaire dans des cafés internet, la colère monte et les disputes se multiplient. 

Il y a huit ans, après une altercation plus violente que les autres, son fils est parti sans plus donner signe de vie. Après avoir rapporté sa disparition à la police et sans nouvelles de leur unique fils, les parents l’ont cherché partout, sans relâche, maudissant ces nouvelles technologies responsables du malheur de leur foyer.

Zhang Shan et sa femme pensent à Zhengzhou comme abri possible pour leur fils. Il y a déjà travaillé, il connaît la ville. Alors pendant huit ans, Zhang Shan se fait embaucher sur des chantiers de construction à Zhengzhou et passe son temps libre à écumer les cybercafés dans l’espoir de tomber sur son fils et oublier d’un coup tous ces réveillons du Nouvel An, cloîtrés chez eux, sa femme et lui, à éviter les visites de la famille et des amis (拜访亲戚, bàifǎng qīnqi) pour ne pas avoir à raconter leurs démarches infructueuses…

Combien de fois le film de la dernière querelle est passé et repassé devant leurs yeux : « Vous n’avez pas à vous soucier de mes affaires et si vous en avez marre de moi, je pars demain ! » avait lancé Zhang Yang à ses parents. « Si tu veux partir, fais-le et ne reviens jamais ! » lui avait répondu son père, furieux. « Une parole qui s’échappe ne peut être rattrapée » (一言既出,驷马难追, yì yán jì chū, sì mǎ nán zhuī), dit le proverbe. Le couple a eu huit longues années pour le méditer. 

Satisfait de voir le gouvernement prendre enfin à bras le corps le problème de l’addiction des jeunes aux jeux vidéo, « opium spirituel » selon les médias d’État, Zhang Shan décide début 2022, une fois passées les festivités du Nouvel An, de retourner encore une fois à Zhengzhou, cette fois-ci comme maçon sur un site de construction.

Lors du premier test nucléique de masse organisé dans la ville, un ami lui montre comment avoir accès aux résultats des autres membres de sa famille sur son téléphone via l’application Alipay. Ô miracle des nouvelles technologies ! Ceux de son fils y apparaissent … à Zhengzhou. Après l’immense soulagement de savoir Zhang Yang en vie, il retrouve son adresse avec l’aide des autorités.

Enfin, voici Zhang Shan devant ledit logement. Le fils rentre du travail et le reconnaît. Embrassades, larmes, le fils a grossi, le père a blanchi. Aux “pourquoi” de son père, Zhang Yang baisse la tête. Il n’a pas osé rentrer chez lui… À 33 ans, sans femme ni enfants, de quoi seraient fiers ses parents ? Mais pour son père, plus rien ne compte que le bonheur de retrouver son fils, de le savoir désormais travailleur et sorti de son addiction. 

Dur état que celui de père, ni métier ni vocation. Plutôt partisan d’une éducation traditionnelle, Zhang Shan exhorte aujourd’hui à plus de souplesse. Si le monde digital n’est pas entièrement à jeter puisqu’il lui a permis de retrouver son fils, la communication entre générations, elle aussi, demande de l’adresse et de la nuance, au risque de courir longtemps après les paroles échappées et les fils rebelles…

Par Marie-Astrid Prache


Rendez-vous : Semaines du 19 septembre au 16 octobre
Semaines du 19 septembre au 16 octobre

20-22 septembre, Shanghai : PHARMCHINA, Salon international de l’industrie pharmaceutique

22-24 septembre, Shenzhen : CHINA INTERNATIONAL INTERNET & E-COMMERCE EXPO (CIE), Salon et forum internationaux de l’e-commerce et de la logistique

26-28 septembre, Canton : CHINA (GUANGZHOU) INTERNATIONAL ROBOTICS EXHIBITION, Salon international de la robotique en Chine

1-4 octobre. Wenzhou : AUTOWENZHOU, Salon international de l’automobile

5-7 octobre, Shanghai : SEMICON, Salon international de l’équipement et des matériaux pour les semi-conducteurs. ANNULE, reprogrammé du 22 au 24 mars 2023

9-11 octobre, Shanghai : AQUATECH, Salon professionnel international des procédés pour l’eau potable et le traitement des eaux usées. ANNULE, reprogrammé du 5 au 7 juin 2023

9-11 octobre, Chengdu : CTEF, Salon chinois international des équipements et procédés chimiques

10-12 octobre, Shanghai : CIAIE – China International Automotive Interiors and Exteriors Exhibition, Salon international des designs et technologies automobiles de l’intérieur et de l’extérieur 

11-13 octobre, Canton : REMATEC ASIA, Salon professionnel de la reconception de pièces d’automobiles et de camions pour l’Asie

12-14 octobre, Shenzhen : NEPCON SOUTH CHINA, Salon international des matériaux et équipements pour semi-conducteurs

13-16 octobre, Qingdao : QINGDAO INTERNATIONAL METAL WORKING EQUIPMENT EXPO, Salon international pour l’industrie du métal

15-16 octobre, Shanghai : FIBO CHINA, Salon international du fitness, du bien-être et de la santé en Chine et en Asie

16 octobre, Pékin : Ouverture du XXème Congrès du Parti Communiste Chinois