Le Vent de la Chine Numéro 31 (2018)

du 16 au 24 septembre 2018

Editorial : L’hiver en automne

Chaque automne, le gouvernement chinois anticipe les pics de pollution liés au chauffage de l’hiver. L’an passé, l’Etat voulut forcer des milliers de villages de Chine du Nord à abandonner le charbon au profit du gaz. Sauf que tous les raccordements au gaz n’étaient pas prêts à temps… Autre expression de cette guerre à outrance contre la pollution de l’air : le ministère de l’Environnement ferme depuis des années une à une des myriades de petites usines polluantes et inefficaces (chimie, ciment, papier…).

Or voici que depuis août, le gouvernement passe à la vitesse supérieure. Au Hebei et au Jiangsu, grandes provinces sidérurgiques, ce sont les aciéries géantes qui doivent fermer, quitte à aller se réinstaller plus loin, mais pas n’importe comment : fusionnées, plus propres, et de taille plus petite. À Tangshan (Hebei) (ville qui à elle seule produisait plus d’acier que les USA en 2017), Xinhua Metallurgy avale cinq rivaux, dont Guofeng, et part à Fengnan, un des 4 parcs industriels du Golfe de Bohai—les trois autres étant Caofeidian (site des aciéries pékinoises de Shougang depuis 2008), Canzhou et Jingtang. Dès octobre, à Fengnan, Xinhua Metal produira 7,9 millions de tonnes par an (en phase 1), soit 2 millions de moins que l’actuelle production des six groupes d’origine, mais le groupe compensera par un prix de vente plus élevé, s’agissant d’aciers spéciaux. D’ici 2020, le Hebei devra réduire de 20% sa coulée d’acier  à 200 millions de tonnes par an – sa part dans la production nationale aura baissé de 30% à 20%. Alors, les 10 plus gros acteurs devront représenter 60% de la production nationale contre 30% à présent. Plusieurs consortia de Tangshan sont actuellement en train de chercher fiévreusement leurs nouveaux sites, plus au Sud, entre Anhui et Guangxi. Mais clairement, les provinces prospères, telle le Guangdong, refusent d’avance.

Ces transferts et fusions des entreprises sont supposés se faire sur fonds propres—au risque de se retrouver surendettées—le secteur l’est déjà autour de 67%. Pour alléger la tâche, Pékin leur offre le droits de négociation directe avec les minéraliers extérieurs, et de fixation autonome  de leurs plafonds de pollution, adaptés à leurs nouvelles conditions locales. Quant à Tangshan qui se retrouve dépolluée mais exsangue, elle reçoit cette année 15 milliards de $ en soutien à la création d’activités. Tous ces efforts au Hebei s’avèrent payants : en août, pour la première fois, la province respectait la norme nationale d’émission de particules fines (fixée à 35 PM, 2,5µ), avec une moyenne de 31 PM / m3. De janvier à août, sa moyenne était de 54 PM,  18% de moins que 12 mois avant.

D’autre part, d’un point de vue idéologique, le régime traite la religion comme une forme de pollution « spirituelle », qu’il ne veut désormais plus tolérer que sous un avatar « sinisé », mettant au même niveau les mots d’ordres du Parti que ses dogmes. A travers le pays donc, une certaine campagne d’intimidation reprend.

Le 10 septembre à Pékin, l’église de Sion, une des plus importantes paroisses protestantes est interdite pour avoir refusé dans son sanctuaire le branchement de cameras de surveillance. Au Henan en un mois, ont été fermées et détruites une centaine d’églises, des douzaines d’autres étant harcelées – celles ayant déjà reçu leur agrément, ne sont pas épargnées. Les pasteurs sont invités à prouver leurs connaissances en « valeurs fondamentales socialistes ». Des directives apparaissent ce mois-ci, interdisant à toute paroisse de prêcher sur internet ou simplement de diffuser leurs prêches hors des sanctuaires. Cela dit, les communautés se défendent : à Zhengzhou (Henan, 9 septembre), des centaines de paroissiens de l’église protestante Dali empêchaient la fermeture de leur lieu de culte par la police. L’épreuve de force est engagée -n’ayant rien à perdre, les fidèles semblent prêts à tout.


Politique : Stratégies de survie

La surprise de la rentrée est venue de l’annonce de Jack Ma 马云, fondateur d’Alibaba, le 1er groupe commercial de Chine. Pour ses 54 ans (10 septembre), il se donnait un an pour laisser les rênes à son n°2 Daniel Zhang, l’inventeur de la « fête des célibataires » du 11/11 et du « commerce phygital » (physique et digital). A cette décision inattendue pour un homme dans la force de l’âge, Ma donne quatre raisons : 

1° Il préfère mourir « à la plage, plutôt qu’au bureau » ;

2° Pesant 420 milliards de $, Alibaba doit changer de structure et passer d’une organisation pyramidale à une multipolaire, plus adaptée aux temps présents ;

3° Jack Ma veut faire dans la philanthropie – une de ses passions, inspirée par sa jeunesse pauvre et le modèle de Bill Gates. Variante, il veut retourner à l’enseignement, son métier d’origine ;

4° Sans enfant, Jack Ma ne peut attendre ses 90 ans pour léguer son empire, comme l’a fait le hongkongais Li Ka-shing.

Cependant, le doute plane chez les observateurs. Ces raisons avancées pourraient masquer que depuis un an, 5 à 6 magnats ont été inquiétés, tandis que l’Etat augmente le contrôle des organes directionnels des consortia privés. Or à ces incertitudes intérieures viennent s’ajouter celles internationales, le bras de fer commercial avec D. Trump… Bilan, la pression actuelle peut avoir encouragé Jack Ma à accélérer son passage de flambeau.

Depuis juin, en tout cas, on assiste à un resserrement du carcan règlementaire du privé : toute firme cotée en Bourse doit ouvrir une cellule du Parti et inscrire dans sa charte, des normes sur le « travail d’édification du Parti ». Le 31 août, le Bureau de l’ANP votait la loi du e-commerce, introduisant au 1er janvier 2019 la taxation des plateformes et de leurs vendeurs, ainsi qu’un mécanisme de licence. Certes, c’était nécessaire pour mettre à égalité le commerce digital avec son rival conventionnel. Mais le nouveau harnais offre aussi loisir à l’Etat de ponctionner les profits du privé : les millions d’emplois de la vente en ligne sont en jeu, tels ceux des « villages Taobao », opportunité pour le monde rural. Mais une fois taxés selon le taux unifié, il est à craindre que tous ne survivent pas.

  De même en 2019, la redevance patronale aux assurances sociales sera prélevée par le Bureau des taxes, et non plus la Sécurité sociale : le résultat attendu sera l’alourdissement du coût du travail, surtout pour les PME.

Or pour Zhang Lin, du Unirule Institute of Economics (think-tank privé, Pékin), ces mesures permettront à l’Etat de poursuivre les dépenses d’infrastructures et le désendettement des conglomérats publics. Il s’agirait d’une de ses armes dans le conflit commercial avec les USA. Le régime espérerait gagner ce bras de fer par la capacité des citoyens (vantée en boucle dans les médias) d’« accepter la souffrance dans leur vie privée, partager l’épreuve avec l’Etat », littéralement « manger l’amertume » (chīkǔ, 吃苦).

L’analyse frappe plus encore, en décrivant un second objectif, nettement plus idéologique : tirer prétexte de la guerre commerciale avec les Etats-Unis pour briser la classe moyenne des 100 à 300 millions de Chinois aisés. Souvent fascinée par l’American way of life, cette couche sociale serait considérée en haut lieu comme une menace (tôt ou tard) à la pérennité du modèle de gouvernance du pays, et de son économie dirigée. L’offensive de Trump serait donc perçue comme une occasion inespérée pour le Parti de reprendre en main cette génération enrichie, en lui « coupant les vivres », et en « nettoyant » sa « pensée libérale » par une censure renforcée, davantage de « contrôles sur l’information, les fortunes et toute activité économique ». Coïncidence : le South China Morning Post, quotidien hongkongais qui a publié l’analyse de Zhang Lin, est propriété d’Alibaba. Sous cette perspective, cette opinion pourrait peut-être partagée par celle du patron démissionnaire.

En face, Pékin conserve un optimisme à toute épreuve. Zhou Xiaochuan, l’ex-gouverneur de la Banque Centrale spécule que la Chine, « bien armée », ne perdrait en ce conflit qu’ «un demi-point de croissance ».

Mais cette prédiction est-elle un fait, ou un vœu pieux ? Le 13 septembre, Trump à la Maison Blanche, déclenche la seconde salve des 200 milliards de produits à taxer à 25% : de façon imminente, 50% de l’export chinois va être taxé, c’est-à-dire perdu. Le groupe bancaire JPMorgan a déjà fait ses propres estimations des contre-mesures de la Chine (un yuan dévalué de 5% et des taxes chinoises de même montant). Il prédit aussi la perte de 700 000 emplois chinois. Trump maintient aussi sa menace de taxes à 25% sur 267 milliards de $ d’export chinois supplémentaires (en l’occurrence, sur 100% des livraisons chinoises) : sous ce cas d’espèce, JPMorgan prédit alors une dévaluation du yuan de 12%, et l‘élimination de 900.000 emplois chinois. Mais surtout, la Chine devrait voir s’envoler 332 milliards de $  de ses réserves en devises—10% du total…

De manière intéressante, l’économiste He Qinglian prédit une autre manière pour l’Etat de résister au bras de fer yankee. Se trouvant face à un nombre de risques systémiques financiers (les mauvaises dettes bancaires, la faillite endémique des provinces, celle des groupes publics…), et dans l’impossibilité de parer à tous en même temps, Pékin se serait décidé à tolérer la « démolition contrôlée » d’une de ses  positions financières les plus fragiles, celle des plateformes de prêt en ligne P2P, considérée comme un moindre mal. En effet, le marché P2P pèse 1300 milliards de ¥, soit 0,5% de sa finance globale (252.000 milliards). D’ampleur limitée, les effets de sa disparition resteraient donc contrôlables par le régime –ils permettraient de relâcher la pression sur la finance chinoise, à une phase critique du conflit commercial sino-US.


Monde de l'entreprise : Luckin, le café à sa porte
Luckin, le café à sa porte

Né « dans la nuit » fin 2017, Luckin Coffee (瑞幸咖啡) connait une ascension fulgurante : depuis janvier, la start-up a déployé 800 magasins et en prépare 2000 d’ici décembre. Son concept : des cafés livrés, évitant au client de devoir descendre au café voisin, faire la queue, commander, payer, et puis retourner au bureau, son gobelet à la main.

Pour commander, il suffit d’être connecté avec son smartphone, d’avoir téléchargé l’application Luckin Coffee, puis de faire son choix entre différents Latte ou Cappucino, et de payer par WeChat ou Alipay. Le livreur (SF Express) arrive sous 20 minutes, le café encore chaud. La qualité est au rendez-vous, avec du café Arabica en provenance d’Ethiopie. Par cette formule, en huit mois, Luckin a livré en Chine 18 millions de cafés à 3,5 millions de clients, jeunes « cols blancs » urbains.

Et pour cause : des offres attrayantes (« 2 cafés achetés, 1 offert » ou « 5 achetés, 5 offerts », idéal pour les collègues de travail). À 21 à 27 ¥ la tasse, les prix réels reviennent à deux fois moins cher que ceux de Starbucks, le leader.

Pour se rendre visible, Luckin choisit ses espaces dans des centres commerciaux ou au coin des tours d’affaires – sites bien placés et peu onéreux puisque petits, ne permettant pas la dégustation sur place. En outre, Qian Zhiya la fondatrice, a su déployer une campagne marketing agressive, prenant pour égéries Chang Chen et Tang Wei, acteurs en vogue dont les visages apparaissent dans les ascenseurs, abribus et sur WeChat. Elle a aussi débauché des anciens de Starbucks, en leur offrant des salaires jusqu’à trois fois plus élevés. Le tout complété par les offres promotionnelles maintenues depuis son lancement.

Cette stratégie est directement inspirée des guerres commerciales des années passées, Uber contre Didi, Ofo contre Mobike, Meituan contre Ele.com—quitte à renoncer à tout profit à ce stade. Qian Zhiya connaît ces méthodes par cœur, ayant cofondé le groupe de VTC, UCAR. Mais tout cela a un prix : Luckin Coffee a démarré avec 156 millions de $ de budget, fourni par les investisseurs.

Le résultat est là : en moins d’un an, la start-up s’est vue propulsée au statut de « licorne » – d’une valorisation dépassant le milliard de $.

Car Luckin ne cache pas son ambition : faire vaciller le colosse Starbucks, 58,6% du marché national qui pesait 4,72 milliards de $ en 2017 selon Euromonitor. En mai, le David chinois attaquait en justice le Goliath américain, l’accusant de chercher à préserver sa position de leader en tentant d’imposer à ses partenaires et fournisseurs des clauses d’exclusivité, dans le but implicite de chasser Luckin du marché.

Débarqué en Chine en 1999, Starbucks y règne –encore – en maître avec 3200 cafés (en direct ou en franchises), chiffre qu’il espère doubler à 6000 d’ici 2022. Présent dans 139 villes, il emploie 40.000 employés, au service de plus de 6 millions de clients par semaine. Début 2017, il lançait son mini-programme WeChat et son site web propre à la Chine. En décembre 2017, il ouvrait sur Nanjing Lu à Shanghai sa Starbucks Roastery, la plus grande au monde, 9000 m² – musée du café, de la torréfaction à la dégustation, complétés de jeux interactifs. New-York, Milan et Tokyo suivront…

Autre contre-attaque, début août, Starbucks renforçait son partenariat avec Alibaba, s’assurant le concours de sa filiale de livraisons de repas Ele.com (3 millions de livreurs) et de ses supermarchés Hema, autre filiale du groupe de Jack Ma.

Deux acteurs complètent le tableau : McCafé (McDonald’s, 6,1% du marché), et Costa Coffee (britannique, 3,8%). En Chine depuis 2007, ce dernier groupe compte 344 points de vente et en vise 1200 d’ici 2022.

Luckin Coffee n’est pas le premier challenger chinois à tenter de bousculer Starbucks. En 2012, le shanghaien Coffee Box lançait un réseau de cafés à livrer. Mais après 6 ans, il peine à trouver son modèle, ayant d’abord cherché à livrer du Starbucks, puis lancé sa propre gamme de qualité médiocre et dont l’emballage n’a pas fait l’unanimité.

Luckin réussira-t-il là où Coffee Box a échoué, conservera-t-il un niveau de service de qualité tout en maintenant un rythme de croissance soutenu ?

Un axe de développement pourrait venir d’une alliance avec un acteur du e-commerce : par exemple Tencent, le rival d’Alibaba, qui est lié à différents groupes de livraison tel Meituan, ou de distribution tels Carrefour, Yonghui, ou 7Fresh dont les succursales pourraient accueillir des « Luckin coffee corners ».

Car Luckin va devoir vite faire évoluer son modèle, de manière à le rendre lucratif, une fois la clientèle conquise. Selon certains calculs, il perdrait 5 à 10¥ par café vendu. Luckin ambitionne donc de se convertir en chaîne « physique », où 85% des points de ventes permettront la dégustation sur place.

Un dernier atout pourrait jouer en sa faveur : le patriotisme des consommateurs, de plus en plus enclins à la préférence nationale face à un groupe étranger. Qu’un groupe chinois s’impose dans un secteur « si occidental », et parvienne à rendre ses concitoyens accros à la caféine, ce serait un peu … fort de café !

Mise à jour (décembre 2018) : Luckin Coffee serait sur le point de conclure un partenariat avec le spécialiste de la livraison de repas, Meituan (dont Tencent est le principal actionnaire).


Société : La chute de Fan Bingbing

Le 2 septembre, l’Académie Chinoise des Sciences Sociales (CASS) et l’Université Normale de Pékin publiaient le classement de 100 célébrités selon leur « responsabilité sociale ».

Trois critères étaient pris en compte : leur professionnalisme, leurs actions caritatives et leur intégrité. Surprise, l’actrice star Fan Bingbing (范冰冰 , qui fêtera ses 37 ans le 16 septembre) arrive dernière de la liste avec 0%. Autre star du cinéma, Jackie Chan se classe 42ème, lui aussi sous le coup d’un « impact social négatif ». En tête de liste, Xu Zheng avec 78% pour son incarnation d’un contrebandier (histoire authentique) qui passait d’Inde vers la Chine des kits de traitement de trithérapie contre le cancer.

Actrice prolifique, Fan Bingbing avait été dénoncée en mai dernier comme bénéficiant de « contrats yin-yang », par lesquels jusqu’à 90% de ses cachets (extravagants) échappaient à l’impôt. Suite à ce scandale, elle n’a plus été vue en public depuis le 1er juillet et est restée muette sur les réseaux sociaux.

Mais où est donc Fan Bingbing ? Le quotidien Securities Daily murmurait sur son site internet qu’elle se trouvait « sous contrôle » et « accepterait le verdict de la justice de son pays ». Quelques heures après, l’annonce avait été effacée… Selon une autre rumeur, elle aurait été arrêtée le 31 août à Wuxi (Jiangsu), ville de ses studios de tournage—car cette diva la mieux payée du pays, faisait tourner ses films dans ses propres locaux. On est d’ailleurs en droit de penser qu’en visitant un hôpital pour enfants lors de sa dernière apparition, Fan ait tenté –en vain– d’améliorer son image auprès des autorités.

Mine de rien, ce classement prépare et avertit l’opinion sur deux sujets :

– Le premier est que toute fraude fiscale est répréhensible, même lorsqu’on s’appelle Fan Bingbing. S’agissant d’une publication officielle, il est à craindre qu’une telle accusation ne scelle la carrière de l’artiste… Les célébrités les plus adulées du pays se doivent de maintenir un style de vie « impeccable », et de donner l’exemple.

– Le deuxième est l’arrivée imminente du crédit social, cette note de moralité que recevra tout citoyen chinois d’ici 2020. Elle se base sur tous les aspects de la vie : ses dépenses, son civisme, son comportement au travail, en affaires ou en voyage, ses commentaires sur internet… Les données sont recueillies, compilées par l’Etat et aboutiront à une note. Le système fait déjà ses gammes grâce à Alibaba, et son système « Sesame » qui note la fiabilité des citoyens en tant que consommateurs… 2020, c’est demain !


Santé : La fièvre porcine gagne du terrain

Ministères et agences internationales s’inquiètent des progrès du virus de la fièvre africaine dans le cheptel porcin chinois (500 millions de têtes, 50% du cheptel mondial).

Migré d’Europe de l’Est via la Russie, le fléau a été repéré pour la 1ère fois en Chine le 3 août. Depuis, il a infecté 18 fermes ou abattoirs de 6 provinces du Nord-est et de la côte, causant une première série de contrôles et l’abattage de plus de 40.000 têtes dans les périmètres infectés.

Cependant, le 11 septembre, un nouveau foyer était détecté dans une province du centre, l’Anhui. Dès lors, le périmètre de sécurité était drastiquement élargi à 11 provinces adjacentes (dont Shanghai), portant à 18 le nombre des régions sous contrôle, et le transport des bêtes était banni. Mais en dépit de ces mesures drastiques, on redoute l’explosion du fléau dans tout le pays et le reste de l’Asie.

Selon François Roger, épidémiologiste au Centre de Recherche Agricole de Montpellier, le virus peut passer en des millions de fermes, via les tiques (insectes suceurs de sang voyageant d’animal en animal), et les sangliers, frères génétiques des verrats. Il survit dans les carcasses des porcs infectés, et dans leurs déchets donnés à 25% des cochons du pays – infectés à leur tour. Pour le moment, il n’existe ni remède, ni vaccin. Heureusement, le virus ne se transmet pas à l’homme, mais une mutation est toujours à craindre.

Quoique comptant pour 70% de la production, les petits fermiers n’ont pas été sensibilisés à cette menace : « on nous ont dit de ne pas nous inquiéter », est une réponse courante, quoique le virus peut tuer en 2 jours  par fièvre hémorragique.

Le 5 septembre, une réunion d’urgence de cadres nationaux et de virologues de la FAO s’est tenue à Bangkok – ses recommandations se sont traduites à l’évidence dans le plan de lutte du 11 septembre.

Malgré la coopération étroite avec les agences de l’ONU, Pékin cherche à censurer l’information, arrêtant quiconque en parle pour « propagation de rumeurs ». Ren Ruihong, ancien responsable national à la Croix Rouge chinoise, le déplore, redoutant parmi la population civile une dangereuse perte de confiance.

Il est vrai que la Chine a d’autres problèmes plus urgents : l’incertitude plane quant aux conséquences de la guerre commerciale avec les Etats-Unis, et la dernière chose que Pékin souhaite aujourd’hui, est de devoir gérer en sus une pandémie, et la panique qui va avec.


Petit Peuple : Chengdu – Lorsque l’enfant disparaît (1ère partie)

A Chengdu, en ce matin de janvier 1994, Wang et Liu, camelots en primeurs au marché Shanyuan servaient chacun deux clients à la fois, ensachant et pesant tomates, concombres, poivrons ainsi que les célèbres piments et poivres du Sichuan – incontournables dans la cuisine locale. C’étaient leurs propres légumes qu’ils écoulaient, cueillis au petit jour dans leur serre à 15km de là, puis chargés sur leur tricycle à moteur. Entre cartons et paniers, ils déposaient délicatement Qifeng, leur fillette de trois ans, emmitouflée et profondément endormie…

Au marché, faute de temps pour la surveiller, ils la laissaient à elle-même : elle s’inventait des jeux, et quand elle s’ennuyait, elle s’échappait à la découverte du reste du marché. Souvent, sa mère devait la rattraper et la disputer d’une tape sur la main—mais rien n’y faisait, face à cette gamine intrépide.

Il y avait foule ce matin-là – c’était un mois avant le « chunjie » (nouvel an chinois) et les gens commençaient à s’approvisionner en prévision de banquets familiaux à répétition. Les clients se bousculaient, ployant sous leurs cabas. Souvent, les ménagères argumentaient sur la qualité des produits, et écartaient les légumes présentant un défaut—le plus souvent inventé pour mieux exiger un rabais final. Impassible, Wang rangeait l’étal, et malgré l’évidente mauvaise foi de ses clients, refaisait les comptes sur son vieux boulier compteur, glissant et claquant les perles de bois le long des axes de fer. Une fois le coup de feu passé, et qu’ils eurent enfin le temps de respirer, son épouse se mit à hurler « Qifeng, où est Qifeng » ? Leur fille avait disparu !

En un éclair, le père traversa la halle au pas de course, criant et répétant comme un possédé le nom de leur fille. Stupéfaits, les autres vendeurs le suivaient du regard, tout en lui faisant des signes de dénégation désolés. Une fois de retour auprès de son épouse, « l’a-t-on retrouvée ? », fit-il, sans y croire. Mais les pleurs de Liu lui servirent de réponse…

Entretemps, le chef de la sécurité arriva pour leur confirmer la mauvaise nouvelle : Qifeng avait quitté la halle. « Elle risque d’avoir été kidnappée, soupira le fonctionnaire, vendredi dernier, un gamin de 5 ans a disparu du marché voisin, les voleurs l’ont pris sous les yeux des parents »!

Sous le choc, Wang et Liu avait cessé de l’écouter, et entraient dans le tunnel de l’angoisse. Sans leur fillette, leur avenir s’écroulait. Leur vie perdait son sens, « le ciel et la terre étaient à l’envers » (天翻地覆, tiānfān dìfù). 

Mais non ! Tous deux voulaient se battre, refuser le malheur. Il fallait tout faire pour chasser le nuage noir, évacuer le mauvais rêve !

Au commissariat, un officier leur posa l’interminable série de questions réglementaires pour rédiger le constat et entrer la fiche de Qifeng dans le fichier national des enfants disparus. En les raccompagnant, l’homme en uniforme leur fit cette remarque guère encourageante : « hélas, le commerce d’enfants est très lucratif, et pour un gang que nous démantelons, dix resurgissent… Tout ce que je peux vous conseiller est de vous accrocher, faire vos propres recherches – ne jamais lâcher prise ».   

Désespérés, les parents se tournèrent vers les Dieux. Ils allèrent allumer des boisseaux d’encens au temple bouddhiste, puis au taoïste, puis à l’église. Et en fin de journée, ils étaient chez le mage, maître des trigrammes et hexagrammes du Yi Jing. Le devin leur fit tirer une baguette de bambou et proféra son présage : « Depuis 10 ans et pour 2 ans encore, l’univers vit sous l’élément du bois. La disparition de votre fille a été favorisée par sa vulnérabilité au feu, à l’accident hors contrôle ». Le signe astral de Qifeng n’arrangeait rien : elle était chèvre, proie préférée des loups. À ces mots, Liu redoubla de sanglots. « Je ne vois qu’un recours, reprit le devin, implorez l’intercession des Dieux ! » En même temps, d’un ton sans équivoque, il leur désignait une sébile.

La réponse de la mère fut immédiate : tirant d’une poche leur recette de la veille, elle déversa quelques dizaines de yuans dans la coupe – belle aumône pour l’époque. Le maître acquiesça, reprit la parole : « Les Dieux ont vu votre cœur et vont vous aider. Au prochain cycle, au second élément, votre fille vous sera rendue ».

Les parents se regardèrent ébahis. Le disciple, voyant leur détresse, ajouta charitablement son commentaire:  « le prochain cycle de 60 ans débute ce mois qui vient, en février, avec le Chunjie. Son premier élément est celui du feu et n’apporte rien de bon – puisque c’est ce feu qui a brûlé le lien entre vous et votre fille. Il durera 12 ans, jusqu’en 2006. Après, suivra l’élément de la terre : celui-là, celui de la stabilisation, rétablira le lien. En 2018, les astres seront alignés pour permettre le retour de votre fille »…

A ces mots, le père et la mère échangèrent un regard atterré : 24 ans à attendre le retour de l’agnelle égarée—autant dire une éternité !

Mais que valait la prédiction du mage ? Vous connaîtrez le dénouement la semaine prochaine !


Rendez-vous : Semaine du 17 au 23 septembre 2018
Semaine du 17 au 23 septembre 2018

17-19 septembre, Nanjing, : VIV China, Salon international de l’élevage intensif

18-20 septembre, Pékin : CIHTE (China International Heat Treatment Exhibition), Salon international dédié à l’industrie du traitement thermique

18-20 septembre, Pékin : TIEXPO, Salon international du titane

19-20 septembre, Pékin : Wireless China, Forum des communications sans fil

19-20 septembre, Shanghai : Fugitive Emissions Summit China, Salon international et conférence, dédiés aux émissions fugitives

19-20 septembre, Shanghai : SURCAR Shanghai Congress, Journées internationales d’étude sur la finition des carrosseries automobiles

19-21 septembre, Chongqing : SAPE – AutoParts, Salon international des pièces détachées et des services automobiles + Nouvelles énergies et technologies intelligentes pour l’automobile

19-21 septembre, Shanghai : China Adhesive, Salon international des colles et adhésifs en Chine

19-21 septembre, Shanghai : China PAPER CHEM+TECH, Salon international du papier, de la chimie et des équipements de production du papier

19-21 septembre, Shanghai : ICIF China, Salon international de la chimie

19-21 septembre, Shanghai : LED China, Salon international de l’industrie des LED

19-21 septembre, Shanghai : SIGN China, Salon international de l’enseigne et de la publicité

19-21 septembre, Shanghai : WATERCHEM + TECH, Salon int’l des technologies de traitement de l’eau

19-23 septembre, Shanghai : CIIF, Foire industrielle int’l de Shanghai

19-23 septembre, Shanghai : IAS – Industrial Automation Show, Salon int’l de l’automatisation des procédés


Dernière minute : Feu vert pour les permis de conduire français et chinois
Feu vert pour les permis de conduire français et chinois

La visite de travail du ministre français des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, le 13 et 14 septembre à Pékin, a fait avancer un vieux dossier bilatéral en négociation depuis des années : la reconnaissance mutuelle des permis de conduire. Le texte est désormais prêt, il ne reste plus que la ratification.

Une fois ratifié par les deux pays, cela signifierait la fin des examens de conduite et l’octroi automatique d’un permis chinois pour les détenteurs d’un permis de conduire français. Bientôt la fin du tunnel ?