Le Vent de la Chine Numéro 28 (2016)

du 11 au 17 septembre 2016

Editorial : Caléidoscope de rentrée

Vaste comme une marée, la rentrée des classes (1er septembre) fit s’ébranler 200 millions d’enfants de 6 à 18 ans vers leurs écoles. En guise de devoir de classe, les élèves reçurent consigne de suivre le soir à la TV « l’étendard des ancêtres », l’émission du ministère de l’Education, exaltant l’héroïsme révolutionnaire. Les slogans tels « ne cédez jamais ! » ou « soyez toujours  fermes ! », exhalaient la certitude qu’avec l’esprit de sacrifice et la fidélité au Parti, on finit toujours par gagner. Pour s’assurer que les jeunes avaient bien reçu le message, certaines écoles allèrent jusqu’à réclamer des parents une photo de leur enfant devant l’écran de TV – premier exercice de discipline de l’année scolaire. 

Au lendemain du G20 de Hangzhou (4 et 5 septembre), les médias se tournèrent 2250 km plus au Sud, sur Vientiane au Laos, où se tenait le 19ème sommet Chine-ASEAN en présence de leaders des 10 de cette association, et  de 8 autre pays, dont Inde et Etats-Unis.

Barack Obama était présent, premier Président américain à visiter cet ancien pays-martyr des bombardements de la guerre du Vietnam, 71 ans plus tôt. Obama venait en partie pour un acte de contrition symbolique, exprimer la « responsabilité morale » de son pays : des dizaines de millions de sous-munitions restent enfouies en sol lao, qui sautent régulièrement, ayant causé 20.000 morts ou blessés depuis la fin des hostilités. Obama a donc promis 90 millions de $ sur trois ans, pour accélérer les opérations de déminage.
Le véritable enjeu de la visite d’Obama, était le bras de fer avec la Chine pour l’influence sur le Laos. Pour Pékin, représenté au sommet par le Premier ministre Li Keqiang, il s’agit d’un intérêt stratégique.

Au Laos, pays pauvre et enclavé, la Chine investit toujours plus. Parmi les projets récents comptent la zone industrielle de That Luang Marsh près de Vientiane (1,6 milliard de $), le barrage hydroélectrique de Nam Ngiep-1 (868 millions de $), le futur TGV Kunming-Vientiane de 418km, à plus de 6 milliards de $ – une section de la ligne projetée vers Singapour.

Pour Pékin, ses investissements qui se retrouvent dans tous les pays de la zone ASEAN, se justifient comme base de sa « route de la soie », par l’existence de centaines de millions de consommateurs et bassin d’attractives matières premières et d’énergie. En contrepartie, la Chine attend de ces pays-clients qu’ils soient aussi ses alliés politiques…

Aussi au sommet de Vientiane, la bataille pour l’influence se poursuivit.  Soutenu par le 1er ministre nippon, Obama s’exprima pour rappeler que le verdict de la Cour de La Haye, condamnant la construction d’îlots artificiels chinois dans l’archipel des Spratley, était « contraignant » – la Chine devrait se retirer, dans le respect de la souveraineté maritime des pays riverains et de la Convention du droit de la mer

Cependant, Li Keqiang rétorqua par un souhait de voir disparaître « les interférences » dans les rapports entre ASEAN et son pays. Implicitement, Etats-Unis et Japon, entités d’autres régions géographiques, n’avaient rien à y faire. Puis au communiqué final, les pays se gardant de citer le jugement de La Haye, se bornèrent à « prendre acte » des soucis de « certains leaders » sur les activités chinoises en mer de Chine du Sud. Liu Zhenmin, vice-ministre des Affaires étrangères, put même féliciter les pays membres pour leur « retenue » et leur volonté de « trouver des solutions… soutenant ainsi les efforts communs dans la négociation d’un code de conduite des nations en mer de Chine du Sud ».

Pas de doute, c’est un succès de la diplomatie chinoise, en partie fruit des généreux financements pékinois dans la région qui réclame avant tout, du développement. La Chine fait un pas vers un règlement du litige, conforme à sa volonté et selon ses normes.


Diplomatie : Un G20, succès chinois vu des nuages

Le sommet G20 de Hangzhou (4-5 septembre) s’est déroulé comme prévu, en émettant des mots d’ordre de nature à redonner confiance et relancer l’économie mondiale, et évitant soigneusement tout sujet qui fâche, notamment pour le pays-hôte. Selon Ding Yifan, du Centre de recherche sur le développement du Conseil d’Etat, « le G20 n’est qu’une chambre d’enregistrement des compromis négociés aux niveaux ministériels ». Ainsi, le succès pour la Chine était couru d’avance, sans risques, vue l’extrême méticulosité de ses préparatifs.

Pour son premier G20, la Chine a réussi à imposer son style, en dosant finement les contenus aujourd’hui utiles à la collectivité mondiale, et ceux liés à ses propres intérêts. Aussi pour Xi Jinping, c’est un succès personnel : à un mois du Plenum du Comité Central d’octobre, et à un an du XIXème Congrès, Xi Jinping démontre aux camarades du Parti sa capacité à faire danser le monde sur sa musique.

Non contraignantes par essence, les décisions de Hangzhou consistent en des lignes de conduite que chaque pays s’engage à respecter. La plus forte de ces créations est cette « plateforme de coopération en taxation » – liste de critères objectifs de transparence fiscale applicable à tous les pays du monde. D’ici juin prochain, l’OCDE devra faire rapport sur les « juridictions non coopératives » – les paradis fiscaux, qui seront débusqués par leur non conformité à ces critères. Tomber dans cette liste noire, coûtera cher à ces pays, dans leurs rapports avec les autres pays du G20 : les investisseurs, par prudence, préféreront les éviter.

Autre succès du G20, en partie due à la Chine, la ratification par Pékin et les USA de l’accord de Paris sur le dérèglement climatique (COP21), et leur engagement à publier leurs subventions au charbon, préliminaire à leur démantèlement. De ce fait, selon  l’agence Wood Mackenzie, les échanges de houille chuteront de 40% d’ici 2035, de 900 millions(2016) à 527 millions de tonnes. Par ailleurs, un accord Europe-Chine-USA s’attèle à la pollution de l’aviation civile. Selon ce texte peu ambitieux à vrai dire, les transporteurs seront taxés sur leurs émissions de CO2 : en 2025, jusqu’à 0,6% de leurs recettes en 2025, et jusqu’à 1,4% en 2035.

D’autres décisions sont nettement à l’avantage chinois. En matière sidérurgique, Jean-Claude Juncker, Président de la Commission de Bruxelles, réclamait une coupe contraignante des capacités chinoises, assortie de quotas. Car avec 800 millions de tonnes de capacité, la Chine fond 50% de l’acier mondial, dont 300 millions de plus que ses besoins, qu’elle exporte à bas prix, entraînant les cours dans une chute fatale. Mais tout ce que l’UE a obtenu au final, est la création d’un vague et flou « forum planétaire » de la sidérurgie. Xi Jinping lui, s’est contenté de réitérer sa promesse d’éliminer 100-150 millions de tonnes de capacité en 2020.

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NB : La Chine semble tardivement s’atteler avec sérieux au cas des firmes « zombies » (celles qui vivent de prêts et de subventions sans faire de profits), dont les aciéries représentent la majeure partie. A travers le pays, banques et structures de défaisance se mettent à lever de l’épargne en milliards de $ pour financer les faillites et compenser la perte de ces prêts irrécupérables.

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Le G20 lance également nombre de bonnes paroles : « relancer le commerce et l’investissement international », se préoccuper du sort des réfugiés affluant vers l’Europe, en précisant (sans dire comment) que leur charge devrait être « partagée mondialement ». Il s’inquiète aussi de la montée d’un sentiment anti-mondialisation, dans la rue mais aussi dans la classe politique—aux USA, les deux candidats à la succession d’Obama sont hostiles aux accords commerciaux négociés par ce dernier. Aussi le chœur des leaders s’engage-t-il à favoriser « tous les outils … pour ramener une croissance forte et soutenable… plus inclusive et partagée par tous ».

Cependant, il ne fallait pas longtemps gratter cette fine paroi d’unité entre ces dirigeants, pour retrouver les tensions et arrière-pensées. Dans ce tissu de conflits, la Chine était en première ligne.

Qui au juste décida qu’à l’arrivée de l’« Airforce One », Obama privé de passerelle et de tapis rouge, devrait débarquer par la queue de l’appareil présidentiel ? Chaque délégation rejetant la faute sur l’autre, on doit en retenir l’expression de méfiance exacerbée entre elles, et une potentielle source : le déploiement maritime chinois en mer de Chine du Sud. 

La tension chinoise se lisait aussi face au Royaume-Uni dont la Premier ministre Theresa May se vit amèrement reprocher la suspension du projet de centrale nucléaire à Hinckley, bâtie par EDF, mais cofinancée par la Chine.

Face à la Corée du Sud, Xi avertissait solennellement son homologue Park Geun-hye contre le déploiement sur son sol d’une rampe antimissile américaine Thaad : entre ces deux pays, s’ouvre une période de glaciation doublée d’un bras de fer. 

Face au Premier ministre australien Malcolm Turnbull, Xi déplora les réflexes protectionnistes du pays austral, et les blocages de deux rachats chinois : celui de larges terres arables et celui d’Ausgrid, premier réseau de distribution local d’électricité.

En conclusion de ce G20, la Chine se prétend prête à ouvrir ses marchés aux partenaires, comme ils le font en général pour elle. Mais elle exige des sacrifices en échange : des transferts de savoir-faire, d’expertise et d’innovation, et qu’on la laisse racheter de « pépites technologiques » toujours plus grosses. Mais s’adressant à des pays dont elle a rattrapé en 20 ans l’essentiel de l’avance industrielle, toute la question de savoir s’ils pourront et voudront tolérer de tels sacrifices.


Aviation : L’AECC, berceau du réacteur chinois

« Plus qu’une affaire commerciale, c’est une affaire de défense nationale ». C’est en ces termes qu’un industriel français salue le lancement le 28 août d’AECC (Aero Engine Corp. of China), groupe destiné à dessiner et produire les réacteurs pour avions militaires et civils. A ce jour, la Chine dépend à 100% de la Russie pour les avions militaires, et d’Europe et des USA pour le civil.

Dès le berceau, AECC présente des signes de gigantisme, avec ses 96.000 employés et 7,5 milliards de $ de chiffre d’affaires. C’est l’héritage issu de la fusion de trois filiales d’AVIC Engine, l’ex-branche « moteurs » du groupe aéronautique national. Parmi ses actifs comptent près de 100 firmes aux productions les plus diverses, pièces, entretien et sous-traitance de moteurs, fonte d’aluminium, commerce. Le Conseil d’Etat vient d’y agréger quelques instituts de recherche et de design fondés par l’Académie des Sciences. AECC est à 80% possédé par l’Etat, le reste allant à des intérêts locaux.

L’objectif n°1 est d’affranchir la défense chinoise de sa dépendance technologique extérieure : en cas de conflit, le fournisseur (russe, dans ce cas) peut clouer son aviation au sol en coupant ses fournitures de pièces et de services.

Second et dérivé, vient l’intérêt commercial : la motorisation civile, également aux mains de l’étranger. C’est beaucoup d’argent : alors que la Chine, d’ici 2035, commandera 600 avions donc 12000 réacteurs, la prix aujourd’hui d’un moteur est de 13 millions de $, et le double pour l’entretien durant son cycle de vie.

Pour tenir le pari, AECC devra refondre ses activités aujourd’hui hétérogènes, en une logique complémentaire. Le premier moteur CJ-1000 pourrait équiper un C919 de la COMAC, et être modifié en avion de patrouille maritime. Ce moteur pourrait aussi équiper le gros transporteur quadrimoteur tactique Y-20 (surnommé « la joufflue »).

Suivraient alors les autres moteurs en version civile : le CJ-500 pour le jet régional ARJ21, le CJ-1000 au C919 (158-174 places), voire le CJ-2000 au C929 (280-350 places) – dernier projet très politique de la coopération sino-russe, avec le groupe russe United Aircraft Corp, qui rêve d’une production en usine à partir de 2025.

L’ensemble du programme aérospatial s’inscrit dans une logique d’industrie planifiée, échafaudée pour l’armée depuis quasiment les débuts du socialisme en Chine.

Dans les années ‘50-60 sous Mao, la première priorité nationale officielle avait été la course à l’espace. À partir de 1980, la seconde sous Deng Xiaoping, avait été à l’origine de la création d’une marine militaire de haute mer. Puis sous Hu Jintao en 2008, en créant le consortium public COMAC, la Chine s’adjoignait sa dernière priorité, d’une industrie aéronautique aux normes mondiales. Vient enfin aujourd’hui, sous Xi Jinping, le dernier chaînon manquant : la motorisation.

Aux dernières nouvelles, COMAC vise 40% du marché chinois et 10% du mondial d’ici 2035. Vu le retard pris par ses programmes, et face aux concurrences de Boeing ou d’Airbus, le pari n’est pas gagné.

Un retard tout aussi important est à attendre pour l’AECC, qui quasiment, débute « à zéro » : 100 ans de savoir-faire en de nombreux métiers, sont à rattraper—la métallogénèse, le design, la combustion… D’ici quatre décennies, des budgets pouvant se monter en centaines de milliards de yuans seront nécessaires.

Détail symbolique : le patron de l’AECC sera Cao Jianguo, 53 ans, ancien militaire et ex-patron du programme spatial (CASIC, China Aerospace Science & Technology Corp.) – la branche industrielle d’Etat au plus grand succès.

Héritage du passé, la Chine dispose d’un « core-reactor », l’élément critique du moteur où l’air est comprimé, réchauffé puis expulsé. Mais un océan est à franchir avant de maitriser tous les risques d’arrêt en vol, d’explosion, d’incendie ou de fonte du moteur, et de répondre aux drastiques normes environnementales.

Mais tout comme la nacelle de l’ARJ-21 de COMAC, ce « core-reactor » est d’une technologie déjà obsolète. Quand il sera « bon à voler » dans –peut-être– 5 à 10 ans, la concurrence euro-américaine en sera  à sa génération suivante et conservera 10 à 20 ans d’avance… « Mais c’est ainsi qu’on démarre », déclare un spécialiste de la filière, « et à long terme, ils rattraperont ».

À l’évidence, les pouvoirs publics font tout pour réduire ce délai. Le 13ème Plan  (2016-2020) et le plan industriel « Made In China 2025 » du Conseil d’Etat, prévoient sous 15 ans au moins 10 projets technologiques-clé dédiés aux réacteurs d’avion et aux turbines à gaz.  

La Chine s’est aussi lancée dans la bataille pour faire valider son agence de certification aéronautique sous la CAAC. A terme, la Chine disposera de sa propre filière d’avions, de moteurs et son agence de certification—tous les outils de maîtrise de l’Europe et des USA.

Dernier détail : dans cette longue marche vers son réacteur, la Chine est seule : nul groupe concurrent, Safran, GE, Rolls-Royce, ou Pratt & Whitney, ne va créer en Chine une chaîne de production ou de montage, encore moins un bureau de test ou de design en Chine. Ils offrent tout au plus des contrats de sous-traitance de pièces. Et il est improbable que la France, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis laissent un jour la Chine racheter ces trésors de compétence, quelque soit le prix.

Même la Russie, tout acceptant de se lancer dans un projet d’avion gros porteur mixte (le C929), ne veut pas s’engager sur la motorisation, domaine où elle a une forte avance sur la Chine. Son intérêt est bien sûr de maintenir la dépendance chinoise.


Automobile : PSA et VW – virage stratégique

Au même moment, PSA et VW, après 30 ans de présence chinoise, révisent leur stratégie :
Le groupe de Sochaux a vu au 1er semestre ses ventes chuter de 19%, à 297.000 unités – quoique le marché lui, ait remonté de +17%. DCPA (nom local du groupe) paie cher de n’avoir pas anticipé l’explosion en Chine de la demande en SUV (4X4) : entre ses Peugeot et Citroën, DPCA n’a pas en rayon les modèles dont le client rêve. Un autre problème provient des coûts de production trop élevés. La Peugeot 3008 se facture 160.000¥, quand les griffes locales alignent des modèles à 90.000¥.

Le remède est radical. Une fois installé le nouveau président Chine Denis Martin, a débuté un féroce plan de hausse de productivité – plus 30% d’ici 2020. Le chaînage (carrosserie) est robotisé, le QG–Chine est déplacé de Shanghai à Wuhan. La 5ème usine du groupe (533 millions d’€) est inaugurée à Chengdu le 7 septembre en présence de l’ambassadeur de France. Elle intègre les équipementiers dans les murs, pour permettre un gain en temps et en transport. A travers les 5 usines, 20 modèles doivent sortir d’ici 2022, dont 5 SUV d’ici 2018. Le marché-cible n’est plus la côte mais le Centre, où subsiste encore une demande palpable. Moyennant quoi DPCA maintient le cap d’1 million de ventes en 2021.

À sa manière, Volkswagen aussi, quoique second producteur national, se voit contraint à des choix difficiles, coincé entre de nouvelles normes d’émissions très strictes applicables en 2020, et son scandale des moteurs diesel truqués, fraude planétaire sur 11 millions de voitures, qui le poursuit jusqu’en Chine. Pour contourner ces écueils, le groupe de Wolfsburg compte passer au véhicule électrique (EV), et faire de la Chine son banc d’essai. En 2016, il veut y placer 4 milliards d’€, pour sortir d’ici 5 ans 15 modèles EV et à énergie nouvelle.

Cet effort ira de pair –sans doute– avec un 3ème partenariat, après ceux en place avec SAIC (Shanghai) et FAW (Jilin).  Une lettre d’intention vient d’être signée avec JAC, 9ème constructeur  national, de l’Anhui. L’essai devrait être concrétisé avant fin 2016, visant la coproduction de véhicules purement électriques. Seul grand producteur chinois encore sans partenaire étranger, JAC est un des acteurs les plus présents sur le marché local du EV. Un telle alliance VW-JAC permettra d’associer technologie allemande, au bas coût et au réseau de vente d’un groupe chinois—comme le font depuis 2014 Daimler et BYD avec la Denza.

 


Hong Kong : Le scrutin surprise

Surprise à Hong Kong le 4 septembre, aux élections du Legco (Parlement local) : venue en masse, la foule battait le record de participation avec 2,2 millions de votants- 58% du total. Plus étonnant encore, elle élisait six inconnus, de moins de 40 ans, dont le plus jeune Nathan Law, n’a que 23 ans—tous issus de partis confidentiels, comme le Demosisto. Leurs sièges (15% du total à pourvoir), ces jeunes les avaient gagné en bloquant six semaines en 2014 le centre de l’île, durant la « révolution des parapluies » et le sit-in d’« Occupy Central ». Ils tentaient d’obtenir le suffrage universel direct, qu’ils croyaient promis par la Chine depuis le Traité signé en 1984 avec M. Thatcher, et que l’exécutif refuse au nom de la Loi-cadre du retour de Hong Kong à la Chine.
Suite à l’élection, l’équilibre du Legco n’est en apparence pas bouleversé : sur les 70 sièges de l’hémicycle, les démocrates en détiennent 30 (+3), et les pro-Pékin 37. Mais le message est clair : la rue ne veut plus d’une opposition passive, qui s’autocensure au nom du « réalisme » et de la peur. Ainsi la jeunesse a pris la place de vieux démocrates que 25 ans d’exercice politique avaient vidé de leur combativité.

Ces élus imberbes veulent ranimer l’espoir, « préparer l’après 2047 » – après les 50 ans de « large autonomie » promis par le Traité de rétrocession. Pour J. Rice, de l’université Lingnan, « au sein de l’opposition, la ligne de fracture est idéologique, autant que générationnelle ».

En 2014, Occupy Central s’était soldé par un échec, le pouvoir n’avait pas reculé. Mais aujourd’hui, on voit les fruits du mouvement : une nouvelle opposition est née, provoquant l’éclatement du clan pan-démocrate. Soutenus par leurs parents, ces jeunes s’éloignent de schémas politiques abstraits pour défendre plus pragmatiquement les intérêts de l’île. Ce sont les « localistes » ! 

Bizarrement, la majorité conservatrice ne s’en sort pas mieux et se retrouve aussi divisée : Sing Pao, journal conservateur aux mains d’un millionnaire de Shenzhen, accuse d’« autoritarisme irrationnel » C.Y. Leung (le chef de l’Exécutif) et le Bureau de Liaison du PCC. En réponse, Wen Wei Po, le média officiel de Pékin à Hong Kong, contre-attaque pour défendre l’ordre établi…

Tout ceci augure de vives joutes, lors des élections « exécutives » du 26 mars 2017, et pose la question de la meilleure gouvernance à appliquer à cette société que Pékin semble avoir bien du mal à comprendre.


Petit Peuple : Hainan – la passion patriotique de Wang Chengbin (2ème partie)

Résumé de la 1ère Partie : Wang Chengbin, entomologiste (sciences des insectes), jeune surdoué, a découvert en juin 2016 un scarabée nouveau, qu’il a dédié au Président de la République, Xi Jinping. La question à présent, est de savoir comment sera acceptée cette dédicace non-conformiste…

À peine dévoilée, l’existence du scarabée présidentiel fit sensation. Donner le nom d’une personnalité du XXIème siècle à un insecte qui agitait déjà ses mandibules au début de l’ère quaternaire, des centaines de millions d’années avant l’apparition de l’ancêtre de l’homme ne pense à se redresser sur ses jambes pour devenir l’homo erectus, n’a en soi rien d’extraordinaire.

En 2012, Barack Obama se voyait dédier « son » araignée, l’apostichus barakobamai et presque au même moment, Nelson Mandela le fondateur de l’Afrique du Sud multiethnique, avait le privilège de voir baptiser d’après son nom « sa » limace de mer, la Mandelia mirocornata. Mais les arguments déployés par Wang Chengbin pour justifier sa dédicace avaient quand même de quoi faire hausser les sourcils de bien des amateurs.

Wang déclarait vouer son admiration sans bornes envers le  « docteur Xi Jinping », du fait d’un leadership « renforçant toujours plus la patrie ». Entre son insecte et le Président, expliquait-il, se discernait un parallèle d’une logique indiscutable, l’un et l’autre émanant une surpuissance incomparable au service de l’harmonie universelle. Le Rhyzodiastes (Temoana) Xii nom qu’il avait trouvé pour son scarabée – dévorait le bois putréfié, et ainsi purifiait la nature. Xi Jinping lui, pourfendait les cadres moralement pourris, régénérant ainsi la société. Autre point commun, son insecte était rarissime, au point qu’ « en dix missions de recherche » à travers la forêt vierge de Hainan, « on n’en pouvait détecter qu’un seul  spécimen ». De la même manière, Xi était « une personnalité comme on n’en trouve qu’une par siècle » ! Et donc, le Rhyzodiastes formait « une métaphore vivante » du chef de l’Etat, l’homme par qui la corruption finirait par disparaître du sol chinois…

Pour les services de la censure, toujours frileux quand est en jeu l’image publique de leurs leaders, l’argument était à la limite du recevable. Universitaires et journalistes commençaient déjà à cancaner sur cette comparaison osée entre un parasite xylophage et le Premier secrétaire du Parti.

Mais Wang sortit totalement des clous, quand bouillant de ferveur, il poursuivit la description de sa découverte. Décrivant avec minutie l’appareil reproductif du Rhyzodiastes, il évoqua sans gêne un « segment génital long et étroitement arrondi à la pointe »… C’en était trop, et les mauvais plaisants n’en finirent plus de se gausser de la comparaison malvenue. 

Aussi il ne fallut que quelques jours à la censure pour fracasser le rêve de gloire de l’entomologiste. Le Président lui-même put réclamer l’interdiction de l’initiative de Wang, à ce qu’elle allait trop dans le sens d’un culte de la personnalité à la Mao. Cette tendance n’était déjà que trop présente à la radio et la télévision, sous la forme d’hymnes naïfs et importuns d’amour envers lui.

Mais surtout, si le malheureux scientifique, aveuglé par sa loyauté patriotique, ne voyait pas l’aspect scabreux de son éloge, l’appareil de surveillance de la pensée ne le voyait que trop—il fallait d’urgence, enrayer ce risque de « prêter le flanc au ridicule sous le ciel » (滑天下之大稽, huá tiān xià zhī dà jī ).

Aussi, rejetant la prétention de Wang d’offrir au Premier Secrétaire sa place au pinacle des naturalistes,  la censure ordonna à tous ses agents « de détecter et d’éliminer toute référence » à cette affaire, dans les média et sur la toile. Et de fait, quelques minutes suffirent pour effacer toute référence à l’existence du scarabée iconoclaste : dans le monde médiatique, le Rhyzodiastes (Temoana) Xii replongea dans l’anonymat dont il avait été tiré quelques jours avant.

De façon bien humaine, Wang Chengbin, blessé, manifesta avec force sa déception face à cette fin de non recevoir. Il accusa des « jaloux » et des « ignorants » d’avoir « délibérément saboté sa découverte », et malicieusement interprété sa démarche, la détournant de son objectif qui n’était que pureté et loyauté. Les charges dont on l’accusait n’avaient aucun sens. Non sans candeur, il en appela au chef de l’Etat : « Ô Président aimé, c’est vraiment un scarabée rarissime, et le nom de l’espèce d’après votre patronyme, existera à jamais, tant qu’existera la science – c’est un honneur insigne ». Mais rien n’y fit. La mise à l’index fut maintenue.

À tout le moins, il obtint, il faut supposer que ce fut à son insu, de ne pas être inquiété comme dissident qui aurait joué à se moquer d’un édile de la nation sous prétexte de l’encenser. Pas un instant, sa bonne foi fut mise en doute. L’appareil remettait juste en cause son sens commun, une fois sorti de ses chères études et confronté à la vie réelle.

Enfin, la mésaventure du maladroit admirateur pourrait rappeler la fable de La Fontaine « L’ours et l’Amateur des jardins », ou encore, sur le même sujet, la boutade de Voltaire : « Seigneur, protège moi de mes amis—mes ennemis, je m’en charge ! ».

« Prêter le flanc au ridicule sous le ciel »
滑天下之大稽, huá tiān xià zhī dà jī 

Rendez-vous : Semaine du 11 au 18 septembre 2016
Semaine du 11 au 18 septembre 2016

12-14 septembre, Pékin : ATC Global, Salon et Conférence internationale sur la gestion du trafic aérien

12-14 septembre, Pékin : Inter Airport China, Salon international des équipements pour aéroports, technologies et services

13-15 septembre, Nankin : ASIA BIKE, Salon asiatique du vélo, vêtements et accessoires

16-20 septembre, Tangshan (Hebei) : China Ceramic Fair, Salon de la céramique

ledchina19-22 septembre, Shanghai : LED China, Salon mondial de l’industrie du LED, signalisation, éclairage

19-22 septembre, Shanghai :  SIGN China, Salon international de l’enseigne et de la publicité