Le Vent de la Chine Numéro 26-27 (2023)

Au sortir de trois années de Covid-19 marquées par des restrictions aux déplacements, des mesures de confinements ou de port du masque parmi les plus drastiques au monde, avec la levée plutôt subite et impromptue des mesures sanitaires à partir de décembre 2022 et la réouverture complète des ports de commerce et des moyens de transports, beaucoup d’économistes tablaient sur une reprise de l’activité économique.
De même que la croissance de 2,24% en 2020, après une croissance de 5,95% en 2019, fut suivie d’une croissance de 8,45% en 2021, la croissance de 2,99% en 2022 aurait dû être suivie d’une croissance de 8% en 2023 pour garantir la trajectoire des 6% de croissance sur deux ans. Or, la Chine s’oriente plutôt vers une croissance de 5,6% pour 2023 selon Fitch et seulement 4,7% selon Morgan Stanley. Ce qui signifie, sur deux ans, une croissance de 4% environ.
Les prédictions pour 2024 confirment ce qui pourrait devenir la norme de la croissance chinoise : deux fois moins de croissance du PIB qu’au tout début de l’ère Xi Jinping et cela avec une dette qui a été multipliée par deux (pour atteindre le chiffre colossal de 290% du PIB en 2023) et un chômage des 15-24 ans multiplié par deux aussi dans le même intervalle (2012-2023).
Autrement dit, malgré le maintien d’un surinvestissement massif avoisinant les 45% du PIB ( la norme est de 20% pour les économies avancées – et de 30% pour les économies en rattrapage industriel ), la Chine ne parvient plus à générer qu’une croissance relativement faible qui échoue à donner du travail à sa jeunesse…
On voudra rabattre le caquet des Cassandre de l’économie de la République populaire de Chine en pointant la croissance de 5 à 10% de la consommation des produits de luxe anticipée pour 2023 (qui ne rattrape pas tout à fait la perte de 10 à 15% de 2022). Mais les arbres LVMH et Kering en Chine ne doivent pas cacher la forêt Evergrande et Country Garden (cf photo, bureaux du groupe à Foshan) : les deux premiers groupes immobiliers chinois sont l’un en faillite déclarée (perte nette de 100 milliards d’euros en 2020 et 2021 et 310 milliards de dette) et l’autre proche de l’être (« seulement » 180 milliards de dette). Or l’immobilier compte pour presque un tiers (30%) du PIB en Chine.
Dans le même temps, malgré la fin du Covid et des restrictions à la circulation routière, navale et aérienne, les exportations sont en baisse en juillet de 5% par rapport à l’année dernière et les importations de 7,9% ; quant à l’indice manufacturier, il a continué de se contracter pour le quatrième mois d’affilée… Sans évoquer le fait que l’investissement étranger est à son plus bas depuis 25 ans.
Il est clair que la Chine doit se réinventer économiquement pour passer d’un modèle de surinvestissement à un autre de consommation (38% du PIB en Chine contre 52% en France). Car le surinvestissement chinois est devenu contreproductif.
Depuis la crise financière de 2008, la Chine a assuré son besoin de croissance par l’augmentation de sa dette et des dépenses d’investissement, notamment dans l’immobilier et la technologie. Or, l’immobilier connaît une crise structurelle (ralentissement démographique, vieillissement de la population, sous-emploi des plus jeunes) tandis que le secteur de la tech traverse une crise conjoncturelle due à la volonté d’encadrement politique. Si la recette est connue (réforme du système des retraites, taxation plus équitable…), le fait demeure que tout passage à une économie plus « saine » entraînera nécessairement une baisse du PIB.
Sauf que la nation chinoise a été construite depuis la fin de l’ère Mao sur une promesse de lendemains matériels qui chantent. Sans croissance, le pacte « pain contre parole » (satiété contre liberté) pourra-t-il toujours tenir ? En même temps, il faut aussi bien saisir que, du point de vue idéologique, une baisse de la croissance n’est pas forcément mauvaise : les Chinois devront alors croire en la Chine, non plus pour ce qu’elle a, mais pour ce qu’elle est.
Si ce « moins d’avoir » et « plus d’être » peut paraître charmeur à des Occidentaux en crise existentielle, il faut comprendre que cette « essentialisation » du politique va souvent de pair avec l’émergence d’un nationalisme rigide potentiellement explosif dans le contexte inflammable des tensions de la Chine avec tous ses riverains (sauf la Russie, pour l’instant) : Inde, Vietnam, Philippines, Corée du Sud et… Taïwan.

Coup de tonnerre dans le ciel diplomatique chinois : le 25 juillet, une session extraordinaire du comité permanent de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) démettait officiellement Qin Gang, ministre des Affaires étrangères, de ses fonctions. Cela faisait déjà un mois que le n°2 de la diplomatie chinoise n’avait plus été vu en public… Qin était remplacé au […]

La nouvelle est presque passée inaperçue : mi-août, des officiels chinois et kenyans se rencontraient à Nairobi pour annoncer la traduction en swahili – langue parlée au Kenya, en Tanzanie, au Burundi, en Ouganda et à l’est de la République Démocratique du Congo – du livre « La gouvernance de la Chine sous Xi Jinping », sorte de résumé de « la pensée de Xi Jinping ».
Cet ouvrage, publié en quatre tomes jusque-là, a déjà été traduit en 37 langues dans 180 pays. Cette édition en swahili, elle, est la première en langue africaine et va permettre à ses 200 millions de locuteurs, de s’initier aux discours politiques du leader chinois et à son approche de la gouvernance.
Bien qu’il ne soit pas garanti que le livre soit autant lu et distribué que le petit livre rouge de Mao, devenu une sorte de référence révolutionnaire pour plusieurs mouvements de libération dans l’Afrique des indépendances, il est bon de s’interroger sur les motivations derrière cette traduction et sur la portée qu’elle pourrait avoir dans cette région.
Pendant des années, experts, observateurs et analystes de la Chine et des relations Chine-Afrique, ont scruté l’évolution de son engagement en Afrique. Jusqu’à présent, ce dernier était dicté par ses priorités économiques : investissements, prêts, financement et construction d’infrastructures, exploitation des ressources naturelles et quête de nouveaux marchés pour ses entreprises…
Ce pragmatisme lui a permis d’étendre sa présence autant dans les pays dits « non-démocratiques » comme le Zimbabwe ou l’Ouganda, que ceux dits « démocratiques », comme le Ghana ou l’Afrique du Sud.
Fidèle à sa doctrine de non-interférence dans les affaires intérieures des pays étrangers, elle s’est toujours tenue à l’écart des soubresauts politiques du continent africain. Une posture qui lui a permis de traverser les crises politiques et les régimes sans se faire d’ennemis.
Surtout, la Chine est parvenue à faire de ses partenaires commerciaux africains des alliés politiques sur la scène internationale, s’alignant quasi systématiquement sur les positions chinoises.
Avec le temps, la situation économique de la Chine a évolué, ses besoins et ses priorités ont changé. Pékin a alors accéléré son engagement sur des thématiques politiques auprès des partis au pouvoir en Afrique.
C’est ainsi qu’on a vu au cours des dernières années Pékin aborder les questions de développement, démocratie, droits de l’Homme, sécurité et bonne gouvernance dans plusieurs pays en Afrique. Ces questions, hier taboues, ne le sont plus pour la diplomatie chinoise en Afrique.
Au-delà du niveau institutionnel, le Parti communiste chinois (PCC) est devenu beaucoup plus présent sur le continent. Régulièrement, des délégués du PCC viennent à la rencontre de leurs « homologues » africains.
Le symbole fort de cet engagement est sans nulle doute, la « Mwalimu Julius Nyerere Leadership School » (cf photo), financée par le PCC et inaugurée en Tanzanie en 2022. Cette académie, fruit de la collaboration entre le PCC et les partis au pouvoir de six pays d’Afrique australe (la Tanzanie, le Mozambique, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud, la Namibie et l’Angola, est un centre de formation politique, destinée à former les cadres de ces partis au pouvoir.
Ce qui pose la question suivante : la Chine ambitionne-t-elle d’exporter son modèle politique et son idéologie en Afrique ?
Cette inquiétude ne date pas d’hier. Plusieurs recherches ont été menées sur l’influence que pouvait avoir l’engagement économique de la Chine, sur le renforcement ou l’affaiblissement de la démocratie dans ledit pays. Mais c’était avant l’engagement accru de l’Empire du Milieu sur des thématiques politiques et la construction de ce centre de formation, qui ont rendu la question plus pressante.
Dans une récente enquête menée par Axios et Politiken, médias américain et danois, sur les enseignements dispensés par la Julius Nyerere School en Tanzanie, les auteurs concluent que la Chine serait bel et bien en train d’exporter l’autoritarisme en Afrique. Néanmoins, autant ils reconnaissent que la Chine fait la promotion de son modèle, autant ils s’accordent sur le fait que le succès est loin d’être garanti…
En effet, plusieurs partis africains peuvent être séduits par les résultats économiques et de développement que le modèle de gouvernance chinois a produit, mais ils sont également porteurs d’aspirations de démocratie et de liberté. Le modèle des partis uniques, l’Afrique l’a déjà connu et n’en garde pas de bons souvenirs…
Depuis des années maintenant, de plus en plus de voix africaines se lèvent pour réclamer l’émergence d’un modèle politique africain authentique, le modèle démocratique occidental ayant échoué en créant crise politique et instabilité.
C’est dans cette brèche que la Chine pourrait s’immiscer, en clamant que le modèle démocratique n’est pas universel : selon elle, il est propre et particulier à l’histoire et à l’évolution de chaque pays et ne saurait donc être imposé. Un discours qui pourrait faire mouche.
En somme, s’il y a une crainte à avoir, ce n’est pas tant de voir la Chine parvenir à exporter son modèle en Afrique, mais plutôt de la voir encourager le rejet du modèle démocratique occidental sur le continent.
Si elle y parvient, elle aura déjà atteint son premier objectif, qui est d’annihiler toute hostilité future à son égard en Afrique. L’idéal étant de parvenir à créer une coalition de pays partageant une vision similaire de la gouvernance et qui, à défaut de la soutenir, ne l’attaqueront pas sur la scène internationale.

« Historique ». C’est en ces termes que le président américain a qualifié le sommet qui a réuni le 18 août les dirigeants politiques de la Corée du Sud et du Japon à Camp David. Si la rencontre entre Joe Biden, Yoon Suk-Yeol et Fumio Kishida est à marquer d’une pierre blanche, c’est parce qu’elle ne […]

C’est un portrait à clés multiples que nous offre Marie-Astrid Prache avec son roman paru en juillet 2023 chez Paulsen. L’auteure nous y brosse le tableau de la Chine urbaine contemporaine, mais aussi la biographie de sa mystérieuse et néanmoins très réelle héroïne Larissa Andersen, née en Russie tzariste. La toile de fond est donc violente et vaste, celle de tout un Extrême-Orient embrasé et déchiré par la guerre sino-japonaise, les révolutions soviétique et maoïste, l’exode des Russes blancs de Sibérie et la guerre civile entre partisans de Chiang Kaichek et de Mao Zedong.
Pour son récit au rythme haletant, l’auteure adopte une trame innovante, assez inattendue : celle d’un dialogue virtuel entre Larissa et une narratrice – Pauline qu’on devine inspirée en partie par Marie-Astrid Prache -même. Chapitre par chapitre, les deux femmes sont racontées dans leurs « Shanghai » respectifs, celui des années 1920-’50 (un « Paris de l’Extrême-Orient », arbitre d’élégance et de vie mondaine au service d’une petite classe d’ultra-privilégiés), et celui des années 2020 – puissante capitale usine du monde, « tête du dragon » à l’embouchure du Yangtze.
Marie-Astrid sonde et suit son personnage, artiste fulgurante de démesure, poétesse acclamée, danseuse égérie des scènes shanghaiennes, peut-être espionne, amoureuse fiévreuse et libre, qui s’impose durant 20 ans par son indomptable volonté de vivre ses émotions sans jamais se laisser submerger par la violence, la peur et la pauvreté dominantes de son époque.
Face à ce personnage romanesque, l’auteure dresse en contrepoint le portrait de la narratrice en clair-obscur. Sans artifice, avec audace, elle décrit son destin qui partage une solitude comparable et les mêmes multiples buts antagonistes – la reconnaissance du monde, comme femme et comme artiste, la quête d’un homme idéal qui la respecte tout en la protégeant. Les deux femmes évoluent en symbiose, comme des sœurs, et se tiennent un dialogue entre ce monde et celui de l’au-delà.
Il faut dire qu’elles partagent bien des choses, à commencer par l’amour du voyage et de l’écriture, et une intimité avec Shanghai. Dans la métropole pré-révolutionnaire, l’élite richissime du monde expatrié vit côte à côte avec une communauté littéraire et artistique pauvre. Ensemble, elles forment un monde aux moyens asymétriques s’exprimant en toutes langues. A leur magma viennent spasmodiquement s’ajouter les commandants des vagues d’invasion militaire, le tout faisant le ferment d’une culture fertile, anarchique et éphémère. Ce microcosme fragile s’éteindra à la révolution, avant d’être ranimé bien plus tard, muselé et mis au pas par le nouvel ordre socialiste.
Dans « Et Shanghai Demeure », une des forces de Marie-Astrid Prache est d’avoir puisé, au service de sa fresque, dans la presse étrangère shanghaienne de l’époque. Cette source inépuisable lui permet de multiplier précieuses anecdotes, adages bouddhistes ou confucéens, slogans communistes (reproduits en idéogrammes). Les poèmes écrits par Larissa abondent… D’autres sources proviennent de Russie – de Khabarovsk le berceau familial à Vladivostok le premier refuge – d’autres de France, où l’égérie terminera ses jours. Elles lui permettent de faire revivre diverses scènes fulgurantes de l’histoire : le débarquement japonais en Mandchourie en 1933 ; une nuit terrible d’hiver 1940 suite à laquelle 650 corps gelés furent ramassés dans Shanghai ; le sort des centaines de milliers de jeunes femmes chinoises et coréennes réduites au sort d’esclaves sexuelles au service de la soldatesque nippone ; celui d’autres centaines de milliers d’anonymes sommairement exécutés par le nouveau maître après 1949, dans une campagne de vengeance idéologique contre la « grande catin capitaliste »…
De cette superbe fresque, deux impressions se dégagent :
– La Chine est présente comme décor, lieu de témoignage, mais pas par la présence de ses enfants comme acteurs du drame. Chinoises et Chinois ne sont présents qu’en demi-teinte, sous la forme d’une confidente. L’auteure du roman, d’ailleurs, semble prendre son parti sur l’aspect « impénétrable » de cette société, et les difficultés de l’échange entre Est et Ouest, en Chine comme ailleurs, hier comme aujourd’hui.
– Mais sur ce sol chinois, 30 ans sur place, Larissa exprime ses émotions avec incandescence. L’exultation du corps, la joie de la création poétique et de la danse portent l’artiste, assurent sa célébrité. Larissa est enviée et jalousée comme un idéal de vie, le summum de résistance, né pour s’affirmer envers et contre tous -électron libre.
Or, remarquons-nous, cette sensation est universelle parmi la cohorte des expatriés en Chine, à toutes les époques, à celle de Larissa Andersen comme à celle d’aujourd’hui. C’est la magie de ce pays, et l’étincelle de la rencontre entre fils de la culture occidentale et de l’empire du Ciel. Et c’est le mérite de ce roman de nous la faire partager !
Par Eric Meyer
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A vos agendas : une présentation du livre et une séance de dédicaces est prévue le 23 octobre à Shanghai, en partenariat avec l’UFE et la Société d’Histoire des Français de Chine.
Crédit Photo : ©Archives L. Andersen, collection T. Kaliberova

Initialement prévu : 原定, yuándìng Leader: 领袖, lǐngxiù (HSK 6) Participer, assister: 出席, chūxí (HSK 5) BRICS: 金砖, Jīn Zhuān Forum: 论坛, lùntán Apparaître, se montrer: 现身, xiànshēn Commerce: 商务, shāngwù (HSK 5) Discours: 发言, fāyán (HSK 5) Explication: 解释, jiěshì (HSK 4) Spéculation, conjecture: 揣测, chuǎicè 习近平原定22日与其他与会领袖共同出席金砖国家工商论坛活动,但后来并未现身,改由中国商务部长王文涛代读发言。中方并未解释他缺席该论坛的原因;而盡管习近平稍晚现身参加当日的晚宴,但罕见情况仍引发揣测。 Xíjìnpíng yuán dìng 22 rì yǔ qítā […]

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