Le Vent de la Chine Numéro 23 (2017)

du 11 au 24 juin 2017

Editorial : En marche aussi, la Chine

En marge de dossiers tels le blocus du Qatar par une coalition autour de l’Arabie saoudite ou le Sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) à Astana (Kazakhstan) les 8-9 juin, la Chine a présenté nombre de projets en matière de sciences et technologies de l’avenir.

Yang Liwei, directeur adjoint de l’Agence spatiale chinoise (et premier taïkonaute chinois en 2003) annonçait le 7 juin, deux chantiers d’exploration lunaire. Dès 2018, son équipe mettra à feu une fusée destinée à se poser sur la face cachée du satellite. A plus long terme (un autre cadre évoque l’échéance de 2036), la Chine fera alunir une mission habitée, prémisse d’une base permanente.
La Chine prépare aussi un autre outil de recherche de l’univers : un vaisseau spatial (cf photo) capable de décoller et d’atterrir horizontalement sur une piste d’aéroport. Conçu pour usages multiples, il allégerait fortement les coûts des voyages spatiaux hors atmosphère. La CASIC (China Aerospace Science and Industry Corp) vient de signaler des « progrès significatifs » dans la recherche d’un tel vaisseau destiné au transport de spationautes et de matériel, après avoir maîtrisé les problèmes de design et de construction du moteur, et achevé « la plupart des tests au sol ».

Le 8 juin, quelques jours après l’annonce par D. Trump du retrait des Etats-Unis de l’accord mondial climatique de Paris, Jerry Brown, gouverneur de Californie, apportait la réponse des membres du lobby climatique en signant un accord-cadre avec l’université Tsinghua et le ministère chinois des Sciences et Techniques. Etabli dans l’urgence comme « barrière coupe feu » au désastre du désengagement de Trump, ce document a un contenu plus politique que technique. Il promet d’établir un Institut sino-américain du changement climatique ainsi que des incubateurs de PME des deux pays en diverses provinces telles Sichuan et Jiangsu. Un des objectifs sera la mise au point de procédés commercialement viables de capture et de stockage de gaz carbonique. 

D’autres recherches scientifiques sont publiées en nombre ces temps-ci, autour du thème du surpoids. En effet, parmi les 1,4 milliard d’habitants que compte la Chine, 130 millions souffrent d’obésité et 440 millions d’hommes, femmes et enfants, sont en surcharge pondérale. Une équipe sino-australienne s’est penchée sur le sujet depuis 2010, examinant 98.000 cas. Elle arrive à une conclusion inattendue, selon laquelle le surpoids qui était 10 ans plus tôt, l’apanage des riches dans un environnement pauvre et rural, se déplace désormais pour toucher les franges les moins prospères dans les villes, avec pour résultat prévisible des dizaines de millions de diabétiques, forçant le pays à perdre de précieuses parts de sa croissance en traitements hors de prix. Le mal est universel. Voici trois ans que la Chine a dépassé les Etats-Unis comme première nation en surpoids. En 10 ans depuis 2002, les hommes ont vu leur taille s’épaissir de 2,7cm en moyenne, les femmes de 2,1. Le Parti veut juguler la tendance par l’exercice physique – celui-là même dont Mao imposait la pratique, abandonnée depuis. En finançant à travers le pays,  piscines, parcours de marche et salles de sport, il espère passer de 360 millions de pratiquants en 2014 à 530 millions en 2030. Une manière d’y parvenir, pourrait être la multiplication d’espaces publics faciles d’accès et aux nombreuses activités ludiques.

Justement, la ville de Pékin prépare sa nouvelle zone de Xiongan à 100 km au Sud-Ouest. D’ici fin juin, les plans pour cet espace de 100 km² écologiques, seront remis au Conseil d’Etat. Electricité, câblerie, transports et alimentation seront enterrés – sous gaines ou sous tunnel. La planification, selon Xu Kuangdi, architecte en chef, a été directement inspirée de celle de Paris. Un modèle ultrasophistiqué, difficile à universaliser, mais qui pourrait, ailleurs en Chine, servir d’exemple.


Education : Le Gaokao souffle ses 40 bougies

Comme chaque année, c’est reparti pour le Gaokao (高考,7-8 juin), concours d’entrée aux 1000 universités du pays, au terme de 12 ans d’études sans pitié. Depuis tout-petits, les enfants sont mis en concurrence et astreints – pour ceux qui ont les moyens – à des cours supplémentaires de maths, d’anglais… L’objectif est moins de s’épanouir, que d’empocher un maximum des 750 points du concours.

Les jours précédents, le silence est de mise : suspendue la danse publique du 3ème âge au Hunan, fini le klaxon à Haikou (Hainan), la TV à tue-tête à Shenzhen… À l’inverse, partout fleurissent d’éphémères ateliers de soutien psychologique pour  les candidats, de yoga, tandis que les cantines offrent des menus plus énergétiques et digestes, tout en écoutant une musique euphorisante et légère pour lutter contre le stress !

Par rapport aux années précédentes, on note des différences. D’abord, c’est le 40ième anniversaire du nouveau Gaokao, après 10 ans de hiatus imposé par la Révolution culturelle. En 1977, 5,7 millions concouraient mais seuls 270.000 avaient été pris, aux postes disponibles dans les  universités qui réouvraient à peine.

Contrairement à 2016 qui avait vu 9,4 millions de candidats, la cuvée 2017 n’en compte que 9 millions. Sous l’angle démographique, le pic a été franchi en 2008, qui voyait s’affronter 10,5 millions de jeunes. La redescente se poursuivra chaque année, résultat inéluctable de la politique de l’enfant unique.

Autre différence préoccupante : cette année, deux millions de candidats, voire 3,67 millions selon China Daily (30% de la promo) seront recalés, renvoyés aux écoles professionnelles. Et cette fois, ce ne sera pas par manque de places d’études : au fil du temps, les universités ont repoussé leurs murs pour recruter le plus possible et maximiser leurs recettes en droits d’inscription.

Toutefois, le chômage touche les diplômés de l’enseignement supérieur, du à son incapacité, faute d’autonomie suffisante, à doter les jeunes des compétences attendues par le marché de l’emploi.  Selon un universitaire américain, « la Chine a su agrandir les campus – mais sans bons professeurs, les bons cursus ni la bonne politique de l’excellence, pas de miracle—l’effort risque d’être vain ».

Selon Zhaopin, 1er chasseur de têtes en ligne, 48% des patrons chinois cherchent à recruter cette année, et 72% à développer leurs affaires. Mais ils ne trouvent pas les profils désirés. Sur 7,95 millions de diplômés depuis janvier, 27,7% (+2,9% par rapport à 2016) n’ont reçu aucune réponse à leurs CV. Plus de la moitié ont récolté « une à trois offres » (-5,2%) et seuls 26,7% ont été embauchés (-8,7%). Pour la croissance, le déficit en talents, à l’issue de cet énorme investissement éducatif de la nation et des parents, est un gâchis. Même ceux qui réussissent à se caser sont déçus : 75% reçoivent un salaire inférieur à leur attente.

Certes, la minceur des salaires s’explique par une stratégie et politique monétaire, faites pour décourager une spirale des hausses de rémunérations. Le but assumé est d’offrir au pays un nouvel avantage concurrentiel mondial. Après 20 ans d’export de produits de basse qualité à coûts imbattables, ayant propulsé la Chine au rang d’« usine du monde », le nouveau but est d’imposer le pays comme temple des « services du monde », avec ses architectes ou ingénieurs payés jusqu’à 6 fois moins qu’aux USA. Ceci explique les 523.700 jeunes chinois partis étudier ailleurs en 2015 (+13,8%) dont 304.000 vers les USA.

Mais pour ceux (l’immense majorité) qui n’ont pas cette chance, le Gaokao est une guerre qu’il faut gagner, et chez certains, la fin justifie les moyens. Moyennant un million de yuans, le cancre riche peut laisser un universitaire désargenté passer « son » Gaokao en se faisant passer pour lui. Ou bien lui envoyer par radio les réponses depuis un immeuble voisin. À ce jeu « du gendarme et du voleur », l’ingéniosité et la technologie se combinent sans limites. L’émetteur radio peut être détecté par radiogoniomètre embarqué à bord d’un hélicoptère. Les fausses empreintes digitales se repèrent au reflet des gants de latex mat, où elles sont imprimées en relief. Le Guangdong identifie les candidats par reconnaissance faciale, le Liaoning, par empreintes iridiennes, et la Mongolie, par reconnaissance des veines du doigt—système ardu à contrefaire. Depuis 2016, l’addition s’est durcie pour les fraudeurs : ils risquent 7 ans de prison.

Comme chaque année, le Gaokao a son lot d’histoires insolites : Luoyang redonne sa chance à Wang Nana, mère de famille qui avait été privée en 2003 d’université, sa meilleure amie lui ayant volé son certificat de succès pour s’inscrire en fac sous son nom.

À Pékin, le candidat AI-Maths est un robot, ayant préprogrammé des milliers de questions des dernières sessions — sans que son score ne puisse lui permettre d’intégrer les meilleures universités du pays.

Linfen (Shanxi) fait plancher dans une salle à part les séropositifs.

Pour conclure, ce Gaokao est à la croisée des chemins. Après avoir, durant 40 ans, égalisé  les chances entre des centaines de millions de candidats, il arrive au bout de sa capacité à générer de la croissance.

Le cahier des charges du futur Gao-kao est déjà connu : il devra écouter les besoins de cette société et de son économie, et stimuler, au lieu d’écraser, la curiosité naturelle des jeunes, leur capacité à penser par eux-mêmes, leurs talents propres.


Diplomatie : L’imbroglio qatari

La Chine se serait bien passée de ce quasi-blocus du Qatar, le 5 juin par 6 Etats du Golfe et l’Egypte. Lignes maritimes et aériennes et les relations diplomatiques sont rompues avec l’Etat milliardaire, également exclu d’une coalition militaire de paix au Yémen.
A l’origine du clash, Riyad (Arabie saoudite) accuse Doha de financer en sous-main des mouvances tels le Hamas, les Frères musulmans, Daesh et Bachar el-Assad en Syrie. Mais derrière le Qatar, c’est l’Iran qui est visé. Ces deux pays ont des convergences dues à l’histoire et la géographie. Des deux bords du golfe Persique, ils partagent une tradition religieuse—le salafisme (47% des Qataris) et un gisement pétrolier mitoyen, exploités en commun. Riyad espère ainsi « éduquer » Doha, et forcer ses soutiens, telle la Chine, à faire leur choix d’une puissance comme leader du golfe Persique—Riyad ou Téhéran ! Or la Chine a payé cher pour éviter de faire ce choix. Depuis 30 ans, elle a fait ce pari : « le business avant tout », dans l’espoir que les affaires commerciales finiront par éteindre les acrimonies. Mais la crise présente dément cet optimisme : loin de s’estomper, les conflits s’enveniment. Un autre indice aurait pu révéler plus tôt la mauvaise pente : l’accord de libre-échange Chine-Conseil du Golfe (GCC), négocié depuis 13 ans mais toujours en panne du fait de querelles intestines. 

Quoique déplorant le soutien qatari aux Talibans, et aux Ouighours du Xinjiang, Pékin poussait en 2016 ses échanges avec Doha à 11,5 milliards de $, faisant du Qatar son second fournisseur en GNL, et la Chine devenant le 1er partenaire commercial du Qatar. Elle a signé pour 8 milliards de contrats avec le Qatar, dont celui du grand stade de la Coupe du Monde de football de 2022 – certains se demandent à présent s’il pourra servir.

Avec l’Arabie saoudite, le partenariat est encore plus fort. En mars à Pékin, le roi Salman signait 65 milliards de $ de contrats d’infrastructures, raffineries, livraisons de brut, nucléaires et de défense…

Pour la Chine, la région du Golfe, quoique en dehors de ses « nouvelles routes de la soie », est cruciale : elle est sa première source de ses hydrocarbures et grosse cliente de ses produits. Mais si la stabilité venait à disparaître, la Chine serait vulnérable : en cas de guerre, comme celle en Libye à la chute de Kadhafi, elle risquerait de tout perdre.À ce jour, la Chine a pu garder l’équidistance entre Riyad et Téhéran. Mais son Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) « réfléchit » à intégrer l’Iran, et même la Turquie, protectrice du Qatar… Mais après cela, pourra-t-elle encore préserver ce vernis de neutralité ? Imbroglio et choix cornélien en perspective.


Diplomatie : Sommet de l’Organisation de Shanghai – l’envol

Depuis sa fondation en 2001, l’OCS, Organisation de Coopération de Shanghai, aura rarement eu tel enjeu : à son 17ème sommet à Astana (Kazakhstan) les 8-9 juin, trois avancées majeures ont été atteintes, changeant peut-être la carte géostratégique planétaire.

La première : Inde et Pakistan deviennent membres, et l’OSC, la seconde organisation au territoire et au peuplement les plus vastes après l’ONU—50% de la population mondiale, 3/5èmes du continent euro-asiatique. C’est un signe d’un déplacement du centre de gravité diplomatique vers l’Est. Avec le partenaire Russe, la Chine a dû faire preuve d’extrême doigté, pour gérer l’élargissement à deux pays en pleine guerre froide. Le 14 mai encore, Delhi déclinait l’invitation au 1er Sommet « Ceinture et Route » (OBOR) à Pékin, par dépit de voir Pékin investir dans le « Corridor Economique » à travers le Cachemire pakistanais, que l’Inde revendique. Pour déminer le dossier, la Chine a dû donner des gages : faire pression sur le Pakistan (concession à l’Inde) pour qu’il s’abstienne de soulever l’affaire lors du Sommet, mais le laver de l’accusation par l’Afghanistan d’implication dans l’attentat à Kaboul du 31 mai, ayant causé 150 morts. En marge de l’OCS, Xi Jinping tenta d’organiser une rencontre entre les Premiers ministres Modi (Inde) et Sharif (Pakistan) – avec succès !

Seconde avancée : Astana put faire valider la stratégie OBOR de la Chine. C’était juste avant que l’Inde ne devienne membre, au risque qu’elle objecte à l’acceptation par l’OCS de ce plan économique qu’elle désapprouve pour l’instant. Cette préoccupation semble bien formelle, mais c’est par l’investissement et la croissance que la Chine compte apaiser les antagonismes du passé – et elle a besoin de confiance entre les membres pour développer la traque contre le terrorisme international.

La troisième avancée, des trois, est la plus risquée : la candidature de deux autres puissances régionales, Iran et Turquie. Concernant l’Iran, et en dépit du soutien de Moscou, Pékin a jusqu’à récemment retardé l’étude de sa candidature – redoutant de s’aliéner son ennemi juré, l’Arabie Saoudite. Mais la candidature doit être actée lors de ce Sommet, rendant l’intégration plausible désormais. La demande de la Turquie fut déposée par son Président Erdogan à Astana. Elle n’est pas moins problématique : Ankara se trouve être aussi membre de l’OTAN. Or, l’adhésion future de la Turquie à deux « clubs » de défense sécuritaire, l’un sous la houlette de Washington et l’autre sous celle de Pékin, fera froncer plus de deux sourcils—peut-être annonciateur d’un changement d’alliance.


Monde de l'entreprise : Ivanka Trump — Une affaire à multiples rebonds
Ivanka Trump — Une affaire à multiples rebonds

Par ses rebondissements, l’affaire Ivanka Trump (fille du Président américain) semble échapper au contrôle de toutes les parties en lice.
Fin mai, trois faux ouvriers infiltrés dans deux usines de chaussures du Jiangxi et du Guangdong, sont arrêtés, accusés de « surveillance illégale ». Ils risquent deux ans de prison.

Ils avaient été envoyés en avril par China Labor Watch (CLW, de New York) pour inspecter les pratiques de Huajian, fabricant de chaussures destinées à l’export. Selon CLW, leur enquête clandestine leur avait permis de reporter des salaires trop bas, des horaires insupportables (jusqu’à 18 h/jour) et des fiches de paie falsifiées pour se conformer à la loi. Une fois à pied d’œuvre, les trois agents ont été vite neutralisés : dès fin avril, ils étaient interdits de quitter le territoire, avertis par la police de « cesser d’espionner », avant d’être arrêtés le 25 mai.

Le risque pour ces infiltrés était énorme : aux yeux de Pékin, ils étaient considérés comme des dissidents, syndicalistes œuvrant pour les progrès démocratiques en entreprise, au détriment du syndicat unique, un héritage maoïste inefficace et corrompu. De plus, les agents avaient aggravé leur cas en se mettant à la solde d’une organisation internationale, bannie en Chine.

Mais si l’on envisage leur action sous une autre perspective, la situation ne manque pas de sel ! Ces enquêteurs de l’ombre avaient potentiellement consolidé l’Etat de droit en Chine, en détectant des infractions à sa loi.

L’affaire se corse encore plus, quand apparaît l’identité des clients de Huajian. Les talons hauts et sandales étaient produits pour des marques telles  Karl Lagerfeld et Ivanka Trump à qui le groupe livrait 10.000 à 20.000 paires par an (au nom du partenaire Marc Fisher). Ivanka n’est pas gestionnaire—pour la préserver de « conflits d’intérêts », ses affaires en Chine sont aux mains d’un groupe tampon. Mais elle détient des parts.

On devine que la cible de l’enquête commanditée par CLW, n’était autre que Donald Trump. Or, en arrêtant les enquêteurs de CLW, Pékin se voit prêter un objectif qui n’était à coup sûr pas le sien : protéger sur son sol, contre sa propre loi, les intérêts privés de la famille Trump.

Pékin n’est pas le seul à se trouver en porte-à-faux : le Département d’Etat américain réclame (vainement pour l’heure) la libération des trois agents, au nom de la défense des droits de l’Homme. Mais une telle revendication prend encore une tournure inattendue : indirectement, D. Trump, le patron légal du Département d’Etat, est dans le collimateur des accusations des trois hommes dont le Département réclame la libération.


Environnement : La revanche des déchets

En 2016, la ville de Pékin collecta 8,7 millions de tonnes d’ordures ménagères. La plupart devait être traitée (enfouie ou incinérée) non recyclée, quoique la capitale ait fait partie dès l’an 2000 de l’échantillonnage de 8 villes retenues pour s’initier au tri sélectif—entre déchets secs, humides et dangereux. A présent 20.000 « brassards verts » tentent de sensibiliser la population – mais ils peinent, d’autant que cet effort attendu, est facultatif. En 10 ans, la capitale a réussi à incinérer 42% de ses déchets. Depuis 2016, elle a fermé 82 déchetteries et 1000 fosses sans permis, qui employaient 170.000 recycleurs, mais généraient trop de pollution par substances délétères telle la dioxine.

D’ici 2020, pour un coût de 290 millions de $, Pékin veut porter de 4 à 10 le nombre de ses centrales et brûler tous ses déchets. Les chercheurs de l’université Renmin le disent : si elle savait trier à 100% (elle en est encore loin), elle réduirait ses incinérations et ses coûts des deux-tiers. Et surtout, ses frais de santé baisseraient des trois-quarts, à 187¥ par tonne incinérée. En effet, l’incinération sans recyclage coûterait à la ville de Pékin, 4,1 milliards de $ d’ici 2020 en frais de santé, par exemple en décès du cancer dû à la dioxine. Avec le tri sélectif, ce bilan serait considérablement allégé ! Ainsi, il devient une priorité nationale. Le Conseil d’Etat vient d’ordonner à 46 villes de préparer avant décembre un plan, et de trier 35% des ordures ménagères d’ici 2020. En incinération aussi, la nation accélère l’effort. Les 514 centrales existantes devront doubler d’ici 2020, pour un coût de 30 milliards de $. Alors, elles brûleront 54% des ordures, contre 31% deux ans plus tôt.

Dans cette course au propre, Shenzhen arrive en tête. Dotée de déchetteries modernes (cf photo), elle est la première ville à taxer les contrevenants au tri, 50 ¥ pour les foyers, 1000 ¥ aux PME (restaurants), et 5000 ¥ aux résidences faisant appel à des recycleurs ou transporteurs non agréés…
Il s’agit d’un problème lourd et complexe : la solution passe par la technologie (y compris le traitement des données« big data »), la loi – le recyclage sera obligatoire en 2020, et les citoyens. A Pékin, l’entreprise New Living Infotech a pu en deux ans fédérer 200.000 foyers, leur faisant trier leurs déchets selon ses normes. La firme privée en tire chaque jour 15 tonnes de plastique, papier, électronique et textiles, qu’elle écoule avec profits auprès des recycleurs spécialisés. C’est ainsi que par la petite porte, bonne gouvernance et action citoyenne font leur apparition dans les cités.


Petit Peuple : Xiangyang (Hubei) Fan Yusu—Battue, jamais vaincue (2ème Partie)

Résumé de la 1ère Partie En 1985, Fan Yusu, petite dernière d’une famille pauvre, pour la punir d’une fugue, avait été placée à l’âge de 12 ans, comme institutrice d’un village isolé du Hubei …

En 1993, après huit ans passés, Fan Yusu s’enfuit de son poste à l’école. Ce geste, elle l’imputa à sa nature « stupide et paresseuse » et se le reprocha : « si j’étais restée, je serais sûrement devenue une vraie enseignante ». Mais comprenons-la, à 20 ans, elle ne résistait plus à son rêve de connaître les lumières de la ville…

Pékin accueillit avec rudesse la fleur de province, sans diplôme, pistons, ni amis. Bonne à tout faire dans un restaurant, elle fut férocement exploitée. Du matin au soir, elle pendulait entre salle et cuisine, les bras chargés d’assiettes. A bout de forces, maladroitement, elle faisait parfois tomber son lourd plateau en un fracas de grosse faïence. Chaque fois, elle écopait d’une retenue de salaire, ne lui laissant en fin de mois que « de quoi ne pas mourir de faim ». Elle faisait la plonge, et le soir posait les chaises à l’envers sur les tables pour passer la serpillière sur le sol gras. Après 22h, avec les autres waidi -migrants de l’équipe (les seuls qui acceptaient de travailler dans de telles conditions), elle s’entassait à bord de la fourgonnette d’entreprise, en route vers le dortoir de banlieue. Elle s’y effondrait sur sa couche pour des nuits éphémères, trop épuisée pour « pouvoir lire la lumière de ses rêves »…

Après deux ans, elle fut tentée par ce pari dangereux que font les jeunes opprimés poussés par désespoir : un mariage sans amour, à l’aveugle avec un autre miséreux, histoire de partager le fardeau, se protéger ensemble et glaner, peut-être, un peu de tendresse. Elle dut vite déchanter. L’homme aux avances de qui elle avait cédé était de la mauvaise graine. Se disant businessman, il était peu doué pour les affaires et buvait pour oublier, puis battait sa femme, et maltraitait les deux petites filles  qui leur étaient arrivées trop vite.

Au bout de six ans, en 2000, Yusu retourna au village natal, emportant avec elle ses deux gamines. Jamais son mari ne reprit contact avec elle, ni ses filles – ce type-là avait le cœur plus sec qu’un coup de trique. Elle apprit plus tard qu’il était parti en Mongolie, puis en Russie, se saouler  – et s’y tuer à petit feu, peut-être…

Quoiqu’il en soit, retournant sans son homme au bercail, elle se retrouva face à la glaciale réprobation des hommes de son clan, et le pauvre sourire de sa mère incapable de la protéger cette fois. A l’unisson, ses frères et son père lui signifièrent leur verdict : une femme mariée n’est plus la bienvenue dans sa famille, et pire encore si elle est séparée ou divorcée ! Une telle créature ne pouvait que leur faire honte. Et pour apporter du poids à leur vindicte, chaque fois qu’elle entrait dans une pièce, ils en sortaient, fuyant « la traînée » comme la peste.

Ses aînés, à vrai dire, pouvaient avoir plusieurs dents contre elle. La plus dure avait été suite à sa fuite vers la capitale qu’ils avaient ressentie comme une tentative de s’élever plus haut qu’eux—quel insupportable arrogance ! Et après avoir échoué, elle avait l’audace de revenir les narguer, tout en quémandant leur compassion…

Pire : Yusu partageait avec Meihua, sa soeur, sa passion pour l’écriture. Or Yun, le frère aîné, s’était longtemps pris pour un talent littéraire. Pour le soutenir, durant toute leur enfance, les filles avaient dû se nourrir de patates douces, car à la librairie du village, Yun allait régulièrement troquer leurs récoltes de blé et de riz contre des classiques de littérature. Mais il n’était qu’un bon à rien, préférant son lit au banc d’études. Deux échecs au Gaokao (bac), et le rejet par les éditeurs de ses rares manuscrits, avaient éteint ses rêves incohérents de vivre de sa plume.

Quoique ardemment soutenu par sa mère qui voyait en lui le génie de la famille, Fei, le cadet s’en était guère mieux tiré. Ayant réussi son bac, il avait été placé, grâce au piston de sa mère, au bureau local des parcs et forêts. Mais au tournant de la quarantaine, il avait commencé à jouer au mah-jong, perdant toujours plus – son salaire, sa maison-même ne suffisaient plus à payer ses dettes. Il dut se cacher, et pour sauver sa vie des tueurs à gages engagés par les prêteurs, il perdit son emploi pour absentéisme. Sa mère une dernière fois put redresser sa barque, négociant un compromis avec la mafia locale. Mais le prix était lourd : il se retrouvait réduit à labourer les champs, comme son aîné. Voilà pourquoi vis-à-vis de sa sœur Yusu qui revenait à la maison, il n’éprouvait que haine et mépris, et exigeait son départ. Pas question d’assumer trois bouches supplémentaires à nourrir…

Yusu n’eut d’autre choix que de retourner à Pékin avec ses deux petites, quittant cette fois, sans doute pour toujours, ce foyer natal qui la rejetait. Elle était perdue, mais toujours dans la rage de trouver un sens à son existence : « ma vie, écrivait-elle avec humour doux-amer, est un livre impossible à lire, aux pages chamboulées par le destin avant d’avoir pu passer à la reliure ».

La situation semblait désespérée – mais la providence veillait : « la mer amère semble sans limites », dit le proverbe (苦海无边,回头是岸, kǔ hǎi wú biān, huí tóu shì’àn), mais le rivage est tout proche, en tournant la tête » – la renaissance, le succès étaient invisibles mais déjà là… comme on verra au prochain et dernier épisode !


Rendez-vous : Semaine du 12 au 25 juin 2017
Semaine du 12 au 25 juin 2017

13-15 juin, Pékin, AIAE – Asian Int’l Industrial Automation Exhibition : Salon international de l’automation industrielle

13-16 juin, Pékin : CIEPEC, Salon international et Conférence sur la protection de l’environnement

13-16 juin, Pékin : Metal + Metallurgy China, Salon international de la métallurgie

13-16 juin, Shanghai : DMC / M+M, Salon international de la fonderie, du formage, des fours industriels et de l’industrie métallurgique

16-18 juin, Canton : CINHOE, Salon international de l’alimentation et des produits issus de l’agriculture biologique

16-18 juin, Canton : IFE China, Salon international des produits alimentaires et des produits importés

16-18 juin, Canton : IHWE – International High-End Drinking Water Expo, Salon international de l’industrie de l’eau potable et en bouteille

16-18 juin, Pékin : BITE 2017, Beijing International Tourism Expo

16-18 juin, Pékin :  LUXURY China

16-18 juin, Canton : IOE, Salon international des huiles de consommation, et huiles d’olive IRE

16-18 juin, Canton : IRE : Salon international des riz de haute qualité,

16-19 juin, Dalian : Dalian BOAT Show, Salon nautique international de Dalian

19-22 juin, Shanghai :  ALTM – Asia Luxury, Travel Market, Salon asiatique du voyage de luxe

20-22 juin, Shanghai : BIOPH China, Salon de la pharmacologie et des biotechnologies

20-22 juin, Shanghai : CPHI / ICSC, Salon de l’industrie pharmaceutique

20-22 juin, Shanghai : Expo STARCH, Salon international dédié à l’amidon

20-22 juin, Shanghai : FIFood Ingredients Asia-China / HI China, Salon international des ingrédients alimentaires, et des ingrédients alimentaires de santé

20-22 juin, Shanghai : HEALTHPLEX & NEUTRACEUTICAL China, Salon international et Conférences dédiés aux produits de santé naturels