Le Vent de la Chine Numéro 22 (2017)

du 4 au 10 juin 2017

Editorial : La Chine, nouvelle motrice verte de la planète ?

Quel point commun peut-on trouver aujourd’hui entre la Syrie, le Nicaragua et les Etats-Unis ? Après la sortie des USA du Traité de Paris (COP21) contre le dérèglement climatique, décidée par Donald Trump le 1er juin, ils sont désormais les trois seuls pays non-signataires du pacte. Un choix qui, s’il devient effectif, rehaussera selon les experts à l’horizon 2100 la température du globe de 0,3°C supplémentaire. Cette décision très personnelle et très contestée du Président américain a émis des ondes de choc à travers toute la géopolitique mondiale, bien au-delà du domaine de la climatologie. Dans les heures suivant l’annonce du pensionnaire de la Maison Blanche, les grands signataires se sont élevés pour affirmer qu’eux-mêmes respecteraient les engagements du pacte : Union Européenne, mais aussi Russie, Inde, et Chine.

Tandis que Trump attend de ce retrait la « restauration de la grandeur des Etats-Unis », il vient en fait d’offrir son troisième gigantesque cadeau à la Chine en trois mois, après le torpillage en mars du TPP (accord commercial de la zone pacifique qui visait à intégrer 16 pays entre Asie et Amériques tout en isolant la Chine) et le refus la semaine passée de garantir aux alliés atlantiques la sécurité de l’OTAN à long terme. L’ Accord de Paris ratifié ou confirmé par 147 pays (dont les USA), représentait plus de 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. C’était un des acquis majeurs du dernier mandat de Barack Obama, sous l’angle diplomatique et de la coopération avec la Chine.

Mais ce désengagement prendra quatre ans de palabres. Parler de sortie immédiate de la COP21 est donc exagéré. De plus, fin 2020, de nouvelles élections auront lieu, pouvant aboutir à la nomination d’un autre Président et d’un « repentir » sur la question de l’adhésion du Pacte de Paris. Trump lui-même n’exclut pas la possibilité d’adhérer à un nouvel accord, « plus favorable aux Etats-Unis » Son secrétaire d’Etat Rex Tillerson ajoute même que son administration poursuivra les efforts actuels de baisse des émissions.

Quelles sont les chances de survie du pacte de Paris sans les Etats-Unis ? Les 146 pays signataires totalisent 65% des émissions du globe : taux inconfortable (au vu des 35% non assujettis aux règles communes), mais reste viable.
Le risque majeur, tiendra à la réaction des membres, constatant à terme que les 28% de baisse d’émissions promis par Obama d’ici 2025 (par rapport à 2005), ne seront pas tenus… Certains pays comme Inde ou Russie pourraient en tirer prétexte pour renoncer à brider leurs émissions.

Par contre, la sortie des Etats-Unis ne comporte pas que des aspects négatifs. Lors des renégociations obligatoires chaque cinq ans, les pays membres n’auront alors pas à leurs côtés une délégation américaine climatosceptique pour contrecarrer tous leurs efforts. Ils auront plus de latitude pour consolider, approfondir le Traité. Ceci donne la chance à la Chine, par ses moyens exceptionnels, de s’imposer comme la locomotive verte d’une économie mondiale décarbonisée – c’est ce qu’elle veut, et c’est ce à quoi elle se prépare depuis des années.

Elle compte apparemment sur six chantiers majeurs, ou stratégies pour y parvenir :
– La Chine peut coopérer avec les villes et Etats des USA opposés à l’isolationnisme de Trump. Un exemple immédiat apparaît : la Californie entame des négociations pour relier sa bourse des crédits carbone au réseau des bourses chinoises. Elle peut aussi poursuivre ses efforts d’équipement en de lignes de TGV à travers les Etats- Unis … Lire la suite


Diplomatie : La Chine, nouvelle motrice verte de la planète ? (suite)

Lire la partie précédente… / – La Chine va poursuivre ses efforts de décarbonisation sur son propre sol, avec 360 milliards de $ à dépenser en 5 ans, dont 103 fournis par l’épargne investie en « obligations vertes », et des centaines de centrales à charbon à remplacer par autant de parcs solaires, éoliens, de centrales nucléaires, barrages…

– Elle déploiera ses projets industriels et d’infrastructures « One Belt, One Road » (OBOR) sur les cinq continents, avec 500 milliards de $ sur cinq ans (32 milliards dépensés en projets « verts » en 2016). Ceci sera la filière privilégiée pour écouler ses technologies environnementales à bas prix : chauffe-eaux et panneaux solaires, irrigation économe par hydroponie…

– Elle a de bonnes chances d’avancer de 2030 à 2025 la date du passage du « pic carbone », où ses émissions entameront leur « plateau » sans plus grandir davantage, avant d’entamer leur descente. Avant le passage du pic, elle prévoyait de voir ses émissions continuer à monter encore 13 ans, durant lesquels les pays développés eux, s’imposent déjà l’effort de coupe : cette durée de latence et d’efforts inégaux était l’excuse n°1 de Trump pour sortir du pacte, l’accusant d’injustice au détriment de son pays : sa réduction affaiblira considérablement l’argument.

– Plus problématique mais faisable, la Chine pourrait contribuer au fonds de 100 milliards de $ prévu à partir de 2020 pour assister les pays en voie de développement dans la décarbonisation de leur économie. A ce jour, suivant un schéma idéologique dépassé, Pékin place la responsabilité pour leur retard de croissance, sur  les ex-puissances coloniales, et attend que ce soient elles qui paient. Mais la Chine est entretemps devenue la première réserve en devises au monde, et si elle accepte de contribuer, elle tuera l’excuse n°2 de Trump pour casser la COP21.

– Enfin la Chine a entamé son rapprochement avec l’Union Européenne – entre autres, pour consolider avec elle l’accord climatique, et en obtenir les technologies de pointe qui lui manquent encore.

C’était un des sujets de la rencontre berlinoise du Premier ministre  Li Keqiang avec la Chancelière Angela Merkel (1er juin), et du Sommet Sino-Européen de Bruxelles le lendemain. Au sommet justement, en « trilogue » avec Donald Tusk Président du Conseil Européen et Jean-Claude Juncker Président de la Commission, Li Keqiang a convenu que Chine et UE poursuivent la régression des combustibles fossiles et le développement de technologies vertes. Ils ont aussi promis de soutenir la quête de fonds afin d’aider les pays en développement à réaliser leur propre décarbonisation économique. 

Le sommet a cependant trébuché sur un obstacle attendu : celui des différends commerciaux, autour de la surproduction en acier chinois qui déprime et tue lentement la sidérurgie européenne, et de la vieille exigence chinoise de se voir reconnaître le statut d’économie de marché, conformément aux engagements pris en 2001 lors de l’entrée de la Chine à l’OMC.

Les deux blocs savent que suite à la disparition des Etats-Unis comme allié fiable et « protecteur », ils ont l’obligation de combler le vide –et de s’entendre. Ils doivent donc signer un traité de protection des investissements (demande européenne) et de libre-échange (demande chinoise).  La Chine devra offrir aux Européens l’accès garanti et réciproque aux marchés publics, des services, de la finance. On en est très loin : aujourd’hui-même, France, Allemagne et Italie envisagent de faire imposer par l’UE un blocus des investissements chinois en Europe, tant que la Chine ne leur reconnaîtra pas les mêmes libertés sur son sol… Face à ces reproches, Li Keqiang plaidait la patience : « nous travaillons dur à rétablir l’équilibre des balances commerciales… Nous trouvons les problèmes, et nous faisons notre possible pour les réduire… ».

A Pékin même, avec son entourage d’économistes de haut vol, le Président Xi Jinping est parfaitement conscient de l’enjeu – la chance pour la Chine d’occuper le leadership abandonné par Trump, et des étapes à franchir pour y parvenir. Elles supposent entre autres des révisions idéologiques historiques à faire, sur la finalité de la coopération, tant avec l’Europe qu’avec les pays OBOR (dominer ou partager ?), et sur sa capacité d’écoute en négociation (l’abandon d’une forme de patriotisme poststalinien). Cette nouvelle donne pourrait devenir un thème majeur du XIXe Congrès, du second quinquennat de Xi Jinping.

Dans cette nouvelle configuration de la géostratégie planétaire, de nombreux points demeurent obscurs. Trump par exemple, peut-il se retrouver destitué à mi-parcours par son opposition désormais puissante, englobant Etats et métropoles, la presse, et les plus grands groupes comme GM, GE, Exxon, Chevron, Goldman Sachs ou Disney ?

Et que deviendra l’alliance sino-russe fondée depuis 30 ans comme club de résistance à l’« impérialisme américain » ? Une fois les USA repliés sur eux-mêmes, ces pays ne risquent-ils pas, dès lors, d’écouter plus cet autre vieux sentiment historique : la méfiance mutuelle ?
Toutes ces questions trouveront leurs réponses au fil de l’avenir. Un seul fait est sûr : une page d’histoire vient de se tourner.


Finance : Grognement chez Moody’s

Patatras le 23 mai, quand l’agence Moody’s, rétrograda la note de crédit de la dette souveraine chinoise d’un cran, de Aa3 à A1 (avec une perspective stable)—une première depuis 1989. Cet indice compromettait l’espoir de la Banque Centrale de relancer sur son sol la finance étrangère. Aussi le ministère des Finances réagissait-il mal, criant à la « méthode inappropriée » et à l’« incompréhension des lois et règlements chinois » chez le géant américain de la notation. Comme par démenti, le yuan remontait au marché off-shore à Hong Kong à un niveau plus vu depuis mars, et l’agence chinoise Chengxin (dont Moody’s détient 49%) maintenait son A+.

La cause alléguée à l’abaissement est l’endettement public, et une économie publique toujours gavée à la planche à billets, sans regard sur la rentabilité. Il y a aussi la timidité à démanteler les surcapacités d’acier et d’énergie. Pour Moody’s, la croissance va se stabiliser, de 6,7% l’an passé, à 5% sous 5 ans, ce qui peut rendre délicat à l’avenir une poursuite de ces subventions à fonds perdu. 
Autre signe d’essoufflement de la croissance : l’endettement de la jeunesse urbaine, séduite par un accès facile et rapide au crédit bancaire à  taux attractifs. Ainsi, les jeunes empruntent en millions de yuans pour  acheter un appartement ou une voiture plus puissante. L’hypothèque des ménages grimpe vite—mais en cas de panne de croissance, pourront-ils rembourser ?
 Pour contrer l’affolement de l’emprunt, l’Etat compte sur le désendettement des consortia et des provinces par échange de dette contre des participations, l’entrée aux projets des capitaux privés et étrangers, et le frein aux investissements. Mais pour Moody’s, cela ne suffit pas à refroidir la poussée spéculative. Il en veut pour preuve la masse toujours importante, quoiqu’illégale, de sortie de fonds vers Hong Kong – lequel, au passage, rétrograde la note du « Rocher »  pour la même raison. Si la Chine tousse, Hong Kong s’enrhume !

Pour serrer les rênes de sa croissance, Pékin ajoute deux mesures : un « facteur contre-cyclique » dans la fixation du taux de référence quotidien du yuan (mais ce levier manque de transparence, et s’éloigne d’un objectif de contrôle de la monnaie par le marché) ; et une promesse de déréguler l’investissement étranger dans l’automobile, la batterie, les services et la mine.
Qu’on se rassure enfin : nul expert, chinois ou non, n’envisage une crise financière sérieuse en ce pays, vu sa puissance industrielle et sa note nationale qui même rétrogradée, demeure la cinquième mondiale.


Diplomatie : Les ambitions polaires de la Chine

À la vitesse de l’éclair, la Chine  s’impose comme partenaire incontournable dans les régions arctique et antarctique. C’est l’effet d’une priorité discrète adoptée dès 1983, quand Pékin adhérait au Traité sur l’Antarctique, puis installait sur place 4 stations de recherche. Depuis, le pays s’est doté d’une Administration Nationale Arctique et Antarctique. En décembre 2016, il se réconciliait avec la Norvège (membre du Cercle Arctique), puis en avril, recevait la Premier ministre Erna Solberg.

Du 22 mai au 1er juin, Pékin accueillait la 40ème réunion du Traité sur l’Antarctique, avec 400 représentants de 42 pays et 10 agences internationales. Ce fut pour la Chine le moment idéal pour publier un document sur ses activités des 30 dernières années et sa vision d’avenir dans la région—mais loin d’un « Livre blanc » par lequel la Chine eût clairement annoncé ses intentions. Elle évoqua un projet de « loi de l’Antarctique » et confirma pour 2018 la construction d’une cinquième station et d’un second brise-glace.

En retard sur d’autres puissances, en terme de nombre de stations et de navires spécialisés, la Chine cherche à faire reconnaître une « souveraineté molle » en Antarctique autour d’une de ses stations : une « zone de management spécial antarctique ». Un concept qui va à l’encontre de toute la vision internationale historique dans la région. Elle avance aussi le concept de « juste équilibre » entre préservation et exploitation des richesses polaires, réclamant une augmentation du quota de pêche au Krill (minuscules crustacés, base de la chaîne alimentaire locale), et de celui des touristes dans la zone (38 000 l’an dernier, en hausse de 29%). En une formule soigneusement choisie, elle précise que « pour l’instant », elle n’a « pas de projets miniers » dans la région.
Lors de cette réunion, la Chine dévoilait aussi son ambition en Arctique, en y étendant le champ d’activité de son dernier plan de développement hors frontières. Au concept « une ceinture (terrestre), une route (maritime) » (OBOR), est officiellement ajouté un troisième terme : « un cercle » (arctique) !

En effet, cette région renferme jusqu’à 30% du gaz et 13% du pétrole encore non répertorié (de source américaine). La Chine guigne aussi la « route arctique » Est-Ouest, qui fait gagner une semaine sur celle du canal de Suez, et jusqu’à 600.000$ en frais de navigation par tanker. Pour appuyer ses demandes, la Chine use du plus vieil argument du monde : l’argent. Au meeting de Pékin, elle signait six déclarations d’intention avec six puissances polaires (USA, Russie, Allemagne, Norvège, Chili et Argentine). Autant d’offres impossibles à refuser, et qui lient !  


Hong Kong : Douche écossaise

Le 24 mai Zhang Dejiang, n°3 du régime, en charge du portefeuille hongkongais, a tenu dans la ville un discours d’une rare dureté. « Le pouvoir dans Hong Kong, a-t-il expliqué, est 100% aux mains du Chief Executive, par délégation ». Pas question pour la population insulaire d’un partage de prérogatives avec la justice ou le Parlement, ni de s’appuyer sur le « haut degré d’autonomie » garanti par le Traité sino-britannique de dévolution de 1984, pour contester Pékin. L’île doit au contraire voter au plus vite une « loi de sécurité » contre toute dissidence. Selon Zhou Nan l’ex-négociateur (ultraconservateur) du Traité, une telle loi sera le « préalable sur place, à l’édification d’une société harmonieuse ». Flèche du Parthe, Zhang invite les juges et avocats insulaires à relire la « Loi fondamentale » (votée à Pékin), qui définit les droits et devoirs de Hong Kong vis-à-vis de la mère patrie—la mini-constitution rédigée par le Parlement local (Legco), est donc absente.

Cela signifie que, à l’avenir, Hong Kong doit abandonner tout rêve d’élection au suffrage universel direct, et adopter une loi répressive de sécurité. C’est pour certains, 30 ans avant l’échéance, l’ultime étape pour faire passer le Rocher sous la formule « un pays, un système » – en faire une ville chinoise comme les autres.
Carrie Lam, patronne de la RAS, a prudemment botté en touche : si une telle loi est bien un devoir constitutionnel, la voter maintenant compromettrait une paix sociale déjà fragilisée par son prédécesseur C-Y Leung, qui s’est avéré d’une obédience à toute épreuve vis-à-vis de Pékin. Ce qui frappe dans le discours de Zhang Dejiang est qu’il est dans la droite ligne du régime, hostile à toute divergence, et ceci, quoique Zhang soit un adversaire notoire de Xi Jinping, imposé 5 ans plus tôt dans son équipe par l’ancien Président Jiang Zemin.

La visite de Zhang préparait celle de Xi du 29 juin au 1er juillet, pour le 20ème anniversaire de la rétrocession. Ce discours est interprété comme une tentative de Zhang, à cinq mois de la retraite, pour prévenir toute velléité chez Xi de faire des concessions (au nom de la discipline de Parti et de l’unicité de ton) lors de son futur passage ! La question hongkongaise est loin d’avoir fait l’unanimité à Pékin dans le passé. Deng Xiaoping dès l’origine, voulait « laisser les générations futures trouver la bonne formule » pour le retour paisible à la Chine, et Wen Jiabao, le précédent 1er ministre, plaidait pour une résolution des « problèmes de fond » de Hong Kong – la reconnaissance de son besoin de démocratie. En somme, on peut apercevoir une ligne de fracture : la RAS se retrouve au cœur d’un conflit interne du pouvoir.


Corées : Le bal des missiles

La fébrilité balistique nord-coréenne plonge l’Asie dans une passivité teintée de déception et d’angoisse. Tiré le 29 mai de Wonsan, le missile Pukguksong-2, capable de transporter une charge nucléaire, parcourut 450km avant de s’abîmer en eaux nippones. C’était le 9ème tir de l’année, et il était à carburant solide, lui permettant de décoller de partout, devenant ainsi quasi indétectable au sol.

Réunions, missions d’Etat se succédèrent. Au G7 de Taormine (Italie), évoquant l’avant-dernier tir, D. Trump évoqua pour la énième fois un « grand problème mondial, qui (allait) être réglé ». Susan Thornton la vice-Secrétaire d’Etat américaine se rendit d’urgence (25-26 mai) à Pékin pour étudier la possibilité de nouvelles sanctions onusiennes. Le conseiller d’Etat chinois Yang Jiechi s’envolait à Tokyo les 29-31 mai. Pyongyang pendant ce temps, en alerte permanente, ne parlait plus à personne.
Au moins, l’urgence du moment crée des conditions favorables à une embellie sino-nipponne – un sommet Xi Jinping Shinzo Abe se préparerait. Trump aussi traite la Chine en alliée – dans un tweet, il la félicite de « faire tous ces efforts » – et l’ambassadrice à l’ONU Nikki Halley confirme qu’en coulisses, Pékin travaille dur pour tenter d’enrayer la vague de tirs.

En Corée du Sud, le nouveau Président Moon Jae-in (pacifiste, élu le 10 mai) cache mal son désarroi. Depuis son entrée en fonction, sa main tendue au mal nommé « pays du matin calme » obtint pour toute réponse trois tirs de missiles. Il déplore cependant (30 mai) que son ministre de la Défense lui ait tu l’entrée en Corée de 4 nouvelles rampes THAAD de missiles anti-missiles, en sus des deux déjà présentes.

Fort à propos le même jour, Washington fit connaître le succès en Californie, d’un test de cette même rampe, d’interception d’un missile ICBM, du même type que les derniers lancements nord-coréens.

En Corée du Nord, à en croire l’agence UPI, un cadre déclarait le pays « désormais capable de frapper n’importe quel point de la Chine… les dirigeants chinois ne peuvent pas être ignorants de cette nouvelle donnée stratégique » – autant pour l’amitié éternelle entre ex-« frères de sang » !  

Suit enfin cette nouvelle insolite, apparemment contradictoire : selon des experts israéliens et texans, le missile Pukguksong-2 serait dérivé d’un modèle de missile lançable par sous-marin, testé en Corée du Nord le 24 août dernier, lui-même adapté du missile chinois pour sous-marin JL-1. Si la nouvelle se vérifie, comment un tel modèle a-t-il pu tomber aux mains de Kim Jong-un ? On devine mieux les difficultés chinoises à coordonner son action contre les ambitions folles du petit voisin.


Petit Peuple : Xiangyang (Hubei) – Fan Yusu, battue, jamais vaincue (1ère partie)

En 1980 à Xiangyang (Hubei) Fan Juren, fillette de sept ans, avait la vie dure. La maison vivait aux franges de la pauvreté. Tout reposait sur les épaules de Zhang Xianzhi, sa mère, qui trimait pour faire bouillir la marmite pour 5 enfants, dont 2 filles handicapées, et un mari de santé fragile. L’harmonie était absente en ce foyer : le père grincheux, Yun et Fei, les frères aînés arrogants, se relayaient pour disputer les filles, les houspiller, leur laisser invariablement les innombrables corvées – l’eau à aller tirer, le grain à donner aux volailles, le ménage, le désherbage du potager.

Face à ces injustices, la mère avait trop à faire pour défendre ses petites, et même leur prêter attention. Fan Juren, la petite dernière, avec son sœur Meihua, atteinte de polio, s’étaient créé un double refuge : leur lit commun (le mot grabat eût été plus juste), et la lecture. Précoces, les bambines lisaient jusqu’à tard le soir, histoire de se recomposer nuit après nuit un univers plus souriant, et plus conforme à leur nature romanesque.

En 1950, à l’âge de 14 ans, leur mère, Zhang Xianzhi, s’était trouvée diriger la section locale de la Fédération des Femmes, grâce à son éloquence et ses qualités d’oratrice. À ce titre, elle tenait la bibliothèque, faisant tourner les ouvrages confiés par la province – situation un rien paradoxale, elle-même étant analphabète. Mais les fillettes-elles, piochaient sans hésiter dans les rayons. Ainsi Juren se trouva à sept ans à dévorer ces livres de la jeunesse, le « Voyage à l’Ouest », les exploits de Lei Feng, « Robinson Crusoé » de Daniel Defoe, « L’île mystérieuse » de Jules Verne, « Oliver Twist » de Charles Dickens, et tant d’autres. Du fond de leur lit, elle et Meihua se commentaient les morceaux de bravoure, et rêvaient d’amour et de gloire. Du pôle Nord au Sud, elles faisaient leurs voyages imaginaires, échappaient aux flèches des Comanches d’Amérique, aux balles des cosaques russes, aux griffes des ours blancs de Terre de Feu… Sur tout papier qui traînait, Juren gribouillait sa devise sacrée, « marcher pieds nus au bout du monde » (赤脚走天涯, chìjiǎo zǒu tiānyá).

A 12 ans en 1985, éprise d’aventures, elle fit sa première fugue : par train et bateau, sans payer (ayant appris dans ses livres, les 72 trucs pour tromper la vigilance du contrôleur), elle descendit sur l’île de Hainan, attirée par les buissons fleuris, les arbres ployant sous les fruits en toute saison. Elle connaissait les risques et s’y était préparée : elle gardait ses vêtements amples et sales, masquant le fait qu’elle soit une fille et la protégeant ainsi des voleurs d’enfants. Elle dormait dans les talus, buvait aux fontaines. Pour manger, elle cueillait les papayes, mangues et noix de coco du bord du chemin, ou récupérait un quignon de pain dans les poubelles. Cela lui suffisait. Mais ce qui lui fit rebrousser chemin après trois mois d’errance, fut l’absence de sa mère, de ses chers livres, et de l’école – elle retourna donc à Xiangyang par le même chemin.

A l’arrivée, elle ne s’attendait pas à ce qu’on lui fasse une fête… mais elle fut prise de court par la violence de l’accueil : le clan masculin la rejeta purement et simplement. Selon son père, ses frères, ses cousins, elle avait détruit la respectabilité de la famille, et devait partir. On ne voulait plus de cette brebis galeuse. Juren était abasourdie : « si l’un de mes frères avait fait cette escapade, nul n’aurait pensé à mal », se disait-elle. La réalité bien sûr, était plus simple et prosaïque. Envers Juren, tous ses proches masculins ressentaient soudain une jalousie incommensurable : sa bravoure les insupportait. Elle se révélait plus courageuse et virile qu’eux-mêmes !

A ce moment-là, Xianzhi, sa mère, pour une fois osa tenir tête à ses hommes. Quelques mois plus tôt, elle avait obtenu pour Fei un poste au bureau municipal des parcs et forêts : elle exigea en retour qu’il se remue pour sa sœur, ce à quoi il consentit de mauvaise grâce. Le soir venu, entre chien et loup, Fei se rendit chez son collègue de l’éducation, une bouteille d’erguotou (alcool blanc) planquée dans son cabas. Une heure de causette, quelques verres firent l’affaire : à 12 ans, Juren était placée institutrice dans un hameau à 15 km, à distance respectable de Xiangyang, pour qu’on ne parle plus d’elle – que l’honneur du clan puisse entrer en convalescence.

Ce fut à cette époque que Juren changea de nom. « Chrysanthème », ce que signifiait son vocable de naissance, faisait trop gracile et  « fleur coupée ». C’était comme un choix délibéré des parents pour perpétuer l’ancestrale discrimination des genres. La même chose valait pour ses sœurs : « Osmanthe » et « Prune » faisaient pâles et vulnérables, face aux fiers noms choisis pour leurs aînés mâles, évoquant le Dragon et le Phoenix. Aussi Juren se métamorphosa-t-elle en  Yusu, « Pluie pure », tiré de « Pluie de brume », roman de Qiong Yao.

Qu’on le croie ou non, face à des élèves parfois plus âgés qu’elle et à une école laissée à elle-même, qui n’avait plus eu de maître permanent depuis 3 ans, l’adolescente tint bon. Pendant huit ans, seule, elle dicta, lut à voix haute, fit faire additions et soustractions, raconta les provinces en géographie, l’invasion japonaise en histoire. Alternant sourires et persuasion, elle apprit à se faire respecter, et survécut sans autre salaire que les offrandes des parents d’élèves– une brassée de bois, un sac de farine, une douzaine d’œufs, un bout de lard salé. Durant tout ce temps, cette enfant « guide d’enfants » n’avait jamais cessé de lire ses livres, ni de rêver des lumières de la ville…

Fan Yusu réussira-t-elle à sortir sa misère ? Patience, seuls huit jours vous séparent de la suite de la saga de son existence !


Rendez-vous : Semaine du 5 au 11 juin 2017
Semaine du 5 au 11 juin 2017

5-6 juin, Nankin : CIEPE, Salon international de la protection de l’environnement et de la ville écologique

6-8 juin, Pékin : CIGEE & CDEE, Salon des équipements et technologies de réseau électrique intelligent

6-9 juin, Shanghai : International CES Asia, Salon international de l’électronique et des technologies grand public

7-8 juin, Pékin : OPTINET China Conference, Conférence sur les réseaux optiques

7-9 juin, Shanghai : ASCE, Salon international des services liés à l’aviation

7-9 juin, Shanghai : AQUATECH, Salon international des procédés pour l’eau potable et le traitement de l’eau

7-9 juin, Shanghai : ECOTECH China

8-10 juin, Pékin : CHITEC, 20ème édition la China Beijing International High-Tech Expo

8-14 juin, Chongqing : Salon de l’automobile

9-11 juin, Canton : Wire & Cable, Salon international des fibres et des câbles

9-12 juin, Canton : Salon international des technologies de l’éclairage

9-12 juin, Ningbo : CICGF, Salon international des biens de consommation