Le Vent de la Chine Numéro 9 (XX)

du 8 au 14 mars 2015

Editorial : Le ballon rond, sur l’herbe verte…

Le week-end du 28/02, l’internet chinois s’emballa pour « Sous le dôme », vidéo environnementale par Chai Jing, ex- vedette de TV. Fruit d’un an de travail et d’1 million de ¥ d’investissement, ce documentaire était bâti sur la trame d’« Une vérité qui dérange », le film d’Al Gore de 2006. Alternant animations, séquences filmées et souvenirs vécus, Chai accusait l’air sale pékinois d’avoir fait naître son bébé avec une tumeur – bénigne heureusement. Filmant les cheminées d’usines aux volutes noires, elle reprenait la déclaration de Chen Zhu, ex-ministre de la Santé : 500.000 Chinois par an décèdent prématurément pour cause de pollution de l’air. Elle accusait les pétroliers de bloquer l’adoption de normes strictes au carburant. Enfin, elle adjurait les citoyens d’agir, afin d’« aider le pouvoir à améliorer la lutte » pour l’environnement. Dans l’histoire médiatique du pays, ce fut un succès unique : ce thème très sensible pour l’opinion fut présenté avec forte vulgarisation et sous un ton affectif adoré des Chinois. En 48 heures, le film reçut 175 millions de clics – un internaute sur trois. Derrière ce succès, se devine le soutien du pouvoir. Les media multiplièrent citations, éditoriaux, hyperliens. Chen Jining, le nouveau ministre de l’Environnement adressa ses félicitations. Chose très atypique à la veille du Plenum, la censure fut bénigne, quasi-souriante. Il faut dire que le message largement inoffensif évitait toute attaque gouvernementale. La retenue des censeurs était méritoire : le timing de la sortie lui assurait un impact maximal, à 5 jours de la double Assemblée (两会), de la Commission Consultative CCPPC (03/03) et de l’Assemblée Nationale ANP (05/03). Le reportage de 104 minutes « préchauffait » le débat sur le thème environnemental dans les deux enceintes, promettant d’être un des terrains sur lequel Pékin veut avancer. C’est peut-être un compte à rebours, pour le Sommet de l’ONU, COP 21 de Paris fin novembre, qui ambitionne d’adopter un plan de limitation mondiale des émissions de CO2…Après 3 jours de « buzz », les roues dentées de la censure s’ébranlèrent enfin, pour laisser place nette aux débats des édiles nationaux. Mais le message était passé, et la population avait été ravie, 72 heures durant, par une apparence de démocratie directe. 

L’actualité veut qu’à la même période, le pouvoir se penche sur un autre sujet populaire : le football, discuté le 27/02 au « Groupe de travail sur la réforme intégrale » sous la direction de Xi Jinping-même : un honneur jamais vu pour le ballon rond. Un plan décennal était adopté, destiné à arracher ce sport à son faible niveau international. Dès 2015, une heure de football par un professeur qualifié sera au programme dans 6000 écoles, devant passer à 20 000 d’ici 2017. Le 2 mars, Xi réitéra son engagement envers le ballon rond : devant le Prince William, Duc de Cambridge, en visite chinoise pour quatre jours. 

Entre l’environnement et le football, sujets apparemment disparates, quel lien peut-il y avoir ? À la veille du rendez-vous annuel avec les édiles, Xi Jinping avait à cœur de montrer que loin de limiter son action à la chasse aux corrompus, il savait aussi se montrer près des préoccupations du peuple – de façon cette fois tangible, le « Rêve de Chine » rejoint celui de la rue chinoise.


Politique : Bruits de couloirs des deux sessions

Chaque année, lors des deux sessions parlementaires, nous proposons une page spéciale, combinant les rumeurs et ambiance de l’arène. 

– Riches édiles

À en croire un récent sondage de Xinhua auprès de 220 000 personnes, le 1er souci de l’opinion, celui qu’elle voudrait voir discuter par les assemblées, est « la distribution de la ressource nationale » – autrement dit la richesse. La Chine peut supporter les écarts de revenus, mais pas l’étalage arrogant d’une fortune mal acquise, et moins encore les passe-droits des riches ayant transgressé la loi. Autrement dit, ce Plenum danse sur des œufs, car sur 5191 édiles, 203 sont milliardaires, et les 18 plus riches accumulent un patrimoine équivalent au PIB de l’Autriche. Qu’ils soient sportifs (Yao Ming), hommes d’affaires (Li Hejun—Hanergy ; Zong Qinghou –Wahaha ; Pony Ma—Tencent ; Lei Jun—Xiaomi…), acteurs ou cinéastes (Jackie Chan, Chen Kaige), ces riches élus se doivent de faire profil bas et surveiller leur comportement.

– Interdits 

Les interdits fusent : aux sessions, peu de fleurs et pas de banquets. Les effluves de tabac qui en mars 2014 se répandaient comme une locomotive dans les couloirs du Parlement, ont carrément disparu : les édiles fument la nuit en cachette, aux jardins de leurs hôtels. Même chose pour l’alcool. Même l’eau et les fruits discrétionnaires ont disparu des chambres – ceux qui en veulent n’ont qu’à se les procurer. En session, les élus sont privés de regarder leurs smartphones pour consulter les réseaux sociaux ou jouer. Ils sont bien sûr interdits de piquer un somme en séance et pire encore, de faire « réunion buissonnière ».


Technologies & Internet : Cyber-sécurité : le feu aux poudres !

Une vieille pierre d’achoppement entre Chine et Occident est le dossier de la cyber-sécurité, reflétant les ambitions de la Chine face à la mondialisation de l’économie. 

À Pékin (25/02), une loi antiterroriste était en lecture au Bureau du Parlement (ANP), prévoyant des normes sécuritaires très dures pour tout produit à Technologie d’Information ou de Communication (TIC). Pour être commercialisables en Chine, de tels biens devraient déposer leurs codes-sources, logiciels et interfaces, et disposer de « portes arrière » offrant un accès aux données aux services chinois. 

Déjà en décembre 2014, un règlement sur les équipements de transfert des données financières avait imposé 68 conditions pour valider les produits importés. En même temps, la liste des outils étrangers pouvant accéder aux marchés publics, donnait un glacial indice du changement de cap, en baissant sur deux ans de 33% en général, et de 50% pour les produits TIC. 

Fin 2014, Cisco (USA) qui comptait 60 références dans la liste en 2012, n’en avait plus aucune. Une « charrette » de groupes de la Silicon Valley, tels Apple, McAfee ou Citrix, se retrouvait ainsi soit rayée, soit réduite à portion congrue. 

La raison alléguée des autorités au grand nettoyage, est l’affaire Snowden, la révélation de la mainmise par la NSA (l’Agence américaine de Sécurité) sur tous les fournisseurs euro-américains d’équipements ou services de TIC, et par suite, l’écoute massive d’individus de tous pays, en toutes langues. 

Décidée après la frappe terroriste du 11 septembre 2001 à New-York, cette action était une faute politique : la perte de confiance envers les USA se paiera longtemps encore – en Chine comme ailleurs. 

Mais les producteurs occidentaux de TIC ne l’entendent pas ainsi. Pour un patron américain en Chine, la loi est « un désastre » qui menace de priver sa firme de VPN fiable, de protection de ses secrets d’affaires et de ses transferts de fonds. 

Une autre perte insupportable serait celle de la propriété intellectuelle des cyber-produits : qu’est-ce qui garantit que l’Etat chinois, une fois maître des codes-sources ne les fuitera pas auprès de ses industriels ou de ses universités, annihilant 50 ans de recherche américaine de pointe ? Un autre risque suggéré en pointillé au projet de loi, réside dans les peines de prison promises à quiconque refusera d’obtempérer. 

Paradoxalement, à long terme, la Chine pourrait s’avérer la plus grande perdante : bâtir une « Grande Muraille technologique policière » ne fera que faire fuir du pays toute la cyber-profession mondiale et leurs équipements—de meilleure qualité que ceux conçus localement – menant assez vite à un déséquilibre insupportable. 

De toute manière, le 2 mars, Obama lui-même prononçait ce très rare avertissement : après en avoir discuté directement avec Xi Jinping, il concluait que « si la Chine voulait faire des affaires avec les Etats-Unis, elle devrait changer sa loi ». 

Face à de tels arguments, la Chine fait le gros dos. Elle veut bien étudier « toute proposition ». Elle réaffirme son droit légitime à protéger ses intérêts sécuritaires. Elle précise que les intérêts « légitimes » des firmes technologiques étrangères seront « intégralement respectés ». Et « tout ce que [sa] loi contient, fait partie des pratiques sécuritaires de l’étranger ». 

Il faut toutefois rappeler que si aujourd’hui, Cisco, est exclu des marchés publics chinois, en 2013 Huawei, groupe « privé » chinois, était écarté des marchés publics américains (et d’autres pays anglophones), jugé à la solde de l’Etat chinois… 

Un dernier éclairage à ce dossier, est celui des progrès techniques de la Chine, aux entreprises subventionnées, capables de produire beaucoup plus de matériels informatiques de haut niveau que par le passé. D’ici 2018, le Conseil d’Etat a alloué 640 milliards de $ d’aide à 7 secteurs « stratégiques », dont celui des TIC. Et en 2018, la Chine assurera à elle seule 10% des investissements globaux en TIC. 

Pour reprendre Wang Zhihai, CEO de Wondersoft, « en matière de cyber-sécurité, nous sommes très en retard sur l’Occident, et même toute l’approche théorique reste non acquise. Mais laissez-nous le temps : d’ici 10 ans, nous y serons ». 

Quelle suite attendre à ce désaccord ? Des années en arrière, la Chine avait tenté d’arracher les codes-sources des producteurs de cartes à puce implantés en Chine, et s’était heurtée au mur déterminé du refus international. Ici apparemment, le gouvernement chinois ne s’attendait pas à voir Obama entrer personnellement en lice. D’après un observateur, il est probable que le texte soit à présent discrètement retiré de l’agenda de l’ANP, en attendant, sous quelques mois, une version moins offensive.


Politique : Bruits de couloirs des deux sessions (suite)

Lianghui2015– Novlangue

Les élus doivent se mettre à la page en faisant preuve de maitrise de nombreux concepts, parfois sibyllins. Rappel pour les non-initiés : les « Quatre décadences » sont le formalisme, le bureaucratisme, l’hédonisme et l’extravagance. La « Ligne de masse » est un produit hybride entre la discipline de Parti, la transparence et la frugalité. Les « Trois frais publics » (aujourd’hui traqués) du train de vie du fonctionnaire sont : la voiture de fonction (de luxe), le banquet et le voyage exotique. « Une ceinture, une route » décrit l’artère logistique comprenant autoroute, TGV et zones industrielles que Pékin va lancer entre son territoire et ses pays voisins. Le « Nouveau normal » est l’objectif d’une croissance durable et haut de gamme. Et enfin, les « Quatre fondamentaux » sont les dernières priorités de Xi Jinping, habillant son « Rêve de Chine », société de moyenne aisance, réforme, gouvernance dans la loi et gestion stricte du Parti. 

– Football

Cette ambiance jacobine peut parfois nuire à la spontanéité des débats. On vient de le voir dans un groupe de travail « Football » à l’ANP, qui réunissait des experts nationaux, sportifs, entraîneurs et édiles, pour discuter le plan de relance en 10 ans du ballon rond. Mais fait bien embarrassant, durant 21 minutes, nul n’a pris la parole. Un chef d’entreprise s’est ensuite jeté à l’eau pour lâcher trois généralités sur son secteur. Puis l’ambiance s’est de nouveau gelée, avant que le président des débats ne lève la séance, le rouge au front. 

Un athlète tenta d’expliquer ce silence collectif par un nombre élevé de réunions les jours précédents – « nous n’avions plus rien à nous dire ». Toutefois une explication plus convaincante vient à l’esprit : en dépit d’un grand nettoyage des « sifflets noirs » et des cadres corrompus en 2013, la situation du secteur reste toujours malsaine et notoirement percluse de matchs truqués. Or, les personnages fautifs appartiennent à des cliques, qui restent puissantes, mais que Xi Jinping tente de dissoudre. Dans ces conditions, c’est un excellent moment pour garder le silence ! 

– Le «  chapeau de fer »

Dix jours avant l’ANP, la CCID, police interne du Parti en charge de l’anticorruption, a republié cette histoire de Yikuang, Prince Qing et politicien sous l’impératrice Cixi (XIXème siècle) qui s’était immensément enrichi, invulnérable aux critiques. L’histoire a été reprise et commentée par toute la presse, symbole évident du mandarin rouge qui bloque à des fins personnelles la transformation du pays. Tout le monde se demande quel sera le prochain « chapeau de fer », cadre communiste du plus haut niveau, à tomber ces jours ou semaines à venir. 

En attendant, c’est au tour de Xing Yunming, patron du contre-espionnage militaire, de tomber pour « concussion ».


Politique : Li Keqiang à l’Assemblée : « je suis toujours là »!

« Dès que les myriades de cellules composant le marché… réussiront à s’activer, un formidable dégagement d’énergie s’ensuivra, qui propulsera la croissance ».
Par ce genre d’élan lyrique, Li Keqiang, le 1er ministre, tenta de galvaniser l’ANP, en son 1er jour de session (05/03). Il lança aussi cet appel insolite au Conseil d’Etat, son institution : « le gouvernement doit avoir le courage de s’imposer une révolution et laisser au marché et à la société un espace suffisant pour se développer… dans une concurrence équitable ». 

Selon la tradition, le discours présentait les orientations politiques de 2015. Au programme, de la réforme tous azimuts et des projets impressionnants, telles ces créations imminentes d’« artères logistiques internationales » : les « nouvelles routes de la soie ». 

Les bruits couraient jusqu’alors d’un Li Keqiang étouffé par la personnalité du Président Xi Jinping, en perte de vitesse, son programme aux oubliettes, et sans autre perspective que celle de se retirer en fin de mandat en 2017. Force est de constater qu’au contraire, toutes ses idées depuis 2012 sur la « démocratisation par la croissance », restent d’actualité, en cours de matérialisation. 
On note aussi dans ce discours une érosion du champ politique. Mao n’est pas cité. Deng l’est, une fois. Hu Jintao et Jiang Zemin le sont, par allusion. Même le dernier slogan de Xi Jinping, les « Quatre fondamentaux »  reste éludé. Voilà qui dément ceux qui annonçaient un « tournant à gauche » du régime… À remarquer, les sujets qui fâchent sont absents, tels Tibet, Xinjiang ou Taiwan. D’autres, telle la lutte anti-corruption ou la suppression du Hukou (permis de résidence) sont traités dans le flou, sans chiffres ni bilan, laissant suggérer des désaccords dans la classe dirigeante. 

S’il faut retenir un mot clé de cette présentation, ce serait celui de « Nouveau normal », et d’une volonté de profiter de la récession, fin d’une ère productiviste pour réorienter l’économie vers le durable et la montée en gamme. 

Les industries publiques doivent renoncer à leurs budgets automatiques, se séparer des personnels et unités qui végètent : notamment dans les hydrocarbures et l’électricité, « dans le respect des droits des travailleurs ». Les administrations doivent offrir davantage de services. Les licences doivent être décentralisées et dotées de dates limites. Les PME doivent voir leurs formalités administratives simplifiées –les créations de firmes en 2014 atteignaient 12,93 millions. Elles doivent aussi recevoir plus de crédits : « toutes demandes viables de banques privées seront honorées », et un « crédit social » doit être mis en place, secondé par une base de données nationale des mauvais payeurs, pour aider la finance à faire le tri. 

Attendue depuis 10 ans, une réforme des prix est aussi en chantier : seront libérés « presque tous » les médicaments, voire les transports, l’eau d’irrigation, les services urbains : une « tarification graduelle » en fonction de la consommation des ménages est au banc d’essai, ainsi qu’une grille des prix des énergies qui promeut les économies d’énergie, et les énergies propres. 

Li Keqiang semble aussi suggérer, dans l’année, le dépôt devant l’ANP d’un projet d’amendement de la loi de la taxation : il révisera les impôts (suppression de la taxe d’affaires au profit de la TVA), et la clé de répartition de la recette fiscale aujourd’hui à 60% pour Pékin et 40% au niveau local –lequel, de plus en plus, va devoir assumer plus de charges au titre de l’intégration des migrants, de la création d’hôpitaux, d’écoles… 

L’agriculture conserve sa priorité absolue : « toute allocation au secteur ne pourra que monter, jamais baisser ». Citons ici une énigme, peut-être explicable par l’épuisement des terres et un effort intenable de rendement : l’objectif céréalier fixé pour 2015 est de 550 millions de tonnes, 10% de moins que la récolte de 2014 qui atteignait 605 millions de tonnes… 

Une série de chantiers géants sont annoncés dans l’année : 477 milliards de ¥ (assortis à une ouverture aux fonds privés) à la rénovation des quartiers vétustes (dont 5,8 millions d’appartements refaits), aux égouts, à l’irrigation, aux énergies alternatives. 800 milliards de ¥ iront respectivement aux secteurs des chemins de fer et de la maîtrise de l’eau. Ces projets aideront en 2015 à atteindre 7% de PIB « environ » – vocable désormais systématiquement accolé à tous les objectifs, tels l’inflation (3%), les créations d’emplois (10 millions) ou la planche à billets « M2 » (+12%). 

Un dernier angle important des plans de Li Keqiang, concerne l’intégration des provinces et l’urbanisme, un dossier encore inconnu en ce pays qui bâtit ses villes, sans penser à ses emplois, sa pollution, ses transports, ses loisirs ou ses services urbains. Cela change à présent, avec des projets cités, telle la grande région Pékin-Tianjin-Hebei, les « 4 régions », ou les « 3 ceintures de soutien » (vieilles régions industrielles). C’est un pas vers l’intégration d’un marché vraiment national (entre régions assez équipées pour pouvoir envisager de lever leurs barrières intérieures) et une nouvelle ère qui s’en vient.


Petit Peuple : Pékin – Papi fait de la résistance (1ère partie)

En 1987, Chen Mou, paysan à Mentougou (banlieue de Pékin) proche de la trentaine, pensa qu’il était temps de fonder une famille. Il jeta son dévolu sur Ma, fille cadette de militaire, taille de guêpe et yeux de braise. 

Avec le précieux concours de la belle (après l’avoir séduite par sa prestance et sa faconde), il avait arraché le « oui » des parents, malgré l’évident écart social. Pour rallier sa mère, Ma avait alterné pleurs et baisers. Quant à l’officier, Chen l’avait convaincu en lui faisant miroiter la fortune à amasser avec son métier d’apiculteur, « secteur d’avenir ». 

Une fois marié, Chen trima dur pour tenir sa parole. Chaque jour, il se levait à l’aube pour aller surveiller ses 120 ruches, les nourrir au glucose, les soigner en cas de maladie. Il fallait détecter à temps celles dont la reine mourait et la remplacer, quand elles n’y parvenaient point elles-mêmes. Dès mai, il fallait déplacer les ruches par dizaines, vers les vergers les plus fleuris. Sortir les cadres pour la récolte, extraire à la curette la gelée royale, alvéole par alvéole. Verser le miel en pot, tout comme la propolis, la cire, le pollen… 

Au fond de lit, Chen rêvait que Ma le seconde en créant des produits dérivés, savons ou bonbons, de bien meilleur rapport. Mais la belle s’avérait languide, fille de la ville, habituée à se faire servir, elle rechignait aux tâches ménagères. Bientôt, elle ne s’occupa plus que de leur fils unique. 24 ans s’écoulèrent.

En août 2011 à 51 ans, de retour de livraison, Chen eut un accident qui le laissa avec un choc cérébral, une jambe contusionnée, 2 côtes enfoncées. Heureusement l’assurance lui permit d’être admis à Mentougou à l’hôpital Jingmei, énorme usine à santé de plutôt bon niveau, 408 médecins, 1730 lits. 

Bien soigné, il ne lui fallut qu’à peine un mois pour que le médecin-chef le libère. A vrai dire, Chen aurait dû sortir bien plus tôt. Il n’était resté que suite à ses incessantes prières pour qu’on le garde. 

Dès la première nuit, il avait jugé éminemment préférable sa chambrette lumineuse, cette vie nouvelle où l’on ne travaillait plus, mais où on le servait au lit. 

Le centre fournissait massages et kinésithérapie, belle découverte, qu’il adorait. Surtout, il ne l’aurait jamais avoué, mais à l’hôpital, Ma était loin, cette épouse qui bientôt, avait commencé à lui faire payer pour cette vie trop fruste qu’elle devait partager désormais. Ma se plaignait et se mêlait de tout, du choix de ses habits, de ses manières, de son langage. D’une jalousie féroce quoique infondée, elle lui faisait des scènes pour les regards qu’il posait sur les mignonnes croisées dans la rue. De la sorte, sa vie au foyer était devenue un enfer. 

C’était d’ailleurs après tel orage qu’il avait perdu le contrôle de ses nerfs et de son véhicule, causant la collision. Or dans sa chambre d’hôpital, rien de tout cela : ayant trouvé la paix, il se battait pour la garder. 

De retour au bercail, en septembre, il acheva sa convalescence et recommença à se sentir brimé. À mesure que reprenaient les chamailleries, il sentit les douleurs revenir. Il dut se faire une raison : il n’était pas guéri. Ses jambes gonflées le faisaient souffrir, rendant ses nuits une vraie torture. 

Fin octobre, n’y tenant plus, il retourna aux urgences du Jingmei, tempêtant et exigeant sa réadmission. Là encore, les médecins donnèrent suite à son désir. Sur le diagnostic, à dire vrai, ils avaient bien leurs petites idées. D’aucuns penchaient pour la thrombose, due à une station allongée trop prolongée -elle disparaîtrait après des semaines de vie normale. 

D’autres soupçonnaient un simulateur, ou « wúbìng shēnyín  » (无病呻吟, qui « pleurniche et geint d’un mal imaginaire »). Mais après tout, si le patient avait de quoi payer, pourquoi pas ne pas lui faire ce plaisir ? Les hommes en blanc ne se doutaient pas qu’en réadmettant Chen, ils prenaient de gros risques.

Durant son mois à la maison, l’assureur avait poussé des cris d’orfraies en recevant la facture des soins, alourdie de tous ces extras si souvent commandés. Aussi la compagnie le prévint que son compte étant dans le rouge, tout soin futur serait à ses frais ! Pire, dès maintenant, pour rembourser la part non couverte, il faudrait vendre la fourgonnette et les ruches. Sans le sou, il perdait en plus son outil de travail ! Mais peu importe, fin octobre, Chen stupéfia son entourage, en particulier Ma et sa belle-famille, en déclarant d’un sourire narquois, « je repars à l’hôpital » ! 

En effet, pour Chen, tout valait mieux que retrouver cette existence d’hier, qu’il haïssait. Au fond de sa nuit, sa liberté retrouvée brillait comme un phare, comme la perspective d’un autre avenir. Oh bien sûr, elle était floue et pâle. Mais c’était la seule qu’il aie, qui lui convienne désormais. Certes, il n’avait plus de couverture sociale – détail qu’ il avait omis de préciser à l’hôpital Jingmei. Mais demain était un autre jour…

Comment une affaire si mal embarquée se terminera-t-elle ? Vous le saurez au prochain numéro !


Rendez-vous : Semaine du 9 au 15 mars 2014
Semaine du 9 au 15 mars 2014

11-13 mars, Shanghai : FSHOW, Salon international des fertilisants

11-14 mars, Shanghai : HD SCREEN AND DIGITAL SIGNAGE EXPO, Salon de l’affichage numérique

11-14 mars, Shanghai : SILE – LED, Salon international de l’éclairage

11-14 mars, Shanghai : WOODBUILD / WOODMAC, Salons internationaux de l’industrie forestière et du bois

12-14 mars, Canton : China LAB, Salon international et Conférence sur les appareils d’analyse

12-14 mars, Canton : AAC China, Salon de l’industrie de la climatisation automobile

12-14 mars, Shanghai : PCHI, Salon des soins personnels et cosmétiques

12-15 mars, Tianjin : IEME / IMTE, Salons internationaux de la machine-outil

13-15 mars, Pékin : Asia GOLF Show, Salon de l’industrie du golf

13-16 mars, Pékin : BUILD+DECOR Salon de la construction et de la décoration

17-19 mars, Shanghai : Electronica China, Productronica China, Salons internationaux des composants électroniques, de la production électronique

17-19 mars, Shanghai : FPD, Salon des écrans plats Laser