Le Vent de la Chine Numéro 4

du 29 janvier au 4 février 2007

Editorial : Tensions et mutations

Selon ce sondage du 22/01, 37% des lycéens shanghaiens rêvent d’être Américains. Un même pourcentage de parents, les y encourage. 15% d’autres rêvent d’être Nippons : crise identitaire que Yu Hai, de l’université Fudan met sur le compte de «lacunes en histoire». Certes, Shanghai, ville la plus ouverte sur l’étranger, n’est pas la Chine. Mais le malaise de la jeunesse est national. En voici trois raisons constatées cette semaine :

[1] De février à oct., la SARFT (State Administration of Radio, Film and Television), tutelle de la Télévision veut recadrer les films ou shows diffusés sur 48 chaînes. Dès 2005, étaient bannis les dessins animés étrangers de 17 à 20h. À présent, ne passeront sur cette tranche horaire à forte écoute, que les films « éthiques » à l’exclusion des films étrangers, dialectaux, traitant de dissidents, de mafia, d’infidélité conjugale ou de procès. Les chaînes devront obtenir le visa de quatre instances locales et centrales. Rappelant le discours de Mao à Yan’an (1942) sur l’inféodation de l’art à l’idéologie. Curieusement, en même temps, on annonce pour mai le lancement d’une version chinoise du quizz mondial, très peu éthique, « qui veut être millionnaire ? »

[2] L’internet rame. Sur 137M d’abonnés (+ 23,4% en un an), 60% sont concernés, annonce Sina.com. La panne vient de la rupture de plusieurs câbles sous-marins lors du séisme du 26/12, au large de Taiwan, mais aussi, disent les experts, d’une censure électronique à multiples niveaux, trop lourde pour le débit actuel. Aucun allègement à attendre : le 1er secrétaire Hu Jintao, a promis de « purifier » l’internet, de « garder la mainmise sur l’opinion », et  de « relever le niveau de contrôle en ligne ». Plus que les surfeurs, c’est la blogosphère qui est visée. Hu veut un internet qui crée de la valeur, mais pas de la déstabilisation : « qu’une main dirige la croissance, l’autre l’administration»!

NB: ces tours de vis d’un pouvoir toujours plus affirmé, semblent le prélude à une initiative politique majeure risquée, lors du prochain XVII. Congrès : mutation vers une économie durable (cf Edito Vdlc 03)!

[3] Suite à un reportage de Sky-TV, la Chine découvre le problème des ordures venues de l’étranger.

A Lianjiao (Guangdong), 200.000t de plastic, 500.000t de papiers sont recyclés, dont 20% importés. A Guiyu et autres sites cantonais, 70% des ordinateurs ou imprimantes périmés de la terre sont désossés et brûlés en plein air, au prix de fumées grasses qui plombent même les enfants. Mais le profit fort, 5000²/t (450g d’or, 1,3kg de cuivre)! Ainsi, du Royaume-Uni en 10 ans, l’export d’ordures vers la Chine a multiplié par 158, à 1,9Mt.  

La loi tolère l’import d’ordures recyclables, et le pollueur avéré n’encourt que 100.000² max d’amende: c’est ce que la compagnie pétrolière CNPC vient de payer “avec le sourire”, pour sa pollution catastrophique de la Songhua en décembre 2005 —qui avait causé pour des MM$ de dégâts.

A Canton, le pouvoir tardivement éveillé a imposé la fermeture des 400 ateliers de recyclage local. Ce qui, vu le manque à gagner de ces pauvres gens, ne résoudra rien !

 

 


A la loupe : Bourse : le spectre d’une bulle chinoise

Longtemps à la traîne de l’Asie, la bourse chinoise en est devenue en quelques mois la place la plus chère, et rougeoie comme fer chauffé à blanc. L’index composite de Shanghai a pris 130% en 2006, et 17% depuis le 1er janvier 2007.

Introduite en bourse le 9 janvier, l’action China Life a doublé en deux semaines. La capitalisation globale (Shanghai + Shenzhen) vient de doubler le cap symbolique des 1000 MM$. Les titres chinois valent le double d’actions équivalentes, ailleurs en Asie. Les maisons de référence, HSBC, UBS ou Citigroup tirent la sonnette d’alarme. L’éclatement de la bulle n’est pas loin, risque renforcé par une euphorie précédant la  fête du printemps : en 8 jours, Zhejiang China Commodity City est le second titre à passer la barre des 100¥, après celui de Guizhou Moutai. !

Détail qui frappe: ce ne sont pas les institutionnels mais les particuliers qui achètent : leur demande est cinq fois supérieure à celle des fonds et compagnies d’investissement. Logique : le Chinois économise pour sa retraite privée – la couverture publique comportant d’énormes trous. Or le marché financier manque d’outils fiduciaires pour faire fructifier l’ épargne. D’où l’engouement aveugle pour une bourse qui s’éveille, et le risque d’un « coup d’accordéon » national : un expert prédit un recul de 23% sous 12 mois!

L’Etat tente de calmer le jeu… Par la voix de son patron Shang Fuling, la CSRC, la commission de régulation boursière, décrit la bourse comme « fragile et pas encore saine ». Pour ne pas alimenter la spéculation, elle reporte l’ouverture d’un index des marchés à terme. Tutelle des banques, la CBRC leur ordonne de suspendre leurs prêts aux boursicoteurs et de renforcer leurs réserves pour éponger les créances insolvables. Tandis que le fonds central de Sécurité sociale, ostensiblement, annonce un placement prochain de 750M$ … hors du pays! De plus, sur ordres supérieurs, la CCTV octroyait le 25/1 une demi-heure d’antenne à Jim Rogers, gourou boursier, co-fondateur du célèbre fonds Quantum de George Soros. Son passage fit effet de douche froide, sur les boursiers qualifiés d’« hystériques ». Dès la veille, les Hongkongais commençaient à bouder. Le lendemain de l’émission, la bourse de Shanghai perdait 4% !

 

 


Joint-venture : Eau, 21 ième contrat pour Veolia

Eau : 21ème contrat pour Veolia

En 2002, profitant de l’ouverture du secteur, Veolia Eau obtenait à Shanghai-Pudong son 1er contrat chinois de services globaux d’approvisionnement d’eau.

Le 22/01, ce leader mondial vient de signer sa 21e affaire, cette fois à Lanzhou, en acquérant sur appel d’offres international, 45% de la régie municipale. Le coût de l’opération reste secret. Pour les 30 ans de la conces-sion, le marché est estimé à 1,6MM². Pour desservir cette métropole sur le Fleuve Jaune, capitale d’un Gansu attardé, frappé d’aridité sur un plateau de loess, Veolia devra d’ici six mois remettre à niveau quatre stations d’épuration d’une capacité de 2,2Mm3/an, et onze stations de pompage, tout en formant et payant 2.200 employés. Elle devra assurer l’eau courante aux 3,2M d’usagers et s’en faire payer. Elle réduira les déperditions, en rénovant  les 640km de canalisations.

Ainsi, cette branche de Veolia-Environnement renforce sa position en ce pays, où elle officie désormais dans 19 provinces. Parmi ses dernières « conquêtes » figurent Shenzhen, Kunming et Liuzhou (en septembre 2006). Ce dernier contrat porte à 20,6M le nombre de ses usagers en Chine, soit 20% de sa clientèle mondiale (108M) – cela en à peine cinq ans!

En avant la musique !

« L’avenir de la musique en Chine, passe clairement par le téléphone mobile » : c’est Michael Nash qui le dit, vice Président de Warner —2ème catalogue mondial. Or, le piratage occupe 90% du marché, aux ventes de 400M$/an, selon la Fédération internationale des producteurs de disques. Aussi, Warner s’est associé à Sony-BGM le n°4, ainsi qu’à Melodeo (US) et Access (Japon) pour créer en Chine une maison de distribution au service des 460M d’usagers. Contrairement à Internet, le tél. portable est un bon instrument de protection des droits d’auteurs, grâce à un système de paiement incorporé. Emi le n°1, tente quant à lui le pari opposé : il s’associe à Baidu (n°1 chinois et n°4 mondial de la recherche en ligne) pour ouvrir sur Internet un service gratuit d’écoute de musique, en attendant un service de téléchargement également gratuit. Le système sera rentable grâce à la pub, et sans risque : Baidu détient 82% du marché de la recherche musicale et la publicité virtuelle, 644M$ de recettes en 2006, en fera 1,5MM$ en 2007.

NB : Baidu reçoit (23/01) sa licence de rédaction de nouvelles : 1er moteur de recherche chinois à devenir fournisseur de services.

Ouverture : après les banques, les maisons de courtage

Le géant bancaire suisse UBS s’apprête à ouvrir avant mars UBS Securities, 1èremaison de courtage en JV «toutes-licences», de la souscription de titres à la gestion d’actifs.

En 2005, il a eu la chance d’être le dernier étranger à entrer dans le secteur. En septembre, il a pu reprendre pour 210M$ la direction et 20% de Beijing Securities, courtage municipal en mauvais état. La mairie de Pékin, ex-propriétaire, gardait 33%, et trois groupes d’Etat empochaient 14% chacun, 5% revenant à l’IFC, bras com-mercial de la Banque Mondiale.

Autre JV, créée en 2003, Changjiang BNP Paribas Peregrine, a eu moins de chance : BNP cède ses 33% à Changjiang, pour « désaccord stratégique ». La JV était restée dans le rouge, comme tous les courtages jusqu’à 2006. A l’heure du retour des profits, BNP préfère se concentrer sur son autre JV— 19% dans la Banque de Nankin.

NB : l’Etat accélère les concentrations de courtages chinois (il en reste plus de 100, trois fois trop), et l’étranger met la pression pour pénétrer ce marché : CITIC Securities veut s’associer à Starr International, pour 100M² – mais attend le feu vert. D’autres, tels Merill Lynch ou Goldman Sachs, guignent la place laissée vacante par BNP : Changjiang, pour l’instant, fait la fine bouche…

China Mobile — premiers pas hors du pays

L’été dernier, China Mobile visait la reprise de Millicom, opérateur téléphonique luxembourgeois de 10M d’abonnés sur 16 pays. L’échec exprimait l’inexpérience du groupe à l’étranger— avec 5,3MM$, son prix était insuffisant.

Un semestre après, pragmatiquement, le n°1 mondial (180MM$ d’actifs, plus de 300 M d’abonnés chinois) revient à la charge, et emporte un morceau de Millicom : Paktel, l’opérateur pakistanais dont il prend 89 % des parts pour 284M$. Hormis son rachat en 2006 de People’s Telephone de Hong Kong (1,1M d’abonnés), c’est sa 1ère incursion hors Chine. Au Pakistan, Paktel n’est qu’un petit acteur (4% d’un marché très concurrentiel de 46M d’utilisateurs), et China Mobile l’aborde sans expérience de mentalités non-han. Mais le marché est prometteur : 120M d’habitants sans portables, et une croissance soutenue (7 % l’an dernier). Surtout, China Mobile y retrouve un terrain familier, à 70% rural, alors qu’il a fondé son succès en Chine sur son implantation dans les campagnes… Sans douter de rien, le jeune géant projette d’autres pas sur les marchés émergents, Asie et Afrique notamment.

 

 


A la loupe : Lutte anti-corruption et coups de balai

A trois semaines du Chunjie, la campagne anti-corruption bat tous les records de puissance. Désormais, elle frappe partout, et plus seulement dans les factions rivales.

Le 21/01 vit la ré-arrestation de Zhou Zhengyi, promo-teur shanghaïen, inquiété dès 2004 (alors 11e fortune du pays, à 320M$) pour confiscation de terrains mal indemnisés, puis relâché sous la protection de Chen Liangyu, alors « roi » de Shanghai. Zhou replonge, formellement pour évasion fiscale, en fait au nom du grand nettoyage national. L’agence Xinhua donne le ton officiel : « dans l’ombre de tout cadre corrompu, rôde un businessman ». La campagne vise la rupture de ce couple public/privé, à l’heure où la Chine grimpe de 8 places, au palmarès des nations les plus corrompues (70ème / 163), en 2006, selon Transparency International.

Aussi voit-on partout bouger les agents de la vérification de la discipline (police interne du Parti). L’un après l’autre, les organes font le ménage : la Fédération de la jeunesse vient de purger trois membres compromis.

Côté cadres, outre les procès de Chen Liangyu et de ses assistants, on attend ceux de Zheng Xiaoyu, ex-boss de la FDA, Qiu Xiaohua ex-chef de l’office statistique, Liu Zhihua, ex-vice maire de Pékin.

Côté industriels, sont tombés à Shanghai 22 hommes d’affaires (20/1), certains issus de McDonald et Whirlpool. Ils rejoignent à l’ombre Zhou Zhengyi, Zhang Rongkou (16ème fortune en 2006 avec 603M$), et Gong Jialong, dealer en pétrole.

Anomalie : Huang Guangyu, 1ère fortune du pays, en examen il y a un mois pour emprunt litigieux, voit Pékin retirer sa plainte.

En plus de cette collusion « privé/public », le Bureau Politique déclare la guerre au népotisme, et prétend enquêter sur les petites promotions des grandes familles.

Objectif : restaurer l’image ternie du régime, briser la spirale de mauvaises pratiques qui l’entraîne vers le bas, et rogner les pouvoirs arbitraires intermédiaires. Vaste programme du régime visant à établir, pour la 1ère fois, la force de la loi.

 

 


Argent : L’ASEAN s’approche, le Guangxi redémarre

L’ASEAN s’approche—le Guangxi redémarre !

Le Guangxi, région autonome de minorités au Nord-Est du Vietnam, est une des zones les moins gâtées de Chine. Mais les choses changent, avec l’émergence de l’ASEAN (l’Association des pays du Sud-Est asiatique), qui stimule son commerce avec les 10 pays voisins.

L’an dernier, les échanges Guangxi-ASEAN ont atteint 1,83MM$, quatre fois le score du tournant du siècle. Fait remarquable, les trois-quart de ce trafic provenaient de PME privées, aux progrès fulgurants (deux-tiers de mieux en un an). Le Vietnam surtout, livrait ses fruits et légumes, son latex, son huile de palme. Le Guangxi répliquait avec ses vélos et ventilateurs, machines et téléviseurs. Avec la suppression de la plupart des droits de douanes en 2010, les marchés seront toujours plus intégrés entre Chine et Asie du Sud-Est – via le Guangxi !

Exit, la Banque de Nanning—vive la Beibu Bay Bank !

C’est dans ce contexte que prend tout son sens le projet de réforme de la Banque de Nanning, en cours de métamorphose vers une banque transrégionale, avec le soutien de la China Development Bank (CDB), une des trois banques « politiques » de l’Etat. Son nom futur : Beibu Bay Bank—du nom de la baie sino-vietnamienne, riche en pétrole (en cours d’exploration conjointe), et vivant de la pêche artisanale. Plutôt que de la recapitaliser directement, la China Devlopment Bank compte la conseiller et orienter vers elle des investisseurs stratégiques. La vocation de la Beibu sera d’accélérer l’implantation d’un tissu industriel transfrontalier. Son cas n’est qu’un entre cent, dans ce paysage bancaire chinois  en pleine reconcentration et recapitalisation. Début janvier, la Jiangsu Bank naissait de la fusion de 10 mini banques et coopératives de crédit ruinées. Fin 2005, Huishang Bank (Anhui) émergeait de 13 de ces poussières bancaires. A Tianjin, la Banque de Bohai, autre phénix renaissant de multiples cendres, servira la zone industrielle de Binhai. Avec sa licence nationale, elle a su obtenir le partenariat prestigieux de la Standard Chartered, de Hong Kong. La Bohai Bay naît sous des auspices plus humbles, mais qu’on ne s’y trompe pas : l’ASEAN fera reparler d’elle !

Homme du Liaoning, tu chériras la mer !

En 2003, Hu Jintao juste au pouvoir, dévoilait un plan d’infrastructures pour le Dongbei (Nord-Est) – appelé ceinture de la rouille, en raison de ses innombrables usines fermées.

On en voit aujourd’hui un des fruits dans le  Liaoning (une des 3 provinces du Dongbei), avec la rénovation de cinq ports maritimes dont Yingkou ou Jinzhou. Projet nécessaire et investissement sensé : la demande est plus bouillonnante ici qu’ailleurs, le Dongbei étant enclavé, privé de façade maritime par la Russie. En 2006, 1,3MM$ avaient été investis dans ces ports. Cette année, ils recevront 1,6MM$, de fonds publics, de prêts de la China Development Bank, et d’invests étrangers. Dalian prend la part du lion. Dès juin, sa zone de Daiyaowan sera élargie de 7km², entre zone industrielle de réexport, terminal conteneur, et zone sous douane, 3ème du pays (après Shanghai-Yangshan, Tianjin-Dongjiang). Une fois achevés les terminaux vraquiers (pétrole, minerai, céréale) et automobile, Daiyaowan deviendra port franc. L’an passé, Dalian traitait déjà 145Mt de fret, soit +20%. Quoique province industrielle et houillère sinistrée, le Liaoning, 42M d’âmes, n’est pas sans atout (minerai), et détient le 8e PIB  des 32 provinces.

NB : Le secrétaire du Parti du Liaoning est Li Keqiang, et Bo Xilai y a été gouverneur. Deux hommes jeunes et brillants, aux noms le plus souvent avancés comme prochains maîtres du pays. Signe de l’importance stratégique de cette province fronta-lière de la Corée, et de son rôle de « faiseuse de roi »!

 

 

 


Pol : Rameau d’olivier du Pape – sourire ambigu de Pékin

Le Pape présidait les 19-20/1 une assemblée pour faire le point sur les relations avec la Chine après une année contradictoire. Trois prélats avaient été nommés sans le feu vert du Vatican, mais l’évêque de Canton (18/1) l’avait été avec l’accord papal.

La venue des JO de 2008 pouvait donner envie à Pékin  de régler ce vieux litige afin de soigner son image. L’obstacle central reste la nomination du clergé, et du partage du pouvoir spirituel entre le Saint-Père (via Joseph Zen, archevêque de Hong Kong), et l’Association patriotique présidée par Liu Bainian, ex-séminariste défroqué. En jeu : le sort de 12M de catholiques.

En fait, ces derniers mois apparaît une fissure entre Pékin de plus en plus ouvert à la normalisation, et l’Association qui risque son existence. De la réunion vaticane, deux initiatives sont sorties.

[1] L’annonce d’une imminente lettre pastorale de Benoit XVI, rameau d’olivier tendu. Pékin l’accueille «favorablement», mais sans fléchir sur ses immuables exigences de rupture avec Taiwan (déjà accordée), et de « non-ingérence » dans ses affaires.

[2] La création d’une commission permanente-Chine, pour lancer le travail pratique de la réconciliation : évaluer les candidats-évêques, comprendre le fonctionnement chinois, offrir des aides au clergé chinois, en évangélisation et en formation… Signe des temps : Mgr Zen « espère» que Benoît XVI le relève « bientôt » de sa charge, en sacrifice à la réconciliation…

 

 


Temps fort : Missile chinois anti-satellite – le trournant stratégique

La destruction (11/01) d’un satellite chinois par un missile à 850km du sol, inquiète la communauté internationale. Dès décembre 2006 pourtant, au Livre Blanc de la politique chinoise spatiale, le tournant était déjà – discrètement- inscrit : la traditionnelle antienne du PCC contre l’armement spatial (US) avait disparu, remplacée par l’objectif de « développer son industrie spatiale… en matière de défense ». Après son test, Pékin multiplie les propos rassurants, d’« utilisation pacifique de l’espace », et d’« opposition à une course à l’armement ».

Pour Washington, bien que la Chine n’ait violé avec ce test aucun traité in-ternational, l’alerte est sérieuse. C’est une menace indirecte sur le système de défense des USA. L’outil stratégique dont l’Armée (APL) cherche la maîtrise, a pour fonction, en cas de conflit, d’anéantir le réseau américain de satellites de communications et d’observation, qui assure 90% de sa supériorité tactique. C’est la 杀手尖 shashou jian, «dague du tueur», l’arme décisive.

Pourquoi la Chine a-t-elle pris un tel risque de confrontation? Peut-être en réponse à la prétention du Président G.W. Bush affichée en août, opposant aux demandes sino-russes de traité de démilitarisation de l’espace une fin de non-recevoir, et revendiquant pour son pays une totale liberté d’action hors de l’atmosphère. Mais cette thèse est infirmée par un détail bizarre. De source américaine, le ministère des affaires étrangères chinois n’a pu confirmer le test à Washington que cinq jours plus tard – la diplomatie américaine soupçonne qu’il n’ait pas été mis au courant.

Le Japon et l’Union Européenne aussi s’inquiètent des ambitions chinoises (cette dernière, par la voix de sa présidence allemande), et rappellent leur voeu d’un espace exploré à des fins pacifiques et exploité dans un profit universel. En fin de compte, ce test risque donc de freiner les coopérations militaire et spatiale de la Chine avec l’Ouest, dont elle réclame pourtant la technologie. Jacques Chirac sera désormais seul à militer pour la levée de l’embargo de l’Union Européenne aux ventes d’armes à la Chine. La demande de partenariat déposée début janvier près de l’Otan par le 1er ministre nippon Shinzo Abe, a désormais de meilleures chances d’aboutir. Enfin, ce test pose une série de doutes, dont la Chine se passerait bien : quel type de puissance veut-elle devenir, de quelle indépendance jouit son armée face à l’Etat, quelle crédibilité accorder à ses engagements politiques et militaires?

 

 

 

 

 

 

 


Petit Peuple : La lune sort du puits

A Wuhan, Tian (70 ans) et Ding (65 ans) vivaient mal leur 3ème âge : leur fils, leur bru, et leurs 2 petites filles étaient canadiens depuis 6 ans déjà. Leur appel téléphonique dominical comblait mal le vide : ils étaient devenus « la lune au fond du puits», visibles mais intouchables!

Le phénomène est courant en Chine. 90% des jeunes adultes, même restés dans la ville de leurs parents, refusent de partager le même domicile, et depuis 10 ans, une loi leur fait obligation d’entretenir les auteurs de leurs jours, en cas de besoin.

Ingénieur des Ponts réputé, Tian avait toujours à faire, invité à Pékin pour un séminaire ou une conférence. Il n’en allait pas de même pour Ding, l’ex-prof de statistiques à l’universi-té, qui restait seule à s’ennuyer. Aussi fut-elle celle qui eut l’idée de génie pour remplacer leur oisillon : recruter une fille !

Le 26/12, l’annonce fut insérée au Quotidien de Wuhan. Le deal offert était d’une simplicité lapidaire. Elle devait être célibataire, sans charge de famille, 25 à 40 ans, bac+3.  Après trois ans dans le rôle de nouvel enfant, elle recevrait un appart valant 0,4M¥! Pactole qui ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd: en 24h, 103 jeunes wuhanaises se battaient pour déposer un CV, contraignant le vieux couple à clôturer l’appel.

La suite fut plus facile. De bons voisins vinrent aider à dépouiller les offres, et interviewer les demoiselles pour 披沙拣金 pi sha jian jin, « écarter le sable pour ramasser l’or » – trouver la perle rare. On passa d’abord de 103 à 20, puis à 5.

Surprise : toutes étaient fort à l’aise, et leur motivation n’était pas matérielle, résumée dans des formules du genre : « je n’ai pas connu l’amour de mes parents. Ce que je veux, c’est une famille. Gardez votre héritage, mais prenez-moi »…

 Finalement, le 7/01, une femme de 37 ans, manager, remporta la palme, et va réorganiser sa vie avec la leur. L’histoire dérange un peu, par l’aspect naïf en apparence de ce pari insensé. Mais elle montre avec formidable netteté, les trésors d’affection qui dorment inexploités en ce pays, et le génie chinois à s’inventer des solutions à tout : avec un optimisme qui n’égale que le pragmatisme !