Le Vent de la Chine Numéro 11

du 2 au 8 avril 2000

Editorial : Chine dans la poussière, pas dans l’OMC!

14 ans de palabres d’entrée à l’OMC n’arrivent pas à terme.

Peut-être trop certaine que l’Union européenne (UE), comme bien d’autres, céderait, la Chine n’a pas fait les concessions attendues, mais a préféré lui donner de la face, en organisant un tête à tête (29/3) entre P. Lamy et Zhu Rongji (remake du meeting avec Ch. Barshevsky, qui avait permis l’accord sino-US du 15 novembre 1999).

Rupture donc, après 4 jours, et délai qui affecte la liberté, pour Pékin, de »régler » le problème de Taiwan à sa guise: la Chine réalise que l’UE, en fonction de ses intérêts, peut avoir des choses à lui refuser!

Moins politique mais plus présente dans les esprits, la pollution!

De Xi’ an (pluies boueuses) à Pékin (rafales de sable), le Nord chinois a pris de plein fouet les tempêtes de printemps (pic le 27/3: force 9, 21m /s), exacerbées depuis 3 ans par la déforestation. Bilan (entre autres): des dizaines de morts, et 1000 ha de forêt incendiés.

Pékin réplique en annonçant que tout terrain non gazonné d’ici mai risque la saisie. Idem, un camion renifleur performant (capable de suivre 1000 véhicules/seconde), identifiera les plus forts émetteurs de fumées d’échappement, qui seront éliminés ou rendus propres avant juillet (dixit la mairie). Les dernières chaudières à charbon, devant en même temps se reconvertir au gaz. But de cette campagne: que 292 jours (80%) de l’année se passent sous l’angle atmosphérique, en catégorie III (càd « supportable » -Pékin, record mondial de pollution, part de très bas!).

Shanghai, rebâtit en toute hâte ses digues, pour se protéger de la prochaine mousson (mai-oct.), la plus sévère attendue depuis des décennies: 70MUSD pour renforcer ses 521 km de côtes fragilisées par la collecte de gravier, la poldérisation, et le décuplement des sédiments du Yangtzé (autre résultat de l’abattage méthodique des forêts).

Canton  frappe,de la plus lourde amende historique (1,3MUSD), deux armateurs du Zhejiang et du Fujian, suite à la marée noire (200 t de fuel) engendrée par la collision de leurs navires en mars ’99.

Sur tout le pays, une loi (révisée) du littoral entre en vigueur au 1. avril, renforçant les pouvoirs des Bureaux des Pêches pour faire respecter les quotas de capture par les flottes de pêche, et la propreté de leur mer par les cargos et fermes marines. Signalons encore cette série TV (9 épisodes) à grande écoute, sur les misères du « berceau de la civilisation chinoise« , le Fleuve Jaune, mis à sec 226 jours/an par la surexploitation. Pas de doute : l’heure, en Chine, est à l’éveil écologique!


A la loupe : Iridium – l’explosion d’un rêve coûteux!

A sa naissance dans les années ’80, Iridium, projet mégalomane de Motorola (Lockheed Martin comme fournisseur des satellites), visait des communications spatiales directes, du téléphone portable au satellite, sans relais au sol.

Motorola avait travaillé avec China Aerospace (Great Wall) qui lui plaçait sur orbite basse (630 km) un tiers des 66 satellites nécessaires au maillage du réseau. Coopération qui avait permis à GW de créer la société gérante en Chine, la China Space Mobile Sat. Telecom.

Le 18 mars, Iridium, en faillite, cessait ses activités, après 9 mois de fonctionnement.

L’investissement de 5MMUSD n’a pas été amorti.

Pour la Chine, cela signifie des compensations à fournir aux 900 abonnés à travers le pays -au choix, le remboursement en cash, l’inscription gratuite au réseau Globalstar (48 satellites euro-US, et en Chine, China Telecom, détenteur d’1,6% du projet), ou à un système de comm. maritimes.

Pour la CSMST, c’est un lourd échec, dû au décalage temporel -10 ans- entre la décision de lancer le réseau et sa mise en exploitation: le système n’avait jamais pu intégrer les progrès (RNIS, fibre optique etc) des télécoms conventionnelles. Ce qui donnait des communications beaucoup trop chères.

Reste à savoir qui paiera les 45MUSD pour la destruction des satellites par réintégration dans l’atmosphère – la Chine, certainement pas


Joint-venture : Salustro- Reydel -1ère JV d’audit européenne

• L’audit est en Chine un secteur d’avenir, dans la perspective de l’entrée à l’OMC.

C’est aussi un secteur en mutation totale, avec 4800 agences en train de passer aux normes int’les et de couper leur lien avec les administrations -afin de gagner en crédibilité.

RSM Salustro Reydel, n°7 en France, signe la 1ère JV européenne (50/50) avec le groupe Zhong Rui Hua, résultant de la fusion de deux firmes chinoises. Une formule permettant d’associer le savoir-faire européen aux salaires légers du secteur chinois.

• Initiée en janvier 2000 par Xiali (Tianjin), la guerre des prix auto s’étend à la quasi totalité du secteur.

Xiali offre 4 à 8% de "soldes" sur ses Charade. VW propose moins, de l’ordre de 3%, mais sous forme plus aguichante, de prime: suivant les modèles, Santana ou Jetta, un PC, un GSM ou des équipements normalement en option. Seul DCAC (JV Citroën, Wuhan), fort de sa performance de ventes en ’99 (+31%), maintient ses tarifs.

• la presse révèle aujourd’hui un contrat conclu en déc. entre l’Etat égyptien et Hongdu Aviation (Jiangxi), portant sur 80 bi réacteurs d’entraînement, de type K-8, appareils vendus au Pakistan, en Birmanie et en Zambie (contrats en cours au Moyen-Orient, en Afrique, Asie du S/E et Amérique Latine). Le contrat de 347M USD inclut la fourniture d’une chaîne de montage.

Plusieurs énigmes apparaissent dans cette affaire :

l’APL, 1. commanditaire du chasseur d’exercice, y aurait renoncé (d’où la vente peu chère à l’Egypte), en raison de sa dépendance en pièces importées. Partenaire à 25% du projet,

le Pakistan n’a finalement pris qu’une poignée d’appareils, sur la centaine commandée.

Signe de l’incertitude des temps: l’aéronautique (militaire) chinoise, cherche toujours ses partenaires.

 

 


A la loupe : Gaz : le second grand chantier du pays s’ébranle

Le feu vert à un 2d chantier géant (après le Barrage des 3 Gorges), le gazoduc Xinjiang-Shanghai, peut s’expliquer par le sommet de l’ OPEP à Vienne (27/3): à 1M/baril/jour, le réajustement du quota qu’on en attend (+5%) ne permettra pas de refaire les réserves mondiales ni d’amorcer une baisse significative du prix, 27USD/b, frein à la croissance. Toujours plus importatrice, la Chine, doit diversifier ses sources d’énergie: le gaz, qui n’entre dans sa consommation que pour 2% en 2000, doit quadrupler son taux d’ici 2010!

L’addition est à la mesure des ambitions: 14,5 MMUSD pour l’ouvrage, qui doit convoyer vers la mer 12MMm3 /an de GNL (sur les 419 MM prouvés du gisement du Tarim, qui passeront à 1000MM d’ici 2005).

Au Gouvernement, un Groupe a été nommé, dirigé par le vice-ministre Zhang Guobao (dans l’espoir de maîtriser niveau technique, sécurité et transparence financière, ce qui n’est pas acquis).

Sur le terrain, le décompte est lancé:les provinces doivent préparer le terrain géophysique (expropriations), technique (société de distribution), et financier (intégration de cette source d’énergie nouvelle). Le Xinjiang doit assurer l’accessibilité de 300MM m3 d’ici déc.

Et l’étranger? Il sera sélectionné par appel d’offres, seul capable d’assurer et financer un tel projet à si court terme (inauguration prévue pour 2003).Il recevra des avantages fiscaux, et peut-être surtout des parts du marché chinois, par exemple, en achetant, comme le fait BP-AMOCO, des parts de PetroChina qui se présente en Bourse de New York.

Ainsi, ce projet apporte dans l’histoire chinoise une double et forte rupture:

[1] il s’associe au plus gros transfert de bien public chinois à l’étranger, et

[2] il constitue la première brèche dans le monopole public pétrolier du pays.

 


Argent : Aviation – une renationalisation virtuelle?

• Dans la jungle des transports aériens chinois (34 compagnies publiques!), la guerre des prix fait toujours rage, se jouant des tentatives centrales de régulation, compromettant pour l’an 2000 le fragile redressement de 1999 (48M USD de profits), après les 292MUSD de pertes en 1998.

Face à la menace, la CAAC impose au 1. avril une mise en commun de 100 lignes, avec tarifs immuables, recettes centralisées et redistribuées entre transporteurs. Cette mesure "temporaire" comporte le risque d’un retour "virtuel" à la situation d’il y a dix ans –la compagnie unique– avec son corollaire – la démotivation face aux objectifs de service, concurrence, et rentabilité.

• A Xinzhou (100.000 hts) près de Wuhan (Hubei),le groupe immobilier Haida a repris de la mairie, la concession pour la distribution de l’eau urbaine suite à appel d’offres. D’autres groupes comme Lyonnaise des Eaux (cf VdlC n°40/IV) ont déjà obtenu des licences de traitement des eaux usées. Mais pour la distribution, la concession obtenue par Haida est une première en Chine.

• HK détient le plus long pont suspendu du monde (Tsing Ma), et prépare le plus long haubané (Stonecutters). Ne voulant être en reste, ni faire concurrence déloyale, Shanghai annonce le viaduc à la plus longue arche– 550m. Dès 2002, il sera le 6 ième ouvrage reliant Shanghai à Pudong. Macao, pour sa part, vient d’inaugurer un pont autoroutier vers Zhuhai (Hengqin) de 1781m: 2d point de passage vers la Chine, dont l’investissement (200MUSD) a été conjointement partagé.

 


Pol : Chen Shui-bian prend un 1er ministre Kuo Min Tang

• A Taiwan, Chen Shui-bian, le nouveau Président élu crée sa première surprise en désignant, comme prochain Premier Ministre, le Général Tang Fei, Ministre (démissionnaire) de la défense, grognard du KMT -au lieu de Lee Yuan-tseh, prix Nobel de chimie, comme pressenti.

Le choix de Tang Fei est bien plus judicieux dans l’optique de la réconciliation  insulaire.

Il l’est aussi vis-à-vis de la Chine: en promettant une défense plus ferme (Tang Fei, 1ère mesure, réclame une armée plus forte, comme atout de négociation), et en suggérant à Pékin que le nouveau Taiwan ne laisse pas de place à l’aventurisme.

• La moisson hebdomadaire de règlements coercitifs autour de l’internet donne l’impression d’un secteur progressant plus vite que son cadre administratif. La police pékinoise tente d’endiguer la prolifération des centaines de "cafés internet", dont 8 seulement ont obtenu leurs licences.

Toute une délinquance virtuelle se met en place: jeux d’argent, pornographie, violence, vol de mots de passe et de secrets d’État. Depuis Shanghai, wanwa.com offre le téléchargement légal de musique, à 2Y/titre, comme alternative au piratage. Enfin les start-ups chinoises, tout compte fait, peuvent se présenter à la bourse de NY (Nasdaq) -à condition qu’elles n’offrent que des "services", pas d’information. Sina.com semble avoir contourné la loi, en annonçant la présentation sur le Nasdaq pour 72MUSD de titres, au nom de sa filiale des îles Caïman.

• A Shanghai, les producteurs de matériaux de construction font face à des ardoises de centaines de MUSD, de la part de promoteurs qui ne parviennent pas à écouler leurs tours de bureaux ou de résidence.

Désormais, tout promoteur endetté, ne recevra plus "ni un caillou, ni un grain de sable". A défaut de faire disparaître les dettes triangulaires, cette mesure, si elle est respectée, aura le mérite d’enrayer leur progression.

A Canton, les mesures préconisées sont plus graves -mais peut être inapplicables: les débiteurs de la GITIC (bras financier provincial, en faillite depuis 15 mois) devront rembourser ou voir leurs actifs confisqués, et peut-être "pire encore".

Enfin, les mauvaises dettes de la Banque Commerciale de Shantou (Canton) semblent s’apparenter, selon l’enquête, à la fraude pure et simple. Les 14 agences avaient accordé 145MUSD de "prêts" contestables, le plus souvent à leur famille ou amis, dont la moitié seulement ont été récupérés. Six des directeurs sont suspendus, les huit autres sous enquête -l’affaire ne s’arrêtera pas là.


Temps fort : Aciers: grandes manoeuvres pour l’OMC

Pour l’acier chinois dans l’OMC, une baisse des tarifs douaniers à 8% et le droit étranger de créer ses réseaux de vente, rendrait vulnérable ce secteur peu compétitif – si celui ci ne préparait activement son arsenal de défenses!

Les barrières de l’après OMC, seront (dit Merrill Lynch) non-tarifaires et de contingents.

Dès 2000, les imports baisseront de 14 à 13 Mt. Une restructuration sévère s’est déjà traduite par la fermeture de centaines de petits outils, par l’imposition d’un quota national réduit de 10% (100Mt), et la diversification vers la qualité (ex.: laminés à froid…). Amaigri, le secteur, en ‘2000, escompte 1,2MMUSD de profits.

En refinancement, l’État consent des primes de 6,1MMUSD. Il efface aussi les dettes.

L’an passé, 3,3MMUSD de passif étaient gommés dans sept groupes dont Baosteel, Taiyuan et Anshan, contre des prises de capital (les repreneurs étant les structures de défaisance, comme Huarong ou Cinda.

D’ici mai, 7,53 MM de dettes disparaîtront dans 37 aciéries, leur épargnant 480MUSD/an d’intérêts.

Assainie (sur le papier), cette sidérurgie peut se présenter en Bourse: Baoshan (Shanghai), porte-avions de Baosteel (60% de ses avoirs, soit 5,7MMUSD),  s’y prépare à New York, HK et Shanghai (parts "A").

Malgré un bon marché (demande et prix fermes), Baoshan souffre de la présence, à NY, d’autres candidats chinois (trois pétroliers, un télécom) au capital à risque international.

D’autres problèmes de Baoshan sont le lobbying antichinois des syndicats US, l’engouement boursier pour les firmes de services internet, et l’incendie d’une ligne de production, le 28/2, suite à un festin de gaines électriques par des rats. Pour séduire l’actionnaire, Baoshan doit produire l’argument ultime: la promesse de ne pas utiliser les fonds pour congédier son personnel!

 


Petit Peuple : La publicité ne nuit pas au tabac pirate

• En Chine l’herbe de Nicot est une manne pour le fisc (12MMUSD de taxes en 1999), mais aussi pour la contrefaçon, 10% de la production, et principal revenu de nombreux villages de la côte.

Dans un des ces "temples" de la Marlboro frelatée, ce journaliste avait, début 1999, mis le doigt sur un trafic d’envergure, alimenté par chaque foyer avec sa propre machine à rouler. A la mairie cependant, on l’avait mal reçu -ni banquet, ni même une cigarette -fût-ce à titre de dégustation. Blessé, il en avait tiré un reportage assassin, qui avait fait du bruit. De retour au village début ‘2000, l’accueil fut différent: fleurs dans sa chambre, limousine, banquet, discours louangeur…

Mais sur la raison d’un tel zèle, le rédacteur qui imaginait un genre de «repentir socialiste», tomba des nues, en entendant l’édile lui réclamer un autre reportage, «comme l’année dernière»: loin d’attirer sur le village les foudres de l’État, l’article vengeur avait attiré sur lui une clientèle dont il n’aurait pu rêver, lui permettant d’écouler la totalité de son stock, grâce à cet atout décisif sur la concurrence!

• Ce journal de Shenzhen commit une bourde dans sa Une du 20 mars, en plaçant côte à côte les photos de 5 porcelets, et celle de La Mecque en pleine ferveur du pèlerinage du Hadj : blasphème qui suscita une vague immédiate d’indignation parmi l’Islam chinois.

Pékin a limogé le rédacteur en chef et exigé des excuses du titre, qui s’est empressé d’obtempérer, trois fois en huit jours. Cet incident rappelle la parution, début des années 1990, d’un livre sur les minorités en Chine, qui avait risqué une comparaison de mauvais goût entre les formes de la Mosquée (minaret + dôme) et celle des attributs virils.

La publication avait provoqué à Lanzhou (Gansu), ville à majorité Hui (musulmane) une manif de 100.000 fidèles -avant l’interdiction du brûlot et l’arrestation de ses auteurs. Erreurs naïves ou insultes malicieuses ?

Les temps ne sont pas si lointains, avant ’49, où le caractère désignant telle minorité était précédé de la clef du "chien", au lieu, comme à présent, de celle de l’homme.

 


Rendez-vous : 1er avril – 1 èrepierre pour l’Opéra de Pékin reportée

1.avril 2000, Pékin : 1ère pierre de l’Opéra, reportée — dessiné par le français Paul Andreu (3MMfr)

5-7 avril, Shanghai : Salon additifs alimentaires.

•5-8 avril Pékin : China Glass 2000.

•5-9, Xian : Foire "Coopération et Investissements Est-Ouest".