Le Vent de la Chine Numéro 34
Dédié à la réforme des Entreprises d’Etat (EE), le Plenum du Comité Central de septembre 1999 avait semblé pécher par pusillanimité, s’étant borné, sans prendre la moindre mesure nouvelle, à « ré-adopter » une fraction des mesures prises deux ans plus tôt par le 15ème Congrès, ensuite non suivies d’effets.
Toutefois, les décisions annoncées cette semaine par la China Securities Regulatory Commission (CSRC) permettent de rectifier l’image : Pékin s’attaque au démantèlement du marché des parts «A-institutionnelles» des EE, digne du nettoyage par Hercule des écuries d’Augias. Sont concernées rien moins que deux tiers du capital des EE, exprimé en titres « hors commerce », afin de garantir la pérennité du secteur public. Jusqu’à présent, ces parts se traitaient à Pékin, entre EE, dans deux marchés électroniques STAQ et NET : ils ont fermé vendredi 8, au titre d’une « expérience », qu’on dit définitive.
Autre élément du même processus de néo-privatisation : une vente « précurseur » de ces titres vient d’être autorisée. Comme d’habitude en ce genre d’opération, un titre de qualité incontestable a été choisi pour essuyer les plâtres : 30% des parts (205M) de Hainan Airlines (HA) vont être vendues sur les places de Shanghai et de Shenzhen. Propriété partielle de l’américain Georges Soros, HA a été en 1998 la seule Cie aérienne en Chine à dégager des profits (elle en attend 148M USD pour 1999). Les 6% perdus, et les 15% conservés, maintiennent Soros au rang de 1er actionnaire. Avec cet argent frais, HA paiera l’achat d’appareils, et 25% de l’aéroport de Haikou (Hainan).
Parmi les leçons qu’on peut déduire de cette vente liminaire, on compte :
[1] la volonté publique de relancer dans le concret la réforme des EE,
[2] le fait que les Entreprises d’Etat ne sont pas forcément demandeuses du maintien public d’une majorité de leur capital;
[3] la concrétisation d’un autre principe du dernier Plenum : le désengagement de l’État des secteurs commerciaux, afin de concentrer ses moyens sur ceux « stratégiques ». Le tout, rendant possible une large privatisation.
Avec l’élection de Susana Chou, députée aguerrie (20 ans de métier), au perchoir du Leal Senado, succédant à celle d’Edmund Ho comme chef de l’Exécutif, le gouvernement de Macao, seconde Région Administrative Spéciale de Chine, est prêt 70 jours à l’avance.
Derniers préparatifs aussi pour le juge Fernando Estrela, envoyé spécial de Lisbonne, pour boucler avant la date fatidique du 20 décembre le verdict de Wan Kuok-koi, parrain de la plus féroce des Triades, la K14, répondant au sobriquet (parfaitement immérité depuis l’implantation d’ une prothèse) de « Koi-les-chicots ».
Cette fine fleur de la pègre locale risque pas moins de 12 ans, si ses motifs d’accusation sont retenus : parrain, trafic d’armes, jeu illicite, prêts usuraires, kidnapping, chantage, usurpation d’identité).
Sur fond culturel cantonais et portugais, ce procès ne pouvait qu’être coloré : le premier jour, Koi a tenté de faire accroire au juge que son scanner branché sur les ondes policières, lui aurait été fourni par une grosse dame, de lui inconnue, mais subséquemment noyée lors d’un naufrage en Chine.
Le second jour, à l’aide de ses 10 avocats, le mafieux tente de faire traîner le procès au-delà du 20 décembre, dans l’espoir de redémarrer la procédure avec des juges plus sensibles à ses arguments monétaires ou occultes. A l’évidence, Koi-les-chicots a plus confiance dans cet avenir là. Il n’a peut-être pas vraiment le choix : 12 ans de prison signifieraient la fin de son règne. A Macao, pas plus qu’ailleurs, la mafia n’attend pas pour remplacer un parrain déchu.
La vieille crainte de « l’espionnite » est à la base de ce nouveau règlement du Bureau des Statistiques, limitant les sondages menés par l’étranger en Chine. Accusés d’avoir « fréquemment porté atteinte à la sécurité nationale et à l’intérêt public et fourni des informations fausses ayant nui à leurs clients », les groupes étrangers (ou chinois travaillant pour eux) ont jusqu’au 15 novembre, sous peine de « sanctions sévère », pour solliciter une licence, qui leur imposera de soumettre à l’avance les thèmes de leurs campagnes, puis leurs résultats avant publication.
Les instituts chinois sont exempts. Les enquêteurs étrangers prévoient les conséquences : des études d’opinion périmées, expurgées ou pire, frauduleusement transmises à la concurrence.
Airbus (16% de la flotte chinoise) signe une coopération avec China Aviation Industry First (CAIF, une des deux émanations de la corporation AVIC, consortium aéronautique public chinois restructurée cet été) pour la recherche et au développement du futur A318.
Un autre accord confié à CAIF est la sous-traitance d’ailes du A320 Manoeuvre du consortium européen, similaire à celle de Boeing (68% de la flotte), qui s’inscrit dans le cadre d’un marché intérieur chinois « rétréci », ayant perdu en 1998 2,4MMY et 54% de ses passagers. Pékin achètera moins : 1474 avions d’ici 20 ans (au lieu des 1600 attendus par Boeing).Commandes assorties de plus de délocalisation et plus tardives : Pékin impose un moratoire des achats d’ici 2001.
Occultées jusqu’aux festivités par crainte de porter ombrage à la stabilité nationale, les nouvelles sensibles de l’été émergent maintenant :
– Détenu depuis le 18 mai pour avoir appelé au souvenir de Tian An Men, Jiang Jisheng voit son procès imminent à Pékin.
– Même lieu, même mois, Li Chang, du Fa-lungong, risque 7 à 8 ans.
– Outre son premier condamné, cette secte mystico-gymnique interdite depuis juillet, compte aussi sa première « martyre » : à Zhangxing dans le Shandong, Zhao Jinhua aurait succombé le 7 octobre à des mauvais traitements, ayant refusé de renoncer à ses pratiques.
– Même fin début octobre après 40 jours de coma, pour Tashi Tsering, charpentier à Lhasa ayant tenté de remplacer le drapeau national par celui du Tibet devant le palais du Potala. Tashi Tsering tentait en fait le suicide, et espérait entraîner des policiers dans sa mort – la dynamite autour de son corps n’a pas détoné.
– A Hotan (Xinjiang), les 4 et 11 septembre, deux groupes ouighours, l’un d’eux nommé Kurexi, présentés comme terroristes ayant causé « plusieurs attentats à la dynamite et de nombreuses innocentes victimes », ont été démantelés par des rafles policières.
– Enfin, le 8 octobre à Panzhihua (Sichuan), cité sidérurgiste en ruine, la police a dû disperser 2000 énervés, à balles réelles et grenades lacrymogènes, causant 41 blessés (10 arrestations). Émeute provoquée par le refus de la police de protéger l’homme qui tentait de l’avertir d’un hold-up, suite à quoi les trois bandits avaient poignardé le délateur…
Ces nouvelles suggèrent une tension en hausse, notamment dans les centres industriels en péril. Dans le grand Ouest, les forces de l’ordre apparaissent ne contrôler plus que les villes, les vallées et points stratégiques – recul notable par rapport à il y a 10 ans.
7,6% : telle est la croissance pronostiquée cette année, selon des journaux comme China Securities, dont 3,5% imputables à l’agriculture, 9% à l’industrie et 7% aux services. L’Office statistique se montre plus circonspect, estimant ces prédictions « optimistes » : la croissance décline, pense-t-il, parce que l’urbanisation marque le pas, et les investissements publics (y compris les 6,6 MM USD d’emprunts émis le 10 octobre), peuvent freiner mais non enrayer le processus.
Cependant le dernier bilan commercial semble donner raison à l’Etat : les exports reprennent, en septembre, avec +20% et 18,6MMUSD (dont 7,5MM dans le seul Guangdong). Ceci donne, pour janvier – septembre, une croissance globale des exports de 2,1%. Les imports en même temps ont explosé (+19,3 %).Cette reprise reflète les hausses (opérées au printemps) des subventions aux exports, l’embellie en Europe et aux Etats-Unis (qui, en 9 mois, ont augmenté leurs commandes chinoises de 5,3% et 2,9% ),et un regain saisonnier de la consommation intérieure!
29MMUSD par an : tel est, d’ici 2010, le marché en progression vertigineuse, prédit par l’économiste Hu Angang, des universités, qui comptent aujourd’hui 6,2M d’étudiants. Estimation basée sur le fait que 75% des jeunes sortant du lycée ne trouvent pas de place d’études, et que 10% de l’épargne privée, évaluée à 720MMUSD, est destinée à ce type de dépenses. A 700USD/étudiant par an, le nombre des diplômés à l’échéance 2010 va passer de 9 à 15% de la population.
Au 1er novembre, la bourse de Hong Kong ouvre son marché GEM (Growth Enterprise Market), calqué sur le Nasdaq de New York, destiné aux entreprises « prometteuses », en raison de leur produit de « niche » ou « high tech ». Le GEM ne se cache pas de viser majoritairement les firmes chinoises, et la bourse de Hong Kong a signé en juin à son sujet un accord de coopération avec la China Securities Regulatory Commission (CSRC).
Or la CSRC annonce entre-temps ses propres règles de « présélection » au GEM : mesure controversée. L’action de la CSRC garantit certes un tri sérieux parmi les firmes chinoises, mais leur vaudra un retard et des coûts administratifs supplémentaires. Conséquence immédiate : il n’y aura pas de firme chinoise au GEM avant 2000.
Prendre une bière en Chine peut être une affaire à haut risque : les explosions de bouteilles ont causé en trois mois un mort et 600 blessés, et sont classées danger n°1 par l’Association Nationale des Consommateurs (ANC). Au total, les produits frelatés et défectueux ont causé (en 3 mois) 9 morts, 35 handicapés et 2000 blessés. Moins grave mais aussi vicieux, les contrôles auprès des 36 fabricants de compteurs domestiques dans 17 provinces ont révélé des « fautes » : les Trois quart des compteurs à électricité et un tiers de ceux à gaz affichaient une consommation plus enthousiaste que la réalité !
NB : la production des compteurs est un monopole, tout comme la distribution d’énergie : l’ANC soupçonne un lien!
A Chengdu (Sichuan), le 28 août, le Hong Bian Fu (« chauve-souris écarlate »), salon de thé gay, était mis sous scellés, et ses deux tenanciers arrêtés. Cependant, lors de l’instruction de l’affaire, et bien qu’en possession de preuves que des services homosexuels avaient bien été prestés et payés dans les locaux du Hong Bianfu, le juge fut bien en peine de prononcer un chef d’inculpation : pudique, la loi chinoise n’avait jamais abordé ce sujet obscène. Les deux hommes ont donc été (fait rare!) relaxés.
A Pékin par contre, le vent a tourné le 30 septembre : la Cour a défini les amitiés particulières comme « comportement sexuel déviant, inacceptable pour le public ». A ce titre, Xu Xuanwu, gérant d’une boîte de nuit, accusé à mots couverts, dans un roman, d’homosexualité, a obtenu 9 000Y de dommages et intérêts.
« Des forces conservatrices, chez vous et ailleurs sont contre votre cause, mais le gouvernement et le peuple chinois sont avec vous » : Zhu Rongji n’a pas craint les paroles fortes pour accueillir Hugo Chavez, ancien officier para’, candidat putschiste, et actuel Président du Venezuela, en visite à Pékin. Chavez recherche à travers toute l’Asie, des affaires et des crédits pour sauver son économie, qui a chuté de 10% en six mois. Il partage avec la Chine l’aversion pour le « gendarme universel », les Etats-Unis.
Auprès des étudiants de (Beida) l’Université de Pékin, Chavez a obtenu un franc succès en proclamant : « nous tentons de faire ce que vous avez fait il y a 50 ans : la révolution ». Reste à savoir comment la Chine, qui maintient haut et fort sa tradition maoïste de phare des luttes tiers-mondistes, transcrira son soutien moral en aide matérielle
Le Président de la Conference Consultative Politique de Chine Populaire (CPPCC), membre du Comité Permanent du Politbureau, Li Ruihuan réclame, pour des non-communistes, membres des 8 partis démocratiques, un poste de n°2, dans tout organe moteur des mairies et des provinces. Demande faite à Zeng Qinhong, proche du Président Jiang et chef du Département de l’Organisation du Parti Communiste Chinois (centre nerveux de toute nomination en ce pays centralisé).
La raison de la démarche pourrait se trouver dans cette campagne de nominations, supposée remodeler la carte des pouvoirs centraux et régionaux d’ici le prochain (XVI.) Congrès de 2002. Cette campagne refera l’unité du Parti autour du Chef de l’Etat, mais en affaiblissant les autres tendances et chapelles. Décapitée en mars 1998 par le départ de Qiao Shi, l’aile réformatrice n’a plus qu’une seule « tête » historique Li Ruihuan – qui, sous Zhao Ziyang, avant 1989, était le puissant responsable national de la propagande. Depuis lors, toujours effacé, Li prend l’initiative, comme contraint et forcé.
Sa démarche, qui équivaut à un modeste pas de réforme politique, prend aussi la tonalité d’un appel : celui à maintenir une alternance. Non par les grands réformistes (Qiao, Zhao, Wan Li), âgés et brisés, mais par la seule voie qui reste, pour improbable qu’elle soit : la (sic) «Troisième voie», des partis extérieurs.
Outre cet appel de Li, on entend, sur ce terrain, un autre message peut-être identique : Wei Jianxing, Président des Syndicats, fait appel à plus de présence pour ses délégués, dans la réforme des Entreprises d’Etat, et plaide pour l’entrée des travailleurs dans les organes de commande des Entreprises d’Etat.
Quoique issus du Parti Communiste Chinois, les représentants syndicaux sont plus proches de la base, et le plaidoyer de Wei Jianxing comme celui de Li Ruihuan, parle d’alternance – opposé à la démarche de consolidation du Président Jiang.
De daiyuan (Shanxi), Bai Xuetao allait le 12 septembre en train à Aksu (Xinjiang, à 3000km) : trip mémorable! Tout alla bien durant deux jours, jusqu’à Turpan, lorsqu’il se trouva pris dans une rixe entre une horde de voyageurs ayant envahi un wagon vide, et le personnel, qui le boxa, par erreur, et d’importance.
En gare d’Aksu, 24 heures plus tard, il était toujours si fâché qu’il refusa de quitter le train, en dépit des 1500Y d’indemnités offerts. Bai insistait pour vider le litige chez lui, à Taiyuan. Agacé par la forte tête, le chef du train l’enferma dans un compartiment et lui jura « deux ans de prison » à l’arrivée à Taiyuan. Cette menace, plus le jeûne forcé d’un jour et les 72 h de cahots du retour, finirent par mettre à bout le malchanceux, qui sauta du train et se blessa. Déduction sagace du chef de train : « c’est est un fou ». Fou ou pas, Bai attend le procès, tout en jurant mais un peu tard de prendre l’avion à l’avenir.
L’usine « électronique sans fil » de Wuhan (Hubei) s’était fait sa réputation, notamment par ses postes radio « Yangtzé », solides et sans panache. Elle vient de fermer ses portes, cas rarissime, suite à une faillite… d’imagination. En 1995, les ingénieurs avaient proposé de se lancer dans le VCD : « pas question! », avait tranché la direction.
Plus tard, celle-ci suggéra une coopération dans les bipeurs, avec le Zhejiang : « ah, non !», fit savoir le personnel. Le dialogue de sourds se poursuivit durant trois ans, avant que la firme ne s’éveille, avec tous ses marchés potentiels, envolés! Direction et personnel enfin d’accord, votèrent unanimement le suicide de l’entreprise – avec 80MY en banque, et pas un fen de dette!
20-26 octobre, Shenzhen : Foire Internationale de la Sécurité Publique Sociale
22-31 octobre, Shanghai : Festival International du Cinéma
19-22 octobre, Shanghai : 7ème Salon International de l’Industrie
18 octobre – 3 novembre : Visite Jiang en Europe (Grande Bretagne, France, Portugal), puis Algérie, Maroc et Arabie Saoudite