Le Vent de la Chine Numéro 26

du 4 au 10 juillet 1999

Editorial : Etudiants : l’heure du grand exam !

De mercredi 7 à vendredi 9, 3,6M de lycéens liquéfiés de chaleur, se presseront dans les salles d’examen pour l’épreuve du feu de leur vie et celles de leurs parents : le concours d’entrée aux universités, que seul un tiers des jeunes réussira. Par là même, ils accéderont aux emplois de haut vol, à l’ascenseur pour le Parti – aux privilèges de l’élite. Mais avant, quel « parcours du combattant », où la moindre chute est fatale, de 136M d’élèves en xiaoxue (primaire), à 50 M en zhongxue (lycée), avant de se retrouver enfin sains et saufs à 3M en daxue (université) !

Pour la première fois depuis 50 ans, voire depuis les siècles d’existence du système mandarinal, le cru 1999 du concours voit pousser des bourgeons de réforme à travers le pays. A Canton et dans le Zhejiang, on introduit le principe des options : si chacun planche obligatoirement en chinois, anglais et maths, le candidat littéraire pourra choisir lui-même un sujet, parmi histoire, géographie ou politique, et le matheux, entre physique, chimie ou biologie. A Pékin et Shanghai, on s’apprête à offrir le concours deux fois par an (d’où possibilité de rattrapage), et la correction électronique (pas de triche possible).

Les reçus au concours auront droit cette année à tous types de prêts d’études par les banques commerciales, jusqu’à 60000 USD (sur 5 à 6 ans), permettant aux 20% d’étudiants « à difficultés financières » de payer leurs études (même à l’étranger !), quitte à rembourser durant des années après obtention du diplôme.

Restent, pour parachever ce toilettage de l’enseignement supérieur, des pans immenses à aborder : tels les programmes surannés (l’absence d’intérêt des professeurs comme des étudiants), ou la maigreur des budgets, limitant des effectifs pourtant nullement superfétatoires : en 1996, la Chine comptait deux fois moins d’étudiants que l’Inde.

 

 


A la loupe : Tian An Men : l’été de la métamorphose

Depuis mardi 28 à Pékin, Tian An Men revit, débarrassée des palissades qui l’occultaient au regard des foules.

En automne, la plus grande place du monde (160 000 m2) avait débuté en silence sa cure de jouvence, avec ce que le pays comptait de mieux comme matériel. Béton Lafarge, afin de résister au gel hivernal. Revête- ment de granit rose. Pelouses «britanniques», atténuant la sévérité de l’espace. La réouverture intervient après le RV décennal du 4 juin 1989, avant les fêtes des 50 ans du régime, et à temps pour l’ «intronisation», 1er juillet (à tout seigneur, tout honneur) de 1000 membres néophytes du PCC, pour le 78. anniversaire du Parti.

Les premiers visiteurs ont été les groupes des écoles, des usines d’Etat et de l’armée (APL), serpentant en centaines de mètres de file d’attente, pour se recueillir devant la dépouille de Mao. Suivis de milliers de curieux timides, observant les centaines de projecteurs et haut-parleurs futuristes… et les nouveaux règlements: défense de vendre à la sauvette colifichets, rafraîchissements ou souvenirs, de mâcher du chewing-gum, de cracher, de faire voler son cerf-volant – sauf en possession d’un permis spécial, dont le bureau émetteur doit ouvrir incessamment.


Joint-venture : La Chine redore ses privilèges aux étrangers

Nokia élargit son réseau cellulaire GSM dans le Yunnan, par un contrat de 170M USD de fournitures en systèmes GSM 900 et 1800, avec centres de commutation mobile et le système de gestion de réseau NMS 2000. Selon cet expert, il ne s’agit là pour le groupe finlandais que d’une « transaction ordinaire » : Nokia en est à son sixième contrat en Chine (son 1er client en GSM, et son 2d pour tous produits, derrière lesEtats-Unis).

• Un tiers des pots catalytiques dans le monde portent la griffe de Engelhard Corp.Aussi est-il presque étonnant que cette multinationale ne s’installe en Chine que maintenant, par une Joint venture à Shanghai Pudong, avec Sinopec International comme partenaire à 60/40%. La Joint venture produira début 2000, juste à temps pour profiter de l’imposition des normes Euro I pour les émissions de gaz d’échappement des autos et utilitaires légers.

L’investissement étranger direct (IED) plafonne en Chine à 270MMUSD. En mai pour la première fois en 1999, l’IED a augmenté de 15,6 % (par rapport à mai 1998). Mais sur la période janvier-mai, il a en fait baissé de 6,6%, et certains prévoient une chute de 30% pour l’année. C’est le moment pour le MOFTEC (Ministry of Commerce) de raviver les couleurs de son offre aux entreprises à capital étranger, d’ici octobre :

[1] les règlements défavorables seront réajustés, les taux de TVA baissés pour leurs produits d’export (« conformément à la pratique internationale»)

[2] des avantages seront réservés aux groupes implantant en Chine des centres de Recherches et Developpement;

[3] ainsi que ceux investissant au Centre et à l’Ouest du pays.

[4] D’autres privilèges iront aux firmes accélérant l’utilisation de matériaux made in China.

• Esprit de conciliation ou pas de clerc ? L’Union Européenne a fini par céder sur l’affaire des emballages en bois (cf VdlC n°24), et donner à la Chine un mois de délai (jusqu’au 10 juillet) pour garantir que ses exports ne deviennent pas vecteur en Europe du scarabée longicorne asiatique, destructeur potentiel des forêts du Vieux Continent.

 


A la loupe : Nouvelle loi, new deal pour la Bourse

Depuis mardi 28 à Pékin, Tian An Men revit, débarrassée des palissades qui l’occultaient au regard des foules. En automne, la plus grande place du monde (160 000 m2) avait débuté en silence sa cure de jouvence, avec ce que le pays comptait de mieux comme matériel. Béton Lafarge, afin de résister au gel hivernal. Revêtement de granit rose. Pelouses « britanniques », atténuant la sévérité de l’espace. La réouverture intervient après le Rendez-vous décennal du 4 juin 1989, avant les fêtes des 50 ans du régime, et à temps pour l’ « intronisation », 1er juillet (à tout seigneur,tout honneur) de 1000 membres néophytes du Parti Communiste Chinois, pour le 78ème anniversaire du Parti.

Les premiers visiteurs ont été les groupes des écoles, des usines d’Etat et de l’Armée Populaire de Libération, serpentant en centaines de m. de file d’attente, pour se recueillir devant la dépouille de Mao. Suivis de milliers de curieux timides, observant les centaines de projecteurs et haut-parleurs futuristes…

Et les nouveaux règlements: défense de vendre à la sauvette colifichets, rafraîchissements ou souvenirs, de mâcher du chewing-gum, de cracher, de faire voler son cerf-volant – sauf en possession d’un permis spécial, dont le bureau émetteur doit ouvrir incessamment.


Argent : Allemand, le premier métro cantonais

• On n’avait plus vu cela en Chine du Nord depuis 1952 : dès le 25 juin, une canicule entre 35C° et 38C°, avec des pointes dépassant les 40C°. D’où une forte augmentation des affaires pour les taxis, piscines, vendeurs de crèmes glacées et surtout de climatiseurs, dont les ventes ont doublé (avec 30% des acheteurs s’étant décidés en dernière minute), ainsi qu’une poussée de la consommation d’électricité (record battu à Pékin le 29 juin à midi avec 5,07Mkw/h), et des ruptures fréquentes du réseau.

• 18,5km – 16 stations : Canton vient d’inaugurer sa première ligne de métro, 100% allemand, pour 660M DM. Siemens (deux tiers du contrat) a livré les équipements électriques, la traction, la signalisation et toute l’électronique, Adtranz fournissant 21 rames de 6 wagons. Une seconde ligne devrait fonctionner dès 2004. A ce métro parmi les plus modernes au monde, le prix du billet est en conséquence : 6Y, contre 2Y à Pékin.

• Début 1999 la SETC (State Economic and Trade Commission ) ordonnait la fermeture de toutes les raffineries pétrolières locales en dessous d’un seuil minimum de production. L’opération serait supervisée par une task force de dix ministères. L’ordre équivalent est tombé le 11 juin aux petites cimenteries et verreries, avec pour date limite décembre 1999.

Même « grand nettoyage » dans les charbons : depuis mai, 23000 mines privées ont fermé, 14 Entreprises d’Etat, usines houillères et 40 mines publiques seront mises en faillite. Toutes ces restructurations ont le même but : améliorer le bilan écologique et le taux d’utilisation du secteur. Elles ont aussi le même « ennemi », les pouvoirs locaux, pour qui ces industries non-rentables n’ont pas d’alternative.

 


Pol : Le tour de Chine du Président Jiang

• Le Président Jiang, a beaucoup voyagé en province en juin, entre Chengdu, Xi’an, Wuhan et Qingdao, et beaucoup discouru – à la conférence des académies militaires, à celle de la réforme des Entreprises d’Etat, au 78ième  anniversaire du Parti Communiste Chinois… Du message présidentiel, on retient, cette semaine, son ton déterminé et sombre, s’adressant aux tongzhimen (camarades) pour critiquer ceux ayant sombré dans le « culte de l’argent », voire « la débauche » (sic) ou la « superstition féodale » (allusion aux dizaines de millions de gymnastes sectaires du Falungong, dans la ligne de mire du pouvoir depuis ce printemps).

Malgré ces handicaps, le Président garde la certitude en la « victoire finale » du socialisme. L’inflexion à gauche se fait aussi sentir, sur le dossier « OMC » : par circulaire interne, la presse s’est vue interdire tout article sur le sujet, non revu par le MOFTEC (Ministry of Commerce), et le vice-ministre responsable, Long Yongtu, appelle les autres ministères à étoffer sa délégation – histoire de diluer une responsabilité devenant trop étouffante.

• Depuis l’annonce par Pékin que 1,6M de chinois « proches » ne pourraient émigrer vers la Région Administrative Spéciale, (en dépit d’un verdict de sa Cour Suprême), les déchirures s’accentuent au sein de la population du rocher. D’un côté, 60% du peuple approuve le verdict (de bon sens, à notre avis) de Pékin; de l’autre, lors de la visite de Hu Jintao, marquant le second anniversaire du retour de Hong Kong à la mère-patrie, la police a eu bien du mal à tenir à distance les manifestants, sur le passage du vice-président de la République Populaire de Chine.

• De temps bien antérieurs au socialisme, la Chine a eu pour tradition d’orchestrer des exécutions massives, à thème, à date symbolique, afin d’inspirer la discipline par la peur. Vendredi 25, à travers le pays, 58 dealers et producteurs de paradis occultes ont payé de leur vie la journée mondiale anti-drogue.


Temps fort : Ecole : réforme introuvable, panacée du privé!

La 3ème Conférence nationale de l’éducation de l’histoire du régime (16-18/6) vient de donner l’image d’un secteur en convalescence, après avoir été longtemps négligé. Financièrement, après 20 ans de désengagement de l’Etat, et le creux de la vague de 1995, où l’école avait touché seulement 2,44% du PNB, elle voit ses crédits remonter de 1% par an et passer à 4% d’ici à 2002.

L’idéologie recule : un manuel de 1950, dissertant sur Lénine et la lutte des classes, vient d’être remplacé au plan national par « le savoir fondamental de l’économie ». Par ailleurs, un audacieux programme-pilote veut garder les jeunes 1 à 3 ans de plus au lycée, sur des filières pratiques et high tech (informatique…). Point faible de cette idée (pertinente au demeurant, à l’heure de la mise au rancart de dizaines de millions d’emplois d’Entreprises d’Etat): l’Etat n’a pas les moyens, pas plus que les ruraux, pour garder leurs fils à l’école, même dans le curriculum normal !

Sur le fond, comment pour cet appareil mal payé, abandonné des jeunes, et sous contrôle sourcilleux de la Commission de l’Education, faire face à ce formidable défi ?

Zhu Rongji, lors de la Conférence, a évoqué une panacée : le secteur privé. Il offre bien des avantages :

[1] pas d’investissements publics directs (mais des dons de terres et des grâces d’impôts);

[2] la chance de toute création ex nihilo : hors des traditions, libertés de nouvelle gestion, de rapports, de pédagogie et de responsabilité. De telles « boîtes » privées, à tous niveaux, croissent à toute vitesse (déjà 50 à Pékin).

[3]Ce secteur privé permet surtout au public de retarder l’impossible choix entre désir d’efficacité (vers moins de mémorisation, plus de créativité, tête bien faite plutôt que tête bien pleine, pour les besoins du jeune comme de l’économie, et besoins du Parti en continuité : suivant les thèmes chers au Président Jiang : Patrie, morale et discipline.


Petit Peuple : Chaleurs, médecine, et libido

• La Chine studieuse connaît les affres du concours d’entrée en fac, mais aussi celles, non moins formidables, du concours de passage de l’école au lycée. Les parents feraient tout pour assurer le succès du rejeton. C’est ce qu’ont fait les parents de cette école de Dalian, en bloquant de leurs corps la route voisine, du 21 au 23 juin, pour éviter aux chérubins le bruit du trafic.

D’où ce drame prévisible : cette femme transportant un médicament urgent se vit refuser le passage – rien n’y fit. Quand les parents se décidèrent, le malade était mort – première victime de l’examen.

• La touffeur estivale semble éveiller une inattendue libido collective.

1. Le Journal de la Femme s’inquiète du développement sexuel prématuré chez la fillette, à Shanghai où des centaines de cas viennent chercher chaque jour à l’hôpital, les moyens d’enrayer la croissance des seins avant l’âge de 7 ans, par des traitements à base de plantes.

2. Journal de la jeunesse reproduit les 16 articles du code de conduite des chirurgiens pour opérer les transsexuels. Parmi ceux-ci, le patient doit avoir désiré changer de genre depuis au moins 5 ans, et vécu dans l’autre genre depuis au moins 3ans. La loi chinoise reste muette sur cette situation humaine imprévue du socialisme, rendant nécessaire l’initiative des chirurgiens (essentiellement militaires !). 3. L’Hôpital Populaire n°9, à Shanghai, affirme avoir réussi à rebâtir sur deux patients un pénis à partir de matériaux prélevés d’autres parties de leur corps. La nouveauté (mondiale !) tiendrait à avoir réussi à rétablir les connexions nerveuses et par là même, ce qu’aucune autre équipe médicale n’était encore parvenue à obtenir : l’érection.

 


Rendez-vous : Visite Keizo Obuchi – Premier Ministre du Japon

5 – 20 juillet : Pékin, Shanghai, Wuhan, Chengdu, Canton : Forum  e-commerce (itinérant)

6 – 10 juillet,  Pékin : Chinoplas 1999

9 – 10 juillet, Pékin : Séminaire Comptabilité et Taxation des Sociétés à Investissement Etranger

8 – 13 juillet, Pékin : visite Premier Ministre nippon K. Obuchi