Le Vent de la Chine Numéro 6
Cette semaine encore, Taiwan demeure l’épicentre de la tension exprimée par Pékin, dont un porte parole ne s’est pas gêné, mardi 30, pour rappeler que la Chine avait le droit, pour récupérer sa souveraineté sur l’île nationaliste, d’employer « tous les moyens, même violents, si nécessaires« .
Au même moment, l’armée par voie de presse, s’annonçait prête à « sauvegarder l’unité nationale ».
Pour maintenir la vapeur, la Chine avait cette semaine un prétexte commode: le « premier anniversaire » du programme « historique » du Président Jiang Zemin pour le retour de Taiwan à la mère patrie.
Mais le fait que l’orateur, cette année, soit Li Peng et non Jiang, a fait s’interroger plus d’un : sur ce dossier venimeux de Taiwan, derrière la personnalité visible du Président, qui tient la barre? Que le Premier ministre, dans son discours, se montre plus « va-t-en-guerre » que Jiang un an avant, n’a fait qu’épaissir les soupçons, ainsi que la manière « désinvolte » dont le gouverneur de Canton a évoqué vendredi le Président.
La question reste ouverte.
En tout cas, le principal intéressé, le Président Lee Tenghui de Taiwan, ne semble pas se laisser impressionner par les bruits de bottes d’en face.
Il s’en sert pour réclamer de son opinion publique une réélection massive, argumentant que la fermeté et l’unité des Taiwanais seront la meilleure réponse au chantage de l’autre rivage !
Deux tentatives australiennes, ces jours-ci, pour mettre pied sur le marché chinois du petit écran, prometteur (sur le marché sinophone élargi) de milliards de $ de droits à l’avenir.
CCTV (China Central Television) se diffuse par satellite sur toute l’Asie, mais se vend mal.
Elle voudrait monter en qualité par une coopération étrangère, aujourd’hui interdite pour cause idéologique. Nonobstant le feu rouge, 2 négociations sont dans l’air: Rupert Murdoch, patron de Star-TV, déjà présent dans les hôtels en Chine, chercherait à troquer son assistance technique contre sa reconnaissance légale (pour percevoir des droits des 1000 stations par câble qui le piratent), et Kerry Packer, patron de chaînes australiennes, serait venu signer la vente d’émissions.
Tendance d’avenir : à Laibin, dans le Guangxi, la Chine met en adjudication la première centrale thermique de grande capacité (700 000 kw/h) en BOT (build, operate, transfer)!
La loterie chinoise, en J.V. (Joint Venture) avec la Française des Jeux, se porte bien : 50 millions de billets "à gratter" entrent en vente dans trois provinces, pour des tirages richement dotés (lots jusqu’à 200 000 yuans).
Méthode Coué? La presse chinoise affirme que 5 consortia étrangers sont déjà sur les rangs pour se partager des tranches de contrat du barrage des Trois Gorges, projet clé du 1er Ministre Li Peng, controversé à l’intérieur (malgré une forte censure) comme à l’étranger.
Parmi ces groupes dits sur les rangs : Hitachi , avec 6 autres japonais.
Après 3 années d’intempéries, plusieurs provinces ont compris la leçon et investissent en grand, pour maîtriser leur problème de l’eau: le Shaanxi investit 10 milliards de Y sur 5 ans en réservoirs (1,2 milliards de m3) et systèmes d’irrigation (objectif 1,4 millions d’hectares).
A Canton, ce sont 6 milliards qu’on veut débourser d’ici septembre, en irrigation et réparation des digues, délaissées durant des années.
Autres investissements d’urgence sur les rives du Yangtzé, dont plusieurs dizaines de km s’étaient effondrées en automne, suite à l’exploitation (illégale) des sablonnières soutenant les berges!
Marché d’avenir : le traitement des ordures urbaines. La Chine en produit 100 millions de t par an, dont 5% seulement recyclées.
Pékin et Shanghai veulent en traiter 60% d’ici l’an 2000. A Hangzhou, une firme canadienne va investir 2,5 millions de $ dans une petite centrale thermique au méthane obtenu à partir des 1700 t de déchets ménagers quotidiens.
La centrale sera payée selon la technique BOT ("build, operate, transfer") sur 15 ans.
En 1996, la Banque de Chine maintiendra au même niveau ses prêts aux JV (Joint Venture) (2 fois 1 milliard de yuans), mais les concentrera sur moins de projets, surtout disponibles aux grands noms étrangers, et dans des catégories classées prioritaires.
Autre expansion annoncée (et filière française présente en Chine) : celle des aliments composés pour élevage porcin: de 45 à 80 millions de t d’ici 5 ans.
Il permettra, sans augmenter la consommation en céréales (65 millions de t) d’augmenter la production de viande de porc de 10 millions de t par an.
Le Ministère des industries électroniques espère voir la production chinoise en ordinateur individuel passer d’ici l’an 2000 au 4.rang mondial (chiffre d’affaires de 84 milliards de $).
En attendant, les taxes à l’importation vont baisser, pour enrayer la contrebande!
La ville de Shenzhen massacre 100 000 rats (fléau national) en 15 jours. La mairie paie 5 yuan le rat!
L’alcool blanc "coûte" à la Chine 14 millions de t. de céréales par an. 12 ministères viennent d’y renoncer pour leurs banquets.
Le 8 mai, Pékin ville, pour sa numérotation téléphonique, passe à huit chiffres!
Entreprises publiques : le Conseil d’Etat évalue leur dette à 70% de leur capital en moyenne, et envisage une "privatisation" massive, par émission d’actions à concurrence du trou de caisse. Mais qui va acheter cela?
Rappel : Hervé de Charette à Pékin du 7 au 9 février (puis à Xi’an, Canton, HK et Jakarta). Dîner annoncé Chambre de commerce, au Traders, mercredi 7!
Malchance politique: Lei Yu, gouverneur du Guangxi, contraint de démissionner : frappé par la "limite d’âge" (61 ans)… et sa réputation trop libérale!
Mao reste très populaire, surtout dans les campagnes : des paysans du Shaanxi se cotisent pour ériger offrir une statue au Timonier et à Zhou Enlai.
Pékin se donne 5 ans pour retracer ses frontières intérieures (entre provinces, districts et cantons).
Mesure prévue pour limiter les incessants conflits entre mairies riveraines, mais qui risque aussi de renforcer les barrières intérieures, obstacle à l’émergence d’un marché national, et de groupes industriels disposant de capacités d’investissement et de R&D de niveau mondial!
Par voie de presse, jeudi 1er, trois banques étrangères à Shanghai (Pudong) sont autorisées, « à l’essai », à pénétrer sur le marché du Renminbi -dont la filiale J-V (Joint Venture) de la B.N.P. (Banque Nationale de Paris).
Mais dans l’immédiat, seul le marché pour étrangers serait concerné.
Dans les milieux étrangers, la nouvelle a été accueillie avec réserves : c’est la 6ième fois que la presse locale sort ce lapin du chapeau, dont 5 sans suites!
La banque chinoise exprime ainsi son dilemme, entre le désir de « faire plaisir à l’OMC » (Organisation Mondiale du Commerce) (réunion « spéciale Chine » en mars), et celui de conserver le confort de son cocon. De toute manière, une ouverture serait impensable sans quelques harmonisations, comme celle de la taxe au chiffre d’affaires (55% pour les banques chinoises, 15% pour les étrangères).
D’autre part, en dépit de cadres supérieurs parfois brillants, le système chinois, perclus de protectionnisme, accuse un retard de compétitivité et risquerait la perte d’une majorité de ses clients (se rappeler les 86% du marché de l’assurance vie à Shanghai, raflés en quelques mois par l’américain A.I.G. (American International Group), premier assureur étranger autorisé à opérer en Chine)…
En attendant la notification officielle par la B.O.C. (Bank of China), et les décrets d’application, les banquiers étrangers, dont certains se disent peu pressés d’entrer sur ce marché, estiment donc le principe désormais acquis: la Chine s’apprête à l’abandon -progressif et lent!- du monopole du marché de sa monnaie!