Le Vent de la Chine Numéro 9 (2017) Spécial Deux Assemblées

du 6 au 12 mars 2017

Editorial : De l’ANP au Bitcoin

Grand rendez-vous de l’année, les deux assemblées s’ouvraient le 3  mars (pour la CCPPC) et le 5 (pour l’Assemblée Nationale Populaire). L’ambiance était tendue, après 5 ans de campagnes anti-corruption, et à 8 mois d’un nouveau quinquennat de Xi Jinping (2017-2022), et du renouvellement d’un gouvernement débarrassé des freins implantés par ses prédécesseurs Hu Jintao et surtout Jiang Zemin. L’objectif de Xi est clair : reprendre le contrôle de la finance, en s’attaquant aux milliardaires fraudeurs et à la finance « grise », deux héritages de 30 ans de gouvernance néolibérale. C’est donc un système obsolète qui s’attaque à ses propres tares, dos au mur face à une dette nationale qui s’envole, égale à 300% du PIB (contre 254% en 2015) selon les chiffres d’UBS.

Mais la contradiction apparaît claire, quand on voit la fortune des 100 plus riches édiles (sur les 2.880 de l’ANP), passée en 2016 à 435 milliards de $ – contre 238 milliards en 2013. Ce sont ces mêmes milliardaires, devant leur fortune à ce crédit facile, sur qui l’Etat doit à présent compter pour l’aider à fermer le robinet… Le système est faussé – peut-il vraiment se réformer ?

Bien loin de remettre en cause les fondamentaux politiques, ce régime de technocrates met en point en parallèle des outils technologiques inspirés de l’étranger, qui pourraient changer toute la donne en peu de temps.

On les voit émerger dans l’agriculture, qui s’apprête à étonner le monde en devenant exportatrice nette, malgré son terroir limité à 7% du territoire (elle le fait par un mix de rachats de technologies étrangères, de formations et d’incitations aux paysans) ; dans une industrie qui entame plus vite que d’autres sa reconversion vers le bas carbone et la robotisation ; et surtout dans la monnaie.

La Banque centrale (BPdC) suit depuis des années les progrès du Bitcoin, mode de paiement crypté selon la technologie de la blockchain (qui émet sur le web des paquets de transactions qui restent ensuite inviolables et vérifiables de tous). La BPdC a laissé son territoire devenir le premier centre mondial de cette monnaie. En même temps, dans l’ombre, elle travaille à sa propre blockchain, et dès janvier, annonçait avoir terminé ses tests de sa monnaie, un genre de « Bityuan », à lancer sans doute en 2020 en même temps que le réseau cellulaire 5G, 100 fois plus rapide et puissant que son prédécesseur 4G. À condition d’avoir, entretemps, mis en place un cadre réglementaire et légal. Alors, les 630 millions d’usagers de smartphones bénéficieront – comme le vendeur – de la disparition de la commission. La banque cessera d’effectuer le transfert (assumé sur internet par la blockchain) et de servir de garant de la transaction (rôle repris par la communauté des utilisateurs).

Le « Bityuan » sera donc concurrent du Bitcoin. Sur sol chinois, la BPdC pourra inspecter (mais non bloquer) les transactions en Bitcoin, et faire respecter ses règles – sur l’export de devises, l’interdit de transferts destinés à la corruption ou d’autres délits comme terrorisme ou drogue. « De la sorte, selon Duan Xinxing, vice-président de OKCoin (la bourse de bitcoin de Pékin), la Banque centrale disposera d’un savoir instantané sans précédent sur la santé de son économie », le pouls du consommateur, les chargements des navires et des trains de fret entre Chine et le reste du monde…

Une question centrale sera de savoir quel pouvoir cet outil conférera au système—s’il pourra « tout savoir » sur les entreprises, les provinces, les citoyens, et en abuser par excès de contrôle policier. Dans ce cas, la renaissance, l’essor de créativité et d’échanges entre sociétés chinoises et mondiales, n’auront pas lieu. Tout ce que l’on sait est que l’impact est de nature à bouleverser nos modes de vie. Mais pour paraphraser la philosophie grecque antique (Esope), Bitcoin et Bityuan seront « la meilleure et la pire des choses » – selon l’usage qu’on en fera.


Politique : Menu de la session ANP

Mises à part les intrigues autour des promotions du second quinquennat (2017-2022), le Plenum de l’ANP est le lieu où se discutent les affaires du peuple, celles du pays et du monde.

Un sujet sera la relation aux Etats-Unis. Même avec D. Trump aux commandes, l’Amérique reste irremplaçable. Aussi du 27 février au 1er mars, le Conseiller d’Etat Yang Jiechi rencontra à Washington Trump et son entourage pour préparer une visite de Xi Jinping – date non fixée mais pouvant être dévoilée durant le Plenum.

Chaque année, les deux assemblées de l’ANP et de la CCPPC engrangent les doléances de la base. L’une concerne la sécurité alimentaire : en une directive du 21 février, le Conseil d’Etat prenait les devants en durcissant les plafonds de pesticides et antibiotiques tolérables dans les denrées et produits ménagers, importés comme locaux, ainsi que les normes des différents produits d’emballage alimentaire. 20 nouveaux ports de débarquement de denrées devront disposer de services d’inspection sanitaire et de quarantaine.

On parlera aussi de lois sociales, telle celle du divorce. Avec 3 millions de séparations par an, la Chine à présent divorce plus qu’elle ne se marie. Or, la loi ne suit pas. Par exemple, du fait d’une mauvaise communication entre époux, mari et femme ne connaissent pas les décisions prises par l’un et l’autre, y compris financières. Et pourtant la loi impose aux divorcés d’assumer ensemble la responsabilité des dettes contractées durant l’union—si l’un est insolvable, l’autre doit payer. Et c’est alors qu’apparait cette réalité de terrain, dévoilée par les sondages : parmi les divorcés endettés, 87% sont des femmes, et leurs dettes proviennent de leur mari, souvent contractées au jeu, parfois en millions de yuans. 80% de ces malheureuses disent n’avoir rien su de ces dettes tenues secrètes par leur mari : elles se trouvent ruinées pour des années, avec en prime, l’enfant à élever. Aussi à l’ANP, figure un projet d’amendement pour rectifier la loi.

Autre projet : à partir du second enfant, Pékin réfléchit à des allocations familiales pour relancer la natalité mise à mal par 40 ans de limitation contraignante à un enfant par foyer. Depuis 2015, les parents ont droit à un second, ce qui en 2016, a apporté 1,3 million de naissances en plus. Mais l’Etat sait que la vague nataliste ne durera pas, et ne compensera pas le déclin déjà visible des cohortes de travailleurs—d’autant qu’une majorité de femmes, dissuadées par les coûts élevés, refuse de faire un deuxième enfant. Seule solution pour l’Etat : l’encouragement financier, prévu pour l’instant sous forme de gratuité de la crèche ou de la maternelle.

Dans le souci professé par Xi Jinping lui-même, Pékin réitère sa vieille promesse d’éradiquer d’ici 2020 la pauvreté (selon le critère de moins de 2.300 yuans/an par habitant). Pour ce faire, le régime doit faire franchir la barre à 10 millions de ruraux chaque année. Un formidable travail a été réalisé, ramenant les 122 millions de pauvres de 2011 à « 40 millions » en 2016. L’Etat a réalisé cet effort en fournissant aux paysans l’eau, les semences, de la formation, des microcrédits et projets associatifs, de la reconversion vers d’autres métiers. Mais les édiles auront noté le bémol d’Ou Qingping, directeur au Conseil d’Etat : en certaines contrées, le fonctionnaire opportuniste ne peut parfois s’empêcher d’embellir son bilan en fournissant aux pauvres des repas, sans rien faire pour améliorer leur condition économique.

Le plus grand dossier de l’ANP sera la dette des firmes d’Etat et des provinces, et ces entreprises « zombies » du charbon, de l’acier ou de l’énergie, qui polluent et fonctionnent sans profit, dévorant les subsides sans générer de croissance. Xiao Yaqing, Président de la SASAC (l’agence de supervision des consortia d’Etat) prétendait le 24 février réussir à résorber une partie de ces surcapacités—de fermer 500.000 emplois inutiles. 200 fonds de soutien (87 milliards de $) doivent aider au dégraissage.

Cette promesse est loin d’être la première, et donc à prendre avec des gants. Toutefois, l’Etat est peut-être sérieux, cette année, dans sa résolution, car il n’a plus le choix – sa dette explose. Vu leur pouvoir et leur entregent, provinces et conglomérats doivent pour se refinancer, lever des fonds en bourse, mais à des taux toujours plus élevés et sans pouvoir rien faire pour s’arracher au maelstrom de la faillite. En 2015 et 2016, selon Gavekal Dragonomics, les levées secondaires (les émissions d’actions de firmes déjà en bourse) atteignaient 466 milliards de $, plus que la recette cumulée des années 2009-2014, et 563 firmes attendaient leur tour en bourse pour aller puiser l’épargne des ménages. Face à cette réalité, l’ANP va prêcher le désendettement—mais sans avouer ce vrai constat d’échec : les premières gaspilleuses de ressources sont les provinces et leurs consortia.

Quelles autres décision à attendre du Plenum ? Peut-être une nouvelle taxe sur les « biens partagés » – parmi ceux-ci, les millions de vélos Ofo ou Mobike. Cette économie parallèle a doublé en volume en 2016 (à 503 milliards de $). Elle compte 60 millions de fournisseurs (le sextuple de l’an 2015) et 600 millions de clients.

Le dossier de Hong Kong sera sans doute évoqué, un nouveau Chef de l’Exécutif devant être élu fin mars. Parmi les candidats comptent deux favoris : celui de Pékin, Mme Carrie Lam (l’ex-n°2), et celui du public Donald Tsang, l’ex-trésorier.

Enfin, la Commission nationale de l’Education insiste pour renforcer l’enseignent de l’idéologie dans les universités, la position de « cœur du Parti » de Xi, le rejet des « valeurs occidentales ». A 8 mois du XIXème Congrès et dans l’actuelle course aux promotions, un tel étalage de zèle du ministre de l’Education, n’est pas surprenant.


Politique : En marge de l’ANP, la grande foire d’empoigne

Le 5 mars, le Plenum de l’ANP (Assemblée Nationale Populaire, aux 3000 élus) ouvrait ses portes – ultime étape avant le XIX Congrès d’octobre. La période est cruciale alors que se négocient les promotions et les limogeages, de factions telles le gang de Shanghai autour de Jiang Zemin l’avant dernier Président, ou la tuanpai, la Ligue de la jeunesse de Hu Jintao, le prédécesseur de Xi Jinping

Lors du Congrès d’octobre, 5 des 7 postes du Comité Permanent seront à pouvoir, actuellement occupés par d’ex-compagnons de Jiang Zemin. Sur le marché des rumeurs, Chen Min’er, Secrétaire du Guizhou et ancien compagnon de Xi, pourrait y gagner une place, sautant ainsi l’étape du Politburo. Parmi les autres candidats, Li Zhanshu (Secrétaire général du Parti) et Zhao Leji, chef du département de l’organisation (proches de Xi et tous deux déjà au Politburo).

Elu « noyau central du Parti » au Plenum du Comité Central en octobre 2016, Xi Jinping a passé 5 ans à se créer une majorité fiable. Ses dernières promotions le reflètent, tous fidèles – et compétents. He Lifeng (62 ans) reprend à Xu Shaoshi la NDRC (l’organe de planification). Zhong Shan, vice-ministre du Commerce (61 ans), devient ministre. Guo Shuqing, ex-gouverneur du Shandong, devient patron de la CBRC, tutelle des banques, avec pour mission de traquer la finance grise et l’enrichissement inéquitable. Cette nomination, au passage, empiète sur les attributions du Premier ministre Li Keqiang, patron de l’économie… Li pourrait être bien plus embêté si, en octobre, Xi optait pour nommer Wang Qishan (le chef de l’anticorruption) à sa place, passant outre la règle des 68 ans, date de la retraite…

À la justice, Zhang Jun passe ministre, et Xu Xianming vice-pro-cureur suprême. Zhang espère renforcer l’« Etat de droit » – plus exactement, la « gouvernance selon la loi », et défendre les droits des avocats et de la population carcérale.

Le chercheur canadien Alex Payette observe le grand nettoyage de la scène politique mené par Xi, secondé par Wang Qishan. En la première moitié de sa carrière, ce grand serviteur de la nation travaillait pour Jiang Zemin. Une fois Xi Jinping arrivé au pouvoir en 2012, Wang a su gagner la confiance de ce nouveau maître, avec pour mission de déboulonner les personnages installés par Jiang dans les organes centraux et dans les provinces, lui permettant ainsi de garder une forte influence longtemps après la fin de son mandat.

Pour abattre cette forteresse, Wang s’est employé à « encercler » ou « nettoyer » ces factions, les immobilisant sans avoir besoin de les frapper. À Shanghai, des dizaines de hauts cadres ont été évincés. Dernière victime, le maire Yang Xiong « démissionne » (17 janvier) au profit de Ying Yong, qui fut secrétaire de Xi en 2007. Enfin, Han Zheng, 63 ans, Secrétaire du Parti pour Shanghai, est lentement conduit vers la sortie.

Une stratégie identique se lit dans les provinces : la campagne anti-corruption sert tant à ramener les cadres vers la morale, qu’à s’en faire obéir et surtout qu’à les figer dans une passivité de survie, les empêchant de s’organiser et de contre-attaquer.

Bilan actuel : Xi Jinping contrôlerait le Jiangxi (Secrétaire Lü Xinshe), Liaoning (Li Xi), Mongolie Intérieure (Li Jiheng). Outre Shanghai, il tient les trois autres métropoles sous tutelle directe du Conseil d’Etat. A Chongqing, Sun Zhengcai, le leader « de 6ème génération », fidèle à Wen Jiabao, est contenu par le jeune vice-maire allié de Xi, Zhang Guoqing ; à Tianjin, Li Hongzhong tirait profit de la mise en examen de son prédécesseur et devenait 1er Secrétaire ; et à Pékin, Cai Qi était promu maire.

Au total, sans surprise, Xi contrôle 17 des 34 provinces et régions du pays, et tous les postes clés dans l’armée (sa dernière nomination : le lieutenant Général Zhang Shengmin à la Commission de discipline de l’APL).

Surprise : Hu Chunhua et Sun Zhengcai, les Secrétaires pour Canton et Chongqing, résistent mieux que prévu aux enquêtes de Wang Qishan. Aussi ces alliés de Hu Jintao et de Wen Jiabao, gardent leurs chances, lors du Congrès d’octobre, d’être promus au Comité Permanent (7 membres) voire même de succéder à Xi Jinping en 2022.

Ceci force Xi, par prudence, à former un successeur « de la 7ème génération », pour reprendre les affaires en 2032. Dans le peloton de tête figure Shi Guanghui, 47 ans, placé dès 2013 par Xi en tant que vice-maire à Shanghai. D’autres jeunes loups sont Fu Zhenbang de la Ligue de la jeunesse (organe en forte perte de vitesse sous les attaques du Président Xi, et qui peut placer en lui ses ultimes espoirs de survie), et Zhou Liang (47 ans), dauphin adoubé de Wang Qishan. Si l’avenir se déroule selon ce scénario, le vainqueur sera moins un homme, quel qu’il soit, que le système de succession lui-même, mis en place par Deng Xiaoping : le droit pour tout leader de choisir non son successeur directement, mais celui de son successeur deux générations plus tard.

En octobre dernier, Xi semblait tenté de casser ce système pour empocher un 3ème quinquennat, ce qu’aucun Président avant lui n’avait réussi, vu l’opposition de ses pairs. Si, en fin de compte, Xi décide de respecter la tradition, c’est au vu du chaos qu’il risquerait en transgressant les règles – chaos redoutable et redouté, d’une nuisance susceptible de désarçonner le socialisme en Chine.


Politique : Le torchon brûle au Liaoning

Confirmée le 1er mars par Chen Qiufa, gouverneur du Liaoning, la nouvelle fait bondir : les statistiques de la province ont été falsifiées « de 2011 à 2014 ». Ainsi, son PIB de 2016 publié en février, est en baisse de 23%, une chute invraisemblable. Même si après ajustement de l’inflation, le recul n’est de 2,5%, cette province est la première à admettre une récession.

D’autres chiffres confirment la triche des leaders d’alors, cadres en mal d’avancement. Pour 2016, les dépenses d’investissement fixe publique (IFP, qui sont en Chine le 1er pilier de la croissance) chutaient de 64%, chiffre ahurissant. En 2015, ces IFP avaient déjà chuté de 27,8%, ce qui n’avait empêché le Liaoning de maintenir—contre toute logique statistique–un PIB de 3%. Pire, ses rentrées fiscales qui depuis 20 ans gonflaient de plus de 10% par an, dérapaient à 7,6% en 2013, 4,5% en 2014, pour régresser de -33,4% en 2015. Mais, avoue le gouverneur, cette recette provinciale avait été surestimée d’au moins 20%. Ce qui avait privé les habitants d’une part injuste de leur niveau de vie, cette province pauvre ayant reversé 20% en trop de ses recettes au niveau central…

Ceci rappelle la boutade de Li Keqiang, qui savait de quoi il parlait, ayant exercé la fonction de Secrétaire du Parti au Liaoning de 2004 à 2007 : « pour savoir comment va le Liaoning, je ne regarde pas les statistiques, mais seulement les chiffres de consommation électrique, du fret ferroviaire et des prêts bancaires ».

Une telle fraude pourrait-elle se retrouver ailleurs en Chine ? « Non », assure l’audit national, mais « Si ! », contredit Mizuho Securities, qui croit voir, de 2006 à 2010, un PIB national surévalué de 4,8%, et de 6% de 2011 à 2015. L’écart grandissant est dû à l’endettement des provinces, forcées à puiser dans leurs profits pour refinancer leurs emprunts. Mizuho conclut que la distorsion a mené Pékin à décider d’un crédit abondant, puis de le maintenir au risque d’alimenter la bulle, visible dans l’acier comme l’immobilier.

Fait curieux mais au fond logique, au Liaoning, la triche des bilans s’accompagna d’une fraude électorale : en 2016, 45 de ses 102 députés nationaux furent expulsés du Parlement pour avoir acheté leur charge. Les élus tricheurs étaient les industriels, assez riches pour suborner l’administration, et ayant besoin de ce pouvoir pour maintenir un cadre financier qui leur allait si bien. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, était la colère de Pékin, voyant ces amateurs en politique prendre la place des candidats qu’il avait choisis, et soucieux de faire le ménage avant le Congrès d’octobre.


Xinjiang : Le Xinjiang en fièvre

Il est rare de voir le GPS rendu obligatoire. C’est pourtant le cas à Bayingol (Xinjiang). D’ici le 30 juin, tout véhicule devra être connecté au réseau  Beidou – le système chinois-   pour permettre à la police de localiser tout véhicule dans ce district. L’étrange règlement intervient au milieu d’une sévère dégradation sécuritaire au Xinjiang, territoire ouighour cramponné à ses rêves de sécession et pour certains, de « Califat » sur l’Asie Centrale. En décembre à Karakax, un attentat au couteau faisait 5 morts, dont les 3 assaillants. Le 14 février sur le district de Pishan, un assaut à l’aveugle sur une foule Han (chinoise) faisait 8 morts, dont les 3 kamikazes. Sans attendre, une répression sans état d’âme suivait. Des appels à délation promettaient jusqu’à 5 millions de ¥ pour la « neutralisation » de terroristes, 2000 ¥ pour la dénonciation de femmes voilées et d’hommes portant longue barbe. Depuis le 28 février, 10.000 soldats sillonnent Urumqi, Hotan, Kashgar et Aksu, appuyés par blindés, camions et 18 avions ou hélicoptères. « Noyez les corps des terroristes et des gangsters dans la vaste mer de la guerre populaire», adjure Chen Quanguo, Secrétaire du Parti au Xinjiang, sur le site officiel Tianshan.net.

Suivant une analyse plus fine, ces excès semblent perpétuer une spirale de violences. Plus que son prédécesseur, Chen pratique la tolérance zéro, convaincu de la justesse de ce choix. En juin 2016, juste avant le début du Ramadan, tout Ouighour désirant un passeport, devait se soumettre à un test ADN. En octobre, Chen ordonnait aux citoyens de l’ethnie de rendre ces passeports « pour examen » et de signaler les parents envoyant leurs enfants à la mosquée en cours  du soir. En janvier, il faisait resserrer les contrôles aux frontières. Il faut dire que le Xinjiang, immense territoire, jouxte avec 8 pays dont 6 islamiques. Des centaines de Ouighours ont notoirement émigré pour s’enrôler sous la bannière noire de l’Etat islamique.
Ces vexations, cependant, risquent de révolter ces populations fières de leur identité. Le 27 février, une vidéo d’une demi-heure apparaissait sur internet, en ouighour, faisant allégeance à Daesh, et menaçant de « retourner (au Xinjiang) verser le sang comme rivière ». 
Pourquoi ce raidissement côté chinois ? D’abord parce que par héritage historique révolutionnaire, le Parti apprécie chez ses leaders une fermeté sans faille dans leurs opérations de pacification. Cette sensibilité politique n’est jamais remise en cause. Il se peut-même qu’elle se trouve exacerbée par l’imminence du XIX Congrès d’octobre. Chen Quanguo est en tout cas signalé comme en bonne position pour décrocher un siège très convoité parmi les 25 du Bureau Politique.


Petit Peuple : Tirodi (Inde) – Wang Qi, 54 ans d’exil (2ème Partie)

Résumé de la 1ère Partie : Soldat de 22 ans, en Inde à l’issue de la guerre sino-indienne de 1962, Wang Qi est arrêté et emprisonné pendant 7 ans. Puis en 1969, à 29 ans, il est libéré mais interdit de retourner chez lui. Il est ainsi forcé à refaire sa vie sur place, oublié des siens.

Pour Wang Qi, les premières décennies à Tirodi, bourg du Madhya Pradesh (au centre de l’Inde) où il était assigné à résidence, furent vécues dans le besoin. La région de toute manière n’était pas bien riche, et de plus, sa mauvaise maîtrise du hindi lui barrait toute chance d’un bon métier. Une fois marié avec la jeune Sushila, sa belle-famille lui avait trouvé des boulots moins mal payés, mais qui restaient bien insuffisants pour joindre les deux bouts, avec bientôt quatre enfants à nourrir.

Régulièrement, notre interdit de séjour multiplia les suppliques à New Delhi, à la justice locale, à son ambassade-même, tentant de rappeler son existence et demandant une fin à son calvaire. Mais trop braquées par les blessures de leur guerre de 1962, les deux administrations restèrent fâchées, et muettes.

De son clan en Chine, tomba en 1973 un soutien tardif, mais providentiel. Chaque mois depuis le début de sa résidence surveillée, Wang Qi s’était astreint à écrire à son village de Xuezhai (Shanxi). Pendant de longues années, ses courriers s’étaient perdus dans le sable de la censure. Mais un jour, par on ne sait quel miracle, une lettre finit par passer. Elle fut bientôt suivie d’une réponse, puis de photos, de nouvelles et de mandats, rétablissant entre Wang Qi et les siens, le cordon ombilical. 

 Sur sa demande, ses frères lui envoyèrent des ballots de textile. Pour se tirer de la misère, notre homme voulait faire du commerce à l’aide de sa famille, en fournissant des textiles rares en Inde, mais courantes en Chine. Ce fut l’échec de bout en bout. Tantôt la douane corrompue lui confisquait le colis, ou le taxait si fort qu’il perdait tout profit. Tantôt, le style trop terne de ses pantalons ou chemises, l’ absence de couleurs chatoyantes rendait son stock invendable. Un jour, Sushila posant sa main sur l’épaule, lui dit d’une voix douce d’abandonner…

En 2006, apprenant la maladie de sa mère qu’il vénérait, l’apatride implora Delhi de lui fournir un permis de visite—en vain. Même Yinjun, son neveu venu débrouiller l’affaire, ne put rien faire. Désespéré, Wang Qi dut apprendre le décès par courrier, causant une douleur dont il affirme « ne devoir jamais se remettre ».

Ce nouveau drame eut au moins une suite positive : son clan se mobilisa comme jamais auparavant. En 2009 revint Yinjun avec une liasse de pièces officielles établissant son état civil, son passé militaire. Le neveu démarcha les autorités des deux pays pour rompre la conspiration du silence. Au bout de 4 ans, il obtint pour son oncle un passeport chinois valable 10 ans, et une petite pension qui le mettait à l’abri du besoin – il était grand temps, à 73 ans.

L’Inde toutefois, insistait pour ne rien savoir. Ses fonctionnaires obstinés, refusaient toujours de s’extraire de 51ans de flou absurde : de reconnaître une bonne fois pour toute le statut que Wang Qi n’était pas prisonnier de guerre, mais homme libre. Ce qu’ils craignaient bien sûr, s’ils admettaient leur terrible erreur, était une critique décochée contre eux depuis outre-nulle part, épinglant leur dureté de cœur et leur incompétence.

Et justement la flèche un jour jaillit, de là où nul ne pouvait l’attendre, ni de milieux Chinois, ni de milieux indiens mais de la BBC. En Janvier 2017, le correspondant à Delhi de cette vénérable maison des ondes britanniques eut vent de l’histoire insolite, s’en empara. Mis sur le coup, son collègue à Pékin n’eut nulle peine à retrouver sa famille, à Xuezhai. Les deux journalistes se rendirent chacun dans le village concerné, pour établir une liaison par Skype entre Wang Qi et ses frères, lors d’une rencontre riche en émotions et larmes.

Dès lors, les choses allèrent vite : à Pékin comme à Delhi, les gouvernements effarés, s’empressèrent d’émettre pour Wang Qi et sa famille indienne les visas indiens de sortie, les permis de séjour en Chine. Par chance, le vent diplomatique entre les deux pays avait tourné depuis quelques années. Les capitales œuvraient pour la réconciliation. Dans ce contexte, toute cette affaire apparaissait pour la première fois comme ce qu’elle avait été depuis le premier jour—un incident désagréable, incompatible avec les valeurs affichées par leurs pays.

Fin janvier 2017, le jour du Nouvel An chinois vit une fête inoubliable à Xuezhai. Dans le hall d’arrivée de l’aéroport de Xi’an, tout le village attendait, s’étant rendu en bus affrétés par la province. Un Wang Qi de 78 ans, suivi d’une de ses filles et d’un petit-fils, reçut l’ovation des siens avec discours et calicots—seuls les pétards, dans l’aéroport, avaient été interdits. Ses frères et sœurs octogénaires se le passaient de bras en bras pour d’interminables accolades.

Une qui s’associa nettement moins à joie, fut sa femme Sushila, restée en Inde pour raison de santé, et qui angoissait de le voir revenir. La mairie de Xuezhai, elle le savait, lui avaient offert et équipé une maison, un champ pour qu’il retrouve un chez soi, après 54 ans d’absence.

Soudainement hyperactifs, Pékin et Delhi se penchent alors sur le sort de dizaines d’autres apatrides chinois ou indiens perdus sur le mauvais territoire, victimes de cette guerre. Pour Wang Qi, disent-ils à l’unisson, ce sera à lui de prendre sa décision.

En guise de conclusion, qu’on nous pardonne ce petit rêve, même si mal à propos et irréalisable. Pourquoi Pékin et Delhi ne pourraient-elles permettre à Wang Qi de penduler gratuitement entre ses deux foyers, par le biais d’un titre de passage permanent sur les lignes d’Air China et d’Air India entre Xi’an et Bophal (chef-lieu du Madhya Pradesh) ? Pour ses 54 ans de vie confisquée, ce serait une juste compensation. Pour ces Etats et la réconciliation qu’ils prônent, ce serait, à faible prix, une formidable preuve d’humanité, et de leur capacité à « jie cao xian huan » (结草衔环) : « rembourser leur dette ».


Rendez-vous : Semaine du 6 au 12 mars 2017
Semaine du 6 au 12 mars 2017

7-10 mars, Pékin : BUILD+DECOR, Salon international des matériaux de construction et de la décoration

7-10 mars, Shenzhen : HOME FURNISHING Expo, Salon de la décoration intérieure

8-11 mars, Canton : China THEATRE & CINEMA, Salon professionnel de l’équipement pour théâtres et cinémas et réalisations de films

8-11 mars, Canton : CIAE, China Guangzhou International GAME & AMUSEMENT Exhibition, Salon international de l’industrie des jeux et du jouet

8-11 mars, Shanghai : DESIGN Shanghai, Salon international de la décoration et architecture d’intérieur

8-11 mars, Shanghai : Shanghai HD SCREEN and DIGITAL SIGNAGE Expo, Salon des écrans haute définition et de l’affichage numérique

9-12 mars, Tianjin : CIRE, Salon international de la robotique industrielle

9-12 mars, Tianjin : IMTE, IEME, Salon international de la machine-outil

11-13 mars, Canton : WINDOW DOOR FACADE Expo, Salon du bâtiment spécialisé dans les ouvertures : fenêtres, portes, façades


Blog : JO Beijing 2022 – Station de ski THAIWOO
JO Beijing 2022 – Station de ski THAIWOO

Suite à notre article paru dans Le Vent de la Chine N° 7 – L’Empire du bonheur blancLe VDLC a testé pour vous la nouvelle station de sports d’hiver de THAIWOO à Chongli – Zhangjiakou (Hebei) –  250km de Pékin, qui sera à moins d’une heure par TGV, de la capitale, dans la perspective des JO Beijing 2022.

Avec l’ambition d’attirer 300 millions de skieurs et 1000 stations de ski d’ici 2030, contre 5 millions et 200 sites actuellement, le potentiel pour équiper les stations de ski est prometteur pour les firmes  étrangères bénéficiant déjà d’un fort savoir-faire.

ThaiwoO se trouve actuellement en pleine phase de développement pour les JO 2022. Elle est surnommée la plus frenchie des stations de ski, avec la présence de moniteurs de ski français (ESF) et la participation de firmes françaises.

   

La Compagnie des Alpes assiste à l’exploitation du site, POMA équipe en remontées mécaniques et assure leur entretien…

Des innovations avec la technologie de Oudao en partenariat avec Axess la firme autrichienne d’accès aux télésièges, offre au skieur de renouveler son forfait sur piste avec son smartphone, via WeChat.

   

Du haut des  pistes à 2000 mètres d’altitude, les canons à neige sont présents pour compenser le manque de neige naturelle. Grâce au froid, la neige reste suffisamment dure et agréable à skier en cette fin février. Un peu partout, des panneaux indiquent la température et l’indice de pollution – ce jour là, nous étions chanceux et avions droit à un temps idéal -2°C,  et 12 de particules PM2.5 !

Compter environ 750 yuans (près de 100€) par jour, remontées et location d’équipement inclus. Pas à la portée de toutes les bourses, mais qu’importe, l’engouement est bien là et les week-ends chargés…

Mais attention, chaque jour voit son lot d’accidents. Les dangers sont bien là, mais les secours et hélicoptère sont prêts à intervenir…  

Avis aux amateurs !