Le Vent de la Chine Numéro 7 (2023)

du 6 au 12 mars 2023

Editorial : Une session parlementaire toute particulière
Une session parlementaire toute particulière

Avec le printemps, voici venu le temps des « Deux Assemblées » (两会 ; liǎnghuì) du Parlement chinois. Cette session, qui s’est ouverte le 4 mars sous un ciel pollué, s’annonce quelque peu particulière puisque c’est la première fois que les édiles se réunissent depuis la fin de la politique « zéro Covid » en décembre dernier. C’est également la première session depuis que le XXème Congrès du Parti a reconduit à sa tête Xi Jinping en tant que Secrétaire général du PCC pour un 3ème mandat inédit et « élu » un tout nouveau Comité central, Politburo et Comité permanent fin octobre 2022.

Cette session parlementaire s’inscrit donc dans le prolongement de ces chaises musicales, puisqu’elle doit venir officialiser le nouveau gouvernement. Il va notamment s’agir d’avaliser la nomination du nouveau vice-président de la RPC (Han Zheng ou Liu He), du Premier ministre Li Qiang, du vice-premier exécutif, Ding Xuexiang, des trois vice-premiers (He Lifeng, Luo Guozhong, Zhang Guoqing), des cinq conseillers d’Etat (Wu Shenglong, Mme Shen Yiqin, Qin Gang, Général Li Shangfu, Wang Xiaohong), du gouverneur de la Banque Centrale (Zhu Hexin), du président de la tutelle bancaire (CBRIC – Yi Huimian), du régulateur boursier (CSRC – Wu Qing) de celui de la Cour Suprême (Zhang Jun ou Tong Jianming), de son procureur général (Ying Yong), ainsi que d’une cohorte de ministres… Presque tous les dirigeants qui devraient être promus sont des alliés de Xi Jinping ou des cadres-technocrates ayant juré fidélité au Président. Il n’y a donc pas de surprises à attendre de ce côté-là…

L’un des moments forts de la session a été la présentation, le jour de l’ouverture de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), du rapport gouvernemental du Premier ministre sortant, Li Keqiang, dont l’influence n’a cessé de décroître ces dix dernières années et dont la faction de la « Ligue de la jeunesse » a été décimée au plus haut niveau lors du dernier Congrès. S’il n’a pas profité de cette plateforme pour réaliser un coup d’éclat avant son départ, les vidéos de sa tournée d’adieux au sein de divers ministères ont été censurées car ce dernier appelait à poursuivre la réforme économique

C’est donc sans surprise que Li Keqiang s’est cantonné devant l’Assemblée à détailler les priorités économiques pour l’année à venir – stimuler la consommation en premier lieu – et à annoncer un objectif de croissance « d’environ 5% » pour 2023. Un chiffre raisonnable étant donné le rebond économique actuel lié à l’abandon de la politique « zéro Covid ». D’après Bloomberg, citant des sources internes au Parti, le leadership aurait été surpris par la vitesse à laquelle l’économie a repris des couleurs après le raz-de-marée infectieux qui a balayé le pays courant décembre. Consigne aurait ainsi été donnée de ne pas survendre l’idée d’un stimulus économique

Quid des investissements étrangers ? Le successeur de Li Keqiang, l’ex-secrétaire de Shanghai, Li Qiang, propulsé à ce poste par Xi Jinping quoiqu’il n’ait aucune expérience au sein du gouvernement, sera attendu sur cette question lors de sa première conférence de presse en clôture de session. Réputé pour son pragmatisme et pour avoir su mettre en œuvre un environnement favorable aux affaires dans ses différentes affectations, il pourrait être sensible aux doléances des entreprises étrangères. C’était également le cas de Li Keqiang, à une différence près : Li Qiang, lui, a l’oreille de Xi Jinping…

Alors que tous les yeux seront rivés sur les signaux économiques qui émaneront de cette session, l’aspect le plus important, politiquement parlant, sera la restructuration des organes d’Etat.

Cette réforme s’inscrit dans la continuité de celle réalisée en 2018, qui avait conféré davantage de pouvoirs au Comité Central du Parti au détriment du Conseil d’Etat. Cependant, l’ampleur du remaniement annoncé a surpris de nombreux analystes, qui s’attendaient à des changements mineurs. En effet, cette restructuration s’annonce loin d’être anecdotique puisque les régulateurs financiers et boursiers (Banque Centrale, CBRIC, CSRC) seraient placés sous l’autorité d’une « commission centrale sur le travail financier » d’après le Wall Street Journal. L’objectif serait d’améliorer la prise de décision sur des dossiers relevant de diverses administrations (administration du cyberespace, régulateur du marché…). L’entrée chaotique en bourse de New York de Didi Chuxing en est un bon exemple.

Le journal hongkongais Mingpao rapporte, lui, que les ministères de la Sécurité d’état et de la Sécurité publique seraient supervisés par une nouvelle « commission centrale pour les affaires internes » directement placée sous le contrôle de Xi. Cette réforme ne serait pas étrangère aux récents mouvements des « feuilles blanches » (contre la politique « zéro Covid ») et des « cheveux blancs » (contre la réforme de l’assurance-maladie) qui auraient suscité l’inquiétude en haut lieu.

Le ministère des Sciences et des Technologies pourrait être également concerné par ce remaniement, signe de l’importance que le leadership accorde à l’innovation et à l’auto-suffisance en certains domaines-clés, comme les semi-conducteurs.

Dernier point et non des moindres : le renforcement annoncé de la présence du Parti au sein des entreprises privées. Une tendance nette depuis plusieurs années…

Une chose est sûre : alors que la Chine a besoin de davantage de « gouvernement » et de « secteur privé » pour relancer durablement son économie, le leadership lui promet l’exact opposé, à savoir davantage de « Parti » et de « secteur public ». Les résultats pourraient bien ne pas être au rendez-vous.


Politique : Florilège de propositions
Florilège de propositions

Comme chaque année, les 3 000 délégués conviés à participer aux « Deux Assemblées » (CCPPC et ANP) ont joué le jeu parlementaire en soumettant leurs propositions législatives. Le Conseil d’Etat en aurait ainsi reçu plus de 15 000 de la part d’édiles aux profils très variés : avocats, sportifs, acteurs, hommes d’affaires, scientifiques… Tous ont ainsi la chance de mettre en avant les sujets qui les préoccupent. Même si ces suggestions n’ont que peu de chances d’être traduites par des politiques concrètes, elles reflètent à la fois les préoccupations du gouvernement, et d’une certaine manière, celles du « petit peuple ».

L’un des grands sujets de cette session tourne autour de la natalité du pays. Pour la première fois en plus de 60 ans, la Chine a vu sa population baisser de 850 000 personnes l’an dernier. En cause, la chute des naissances, malgré l’assouplissement de la politique du planning familial à trois enfants en 2021. Les couples chinois sont unanimes : c’est avant tout le coût de l’éducation qui les freine dans leur désir de fonder une famille. Pour y remédier, Zhao Dongling, une écrivaine-déléguée du Shandong, propose de généraliser les allocations maternité à toutes les femmes, en particulier les travailleuses indépendantes, les paysannes et les mères au foyer. Pour Gan Huatian, professeur de médecine, le gouvernement devrait rendre la scolarité gratuite de la crèche au lycée à partir du 3ème enfant. Encore faut-il déjà en avoir deux !

D’un point de vue administratif, la proposition la plus significative est celle de permettre aux femmes non-mariées d’enregistrer la naissance de leurs enfants, qui étaient jusqu’à présent privés de « hukou » (permis de résidence), d’une scolarité normale et d’accès aux services publics. Shanghai et les provinces du Sichuan et du Guangdong ont déjà sauté le pas, tout en réfutant vouloir encourager les couples non-mariés à devenir parents. Ainsi, pour que cette mesure soit véritablement efficace, il faudrait un profond changement des mentalités.

Au plan médical, le spécialiste de la fertilité, Xu Congjian, propose d’autoriser les femmes non-mariées à accéder à la congélation d’ovocytes. D’autres parlementaires suggèrent encore de subventionner la fécondation in vitro (FIV). Le recours à une mère porteuse lui, reste encore tabou et surtout réservé aux plus riches qui n’hésitent pas à s’envoler à l’étranger pour ainsi concevoir.

Dans la même veine, la baisse continue de la population active depuis 2014, inquiète les parlementaires. D’ici la fin de ce siècle, la Chine ne recensera plus que 400 millions de travailleurs. Pour un pays qui a longtemps compté – et compte toujours – sur son réservoir de main-d’œuvre pour faire tourner son moteur économique, la pénurie d’ouvriers est un problème sérieux. Une solution avancée par certains délégués serait de reculer l’âge du départ à la retraite (60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes), inchangé depuis 40 ans. Cela fait des années qu’une réforme est dans les tuyaux, mais le gouvernement n’a jamais osé passer à l’acte, de peur de se mettre sa population à dos. Pourtant, selon le professeur de droit, Lu Xiaoming, ce réajustement est inévitable. Il propose donc de lutter contre les discriminations à l’emploi des « seniors » et de créer davantage d’emplois spécialement pour les travailleurs ayant dépassé un certain âge.

Autre thématique brûlante de cette session : le cyberharcèlement, un vieux problème en Chine et son milliard d’internautes. Ce sont les récents suicides de deux jeunes influenceurs victimes de harcèlement, qui ont remis le débat à l’ordre du jour. En guise de réponse, plusieurs délégués encouragent les réseaux sociaux à mettre en place des systèmes plus efficaces pour répondre aux plaintes des utilisateurs.

Dernière proposition, dans l’air du temps : celle de Zhou Yuan, patron de la plateforme Zhihu (équivalent chinois de Quora), de mieux encadrer le chatbot américain « ChatGPT » afin de mieux protéger les mineurs de tout « contenu inapproprié ». Une proposition tournée en ridicule par les internautes puisque la technologie est officiellement indisponible en Chine !


Géopolitique : « Plan de paix » ukrainien et « initiative globale de sécurité » (GSI)
« Plan de paix » ukrainien et « initiative globale de sécurité » (GSI)

Un an jour pour jour après le début de la guerre en Ukraine, la Chine publiait le 24 février un document titré « position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne ». Quoique ce « plan de paix » ne propose aucune solution concrète pour mettre fin au conflit, il fait partie intégrante d’un nouvel effort qui consiste à promouvoir un ordre mondial alternatif à son image.

Le premier des douze points du document chinois indique qu’il faut « respecter la souveraineté de tous les pays », ce qui semble être une marque de soutien à l’Ukraine. Cependant, le document parait ensuite légitimer l’invasion russe en affirmant que « la sécurité d’une région ne devrait pas être réalisée en renforçant ou en élargissant des blocs militaires ». C’est bien sûr une critique implicite de l’OTAN dont l’expansion est jugée responsable du conflit par Pékin. Un peu plus loin, les États-Unis, même s’ils ne sont pas explicitement cités, sont appelés à abandonner leur « mentalité de guerre froide ». Selon la Chine, « le dialogue et la négociation sont la seule solution viable à la crise ukrainienne ». Pourtant, ces douze derniers mois, le Président Xi Jinping a rencontré à plusieurs reprises Vladimir Poutine, mais n’a pas échangé une seule fois avec son homologue ukrainien. Se faisant peu d’illusion sur une sortie rapide du conflit, la Chine déclare « s’opposer aux attaques armées contre les centrales nucléaires » et estime qu’« il ne faut pas utiliser d’armes nucléaires » – un point positif pour Emmanuel Macron. Enfin, le texte appelle à « mettre fin aux sanctions unilatérales » [occidentales visant la Russie] qui ne font que « créer de nouveaux problèmes » et à « maintenir les chaînes d’approvisionnement », car « l’économie mondiale ne doit pas être un outil ou une arme [utilisés] à des fins politiques ». Pourtant, la Chine elle-même n’hésite pas à avoir recours à des mesures de coercition économique en guise de sanctions (Australie, Lituanie…).

Sans surprise, ce document a été critiqué par les Européens et les Américains, car il ne désigne pas Moscou comme l’agresseur. De plus, le texte peine à cacher que le scénario préféré de Pékin serait une victoire de Moscou. Ce positionnement éloigne un peu plus la possibilité que Pékin endosse véritablement le rôle de médiateur dans ce conflit. Pourtant, l’offre chinoise pourrait être mieux accueillie par certains pays du Sud, impactés par la hausse des prix des céréales et de l’énergie provoquée par la guerre…

Au-delà du conflit russo-ukrainien, ce « plan de paix » découle directement de l’« initiative globale de sécurité » (GSI) que la Chine veut promouvoir. Annoncé en avril 2022 au Forum de Boao par Xi Jinping en personne, ce concept était resté flou jusqu’à présent. Le ministère des affaires étrangères chinois vient d’en présenter les grands principes le 21 février *.

Il s’agit d’offrir une alternative à l’ordre géopolitique existant, en répondant aux besoins des pays en développement en matière de sécurité. C’est en quelque sorte la réponse non-militaire de Pékin à l’activisme de l’OTAN en Asie-Pacifique, à l’alliance QUAD (USA, Japon, Australie, Inde) ou encore à l’AUKUS (USA, Royaume-Uni, Australie).

La GSI ambitionne ni plus ni moins « d’éliminer les causes à la racine des conflits internationaux », avec en toile de fond, l’idée que l’hégémonie américaine serait responsable des principaux défis auxquels le monde fait face.

Pour y arriver, la Chine s’engage à respecter l’intégrité territoriale de tous les pays et promet de ne pas s’ingérer dans leurs affaires intérieures tout en prenant au sérieux leurs « préoccupations légitimes de sécurité ». Elle s’engage également à résoudre pacifiquement les différences et les disputes entre pays par le dialogue.

Le document liste ensuite les domaines de coopération possibles (lutte contre le crime organisé et le terrorisme, formations militaires, cybergouvernance…) ainsi que divers « plateformes et mécanismes de coopération » où la GSI pourra être promue, telles les institutions de l’ONU, le forum BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), l’Organisation de Coopération de Shanghai (SCO), ou encore le forum « Chine-Afrique ».

Par la suite, il n’est donc pas exclu que la GSI s’institutionnalise à la manière de l’initiative Belt & Road (BRI) qui a aujourd’hui son propre forum et plus d’une centaine de pays-membres.

Là encore, aucun des principes repris par la GSI n’est véritablement nouveau en politique étrangère chinoise. Mais le fait de les regrouper sous une même « initiative » est assez révélateur. Cela signifie que la Chine de Xi Jinping est suffisamment confiante dans sa position actuelle sur la scène internationale pour promouvoir sa vision d’un nouvel ordre mondial.

Ainsi, cette « initiative globale de sécurité » pourrait faire mouche auprès de pays désireux de tourner à leur avantage la rivalité sino-américaine ou qui ne souhaitent prendre parti ni pour les États-Unis et ses alliés, ni pour la Russie. Lors de la conférence de Munich sur la sécurité le 18 février, le conseiller aux Affaires étrangères Wang Yi (cf photo) a d’ailleurs affirmé que « plus d’une centaine de pays et d’organisations internationales » soutiennent le projet.

Dans le Pacifique, le pacte de sécurité signé avec les îles Salomon a déjà fait couler beaucoup d’encre. En Afrique, la GSI a déjà suscité de l’intérêt au Cameroun, au Gabon, au Ghana et au Nigeria. En Amérique Latine, le Nicaragua et l’Uruguay se sont également montrés réceptifs. En Asie du Sud-Est, l’accueil est plus mitigé, surtout au Vietnam et aux Philippines, confrontés aux revendications chinoises en mer de Chine du Sud. De même, si la Chine veut que la GSI décolle véritablement, elle aura besoin du soutien de l’Inde, avec qui elle se dispute depuis plusieurs décennies au sujet de leur frontière commune. En Europe, l’accueil sera certainement plus froid depuis l’invasion russe en Ukraine qu’elle refuse de condamner. Mais elle pourra néanmoins s’appuyer sur certains pays comme la Hongrie ou la Serbie…

En résumé, même si cette nouvelle offre « géopolitique » reste encore peu concrète, elle n’est en aucun cas à prendre à la légère. La GSI pourrait attirer davantage de pays que l’on puisse l’imaginer en Occident.

*Parallèlement à la GSI, Pékin commence à présenter sa GDI, son « initiative de développement mondial », qui est son pendant économique (lutte contre la pauvreté, décarbonisation…).


Petit Peuple : Changsha (Hunan) – Zhong Shuhe : Un homme n’est vieux…
Changsha (Hunan) – Zhong Shuhe : Un homme n’est vieux…

«Un homme n’est vieux que lorsque les regrets ont pris chez lui la place des rêves », aurait dit l’acteur américain John Barrymore. À entendre cette maxime, Zhong Shuhe, éditeur et historien de 91 ans, penché sur des feuilles, un stylo en main, en a encore pour de longues années. « Je suis débordé et n’ai pas le temps de me laisser aller à des pensées tristes sur la mort », souffle-t-il après un AVC qui l’a laissé à moitié paralysé et incapable de quitter son lit médicalisé, « je dois finir mon autobiographie et ensuite j’aimerais écrire une histoire simplifiée de la Chine, et tant d’autres choses si j’ai le temps… ».

Le récit de sa vie n’a rien d’un joli conte pour enfants, qui épouse les tumultes d’un siècle et s’adosse à une ténacité et un optimisme à toute épreuve. 

Si son père passe les examens impériaux quelques années avant la fin de ce système méritocratique en 1905, Zhong Shuhe, lui, n’ira à l’école que six années seulement. L’histoire déjà s’invite dans sa vie, les Japonais d’abord, puis la guerre civile entre nationalistes et communistes. Quand il naît à Changsha (Hunan) en 1931, son père est déjà cinquantenaire, professeur de mathématiques bourré de regrets sur une vie qu’il considère ratée, et sa mère venge par son mauvais caractère les frustrations d’une vie trop austère. Zhong Shuhe hérite d’une lignée solide d’intellectuels et d’un présent instable. En 1938, l’avancée des Japonais vers Changsha pousse sa mère à se réfugier avec ses enfants sur les terres familiales, au nord-est de la province du Hunan. Le garçonnet de sept ans découvre une vie rurale rythmée par les travaux des champs et l’entretien du bétail. Mais sa mère veille, qui tire l’enfant espiègle par les oreilles à l’intérieur de la maison : « Pas d’école buissonnière dans cette famille ! Hors des études, point de salut, tiens-le-toi pour dit ! » Dans la fumée du poêle à charbon, les yeux habitués à la pénombre des petites pièces aux plafonds bas et aux murs humides, Zhong Shuhe se met à lire. Avec pour seule compagnie le cliquetis des aiguilles de sa mère, toujours à repriser un vêtement, et parfois un vieil oncle lettré venu lui apprendre des nouveaux caractères, il lit tout ce qui lui tombe sous la main. Des centaines de livres, poussiéreux, rongés par les moisissures, finissent par livrer leurs secrets, l’emmènent ailleurs, loin. Des romans classiques mais aussi des ouvrages plus récents éveillent son intérêt, notamment ces récits de voyage écrits par de jeunes intellectuels chinois, partis en Europe et en Amérique à la fin du 19ème / début du 20ème siècle, voir comment le monde tourne ailleurs, y trouver peut-être des solutions aux bouleversements qui agitent leur grand pays. L’opinion du jeune Zhong Shuhe est faite : les voyages forment la jeunesse, il en est convaincu ! Et le dicton de lui donner raison : « il est préférable de voyager mille li que de lire dix mille livres » ( 读万卷书不如行万里路, dú wàn juàn shū bù rú xíng wàn lǐ lù).

Seulement voilà, Zhong Shuhe ne peut pas voyager. Avec les premières années des communistes, jeune journaliste au New Hunan Times, marié puis père de famille, Shuhe est débordé. Viennent ensuite les années noires… En 1957, accusé de droitisme, il perd son travail, devient ouvrier, peine à nourrir ses quatre filles. En 1970, dénoncé, il est emprisonné neuf ans pendant la Révolution Culturelle. Point de regrets, des rêves seulement et notamment celui de devenir éditeur et faire connaître à tous ces jeunes fous qui le persécutent l’autre versant du monde. Car il n’en démord pas : le problème de la société chinoise vient de son enfermement. La civilisation fleurit d’un bout à l’autre du globe, chaque nation peut et doit apprendre des forces des autres.

En 1979 il concrétise son rêve : le premier livre d’une longue collection appelée « D’Est en Ouest » voit le jour. Le principe est simple : compiler les récits de voyages de ces jeunes intellectuels du début du siècle dernier avec une introduction détaillée, assez inhabituelle à l’époque, écrite dans un langage plus accessible que le Chinois des lettrés de la dynastie Qing. Le succès est fulgurant parmi une population avide d’ailleurs, qui trouve dans l’exemple de ses aînés l’inspiration nécessaire pour enfin partir loin. De nombreuses collections suivront, fruits des recherches et du travail acharné de Zhong Shuhe.

Éditeur reconnu, poussant des générations entières de Chinois à parcourir le monde, Zhong Shuhe finit par l’avouer maintenant qu’il peut voyager :  il n’aime pas vivre loin de chez lui… Alors il lit, encore et toujours, cinq livres au moins pour chaque kilomètre non parcouru ! Si ses quatre petites-filles ont toutes étudié à l’étranger, lui continue de lire, d’écrire et de réaliser ses rêves depuis son lit, les pieds sous un plaid en laine. Les voyages forment la jeunesse, les livres quant à eux semblent prolonger la vie des vieux sages. À bon entendeur…

Par Marie-Astrid Prache


Rendez-vous : Semaines du 6 mars au 2 avril
Semaines du 6 mars au 2 avril

7 – 10 mars, Shenzhen : HOMETEX, Salon de l’ameublement

9 – 11 mars, Canton : Inter Airport China, Salon international des équipements pour aéroports, technologies et services

9 – 11 mars, Canton : China Lab, Salon international et conférence sur les appareils de laboratoire et d’analyse en Chine

9 – 12 mars, Jinan : Jinan International Industrial Automation, Salon chinois international des technologies d’automation industrielle et de contrôle

10 – 12 mars, Canton : CIBE – China International Beauty Expo, Salon international de l’industrie du bien-être et de la beauté

10 – 12 mars, Wenzhou : WIE – Wenzhou Industry Expo, Foire industrielle internationale de Wenzhou

14 – 16 mars, Shenzhen : INTERWINE, Salon chinois international du vin, de la bière, et des boissons

15 – 17 mars, Shanghai : FIC- Food Ingredients China, Salon international des additifs alimentaires et des ingrédients

16 – 18 mars, Shenzhen : DTC – China (Dongguan) International Textile & Clothing Industry Fair, Salon international des tissus et de l’habillement

18 – 21 mars, Canton : CIFF – China International Furniture Fair, Salon international de l’ameublement

19 – 22 mars, Pékin : Build + Decor, Salon international de la construction et de la décoration

28-30 mars, Shanghai : CHIC/Intertextile Shanghai,, Salon chinois international de la mode, de l’habillement et des accessoires

28-31 mars, Shanghai : Hotel & Shop Plus, Salon international de l’hôtellerie et des espaces commerciaux

29 mars-1 avril, Shenzhen : ITES – Industrial Technology and Equipment Shenzhen, salon des technologies et des équipements de fabrication de pointe

1-3 avril, Shanghai : SIOF – Shanghai International Optics Fair, Salon international de l’optique