Le Vent de la Chine Numéro 5 (2024)
![Le Lapin au terrier, place au Dragon !](https://www.leventdelachine.com/wp-content/uploads/bfi_thumb/dragon-perle-e1707064347342-qjbljoka2ivqz29w14pgu2l5jcsl422yk7p0qxl8sq.png?x58463)
Les grandes villes se vident prématurément, les trains sont pris d’assaut, les autoroutes saturent… Voici venu le temps du « chunyun » (春运), la plus grande migration annuelle au monde à l’occasion de la fête du printemps, appelée « chunjie » (春节). Durant 40 jours, ce n’est pas moins de 9 milliards de voyages (un record) que réaliseront des dizaines de millions de Chinois pour célébrer le nouvel an en famille et avec leurs amis. Naturellement, les autorités sont sur les dents et veillent à ce que rien ne vienne perturber leur périple, même pas une vague de froid qui s’est abattue sur le centre et l’est du pays. Il faut dire que la réputation du Dragon (de bois), dont la Chine célèbrera le passage dans la nuit du 9 au 10 février, le précède.
Cinquième signe du zodiaque chinois, le dragon est une créature légendaire qui incarne la puissance, la grandeur et la sagesse depuis des millénaires. Contrairement aux représentations occidentales qui le dépeignent comme un monstre terrifiant, le dragon est associé en Chine à toutes les représentations bénéfiques du monde. Symbole de l’empereur, le dragon recueille souvent entre ses griffes une perle, renforçant ainsi sa symbolique de richesse et de prospérité.
Son caractère chinois (龙 – 龍 ; lóng), dont la graphie antique est une combinaison des différents animaux qui le compose (corps de serpent, écailles de poisson, griffes de tigre…), est employé dans de nombreuses expressions courantes. Parmi celles-là, « dessiner un dragon et lui ajouter des yeux » (画龙点睛, huàlóng diǎnjīng) est l’équivalent chinois de « cerise sur le gâteau » ; « l’esprit du cheval-dragon » désigne des personnes pleines de vitalité (龙马精神 , lóng mǎ jīng shén) ; et « voir la tête du dragon mais pas sa queue » (神龙见首不见尾, shén lóng jiàn shǒu bú jiàn wěi) fait allusion à quelqu’un de secret. Le Dragon est également souvent associé au Tigre et au Phénix dans des proverbes, tel que « tigre couché et dragon caché » » (卧虎藏龙, wòhǔ cánglóng), qui désigne des personnes aux talents insoupçonnés ou encore « un dragon (symbole masculin) et un phénix (symbole féminin) font le bonheur » (龙凤呈祥, lóng fèng chéng xiáng), souvent utilisé pour présenter ses vœux aux jeunes mariés.
Spécificité de 2024, l’année sera une « année veuve » puisqu’elle débutera après (et non pas avant) le « Lichun » qui a eu lieu le 4 février et marque le début du printemps. Traditionnellement, ces années là, les Chinois évitent de se marier car elles sont considérées comme de mauvais augure. Cela n’est bien sûr pas du goût des autorités qui démentent tout lien entre malchance et cette configuration du calendrier. A savoir que le nombre de mariages célébrés en Chine chaque année est sur le déclin depuis dix ans déjà : en 2022, ils étaient deux fois moins nombreux qu’en 2013.
Paradoxalement peut-être, 2024 pourrait être une année très favorable aux naissances, le caractère auspicieux du Dragon engendrant souvent (c’est surtout vrai à Hong Kong, Taïwan et Singapore) un mini baby-boom. Or, depuis 2016, le nombre de naissances en Chine continentale ne cesse de dégringoler : l’an passé, le pays n’en a connu que 9 millions – deux fois moins qu’il y a sept ans. Plusieurs facteurs sont à l’œuvre : baisse du nombre de femmes en âge de procréer, perspectives économiques moroses, coût de l’éducation prohibitif… L’effet « Dragon » suffira-t-il à inverser la tendance ? Les experts (démographes, pas astrologues) en doutent, les jeunes Chinois étant moins superstitieux que leurs parents.
Il n’en est pas moins vrai que les natifs du Dragon (nés en 1904, 1916, 1928, 1940, 1952, 1964, 1976, 1988, 2000, 2012, 2024) sont souvent considérés comme des êtres chanceux, charismatiques, persévérants. En revanche, il leur arrive de se montrer impatients, têtus et arrogants.
Parmi les célèbres natifs du signe, on trouve bon nombre de figures et hommes politiques (Jeanne d’Arc, Martin Luther King, Che Guevara, François Mitterrand, Deng Xiaoping, Vladimir Poutine, Chen Jining, l’actuel secrétaire du Parti à Shanghai ou encore Liu Jianchao, pressenti futur ministre des Affaires étrangères…), d’acteurs et cinéastes (Chen Kaige, Maggie Cheung, Bruce Lee, Juliette Binoche…), et d’entrepreneurs (dont le plus célèbre d’entre eux, Jack Ma).
Selon la croyance, ceux dont le Dragon est le signe de naissance cette année (本命年, « běn
Si le Dragon est en effet connu pour apporter son lot d’événements incontrôlables, faut-il pour autant s’attendre à une année « explosive » ? Si l’histoire peut servir de guide, lors de la dernière année du Dragon de bois, il y a soixante ans, le général de Gaulle a pris la décision de reconnaître diplomatiquement la Chine Populaire de Mao, faisant de la France l’un des premiers pays occidentaux (après la Suisse notamment, dès 1950) à reconnaitre Pékin au détriment de Formose. En pleine guerre froide, ce rapprochement franco-chinois a fait l’effet d’une « bombe politique ». Justement, toujours en 1964, la Chine a fait exploser sa première bombe atomique dans le désert du Taklamakan (Xinjiang), un exploit reconnu par le monde entier. Elle devenait ainsi le cinquième membre du « club nucléaire », avec les États-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni et la France (tous membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU)… Quel point commun entre ces deux événements ? Malgré leur caractère « remuant », tous deux ont permis de poser les bases de quelque chose de positif à long terme (du moins pour la Chine). De quoi nous donner un aperçu de ce que le Dragon de bois nous réserve !
![Un nouveau ministre des Affaires étrangères à l’horizon](https://www.leventdelachine.com/wp-content/uploads/bfi_thumb/blinken-liu-jianchao-2-qj95gsud1g6neu5mqzzy0qdjynnvtywjlt508d34y2.jpg?x58463)
La récente visite de Liu Jianchao (刘建超) aux États-Unis a alimenté de nouvelles rumeurs quant à une possible nomination de ce dernier au poste de ministre des affaires étrangères. Si ce scénario se confirme dans un avenir plus ou moins proche, plusieurs questions se posent : comment interpréter sa nomination dans un contexte de luttes internes au sein du ministère et quel impact pourrait-il avoir sur la diplomatie chinoise ?
Liu Jianchao, un cadre prometteur
Un bref historique de la carrière de Liu s’impose. Né en 1964 à Dehui dans la province du Jilin, Liu entre à 18 ans au département d’anglais de la Beijing Foreign Studies University (surnommée « Beiwai »), université qui possède des liens étroits avec le système des affaires étrangères et de la sécurité nationale. Quatre ans plus tard, Liu s’envole pour le Royaume-Uni et va étudier les relations internationales à Oxford – un parcours « typique » pour un cadre en devenir. Liu revient en Chine en 1987 et devient traducteur pour le ministère des Affaires étrangères. Il travaillera très brièvement aux côtés de Liu Haixing, diplomate francophone qui deviendra plus tard directeur général du Département des affaires européennes, mais surtout, il sera placé sous la supervision de Yang Jiechi, ministre des Affaires étrangères de 2007 à 2012, qui deviendra son mentor. Entre 1988 et 1992, Liu passe attaché, troisième secrétaire, puis directeur adjoint d’une division sous le département de l’information du ministère. En 1992, Liu est nommé secrétaire de l’association des jeunesses communistes du ministère (responsable de l’éducation idéologique des jeunes cadres), promotion qui le propulse au rang départemental à l’âge de 28 ans seulement. À titre de comparaison, Qin Gang, le ministre des Affaires étrangères récemment limogé, atteindra ce niveau à l’âge de 45 ans. Cette promotion, trois ans après les événements du printemps de Pékin en 1989, en dit long sur la position « pro-Parti » de Liu. En 1995, Liu reçoit sa première affectation au Royaume-Uni en tant que premier secrétaire de l’ambassade.
Trois ans plus tard, Liu retourne au ministère en tant que « conseiller » pour le département de l’information et vient remplacer son ancien collège, Zhu Bangzao, qui lui en devient le directeur. Ceci dit, Liu ne restera en poste que deux ans et sera envoyé sur le terrain dans la ville-district de Xingcheng (Liaoning). Très peu d’informations subsistent sur son bref passage. Certains suggèrent qu’à l’époque, Liu, grâce au soutien de Yang Jiechi, était déjà bien positionné pour devenir le prochain directeur du département. Cependant, on lui préféra Kong Quan, le 76e descendant de Confucius et associé de Yang Jiechi. Liu travaillera dès lors sous Kong et commence à participer aux conférences de presse. Le 4 juin 2002 – la fatidique date du « 6-4 » – Liu, âgé alors de 38 ans, devient le plus jeune porte-parole du ministère.
Entre 2002 à 2009, période durant laquelle il remplacera Kong Quan et deviendra directeur du département de l’information, Liu exhibe rapidement une posture combative, surtout lorsque les sujets des « croyances », des droits humains ou encore de la « planification familiale » sont abordés par les journalistes étrangers. Durant cette période, Qin Gang, alors le subordonné de Liu, apprendra beaucoup sur la stylistique diplomatique chinoise.
Cette attitude pré-« loup combattant » incitera son ancien chef et ministre de l’époque, Yang Jiechi, à le renvoyer sur le terrain pour faire ses preuves : Liu sera nommé successivement ambassadeur de la Chine aux Philippines (2009-2011) et en Indonésie (2011-2013). A la même époque, un certain Le Yucheng est l’aide-de-camp de Yang Jiechi, Qin Gang dirige le département de l’information, tandis que Wang Yi dirige le Bureau des Affaires taïwanaises, et Song Tao, un allié du Fujian de Xi Jinping, est placé de force sous l’autorité de Yang Jiechi en tant que ministre adjoint.
Durant le remaniement ministériel de 2013, Yang Jiechi fait promouvoir Liu Jianchao en tant qu’assistant pour le nouveau ministre, Wang Yi. A cette période, Le Yucheng est envoyé en formation en tant qu’ambassadeur de la Chine au Kazakhstan, tandis que Song Tao est transféré sous la direction de Yang Jiechi à l’unité de travail de la Commission centrale des Affaires étrangères.
Un détour par l’anti-corruption
En août 2015, pour des raisons que certains attribuent à son physique, Wang Qishan, alors secrétaire de la Commission disciplinaire centrale (CCID) « recrute » Liu et le fait sortir du système des affaires étrangères, au grand dam de Yang Jiechi. Une situation qui arrange les autres prétendants au poste de Wang Yi, représentant de la clique de la Beijing International Studies University, « Bei’er wai ».
Liu sera ainsi nommé directeur adjoint du Bureau national de la prévention de la corruption, chef du Bureau international du rapatriement des fugitifs et des avoirs et directeur du Bureau de coopération internationale de la CCID. Durant son bref mandat qui se terminera en avril 2017, Liu, qui dirige alors l’opération « Fox hunt » se montrera très efficace dans ses démarches pour « rapatrier » aussi bien les individus que les biens de l’État. C’est durant cette même période que Qin Gang, alors chef du département du protocole (2014-2018), se fera remarquer par Xi Jinping.
En avril 2017, grâce à ses performances, Liu est nommé membre du comité permanent provincial du Zhejiang en tant que secrétaire de la commission disciplinaire locale. Ce transfert, à seulement quelques mois seulement du XIXème Congrès, semble être le dernier « sceau d’approbation » de la part de Xi Jinping afin que Liu puisse succéder à Wang Yi en mars 2018. Cependant, les choses ne se dérouleront pas comme prévu…
Luttes internes pour le poste de ministre
Dès fin 2016, des rumeurs selon lesquelles Xi Jinping voudrait forcer la promotion de son allié Song Tao – son « secrétaire diplomatique » depuis longtemps déjà – afin de couper la chaîne de succession associée à l’ancienne équipe de Jiang Zemin, se mettent à circuler… Or, Yang Jiechi, alors membre du Politburo, et Wang Yi, qui n’ont pas toujours été en accord, s’opposent à cette promotion. Après tout, Xi avait bloqué l’accès au Comité central à Liu Jianchao, Liu Haixing, ainsi qu’à Kong Quan, mais il avait pris soin de faire élire Song Tao. Cette perte de vitesse a également bloqué toute possibilité de retour au ministère pour Kong Quan – sa potentielle place ayant été donnée à Qin Gang – et paralysa la carrière de Liu Haixing pendant 4 ans. Cependant, Liu Jianchao et Kong Quan ont pu compter sur un « sauvetage » de Yang Jiechi et garder leur poste dans l’unité de travail de la Commission centrale des Affaires étrangères. Cette situation obligea également Song Tao, alors âgé de 63 ans, à demeurer le directeur du Département de Liaison Internationale du Comité central, responsable de la « diplomatie du Parti ».
Cela dit, par le biais de leurs efforts combinés, Yang Jiechi et Wang Yi ont réussi à faire nommer Le Yucheng, membre suppléant du Comité central. Cette nomination est alors suffisante pour que Wang Yi puisse donner à Le Yucheng le titre de ministre adjoint exécutif responsable des tâches journalières du ministère. En ce sens, une nouvelle chaîne de succession est mise en place à partir de mars 2018. Cependant, pour Xi, les choses ne peuvent pas en rester là. Afin « d’encadrer » le travail de Wang Yi, Xi demande alors à Chen Xi – son camarade de dortoir universitaire et directeur du Département central de l’Organisation – de lui envoyer un cadre digne de confiance pour prendre le poste de secrétaire du Parti du ministère des Affaires étrangères. Chen choisit l’un de ses députés, un dénommé Qi Yu. Ce dernier, originaire du Shaanxi, est également l’un des proches de Xi Zhengning, le frère de Xi Jinping.
Critique du ministère des Affaires étrangères
Les choses se gâtent en janvier 2020, lorsqu’une équipe d’inspection du Comité central présente son rapport sur la situation au sein du ministère des Affaires étrangères. Le document affirme que le ministère a « une vision très étroite des choses lorsque vient le temps de faire la sélection du personnel ». Il préconise également au ministère d’« élargir ses horizons » en matière de recrutement. Le message est clair : Xi ne compte pas respecter l’ordre de succession mis en place par l’ancienne garde. Et de fait, deux ans et six mois plus tard, Le Yucheng, âgé de 59 ans, fut transféré à l’Administration d’État de la Radio et de la Télévision en tant que directeur adjoint. Les rumeurs veulent alors que Xi ait décidé de le tenir pour responsable de l’incapacité du gouvernement central à obtenir des renseignements précis sur la situation en Ukraine. Ceci dit, Xi avait lui-même créé ce problème et passait depuis janvier 2022 par Song Tao pour être informé.
Et afin d’éviter que Liu Jianchao ne puisse être promu par Yang Jiechi et Wang Yi, Xi le fait transférer immédiatement au Département de Liaison Internationale en tant que remplaçant de Song Tao. Xi s’assure également que Liu Haixing, sous la tutelle de Cai Qi dans l’unité de travail de la Commission centrale de la Sécurité nationale, ne puisse pas bouger en le faisant nommer directeur adjoint exécutif de l’unité en juillet 2022.
La chute de Qin Gang
Cependant, la promotion de Liu Jianchao (58 ans) et de Liu Haixing (59 ans) à des postes de rang ministériel pose problème à Xi, puisque que tous deux doivent logiquement être élus au Comité central en octobre 2022 s’il veut pouvoir ouvrir le chemin à son protégé, Qin Gang (56 ans). Pour Yang Jiechi, Wang Yi, et d’autres mécontents de l’ascension de Qin Gang, dont Wang Guangya – secrétaire du Parti du ministère de 2008 à 2010, associé de Yang, et beau-fils de l’un des 10 Maréchaux révolutionnaires, Chen Yi – la joute était loin d’être terminée. La promotion simultanée de Song Tao à la tête du Bureau des Affaires taïwanaises et de Qin Gang à tête du ministère des Affaires étrangères fin 2022, motiva probablement Yang Jiechi, mais surtout Wang Yi, à passer en revue la carrière et la vie personnelle de Qin Gang afin de le torpiller. Pour ajouter l’insulte à l’injure, Qin Gang se débarrasse de l’ex-porte-parole du ministère, Zhao Lijian – alors directeur adjoint du département de l’information et protégé de Wang Yi – après seulement deux semaines en fonction…
Sans entrer dans les détails de l’histoire – tantôt associée à de l’espionnage, à une affaire extraconjugale, ou encore à l’obtention de « kompromat » (documents compromettants) de la part du Kremlin – , Qin Gang disparaît dans un tourbillon de rumeurs en juin 2023 tandis que Wang Yi reprend « son poste » le 25 juillet 2023.
Cette contre-offensive des réseaux du système des affaires étrangères – qui surent utiliser contre Xi sa propre paranoïa concernant les cadres à « deux faces », les « dangers cachés » … – fit perdre la face au Président de la République Populaire qui fut – et qui est toujours d’ailleurs – incapable d’expliquer au reste de la communauté internationale les raisons de la disparition soudaine de Qin.
La frustration de Xi se fera d’ailleurs savoir dans un article du China Discipline Inspection and Supervision – journal officiel de la CCDI – signé par Zhang Jiwen au début du mois de novembre et intitulé « le risque que des cadres diplomatiques soient infiltrés et incitent à la rébellion est relativement élevé ». L’article critique fortement le système des affaires étrangères pour son « népotisme » et pour la manière dont le système de promotion fonctionne. Il soulève également des problématiques telles que les promotions ou les ajustements trop soudains au sein du personnel. Xi ne semble pas comprendre l’ironie de ce message adressé à Wang Yi et Yang Jiechi, les responsables de la situation selon lui…
Liu Jianchao, seul candidat acceptable pour tous
Le tout nous ramène à la visite de Liu Jianchao aux États-Unis au début du mois de janvier. En fait, considérant le fait que Song Tao a déjà bénéficié d’un « sauvetage » en 2022 – après tout Song, qui a 68 ans et qui n’est pas membre du Comité central, ne devrait pas pouvoir diriger le Bureau des Affaires Taiwanaises –, que Cai Qi a besoin de Liu Haixing pour la gestion de son travail, que Qi Yu n’est pas un diplomate de formation, il ne reste, par défaut, que Liu Jianchao de disponible.
Ce dernier coche toutes les cases : il est membre du Comité central et possède de l’expérience dans le domaine de l’anti-corruption. Aussi, Liu, qui possède son propre réseau au sein du ministère, est un candidat acceptable qui viendra satisfaire premièrement Yang Jiechi, et, dans une moindre mesure, Wang Yi. En ce sens, même si Xi se retrouve un peu dos au mur et qu’il doute encore des intentions réelles de Liu, ce dernier possède un bon profil, a toujours su défendre le Parti, et est, à l’heure actuelle, le seul candidat digne de ce nom.
Adieu aux « loups guerriers » ?
A quoi peut-on s’attendre de Liu ? Peut-on penser que la période des « loups guerriers » est terminée ? Absolument pas. Pourtant, pour certains, la récente visite de Liu aux Etats-Unis confirme cette idée « d’assouplissement » de la position diplomatique chinoise. Or, Liu n’a fait que répéter les éléments principaux déjà mentionnés par Xi lors de sa visite aux USA en novembre dernier. En plus, considérant que cette posture dite « guerrière » a été reconfirmée par la loi sur les relations étrangères publiée en juin 2023, difficile d’imaginer comment le Parti pourrait faire marche arrière. En fait, le Parti – mais surtout Xi – a trop investi dans le narratif de « telling good stories » ou encore de « telling the China story right » (2013) qui oblige le corps diplomatique à défendre la Chine. Pékin n’a pas trop le choix et doit, comme dans le cas de la Belt and Road Initiative (BRI), revoir le champ lexical diplomatique et afin de pouvoir faire des ajustements qui sembleront entrer dans le cadre initial.
Toujours plus de Parti, moins d’Etat
Enfin, la nomination potentielle de Liu Jianchao, le chef du système diplomatique du Parti, au poste de ministre des Affaires étrangères, pourrait indiquer un changement dans la logique interne du système des affaires étrangères au sens large du terme. En effet, en « donnant » ainsi le poste à un cadre qui fait partie depuis deux ans maintenant des hautes instances du Parti, le leadership semble indiquer que la « Particisation » demeure en marche et que de plus amples responsabilités associées au Conseil d’État – et donc à l’appareil administratif – pourraient passer sous le contrôle direct du Comité central.
Pour conclure, suite à l’affaire Qin Gang et aux manœuvres en coulisses de Wang Yi et Yang Jiechi au sein du ministère, Xi voudra sûrement que Liu Jianchao se range du côté de l’appareil du Parti au détriment d’un ministère jugé « idéologiquement défaillant et corrompu » – afin de mettre en place de nouvelles stratégies subversives. Le leadership chinois a peut-être compris que chercher constamment à en « entrer en lutte » (找战斗, en référence aux slogans du type « dare to struggle, dare to win » 敢于斗争) n’est peut-être pas aussi efficace que prévu… En ce sens, un discours plus modéré à court terme de la part de Liu n’implique pas nécessairement le retour de la cordialité, mais plutôt un besoin de répit, de retour à la stabilité, avant de choisir dans quelle direction aller.
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