Le Vent de la Chine Numéro 38 (2018)

du 26 novembre au 9 décembre 2018

Editorial : Pékin, laboratoire du crédit social

Pékin a été choisie comme ville-éprouvette du crédit social, ce projet d’évaluation morale des citoyens annoncé depuis 2014. Le 19 novembre, la mairie révélait son plan d’action doté de 22 tâches et 298 mesures, à réaliser d’ici 2020.

23,6 millions de citadins recevront une note qui évoluera suivant leur comportement financier, d’affaires ou privé. Les firmes et personnes morales – même étrangères – seront aussi assujetties. Au dessus d’un certain score, on sera placé en liste « verte », accédant à des conditions préférentielles pour emprunter, acheter un appartement, ouvrir une société, obtenir des services ou un emploi. En dessous d’un certain seuil, les êtres ou entités seront considérés comme « malhonnêtes », et mis sur liste noire. Pékin leur promet de leur mettre « des barrières en toutes directions » – interdits de prendre l’avion ou le TGV. Pour recouvrer leurs droits, ils devront régler leurs dettes ou amendes. Depuis 2017, selon la NDRC, 475,5 millions d’$ ont ainsi été récupérés dans le cadre d’un système similaire de la Cour suprême. 

Le crédit social prétend renforcer la confiance, en débusquant et punissant automatiquement tout incivilité ou délit. L’administration doit aussi mieux fonctionner, sachant instantanément pour chaque citoyen, à qui elle a à faire : c’est une transcription de la fameuse « société harmonieuse » (和谐社会), slogan de l’ex-Président Hu Jintao dans les années 2000.

Les silences de la municipalité de Pékin sur le futur fonctionnement du crédit social ont de quoi inquiéter. Quels seront les critères d’octroi ou de retrait des points ? Quelle autorité gérera le système ? Quelles phases de test d’ici 2020 ? Le terme d’ « orwellien » pour décrire le projet, est récurrent dans la presse occidentale : c’est que le système va priver de droits des centaines de milliers de personnes, applicable à tous durant toute leur vie. Par exemple, l’employeur, public ou privé, pourra consulter la note d’un candidat et l’écarter si elle est trop basse…

Le risque est fort qu’une « erreur de jeunesse », un bug informatique ne brise des vies entières. Le crédit social fait même risquer à la société une uniformisation des personnalités, si les citoyens se mettent à chercher parade à cette épée de Damoclès en modifiant leur style de vie suivant ces critères conformistes. Cela priverait la société de  sa diversité.

En toute impartialité, ce système présente aussi des avantages. La Chine est un pays où foisonne l’incivilité, avec les possibilités nouvelles ouvertes par l’enrichissement du pays : le développement massif du tourisme, ou encore le vélo partagé dans les grandes villes. Dans cette perspective, le crédit social, couplé à l’apparition d’un maillage dense de caméras de surveillance dans les lieux publics, permettra d’identifier les fauteurs de trouble par reconnaissance faciale, et de les sanctionner automatiquement par des retraits de points… Cela les forcera à rectifier leurs comportements.

Si le système se cantonne à cette traque des délits, il pourrait, contrairement aux attentes des observateurs occidentaux, être considéré acceptable par la majorité de la population, comme  atout de sécurisation de la vie publique. S’il va plus loin, pourchassant, notamment sur internet, toute pensée dissidente, il aura beaucoup plus de mal à se faire accepter.

Son succès dépendra aussi de sa capacité à prendre en compte la prévention de l’incivilité, et la notion de seconde chance après avoir commis une infraction. A ce niveau, un principe de base du crédit social en son état d’avancement actuel, n’est pas fait pour rassurer : « quant on a dilapidé son stock de crédibilité morale, c’est pour toujours ». Une telle approche, devrait peut-être être changée, pour que la vie sociale reste supportable.


Politique : Xi Jinping, entre Marx et marché

En avril, Xi Jinping et le Bureau Politique s’étaient mis à étudier conjointement le Manifeste Communiste de Karl Marx (écrit en 1842 avec Fr. Engels), pour s’en déclarer tous en chœur ses « loyaux serviteurs ».

En mai, dans son discours pour le 200ème anniversaire de l’auteur du « Capital », Xi concluait sans surprise que ce dernier, dans ses écrits, était « totalement correct ». Le même jour, il rendait visite à l’Université Beida, pour la féliciter de son rôle de « premier centre de diffusion et d’étude du Marxisme en Chine ».

En ce contexte de retour aux sources rouges, il est surprenant de découvrir que six mois plus tard (10-11 novembre), une frappe coordonnée dans cinq métropoles faisait disparaître au moins 10 étudiants, accusés d’avoir soutenu des ouvriers dans l’effort de monter un syndicat autonome. Loin d’être libre-penseurs à la Lech Walesa, ces jeunes se revendiquaient membres de cercles d’études marxistes. Et 15 jours plus tôt, la société marxiste de Beida faisait savoir qu’elle risquait la dissolution, faute de réussir à faire renouveler sa licence. Tout comme les 10 jeunes arrêtés, la société d’études était en difficulté pour avoir prêté assistance aux ouvriers de l’entreprise Jasic (postes à soudure, Shenzhen), dans leur tentative de créer leur syndicat autonome. Zhang Shengye, un des activistes arrêtés, étudiait à Beida : ceci a pu aggraver l’irritation des leaders envers ce cercle étudiant, Beida ayant également été le foyer de départ du Printemps de Pékin, ce qui n’a jamais été oublié en haut lieu. 

Pourtant, ces activistes étudiaient le marxisme conformément aux recommandations officielles à toutes universités, en toutes filières. Mais dans leur étude des théories historiques de la gauche, ils sont allés plus loin que le leadership ne l’attendait : peut-être inspirés par les universités nord-américaines où nombre de fils du régime passe quelques années, ils ont porté un regard critique sur l’action du Parti en leur pays. Implicitement, ils lui reprochent d’avoir laissé monter en Chine un capitalisme hyper libéral, et privé les travailleurs de toute défense sérieuse contre leurs exploiteurs. Rapidement, cette opposition est devenue suffisamment dérangeante pour forcer le régime à réagir.

On assiste donc à un phénomène lancé par le leadership (la remarxisation de la jeunesse), mais qui  a vite échappé aux forces l’ayant invoqué.

Or, un tel mécanisme n’est pas unique dans l’histoire chinoise récente. Un autre cas est celui du constitutionnalisme, que Xi à ses débuts voulait remettre en vogue. Dès décembre 2012, Xi promettait : « nous devons fermement établir l’autorité de la Constitution et de la loi ». Cette déclaration inspirait alors un fort espoir d’ouverture démocratique, surtout parmi les avocats qui tablaient sur un respect croissant de l’Etat de droit. Mais le mouvement devait être tué dans l’œuf en 2015, sur ordre de Xi Jinping s’étant déjugé : 709 membres du barreau étaient arrêtés, dont certains lourdement condamnés. Parmi eux, Xie Yang, à Changsha (Hunan) « avouait » devant la presse (pour gagner la clémence des juges) avoir fomenté un « complot contre le régime, et avoir instigué pour le remplacer par un constitutionnalisme occidental ».

Le propre slogan pro-constitution de Xi Jinping était ainsi enterré, affublé de l’épithète « occidental », pour justifier sa mise au rebut. Pour quelle raison ? Sans doute suite à l’opposition à laquelle Xi a dû se confronter à sa prise de pouvoir. Elles lui ont fait réaliser qu’un certain terrain d’opinion nostalgique de Mao était toujours bien présent dans la société et le Parti, qui ne devait en aucun cas être négligé.

C’est ainsi qu’après avoir réalisé une première purge dans les milieux pro-occidentaux en 2015 (les avocats constitutionnalistes), Xi se retrouvait trois ans plus tard contraint à frapper l’extrême du bord opposé, les étudiants gauchistes, qui étaient pourtant sa relève naturelle.

Ce besoin éperdu de contrôle du chef de l’Etat a aussi clairement pu le pousser à juguler les grandes fortunes et consortia privés avant qu’ils ne deviennent hors contrôle, tout en satisfaisant la base nostalgique de Mao. Le grand nettoyage du secteur privé a d’ailleurs pris une ampleur insoupçonnée : en septembre, Ding Anhua, chef économiste international chez China Merchants, révélait que la quasi-totalité des 11 000 firmes disparues depuis 2016, était privées. Mais à peine le mouvement enclenché, Xi faisait volte-face, promettant un « soutien sans faille » au secteur privé, tout en recevant (1er novembre) 54 chefs d’entreprise avec les honneurs. C’est que casser le privé n’est pas forcément la manœuvre la plus habile, à l’heure où Trump tente d’affaiblir l’économie chinoise, et où 2 à 3 millions d’emplois chinois sont menacés en 2019 : à trop « réussir » dans son démantèlement du privé, Xi risque de mettre le pays à genoux, causant cette déstabilisation qu’il redoute plus que tout au monde.

Enfin, tant au plan strictement idéologique qui semble compter beaucoup pour Xi Jinping,  qu’à celui de la gouvernance pratique, sa marge de manœuvre semble des plus limitées, le forçant à naviguer contre le vent et virer sans cesse de bord, sans regard pour le marché, avec pour boussole le seul intérêt du régime. C’est ce constat que sous-tend He Ning, ancien ministre du Commerce, en un conseil : tenir les promesses d’ouverture qui avaient été faites en 2001 avant l’entrée à l’OMC, et de commencer à écouter et prendre en compte les besoins des autres, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.


Taiwan : Un scrutin qui plait à Pékin

Accusé d’avoir jeté de l’huile sur le feu des relations avec Pékin, le Parti au pouvoir à Taiwan, le DPP, a subi une cinglante défaite le 24 novembre aux élections locales. Une série de dix référendums était aussi organisée : les résultats montrent une profonde division de l’île sur les questions liées aux relations avec la Chine, mais la jeune démocratie taiwanaise a su faire preuve d’une grande maturité politique.

C’est en effet son premier « référendum national d’initiative populaire ». En décembre 2017, le « Yuan législatif », le Parlement de l’île, limitait à 1,5% de la population le nombre des signatures nécessaires pour lancer le référendum, et déclarait le résultat valide si 25% des électeurs y participaient, contre 50% précédemment. C’était donc une avancée capitale dans l’histoire de l’île, où une minorité de l’électorat (280.000 votants) peut désormais interpeller la majorité sur une question précise, et si celle-ci l’approuve, imposer un tournant politique ou légal – hors gouvernement ou partis.

Les 10 référendums étaient accompagnés d’élections des mairies et organes de base, 11.000 postes à pourvoir. C’était un vote de mi-législature, et pour le DPP indépendantiste, un vote de confiance. Or, 30% de l’électorat, ses fidèles militants lui reprochent son attentisme face à la Chine. En face, 70% refusent de prendre un tel risque et veulent vivre dans le statu quo présent, en bonne entente avec le géant voisin. Chez les jeunes, agissait aussi l’angoisse de l’avenir et la stagnation économique. La veille du scrutin, deux meetings opposés, de 200.000 votants, polarisaient aussi les positions. Le bilan est sans appel pour le DPP qui perd 7 de ses 13 sièges sur les 22 que compte le conseil des villes et comtés, dont Kaohsiung, sa place forte. Tsai Ing-wen, sa leader, ne s’y est pas trompée, et a démissionné de la tête du Parti.

Le premier référendum demandait de troquer le nom de l’équipe olympique de l’île, « Chinese Taipei » (imposé par Pékin depuis 1981) pour celui de « Taiwan ». Le peuple a refusé, sous l’influence de divers athlètes qui priaient qu’on les laisse participer aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 – si le référendum passait, ils étaient « auto-éliminés » de la fête mondiale du sport.

Une série d’autres questions portait sur l’homosexualité et le mariage gay. En dépit de la « gay pride » du 27 octobre qui avait rassemblé 140.000 marcheurs, les Taiwanais ont dit « non » : ils ne sont pas prêts, et ils désavouent ainsi une démarche du pouvoir DPP depuis 18 mois pour élargir les droits des homosexuels.

De même, la population a approuvé plusieurs questions portant sur l’approvisionnement énergétique. Elle est d’accord pour réduire progressivement le parc de centrales à charbon et relancer le programme nucléaire : ses choix sont aux antipodes des choix opérés par le pouvoir DPP, sous influence écologiste anti-nucléaire.

La rue a donc désavoué son équipe politique. Une des conclusions qu’on peut en tirer, est une évidente « ingouvernabilité » de cette île déchirée entre sa forte dépendance grandissante envers la République Populaire de Chine, et son désir d’auto-affirmation, porté par 73 ans d’indépendance de facto et par son fond ethnique « Minnan » ou « Hakka ».

Au moins en Chine, l’aile dure du Parti et les « faucons » dans l’armée ne seront plus tentés de répondre par une opération militaire à une provocation indépendantiste.  C’est ce qu’avait fait en 1995 le Président Jiang Zemin, après l’annonce taiwanaise d’élections libres. En catastrophe, Bill Clinton avait dû alors dépêcher dans la zone deux porte-avions nucléaires pour calmer les esprits. Mais l’intimidation ne donna pas les résultats espérés : quand les élections se tinrent quelques mois plus tard, Taiwan résistant à la pression, élut massivement Lee Teng-hui, connu pour ses opinions pro-indépendance. C’est possiblement cet échec de la pression chinoise de l’époque qui, 20 ans plus tard, a inspiré Pékin à la retenue face au scrutin du 24 novembre.

Pour autant, ce bilan ne peut être interprété comme une victoire chinoise, car les insulaires, dans leur quasi unanimité, restent contre une réunification immédiate. Il reste très improbable que Xi Jinping aille tendre la main à l’avenir à ce DPP affaibli, à une Tsai Ing-wen désavouée et qui aura du mal à terminer son mandat. Au contraire, son allié traditionnel nationaliste, le KMT caracole, ayant vu ses voix passer de 6 à 15, ouvrant de belles perspectives de changement d’équipe politique, et de reprise du dialogue avec le continent d’ici 2020.

Allié traditionnel, les Etats-Unis sont restés un « deus ex machina » de la campagne, cachés mais influents, D. Trump optant soudain pour la confrontation après deux décennies de réserve courtoise sous ses prédécesseurs. John Bolton, son conseiller à la sécurité, préconise même  une reconnaissance de Taiwan par les Etats-Unis (qui provoquerait pourtant une rupture immanquable des relations avec la Chine), et le stationnement de l’US Army sur son sol ! Depuis décembre 2016, Trump a parlé au téléphone avec Tsai Ing-wen, repris les ventes d’armes à l’île, et permis à ses fonctionnaires de recevoir leurs homologues taiwanais – ce qui était interdit jusqu’alors, pour ne pas déplaire à Pékin. Pour l’avenir, les Etats-Unis constituent la seule garantie sérieuse pour Taiwan, de conserver son bien le plus précieux : son indépendance de facto.

Avec Sébastien Le Belzic


Diplomatie : Chine-USA : Bataille d’influence

Le conflit commercial entre Chine et USA a dérapé au sommet de l’APEC à Port Moresby, Papouasie-Nouvelle-Guinée (17-18 novembre). A l’issue, le Président Xi Jinping mit son veto au communiqué, refusant de condamner les « pratiques commerciales inéquitables » dans le monde. La délégation chinoise tenta même d’investir le bureau du ministre papouasien, avant d’être refoulée par les forces de sécurité… L’échec aura pour conséquence une sérieuse perte d’image pour l’APEC. L’OMC est également en crise : les USA menacent de la quitter, exigeant qu’elle sanctionne les aides déloyales chinoises à ses entreprises d’Etat et la pression qu’ elle exerce sur les multinationales étrangères pour s’approprier leurs technologies. Mais la Chine tient bon, quoique le conflit commence à lui coûter : le PIB pour 2018 vient de baisser de 0,5%, à 6%.
Une dernière chance pour éviter que le conflit sino-américain ne s’enlise, est cette rencontre prévue le 1er décembre, en marge du G20 de Buenos Aires, entre Xi Jinping et Trump. Mais depuis le psychodrame de Port Moresby, peu d’experts osent miser sur un déblocage. 

En effet, en arrière-plan de la guerre commerciale se déroule une rude bataille d’influence, à commencer par celle sur les pays d’Asie. Pékin offre son initiative BRI d’aide à la croissance, «une ceinture, une route». Washington lui oppose son plan indopacifique géré par son IDFC (l’ex OPIC) à 60 milliards de dollars, sans compter des fonds japonais et australiens, pour percer routes et lignes ferrées, monter réseaux de télécom…

Les 20-21 novembre, Xi était aux Philippines, l’ancien allié américain passé à la Chine en 2016 moyennant une promesse de 24 milliards de $. Aujourd’hui, Xi offre un plan d’exploration pétrolière conjointe en mer de Chine du Sud, et une zone industrielle sur le périmètre de 2 vieilles bases de l’US Army… Mais les Philippins grognent contre la visite, craignant qu’elle ne les réduise au rang d’une « province » chinoise. Ils redoutent aussi le piège de la dette, avec ces milliards de $ qui accroissent leur dépendance envers Pékin. Ils ne sont pas les seuls. Après la Malaisie en août, c’était aux Maldives de dénoncer des projets signés : afin de renégocier la dette, le nouveau Président se sert de l’accord de libre-échange avec Pékin depuis 2017, qu’il menace d’abolir… C’est en somme, un bras de fer aux enjeux immenses qui a lieu : la tentative de remplacement d’un « ordre américain » économique et financier sur la moitié du monde, par un « ordre chinois » de même nature.


Education : La maternelle rentre dans le rang

L’éducation est un des principaux postes de dépenses des familles qui souhaitent donner à leur enfant le plus de chance possible dans une Chine ultra-compétitive. Et cela commence dès la maternelle ! Ainsi, de nombreuses écoles privées ont vu le jour, parfois peu scrupuleuses.

Le scandale des enfants molestés dans une école privée du groupe RYB à Pékin il y a exactement un an, a conduit le gouvernement à remettre de l’ordre. Le 15 novembre, le Conseil d’Etat publiait une directive interdisant aux établissements privés d’entrer en bourse, et aux écoles publiques de chercher des financements auprès de groupes privés. Suite à l’annonce, le cours des actions de RYB, Tianli, 21st Century Education et Yuhua s’effondrait… 
Les établissements privés ont deux ans pour se mettre en conformité et se placer sous le contrôle de l’Etat. Des investissements devront être réalisés avec par exemple l’installation de caméras de vidéosurveillance. La mesure la plus spectaculaire concerne le secteur public qui va investir largement le domaine préscolaire. En 2017, la Chine comptait 255.000 maternelles accueillant près de 80% des enfants de 3 à 6 ans. 62% de ces écoles maternelles sont financées par le secteur privé. D’ici 2020, 85% des enfants de 3 à 6 ans devront aller à l’école maternelle et en 2035, ils seront 100%. La moitié des établissements sera alors publique, et l’autre sous le contrôle direct de l’Etat via l’octroi d’une licence. Le 16 novembre, le ministère de l’Education publiait un code de conduite pour définir les nouveaux programmes et renforcer les contrôles sur la formation. Ainsi, le ministère va recruter et former 200.000 professeurs chaque année et 1,5 million d’enseignants et directeurs d’établissements seront intégrés dès 2019.

Reste la question du financement. Aucun chiffre n’a été avancé et le budget de l’éducation est déjà insuffisant. Les provinces seront donc mises à contribution. Chaque ville devra proposer d’ici 2020 au moins une école maternelle ou un réseau d’écoles. Les grandes entreprises d’Etat, institutions publiques et universités devront financer leurs propres établissements. Mais les parents aussi devraient régler une partie de la note car école maternelle publique ne veut pas forcément dire gratuité, même si l’Etat souhaite que 80% des enfants puissent fréquenter des établissements aux coûts de scolarité « abordables ».

Pour le privé, c’est un coup dur. Le secteur était pourtant en plein boom avec un chiffre d’affaires prévu de 540 milliards de yuans en 2020. Il ne lui reste plus qu’à investir un domaine tout aussi lucratif et encore non régulé : celui des cours particuliers.
Par Sébastien Le Belzic


Petit Peuple : Dazhou (Sichuan) – Liu Guoqing, double revenante (2ème partie)

Après 12 ans passés au sud du pays loin des siens, Liu Guoqing retourne à l’impromptu à Dazhou – d’étranges nouvelles l’ont incitée à rentrer !

Le soir du 18 mai 2018 à Changsha (Hunan), Liu Guoqing quitta sa chambrette, prit son bus pour la gare avec sa valisette fatiguée. Un pressentiment ne la quittait plus, de bouleversements qui l’attendaient à l’issue du voyage.

Quand elle avait fui en catastrophe en 2006, laissant derrière elle ses enfants et son mari violent, Liu s’était engouffrée à bord du premier bus venu, sans savoir où elle allait. Au terminus, elle en avait pris un autre, et roulé à l’aventure des dizaines d’heures , épuisée et hagarde, sur des chaussées obstruées de camions poussifs aux noires volutes de diesel.

Aujourd’hui, c’était à bord d’un  train qu’elle montait. Le long des 900 km de Chine centrale, elle restait le nez collé à la fenêtre. Elle était hantée  par l’idée que ces montagnes, ces rizières et ces villages qui défilaient, étaient comme le film en accéléré de sa vie passée. Aux scènes du paysage se superposaient ses souvenirs de fillette aux champs, de fille hâlée et trop maigre, de sa première rencontre avec ce mari imposé, des premières disputes, du naufrage du couple… Elle revoyait la fois où il avait ramené une amante à la maison, la révolte désespérée qu’elle lui avait opposée, refusant cette humiliation. A présent, ces souvenirs dramatiques ne provoquaient plus en elle rancœur, ni indignation – ils la retrouvaient sereine. La blessure s’était cicatrisée. Et elle se disait qu’à tout prendre, son mari, elle l’avait toujours, s’il voulait  bien d’elle – s’il s’était assagi. Après tout, au plan légal, ils étaient toujours mariés.

16 heures plus tard, sur le quai d’arrivée, elle put constater effectivement les grands changements intervenus en son absence : oui, c’était vrai, ce Dazhou-là n’était plus la ville de son enfance. La ville n’avait certes jamais été petite, s’étendant dès les années 80 sur 60 km2. Mais elle avait toujours donné l’impression d’un espace urbain à taille humaine, avec son patchwork embrouillé de bourgs et de rizières, de petits métiers alternant fumoirs à jambon et ateliers pour motos, logés dans des bicoques grise dont la plus haute ne faisait pas quatre étages.

Mais à présent, la ville et ses 6,3 millions d’habitants, la laissa bouche bée : une forêt trépidante de tours de 30 étages aux néons déchaînés, aux écrans géants vantant des alcools ou des salles de gym. Étourdie, Liu avait perdu tous ses repères… Soupirant, elle prit le bus pour Xuanhan, en banlieue, et retrouver sa famille.

Au bercail, Liu fut choyée. Son fils aîné qui travaillait et vivait en ville, était venu pour l’occasion. Sa fille elle, serveuse à Chengdu, n’avait pas pu venir l’embrasser. Son père Liu Shangming, contemplait avec évidente fierté sa tribu presque réunie.

Mais la joie fut de courte durée. Le lendemain lors des visites de courtoisie aux voisins et amis, elle ne put faire un pas sans ouïr chuchoter la rumeur, ni voir poser sur elle des regards d’effroi. Tout le monde l’observait, la touchait, comme pour vérifier sa matérialité. C’est que Meimei l’amie d’enfance lui racontait comment Yu Ningguo le mari éploré avait fait en 2015 la tournée du village, en tenue blanche, pour colporter la nouvelle de sa mort, là-bas à Changsha. Depuis lors, elle était rayée du monde des vivants.

Séance tenante, Liu traina son père au commissariat, espérant dissiper le cauchemar. Mais sur place, le commissaire ne put que confirmer : elle avait été déclarée par son mari « morte de maladie » durant l’été 2015. Puis une fois les 24 mois réglementaires écoulés, le certificat de décès avait été établi en 2017, à la demande du mari, sur base de sa déclaration contresignée d’un témoin, qui n’était autre que Liu Shangming, son père !

De par ce coup de Jarnac, Liu perdait non seulement son existence légale, mais aussi ses droits aux soins à l’hôpital local, et même à son lopin de terre attitré – tous ces petits privilèges réservés aux titulaires du « hukou » (户口), permis de résidence local.

Or, çà, ce fut son père, qui s’arrachant à sa passivité coutumière, éclata de colère : avec bon sens, il réclama confrontation avec les signataires de l’acte, le maire Wen Daojun et le vice-secrétaire Yu Yongjian. En effet, le papi n’avait pas un traître souvenir d’une telle signature, ce qui la rendait hautement improbable !

L’un et l’autre édiles protestèrent de leur bonne foi. Le maire admettait avoir apposé son tampon, mais se dédouanait : n’ayant officié en ville que depuis deux ans, il avait agi sans savoir, sur base de la déclaration écrite du mari. Et qu’y pouvait-il lui, si la signature du père était un faux ? Le vice-secrétaire de même, protestait que le mari était honorablement connu —comment aurait-il pu se douter d’une telle tromperie ? Le  seul coupable était bien le mari. D’ailleurs, sa fuite était un aveu. Après avoir « tué » administrativement sa femme, il s’était remarié tout de suite après, puis avait disparu sans laisser de traces… Dare dare, le commissariat émit un avis de recherche du mari pour faux en écriture et bigamie.

A présent, Liu veut continuer sa vie comme avant. Peut-être abandonner Changsha, sa ville-dortoir où rien ne la retient, pour refaire une fois encore sa vie ici, proche des siens. Bonne fille, elle ne veut pas faire d’histoires et se dit prête à divorcer. Pas question de vengeance, ni de loi du Talion : pratiquer l’« œil pour œil» (以眼还眼, yǐ yǎn huán yǎn ), très peu pour elle !


Rendez-vous : Semaines du 26 novembre au 9 décembre 2018
Semaines du 26 novembre au 9 décembre 2018

26-27 novembre, Shanghai : SG – China International Smart Garments Industry Forum and Exhibition, Salon international et Forum de l’industrie des vêtements « intelligents » en Chine. Textiles fonctionnalisés

27-30 novembre, Dongguan : DPM, China International PLASTICS, PACKAGING & RUBBER Exhibition, Salon international des plastiques, du caoutchouc et de l’emballage

27-30 novembre, Shanghai : BAUMA China, Salon international des machines et matériaux de construction

28-30 novembre, Shanghai : BOILER China, Salon international sur les technologies des chaudières

28-30 novembre, Shanghai : HEATEC China, Salon international des technologies de génération de chaleur

28 novembre, – 1er décembre, Shanghai : AUTOMECHANIKA Shanghai : Salon professionnel international chinois des pièces détachées et accessoires pour l’industrie automotive, des équipements pour garages et stations-services

29 novembre – 1er décembre, Chengdu : CITE, Chengdu International Tourism Expo

30 novembre – 1er décembre, Buenos Aires (Argentine) : Sommet du G20, avec la participation du Président Xi Jinping

4-6 décembre, Shanghai : PHARMCHINA, Salon de l’industrie pharmaceutique