Le Vent de la Chine Numéro 35 (2019)

du 13 au 19 octobre 2019

Editorial : « Houston, on a un problème »

Comme souvent ces derniers temps, tout débutait d’un seul tweet. Le 6 octobre, Daryl Morey, le manager des Houston Rockets, équipe américaine de basketball favorite en Chine pour avoir fait jouer Yao Ming, affichait son soutien aux manifestants hongkongais. Initialement, la NBA essaya de se distancer de ce commentaire « regrettable » et « inapproprié », tout en rappelant le droit de Morey à exprimer ses opinions. Cette déclaration mit pourtant le feu aux poudres des deux côtés du Pacifique. A domicile, la league fut critiquée pour la mollesse de sa déclaration, tandis qu’en Chine, elle offensait la sensibilité nationale.

Le commissaire de la NBA Adam Silver rectifiait le tir 48h plus tard : « la NBA soutient la liberté d’expression, et D. Morey a simplement fait usage de son droit. Ce n’est pas le rôle de la NBA de juger les différences d’opinions. Je comprends qu’il y aura des conséquences à cette déclaration, mais nous sommes prêts à vivre avec ». Et elles ne tardèrent pas… Une dizaine d’entités chinoises stoppaient ou revoyaient leur partenariat avec la NBA, comme Ctrip, Vivo, Mengniu, Luckin Coffee… Un contrecoup qui risque de peser lourd sur les activités de la league dans le pays, estimées à 4 milliards de $ en 2018.

Pour les fans chinois, il était plus difficile de suivre l’appel au boycott des matchs de la NBA, le basket faisant partie des sports les plus populaires dans le pays. Preuve en était, le 10 octobre à Shanghai, le stade était rempli pour le match très attendu entre les Los Angeles Lakers et les Brooklyn Nets. Sur les réseaux sociaux chinois, les spectateurs étaient qualifiés de « traîtres »…

Après avoir attisé pendant quelques jours les sentiments nationalistes du public, les médias chinois avaient désormais pour consigne d’éviter le sujet, de crainte que cette rhétorique n’écorne un peu plus l’image du pays à travers le monde, notamment à l’approche des JO d’hiver 2022 que la Chine organise. Surtout, le gouvernement n’était pas prêt à priver ses propres citoyens d’un loisir (ou d’un produit) qu’ils apprécient – une décision qui pourrait avoir des conséquences indésirables pour le régime, et sa cote de popularité.

Cependant, le mal était fait : en attaquant la NBA, cet incident exposait aux yeux des fans américains, les réalités chinoises de la censure, et du jeu auquel doivent se plier les compagnies étrangères pour faire des affaires dans le pays. Une prise de conscience qui les touche plus directement que la guerre commerciale. En effet, aux Etats-Unis, peu sont familiers avec la « liste des entités » du Département du Commerce, mais environ 20 millions regardent la finale de la NBA. De plus, ces supporters, qui d’ordinaire ne s’intéressent que peu aux affaires internationales, risquent désormais de se montrer solidaires avec les manifestants hongkongais. C’est le caractère « fanatique » de ses protagonistes qui rend cette mésaventure si particulière. En un exemple inverse, les fans du club de football de l’Olympique Lyonnais (France), fâchés qu’un match soit reporté pour accommoder les téléspectateurs chinois, brandissaient un « tifo » aux couleurs du drapeau tibétain… Surtout, l’affaire de la NBA prenait une dimension politique, chaque sénateur américain y allant de son commentaire, tout comme le Ministère chinois des Affaires étrangères, et son consulat à Houston.

Cet accrochage est loin d’être anecdotique : compagnies aériennes, marques de luxe, de cosmétiques, enseignes de grande distribution… toutes ont fait l’amère expérience d’avoir déplu au gouvernement chinois et à son opinion. Pourtant, ces incidents d’ampleur diplomatique furent vite oubliés après des excuses dignes de ce nom.

Pour les firmes, la question qui se pose est celle de leurs priorités : continuer à vendre en Chine ou être en accord avec leurs valeurs ? Les sympathisants de la Chine argumenteront que c’est le prix à payer pour faire du business dans un pays qui cherche à reprendre la place lui revenant dans la hiérarchie mondiale. Mais pourquoi punir des entités étrangères pour des opinions individuelles ? Car selon l’idéologie chinoise en vigueur, le gouvernement et le peuple ne sont censés faire qu’un. Pékin a déjà clairement tracé la ligne à ne pas franchir, en affichant sa liste (toujours plus longue) de sujets considérés comme sensibles. Peut-être est-il temps pour les partenaires étrangers de faire de même ? Pour la NBA, le buzzer a déjà sonné. 


Diplomatie : Mini-concessions pour mini-deal

Et c’était reparti pour un tour ! Les négociations sino-américaines reprenaient à haut niveau le 10 et 11 octobre à Washington, entre le vice-Premier Liu He, le patron de la Banque Centrale chinoise Yi Gang, et le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, en compagnie du secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin. C’était la 13ème tentative de trouver un accord pour mettre fin à la guerre commerciale, qui en cas de détérioration, ferait s’évaporer du PIB mondial 700 milliards de $, soit l’équivalent de l’économie suisse, d’ici 2020 selon le FMI.

Quelques jours avant la reprise des négociations, pour accentuer la pression, le Département américain au Commerce ajoutait à sa liste noire 20 organes gouvernementaux chinois de la Région Autonome du Xinjiang pour avoir été impliqués « dans des violations des droits de l’Homme et abus dans la mise en place d’une campagne de répression, de détention arbitraire, et de surveillance high-tech envers les Ouïghours, Kazakhs et autres membres de minorités musulmanes au Xinjiang ». 8 « licornes » chinoises étaient également « blacklistées » : celle des systèmes de reconnaissance vocale iFlytek, faciale Megvii, d’intelligence artificielle SenseTime et Yitu, de récupération de données numériques Pico, de nanotechnologies Yixin, et de vidéosurveillance Hikvision et Dahua. Cette mise au ban les empêche de continuer à se fournir auprès de compagnies américaines comme Intel, Nvidia et Ambarella. Cette sanction pourrait fortement les handicaper, toutes étant dépendantes des technologies étrangères. C’est aussi la menace qui plane depuis mi-mai sur Huawei, son sursis expirant le 19 novembre. Pourtant, le ciel semble s’éclaircir pour le groupe de Shenzhen : ses fournisseurs américains seraient sur le point d’obtenir des licences permanentes pour vendre à Huawei.

En réalité, cette nouvelle liste noire était déjà prête depuis quatre mois et devait être dévoilée lors d’un discours du vice-Président Mike Pence sur les droits de l’Homme à l’occasion du 30ème anniversaire du Printemps de Pékin. Mais pour laisser une chance à la rencontre entre Donald Trump et le Président chinois Xi Jinping au G20 d’Osaka, cette prise de parole était repoussée. 

C’est un tournant dans le conflit, car jusqu’à présent, Huawei et ses filiales étaient sanctionnées pour des questions de sécurité nationale. Toutes les firmes technologiques nouvellement sanctionnées étant leaders dans leur secteur, on peut naturellement s’interroger sur les motivations des Etats-Unis : véritable inquiétude humaniste pour la situation au Xinjiang ou motif pour ralentir ces firmes dans leur conquête des marchés mondiaux ? Sûrement un peu des deux. En tout cas, pour Geng Shuang, porte-parole de la diplomatie chinoise, les Etats-Unis utilisent le Xinjiang « comme prétexte pour s’ingérer dans les affaires intérieures de la Chine ».

Ainsi, le champ de l’affrontement ne cesse de s’élargir, à l’initiative américaine, avec toujours plus d’entreprises chinoises sanctionnées, pour différentes raisons (sécurité nationale, droit de l’Homme). 

Et le locataire de la Maison Blanche songerait déjà à de nouvelles sanctions, comme interdire les sociétés chinoises de se coter en bourse américaine, déplaçant ainsi le conflit aux marchés financiers. En effet, Pékin empêcherait ces firmes de se conformer aux lois américaines en matière de transparence financière. Ce coup de massue frapperait Alibaba, JD.com, Pinduoduo, Baidu, NetEase, Tencent et 150 entreprises chinoises côtées aux Etats-Unis, dont au moins 11 sont contrôlées par l’Etat chinois, pour un total de 1 200 milliards de $ de capitalisation boursière. Jusqu’à présent, l’option était écartée de peur de déstabiliser les marchés.

Finalement, comme beaucoup l’avaient prédit, cette 13ème ronde de palabres accouchait d’un « mini-deal ». Quinze mois après le début du conflit, Trump se targuait d’avoir atteint la « phase 1 » d’un accord, incluant une augmentation à 40 ou 50 millions de $ d’achats de produits agricoles américains, la promesse de ne plus affaiblir son yuan, une ouverture de son marché financier, et des mesures concernant les transferts forcés de technologies. En échange, le Président américain suspendait la hausse des tarifs douaniers de 25% à 30% sur 250 milliards de $ produits chinois prévue le 15 octobre. Il reste maintenant à formaliser cet accord, peut-être avec le Président Xi Jinping lors du sommet de l’APEC le 16 novembre au Chili. Une autre hausse douanière reste quand même prévue pour le 15 décembre (15% sur 160 milliards de $ de produits de consommation), tout comme le reste des taxes.

Difficile de dire à ce stade si la Chine a montré une posture plus souple que lors des négociations de mai dernier, durant lesquelles elle faisait marche arrière alors que 90% de l’accord était prêt. Le conclave estival de Beidaihe a-t-il joué un rôle pour arriver à ce mini-deal ? La procédure de destitution entamée à l’encontre de Trump (pour avoir sollicité l’interférence de l’Ukraine dans les prochaines élections américaines) qui l’a forcé à adopter une attitude plus conciliante face à la Chine ? En tout cas, sans contenir de véritables mesures qui changeront la donne des relations sino-américaines, ce mini-deal exprime au moins une volonté de deux parties de ne pas aggraver le conflit. Les sujets qui fâchent vraiment devraient être négociés durant la « phase 2 », si elle a lieu ! En effet, Trump peut bien décider de se contenter de ce mini-deal avant les élections de novembre 2020, au grand soulagement de la partie chinoise. Toutefois, le nouveau regain de sanctions qui a eu lieu avant le début de ces négociations, ne laisse pas présager un tel scénario. « Phase 1 » ou « phase 2 », les liens qui unissent les deux premières puissances mondiales ne sera probablement plus jamais les mêmes après ce conflit.


Hong Kong : Bas les masques

A Hong Kong, le 70ème anniversaire de la RPC virait au scénario catastrophe le 1er octobre. Alors que la police se préparait à des scènes de chaos, les manifestants appelaient à une journée symbolique de « deuil national ». Un bien mauvais présage, puisque ce jour-là, pour la première fois depuis le début de la crise il y a quatre mois, un lycéen recevait une balle en pleine poitrine, après que son groupe ait attaqué des policiers à la barre de fer. Ses jours ne sont plus en danger, mais la réponse du gouvernement de la RAS était celle de la fermeté : le jeune sera poursuivi en justice pour agression d’un représentant des forces de l’ordre et risque jusqu’à dix ans de prison.

La violence qui agite Hong Kong est le fruit d’une certaine exaspération des protestataires face aux autorités qui restent aux abonnés absents face à des actions pacifiques. Ils sont convaincus qu’ils ont obtenu le retrait définitif de la loi d’extradition grâce à leurs actions violentes. Mais l’aspect le plus préoccupant de cette crise est que cette violence est perpétrée par la jeunesse hongkongaise. Or c’est elle qui constitue le futur de la RAS.

En réponse aux déchainements des manifestants le 1er octobre, l’administration hongkongaise interdisait 72h plus tard le port de masques en invoquant une disposition légale d’urgence datant de l’époque coloniale. Cet élément indispensable de l’attirail des manifestants leur permettait jusqu’alors de se protéger des gaz lacrymogènes mais surtout de cacher leur identité pour éviter d’éventuelles poursuites.

A Pékin, le gouvernement affichait son soutien à cette décision, affirmant que l’interdiction priverait les jeunes manifestants « qui se croient dans un jeu », de leur protection psychologique. Il avançait également pour sa défense que certains pays démocratiques comme la France, les USA, l’Allemagne ou le Canada, ont déjà pris des mesures similaires, à un moment ou à un autre.

Comme on pouvait s’y attendre, les contestataires bravaient cette interdiction, et sortaient toujours masqués en guise de provocation. Quatre jours après l’entrée en vigueur du ban, 16 manifestants étaient officiellement poursuivis pour cette infraction.

Le 7 octobre, la cheffe de l’exécutif déclarait qu’elle chercherait à obtenir le soutien du Parlement local, le « Legco », dès sa reprise le 16 octobre. Elle ajoutait que son administration n’avait aucune intention d’utiliser ses pouvoirs d’urgence pour d’autres mesures. Pourtant le même jour, un politicien hongkongais du camp pro-pékin affirmait à la radio que l’option de couper le réseau internet n’était pas exclue.

Toutefois, Carrie Lam semble dépassée par les évènements : son retrait tardif de la fameuse loi d’extradition n’a pas mis fin aux protestations, et ses mesures répressives risquent de radicaliser davantage les franges extrêmes. Si elle poursuit sur cette voie dure, l’île risque de s’enferrer dans la violence. Elle a pourtant tenté la médiation en organisant fin septembre, un dialogue direct avec 150 citoyens sélectionnés parmi 20 000 volontaires. Mais cette séance tournait court au vu des nombreuses critiques ayant fusé et qui trahissent une réelle perte de confiance de la population envers son gouvernement, mais aussi envers la police. En effet, l’une des demandes répétées des manifestants est celle d’une enquête menée par un organisme indépendant sur les violences policières des 18 dernières semaines. Une exigence que beaucoup considèrent comme une possible sortie de crise, si Carrie Lam y accédait.

De son côté, Pékin n’a aucune envie d’intervenir militairement et préfère laisser la main à Mme Lam pour gérer la situation. Il semble que le régime espère qu’en laissant la situation empirer, le problème finisse par se résoudre de lui-même. Ce positionnement attentiste ressemble plus à une résignation face à un problème dont personne n’a la solution à Zhongnanhai, qu’à une réelle stratégie. Et le ton pour l’instant plus ou moins conciliant de Pékin ne doit pas faire illusion : une revanche est à craindre une fois la situation sous contrôle. Les Hongkongais le savent bien au regard de l’après-Occupy Central de 2014 (muselage de la presse, poursuites judiciaires et destitution des jeunes leaders élus, accélération économique du projet « Greater Bay Area »…). Le retour d’un tel mouvement de contestation cinq ans plus tard, peut conduire Pékin à penser que ses mesures étaient encore trop laxistes. Et c’est bien la crainte des répercussions qui poussent les manifestants à poursuivre la lutte.


Taiwan : Une fête nationale sous le signe de la paix

Après la République Populaire de Chine le 1er octobre, c’était au tour de Taïwan de célébrer sa fête nationale 10 jours plus tard, à J-100 des élections présidentielles et législatives cruciales pour l’avenir de l’île, le 11 janvier 2020.

Le 10 octobre, la République de Chine fêtait le 108ème anniversaire de sa fondation par Sun Yat-sen, suite à la révolte du Wuchang en 1911 qui avait conduit au renversement de la dynastie des Qing gouvernant le territoire depuis 268 ans. Un règne bicentenaire au cours duquel l’empire mandchou a grandement étendu le territoire des Ming, en y adjoignant les régions de la Chine populaire qui sont aujourd’hui les plus sous tension : le Xinjiang, le Tibet et TaïwanHong-Kong ayant été cédé à l’Angleterre en 1841. La République de Chine, dont les institutions gouvernent Taïwan et son régime présidentiel démocratique, est donc née en Chine avant d’être transposée à Formose par Chiang Kai-shek après sa défaite contre les communistes en 1949. Ainsi Mao Zedong proclamait cette année-là, la naissance de la République populaire de Chine le 1er octobre sur la place Tiananmen. 70 ans plus tard, au même endroit, sa fondation était célébrée par un vaste déploiement militaire et une exhibition de ses armes les plus sophistiquées, telles que les missiles balistiques intercontinentaux DF-41 volant à 25 fois la vitesse du son et capables d’atteindre les USA en 30 minutes.

Par contraste, depuis son élection en 2016, Tsai Ing-wen, présidente du parti démocrate progressiste (DPP) n’a pas mobilisé l’armée pour la fête nationale. Son prédécesseur entre 2008 et 2016, Ma Ying-jeou, du parti nationaliste chinois d’opposition (KMT), n’avait eu recours à la parade militaire qu’en 2011. Pour le « double 10 » de cette année, l’ancien président DPP Chen Shui-bian (2000-2008) suggérait même à Tsai d’annuler toute célébration et d’organiser un thé collectif en harmonie avec la nature pacifique du régime taïwanais. Car, comme le disait Laozi dans le Daodejing : « les armes mortelles ne doivent pas être exposées au peuple ». En fait d’armements sophistiqués, la parade d’anniversaire se faisait remarquer surtout par ses 23 chars de carnaval décorés, certains aux airs de faux sous-marins (cf photo).

Malgré tout, l’aspect militaire n’était pas entièrement absent avec la marche coordonnée des trois forces armées (air, terre, mer), la présence d’hélicoptères S-70C et le clou du spectacle, la flotte des avions de chasse AIDC AT-3 de fabrication indigène, en concordance avec le slogan de la célébration 2019 (« embrasser le monde, faire décoller Taïwan »). Leur participation au défilé rappelle que plus de 10 000 missiles chinois sont toujours pointés sur Taïwan, laquelle continue de renforcer ses capacités défensives, notamment avec la récente acquisition auprès des États-Unis de 108 chars M1A2T Abrams, 250 missiles Stinger et 66 chasseurs F-16. Dans un climat de pressions toujours plus fortes provenant de Pékin, Tsai a su se montrer ferme mais sans agressivité, en affirmant dans son discours la nécessité de « s’unir contre la menace que représente la Chine pour la paix régionale et la stabilité ».

L’année 2019 a été plutôt bonne pour Taïwan et pour Tsai. D’une part, pour la première fois depuis plus de 10 ans, la croissance de l’île (2,8% en 2017 et 2,6% en 2018) dépasse celle des autres « dragons » (Corée du Sud, Singapour, Hong-Kong). En outre, alors que Pékin a restreint les conditions de visa pour les voyageurs chinois à Taïwan, le nombre de touristes a crû de presque 20%, venus de Hong Kong, du Japon, des États-Unis et de la Corée du Sud. Enfin, la popularité de la présidente sortante revient au plus haut malgré les menaces de Pékin qu’un nouveau gouvernement DPP entraînerait une dégradation des relations avec le continent. Ces pressions chinoises ont pour objectif de pousser les électeurs taïwanais à porter leurs voix vers le KMT – historiquement ennemi juré du PCC mais devenu à partir des années 1990 un des partis les plus favorables à un renforcement des relations avec la RPC. Le candidat du KMT et actuel maire de Kaohsiung, Han Kuo-yu, résumait les élections à venir comme « un choix entre la paix ou la crise », considérant qu’ouvrir le dialogue avec Pékin est inévitable. Le gouvernement chinois a en effet déclaré sans ambiguïtés que si Taïwan persistait à élire un représentant du DPP, l’île devrait se résoudre à perdre un à un ses alliés diplomatiques.

En effet, la véritable mauvaise nouvelle pour Tsai vient de l’hémorragie des soutiens officiels de la République de Chine. Sous sa présidence, sept pays ont rompu leurs relations : São-Tomé-et-Príncipe, Panama, République Dominicaine, Burkina Faso, Salvador, et, en septembre, les Îles Salomon et la République de Kiribati. Ces revirements diplomatiques sont tous liés à des promesses d’aides au développement de la Chine avec lesquelles Taïwan ne peut absolument pas rivaliser. Cependant, ces défections ont entraîné une forte réaction de la part de l’allié américain : le 26 septembre 2019, le Comité des affaires étrangères du Sénat des États-Unis a voté à l’unanimité pour la signature du pacte TAIPEI (Taiwan Allies International Protection and Enhancement) pour amarrer les nations du Pacifique restantes (les Îles Marshall, Nauru, Palau et Tuvalu) et les autres alliés en Afrique et Amérique Centrale plus solidement à Taipei. En effet, le changement d’allégeance des soutiens de Taïwan dans le Pacifique au profit de Pékin, pourrait compromettre les efforts du groupe surnommé « Quad » (États-Unis, Australie, Japon, Inde) de contenir l’influence chinoise dans l’indopacifique.

Enfin, que se passerait-il dans le cas où la République de Chine perdrait tous ses alliés ? Du point de vue pro-chinois, cela marquerait la fin de son existence diplomatique internationale et confirmerait son statut de province chinoise comme les autres, suivant le principe « d’une seule Chine ». Selon des indépendantistes taïwanais, même sans reconnaissance diplomatique, Taïwan regroupe toutes les conditions nécessaires pour être considéré comme un état souverain, grâce à son peuple, ses terres, son système gouvernemental. On constate en tout cas qu’après son éviction de l’ONU en 1970, Formose a su maintenir une économie dynamique, ce qui lui a permis de signer des accords commerciaux avec de puissantes nations, bénéficiant ainsi de leur soutien dans les instances internationales. A l’avenir, ces appuis devraient lui rester fidèles. Et même si certains « petits » alliés lui tournent casaque, il semble fort improbable que le Vatican ne le fasse jamais : un pasteur n’abandonne pas son troupeau même pour un plus gros cheptel.

Par Jean-Yves Heurtebise


Petit Peuple : Pinggu (Pékin) – Miao Xiaohong, révolutionnaire de l’empire du ciel (2ème partie)

Résumé de la 1ère partie : Une des pionnières de l’aviation chinoise, Miao Xiaohong a été mise au rancart à 52 ans, dès 1989, par une administration considérant les femmes moins fiables que les hommes. A 69 ans, elle découvre que hors de Chine, des femmes de son âge pilotent toujours. Elle rêve alors de revoler…

Dans un journal provincial, Miao commença par publier une série de chroniques sur des femmes pilotes légendaires, telle Mary Ellis, la britannique aux 1000 missions durant la Deuxième Guerre mondiale, ou Zhang Xiahun, première femme chinoise pilote en 1916. Son intention était de sensibiliser le public à la contribution du beau sexe à l’aviation mais aussi de signaler que ces héroïnes avaient continué à voler durant leur vieillesse. Les articles reçurent un vif succès, auprès d’une jeunesse surprise de découvrir l’histoire de « grand-mères » si peu conformes à la conception traditionnelle chinoise. Ils plurent surtout aux vieillards eux-mêmes, refusant comme elle de se laisser pousser de côté avant l’heure.

Cependant pour le Parti, la démarche sentait le soufre, comme toute initiative tendant à contester l’ordre établi : la censure et le rédacteur en chef eurent tôt fait, après cinq articles publiés, de conseiller à l’écrivaine d’aller exercer ses talents ailleurs et sur d’autres thèmes.

Changeant d’approche, à 70 printemps, Miao organisa en 2007 un événement réservé aux anciens de l’armée : dans un grand hôtel, elle les convia à un après-midi de spectacles et d’acrobaties, suivi d’un dîner assis. Miao s’était arrangée pour être à côté du commandant de la base militaire de Pékin, lui-même fils d’un de ses camarades de promotion. Elle l’entretint de ses souvenirs vivaces de l’époque héroïque des ailes révolutionnaires, des légendes autour des monstres sacrés du régime, lui démontrant ainsi sa vivacité intellectuelle. Puis, comme par plaisanterie, elle suggéra au militaire de la laisser reprendre les commandes d’un monomoteur du même type que celui qu’elle avait piloté. Amusé, le gradé, lui promit qu’il poserait la question.

Mais la réponse vint assez vite, négative hélas. Au ministère de la Défense, on rejeta catégoriquement toute possibilité : « même les hommes, une fois à la retraite, voyaient leur licence devenir caduque, alors pour les femmes bien sûr, ce genre de lubie devait être abandonnée. L’armée avait assez à faire ! ».

Miao s’y attendait et, sans attendre la réponse, avait lancé une autre initiative : rassemblant des femmes de son propre réseau d’ancienne pilotes et d’autres alliées à leur démarche, elle organisait chez elle des séances de thé où l’on évoquait le passé et sondait ensemble les moyens pour parvenir à revoler et à encourager cette vocation auprès de la gente féminine. Diverses pistes s’ouvraient, qui toutes retombaient au bout d’un moment tant l’idée reçue de l’infériorité des femmes était puissante au sein de l’appareil, et le risque élevé, si l’on agitait trop le cocotier, de se voir mettre sur la touche.

Jusqu’au jour de printemps 2019 où Miao rencontra la femme d’un tout puissant général, membre de la Commission militaire centrale. Passionnée par la cause, cette femme influente en toucha un mot à son mari qui décida alors que le non-sens avait assez duré : Miao Xiaohong passerait un test d’aptitude et de compétences aéronautiques, et pourrait effectuer un vol – pour commencer.

Eblouie de bonheur, Miao se présenta à la convocation à l’hôpital militaire 301 de Pékin pour l’examen de santé général, puis au ministère pour le théorique de pilotage : en fin de journée, elle était déclarée apte au service !

Cependant, ce fut elle qui d’abord retarda l’obstacle : après avoir tant rêvé de cette occasion, à 82 ans, elle redoutait de devenir, suite à un vol raté, la risée de la Chine entière. Pire, un échec la priverait du droit moral à poursuivre sa croisade, pour elle et pour son sexe. Aussi entendait-elle se préparer avec le dernier sérieux. Chaque jour durant deux mois, elle s’exerça pour renforcer ses jambes, abdomen et surtout ses bras, histoire de pouvoir tenir fermes son palonnier. Elle se força aussi quotidiennement à effectuer 3000 pas autour de chez elle, tout en se livrant mentalement aux calculs trigonométriques nécessaires au vol aux instruments. C’était bien plus que ce qu’on lui demanderait le jour de son vol à vue, mais qui pouvait le plus, pouvait le moins.

Enfin vint le jour fatidique.  Elle se rendit à Pinggu près de la capitale, au club d’aviation de Shifosi où l’attendait un monomoteur Technam. L’instructeur qui avait déjà déposé le plan de vol l’encouragea courtoisement -elle en avait bien besoin, son cœur battant la chamade.

Miao s’assit au siège du pilote, installa le casque sur ses cheveux blancs. Elle fit sa checklist, vérifiant ailerons, stabilisateur, jauge, huile et tube de Pitot. Puis elle alluma le moteur et après l’échange radio rituel avec la tour de contrôle, fit son roulage sur le taxiway et lança l’appareil plein gaz sur la piste. Après cinq minutes d’élévation, elle dépassait le plafond de nuages pour retrouver avec ses yeux humides d’émotion, le ciel sans ride, le soleil pur. De retour à terre, Miao voulant cacher ses émotions et jouer la femme d’acier, évoqua son cœur stable, son corps réglé, et se déclara « bonne pour le service ». Enthousiaste, l’instructeur abonda, la disant apte à accomplir les 30 heures de vol réglementaires pour revalider sa licence.

Mais Miao déclina : une fois son vol réussi, elle était moins intéressée à repartir à l’assaut du ciel qu’à encourager des jeunes filles à embrasser la carrière d’aviatrice, de pilote d’hélicoptère ou de cosmonaute, une mission qui, elle l’espérait ne serait pas aussi difficile que de toucher le ciel ( 比登天还难, bǐ dēng tiān háinán), à 82 ans !


Rendez-vous : Semaines du 14 octobre au 17 novembre
Semaines du 14 octobre au 17 novembre

14 octobre, Lausanne (Suisse) : Conférence d’Éric Meyer : « L’Europe face à la Chine , Comment vivre ensemble ou se défendre comme continent et individu ? « , Inscriptions avant le 10 octobre en cliquant ICI

14-16 octobre, Tianjin : Ice Cream China, le 22ème salon international de la glace et des produits surgelés

15 – 17 octobre, Meishan (Chengdu) : NEPCON West China, Salon international de l’électronique et de  la micro-électronique

15 octobre – 04 novembre, Canton : Canton Fair – China Import and Export Fair, Foire internationale qui se divise en trois phases :

  • Phase 1,  15 – 19 octobre : produits électriques, électroniques, et industriels
  • Phase 2, 23 – 27 octobre : produits d’épicerie, d’ornement, cadeaux, jeux et meubles
  • Phase 3, 31 octobre – 4 novembre : produits d’habillement, chaussures, accessoires

      

16 – 18 octobre, Shanghai : Agrochemex, Salon international de l’agrochimie

16 – 18 octobre, Shanghai : China Kids Expo, Foire internationale des produits pour bébés et enfants

18 – 21 octobre, Foshan : CERAMbath, Salon de la céramique et des sanitaires

19 – 20 octobre, Pékin : Chine Education Expo, Salon international de l’éducation et des formations supérieures

19 – 22 octobre, Shanghai : CMEF-China Medical Equipment Fair/ICMD, Salon des équipements médicaux

20 – 23 octobre, Shenzhen : International Gifts And Home Products Fair, Salon international du cadeau et des produits pour la maison

20 – 26 octobre, Tianjin : CFDF – China Food & Drink Fair, Salon chinois bi-annuel renommé dans l’industrie du vin et plus largement dans l’industrie F&B

22 – 24 octobre, Pékin : China WindPower, 12ème édition de ce salon et conférences sur l’énergie éolienne

22 – 25 octobre, Pékin : IEEV China – International New Energy and Intelligent Connected Vehicles Exhibition, Salon et conférence sur les véhicules électriques et sans chauffeur

23 – 25 octobre, Shanghai : Vinexpo, Salon international du vin

23 – 26 octobre, Shanghai : CEMAT ASIA, Salon des matériels de manutention, des techniques d’automatisation, de transport et de logistique

23 – 26 octobre, Shanghai : COMVAC ASIA, Salon mondial de l’air comprimé et du vide

23 – 26 octobre, Shanghai : PTC ASIA, Salon de la transmission et du contrôle de puissance, l’hydraulique et la pneumatique, les techniques de l’air compressé, les moteurs à combustion interne et les turbines à gaz

24 – 25 octobre, Pékin : AT@CHINA, Forum dédié à l’aviation et au tourisme chinois à l’étranger

26 – 27 octobre, Shanghai : CHINA EDUCATION EXPO, Salon international de l’éducation et des formations supérieures

26 – 28 octobre, Qingdao : CIAME, Salon asiatique des machines agricoles

29 octobre, Shanghai : ACCESS MBA, Forum d’information sur les opportunités de MBA dans le monde

30 octobre – 1 novembre, Shanghai : CEF – China Electronic Fair, Salon chinois de l’électronique

30 octobre –  1 novembre, Pékin : ILOPE, Salon international de l’industrie de l’optoélectronique et de la photonique

30 octobre – 1 novembre, Shanghai : ILTM, Salon asiatique du tourisme de luxe

30 octobre – 1 novembre, Qingdao: China Fisheries & Seafood Expo,  Salon chinois des fruits de mer

30 octobre, Pékin : World’s Leading Wines – Pékin, Rencontres d’affaires pour les plus renommés des importateurs et distributeurs de vins de qualité

31 octobre, Pékin : ACCESS MBA, Forum d’information sur les opportunités de MBA dans le monde

1 novembre, Shanghai : World’s Leading Wines – Shanghai, Rencontres d’affaires pour les plus renommés des importateurs et distributeurs de vins de qualité

2 – 4 novembre, Xiamen : WCO – World Ocean Congress, Salon mondial et congrès des ressources de l’océan

4 – 6 novembre, Shanghai puis Pékin : Visite officielle du Président de la République Française, Monsieur Emmanuel Macron

6 – 8 novembre, Shanghai : EP Shanghai & Electrical Shanghai, Salon international des équipements, de la production et de la distribution électriques

7 – 10 novembre, Shanghai :  Shanghai Contemporary Art Fair, Foire internationale d’art contemporain de Shanghai

9 – 11 novembre, Canton : Interwine China , Salon chinois international du vin, de la bière, et des procédés, technologies et équipements pour les boissons

12 – 14 novembre, Shanghai : FHC – Food and Hotel China, Salon international de la restauration et de l’hôtellerie

12 – 14 novembre, Shanghai  : Metro China Expo, Salon international et conférence sur la transport par rail urbain et régional

12 – 14 novembre, Shanghai  : PROWINE, Salon international du vin et des spiritueux en Chine

13 – 15 novembre, Shanghai : OI China – Oceanology International China Exhibition, forum durant lequel l’industrie des sciences de la mer, les universités et les gouvernements partagent leurs connaissances en océanologie

13 – 17 novembre, Shenzhen : China Hi-Tech Fair, Salon international des nouvelles technologies

15 – 17 novembre, Shanghai : AirExpo China, Salon international des technologies et des services liés à l’aviation

15 – 17 novembre, Shanghai : Paperworld, Salon international de la papeterie, de matériel de bureau et de loisir créatif

16 – 17 novembre, Santiago (Chili) : APEC 2019