Le Vent de la Chine Numéro 33 (2017)
Le 18 octobre s’ouvre le XIX Congrès du Parti, point d’orgue entre deux quinquennats, qui verra 2287 délégués renouveler le Comité Central (« Parlement » interne) et autres instances dirigeantes. La tension est à son comble, la presse et même les rumeurs s’épuisent en un silence abyssal, tandis que des policiers venus en renfort, tiennent les artères constellées de slogans…
Comment la population appréhende-t-elle ce grand rendez-vous ? Elle affiche une profonde indifférence, comme si ces affaires publiques ne la concernait pas. Elle avait d’ailleurs d’autres préoccupations : les vacances, à l’occasion de la fête nationale et celle de la mi-automne (1-8 octobre). Ils furent 705 millions — véritable marée humaine qui s’empressa épaules contre épaules sur la Grande Muraille, admirer les soldats en terre cuite à Xi’an, ou se balader à dos de chameau sur les dunes de Dunhuang (cf photo)… Des bouchons phénoménaux bloquèrent les vacanciers près Shanghai ou sur le pont de Humen (Canton), pendant 12 heures, causant disputes, pertes d’enfants et de connaissance…
Pendant cette « semaine d’or », le Chinois s’adonna au shopping intensif, encouragé par l’Etat au nom de la croissance. Chaque jour, les tiroirs-caisses enregistraient 226 milliards de $ en moyenne, soit +10,7%.
Mais les citadins mirent en sourdine leur engouement pour les achats fonciers : soit en raison de nouveaux freins de l’Etat à la spéculation foncière, ou bien dans l’attente de futurs changements des lois. Résultat à Pékin, Shanghai ou Canton : 78% de recul des ventes, malgré des rabais jusqu’à 20%.
Toujours obéissants aux directives, les vacanciers boycottèrent la Corée du Sud, devenue indésirable suite à l’affaire THAAD. En ce pays du Matin Calme, 70% des touristes chinois de 2016 manquaient à l’appel. Du coup, la Corée du Sud, qui était leur destination préférée l’an passé, est rétrogradée au 6ème rang.
Néanmoins, de nouvelles tendances émergent, de comportements curieux d’autres cultures : en Chine et hors frontières (pour ceux qui en ont les moyens), les Chinois commencent à se distancier des voyages organisés. Ils sont nombreux désormais à voyager en famille ou entre amis, avec guides pour des circuits « cousus-main ». Les 1% qui avaient choisi ce type de formule en 2016, passaient cette année à 11% selon Ctrip, le célèbre voyagiste en ligne.
Six millions de vacanciers se sont dirigés vers 88 pays dont 70% en Asie, mais c’est la Thaïlande qui emporte la palme. Ils y dépensent toujours autant (1500$/personne), et rajeunissent : 60% d’entre eux ont entre 19 à 45 ans. Et surtout, ils se féminisent : la majorité sont des femmes, désormais plus nombreuses que les hommes à vouloir partir plus loin et risquer la confrontation avec d’autres valeurs.
De plus en plus, ils se montrent soucieux d’améliorer leur image à l’étranger, par un comportement plus discret et respectueux des règles locales. Ils sont encouragés en cela par le bureau national du tourisme, les avertissant par voie de presse d’« embellir les paysages, en se montrant civilisés ».
Deux régions cette année, ratèrent leurs vacances.
Au Sichuan, le fameux parc de Jiuzhaigou, endommagé en août par un séisme, a fermé et le restera au moins un an.
Au Xinjiang aussi, fonctionnaires et universités furent privés en dernière minute (le 2 octobre) de congés, sans explication. C’était peut-être pour prévenir tout trouble en cette région instable. Pour les autorités locales, impossible de prendre le moindre risque à la veille du XIX Congrès.
À la veille de l’ouverture du XIX. Congrès, un état des lieux s’impose :
– Pour son dernier Plenum du quinquennat 2012-2017 (9-13 octobre) avant renouvellement, le Comité Central fait le nettoyage, écartant une douzaine de cadres mouillés dans des scandales : 8 membres et 3 suppléants sont exclus. En tête de la liste, Sun Zhencai, ex-secrétaire du Parti à Chongqing, ex-prétendant au pouvoir suprême en 2022, est suivi par Xiang Junbo l’ex-patron de la tutelle des assurances et Huang Xingbo, l’ex-secrétaire du Parti au port de Tianjin. Le Plenum a aussi arrêté la composition du prochain Comité Central, et les amendements à la charte du Parti, incluant probablement l’intégration d’une « théorie de Xi Jinping ».
– Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque Centrale depuis 15 ans, fait son dernier appel, en forme de chant du cygne : le gouvernement devrait « libérer les comptes des capitaux, renoncer à l’encadrement du yuan et déréguler le commerce et les investissements ». Zhou précise que « ces trois mesures sont interdépendantes – et toutes obligatoires pour créer une économie ouverte. ».
Dans cette interview donnée à Caixin, Zhou suggère que cette demande ancienne, a été contrecarrée par les objections de différents ministères ancrés sur la défense de leurs privilèges sectoriels. Il exhorte donc à aller de l’avant : « Si l’on attend que tous les ministères soient d’accord, on n’atteindra que l’irresponsabilité et le blocage. Et pourtant, adopter ces trois mesures n’établira que l’indépendance de la Banque Centrale, mais non celle des autres grands corps de l’Etat, qui resteront assujettis ! »
– Une improbable rumeur circule, évoquant un refroidissement entre Xi Jinping, le maître du pays, et Wang Qishan le président de la CCID, Commission Centrale de la Discipline—la police du Parti.
Lancée dès mars depuis les Etats-Unis par le transfuge milliardaire Guo Wengui, celle-ci est alimentée le 9 octobre, par la publication de deux communiqués successifs, suite au Plenum de la CCID du 6 octobre. Le 1er document n’avait pas évoqué le chef de l’Etat, et le second avait rappelé que la CCID demeurait une institution subordonnée à la supervision du Comité Central.
Prise avec fort scepticisme par les observateurs, cette rumeur a le mérite d’expliciter la tension du moment. La question de fond est celle du maintien en poste ou non de Wang Qishan lors du quinquennat suivant (2017-2022). De bonnes sources évaluent à 40% les chances de Wang de se maintenir au pouvoir, dans son poste présent ou dans un autre (y compris économique, sa compétence d’origine), et à 60% celles de le voir prendre sa retraite. Son départ priverait Xi Jinping d’un allié capable, forgeron de la campagne anti-corruption.
Un ex-premier ministre taïwanais prédit lui, que Wang Qishan serait nommé à la tête d’une toute nouvelle Commission Nationale de Supervision, en préparation depuis 18 mois, et aux pouvoirs exceptionnels sur les autres institutions centrales et provinciales.
Si cette nomination se confirme, se posera la question des autres membres du Comité Permanent atteints comme Wang par la limite d’âge de 68 ans (règle implicite), tels Liu Yunshan ou Zhang Dejiang, qui ne sont pas des alliés de Xi. Un avenir désormais imminent, enseignera comment Xi s’y sera pris pour régler cette épineuse question.
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Contrôle resserré
A l’approche du XIX Congrès, on assiste à un resserrement considérable du contrôle social : WeChat surveillé, Whatsapp bloqué, internet et VPN au ralenti, contrôles policiers, censure renforcée… Pékin est sous cloche. Airbnb, plateforme communautaire de logement en ligne, voit même son activité locative interdite dans la capitale jusqu’à fin octobre.
Dans la même veine, Meng Jianzhu, patron national des systèmes de contre-espionnage, réclamait récemment un renforcement de l’effort de développement de l’Intelligence Artificielle (IA) appliquée au contre-terrorisme.
Sont au programme, l’exploitation des « big data », la création d’algorithmes, la reconnaissance faciale et l’interconnexion des réseaux des millions de cameras publiques à travers le pays. Publié en juillet, un plan national sur l’IA ambitionne de porter le chiffre d’affaires des industries de l’IA à 150 milliards de ¥ en 2020, et 400 milliards en 2025.
China Electronics Technology, consortium public, a reçu du Conseil d’Etat la commande d’un logiciel de récupération des données professionnelles et privées des individus ordinaires, dans le but de prévoir tout passage à l’acte séditieux ou terroriste. La presse annonçait également l’ambitieux projet d’un fichier national biométrique de toute la population, permettant la reconnaissance faciale instantanée.
Enfin, le 6 octobre fut lancée la ligne de fibre optique Pékin-Shanghai, fonctionnant sur la base de la théorie des quantum : premier maillon d’un réseau sécurisé (inviolable) de communication, à disposition des institutions financières, de la police, de l’armée.
On garde en mémoire les protestations de Pékin à l’Union Européenne et aux Etats-Unis : à compter du 12 décembre 2016, le ministère chinois du Commerce revendiquait son dû dans le cadre du traité de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), le statut d’économie de marché, promis en 2011 par ces blocs commerciaux. Il n’y avait rien à discuter – cette provision figurait noir sur blanc dans le Traité, à l’issue des 15 ans de période « transitoire ».
Le problème tenait bien sûr à la définition dudit statut, de l’adéquation du commerce chinois à la loi mondiale de l’offre et de la demande. Difficile de qualifier de « libre » ou « de marché » l’économie chinoise, avec ses dizaines de conglomérats pilotés par le super ministères de la SASAC, et régulièrement refinancés par la planche à billets. D’autant que l’Etat se sert de ces consortia comme fer de lance de ses espoirs d’expansion sur le reste du monde. Ainsi, le groupe suisse Syngenta, n°2 mondial de l’agrochimie et des semences OGM, racheté 43 milliards d’euros par ChemChina sur des emprunts garantis par l’Etat, doit lui servir à assurer un bond en avant agronomique, sur son sol et dans les pays émergents.
De même, par le jeu de subventions, d’allégements d’impôts ou de fourniture d’électricité à bas prix, les aciéries chinoises inondent les marchés occidentaux, menaçant l’existence de leurs concurrents. Durant les années de transition, Bruxelles protégeait ses 28 Etats membres par une taxe représentant l’écart entre le coût « réel » des produits chinois et leur prix-catalogue. La taxe était calculée à partir des données d’un pays tiers (Brésil, Inde…) – les données chinoises étant jugées manipulées et non recevables. Mais la Chine dénonçait ce procédé comme discriminatoire, puisque appliqué à elle seule – ce qui est interdit par l’OMC.
Aussi le 3 octobre, les trois branches de l’autorité européenne (Commission, Conseil et Parlement) ont trouvé une nouvelle solution. À compter du 1er janvier 2018, tous les pays de l’OMC seront logés à même enseigne : le dumping sera établi en cas de prix à l’export inférieurs au cours domestique, quelque soit le pays. L’astuce ici, tient en ceci : l’UE se réserve des exceptions en cas de « distorsions significatives », si un plaignant peut prouver que la distorsion résulte d’un protectionnisme excessif.
Ainsi, Bruxelles sauvera ses droits compensatoires, et pourra même les renforcer, en y intégrant les distorsions pour couverture sociale insuffisante, et protection défaillante de l’environnement.
Au Parlement Européen, les détracteurs ont vite dénoncé le report de la charge de la preuve du producteur chinois sur son concurrent européen. Mais la Commission a rassuré en informant qu’elle prépare des rapports sur les arsenaux protectionnistes de tout « grand pays qu’elle soupçonne de distorsions » : ils seront à disposition des plaignants des 28 Etats, pour instruire toute plainte anti-dumping.
Vieux problème, cette affaire des dumpings chinois constitue un litige de fond dans la relation Chine-Euro-pe. Jusqu’à présent, en dépit de ses hululements, Pékin a eu partie belle, face à une UE en fin de compte plutôt tolérante vis-à-vis d’exportations chinoises en progression exponentielle. Mais les temps changent.
L’affaire du Brexit et d’autres phénomènes récents, font apparaître un désamour parmi les opinions des Etats membres vis-à-vis du « machin » européen (selon le mot du Général de Gaulle), vécu comme technocrate, ultralibéral et sourd aux appels des populations locales. Mais Bruxelles se réveille et veut reprendre l’initiative – surtout face à la menace chinoise. Cette prise de conscience est une des raisons probables de la remise à niveau de sa « grande muraille » – l’autre étant l’obligation, face à l’OMC, de mettre fin à la protection établie à titre transitoire.
Une autre initiative à attendre à l’avenir, pourrait être la création d’un office européen calqué sur son homologue américain pour valider—ou interdire– les rachats étrangers d’actifs agricoles ou industriels.
Certainement dans un même souci d’autodéfense de leurs industries, Allemagne et France, fin septembre, bouclaient les tractations de fusion des branches ferroviaires Alstom et Siemens. La nouvelle entité aura des actifs de 15 milliards de $ pour 60.000 employés. Cette alliance doit être vue comme la réponse européenne à la concentration des groupes ferroviaires chinois en la CRRC, pesant 33 milliards de $. Si la fusion n’avait pas eu lieu, le risque de rachat « hostile » par le mastodonte chinois était sans doute inéluctable, vu l’imbattable capacité de la CRRC à financer ses chantiers à travers le monde.
Un tel renforcement des protections européennes apparaît aussi urgent, vu la mutation de l’économie chinoise et le projet de « une ceinture, une route » (OBOR ou « Nouvelles routes de la soie ») destiné à élargir son hinterland économique au monde, et sur lequel Pékin veut voir déverser 1000 milliards de $ à terme. Déjà chaque semaine, des dizaines de convois de marchandises sillonnent de nouvelles lignes à travers l’Eurasie. L’une d’elle, passant par Tomsk (Russie), charge les meubles d’une manufacture où la Chine a investi 960 millions de $. Simple exemple parmi d’autres, de cette économie chinoise globalisée.
Pour conclure, ce nouveau dispositif anti-dumping européen est loin de remplir les espoirs de la Chine – il ne fait que remplacer l’habillement juridique de l’armure précédente. Mais quelle sera la réaction de Pékin ? Comme prévu, elle ne l’entend pas de cette oreille et a déjà déclaré le 12 octobre que les « Etats-Unis et l’UE ne comprennent rien aux règles de l’OMC ». Aucun doute que ses prochains leviers de guerre commerciale sont déjà prêts…
Journaliste chevronné (Le Monde, AFP…), François Bougon réalise le portrait de Xi Jinping (éd. Actes Sud, oct. 2017), l’un des hommes politiques les plus puissants, et en tout cas l’un des plus secrets. Pour F. Bougon, Xi Jinping s’est donné pour mission de sauver le Parti, en lui redonnant une légitimité idéologique.
Xi est marqué par la chute de l’URSS en 1991, suite à la « mollesse » de Gorbatchev. Résolu à éviter cette faute, il voit le salut du Parti dans la lutte pied à pied contre la démocratie, et la réactivation d’un marxisme aux couleurs de la Chine.
En ce réarmement moral, une figure inattendue fait son retour : Confucius. Une réhabilitation paradoxale, car il avait été taxé d’« obscurantisme » par Mao. Désormais il est l’un des 3 piliers du régime, aux côtés de l’aile mao-nostalgique et de la droite réformatrice, tous invités à contribuer au « Rêve de Chine » – à commencer par l’éradication de la pauvreté d’ici 2021, au 100ème anniversaire du Parti.
Bougon cite le document « n°9 » de 2013, secret au départ, fui entretemps : Xi Jinping y pourfend les « valeurs universelles », la « démocratie constitutionnelle», les ONG, les « forces hostiles » de l’étranger, et le « nihilisme historique » – le fait de tourner en dérision les héros révolutionnaires et leurs actes.
Une période-phare de la vie du jeune Xi est la Révolution culturelle. Son père Xi Zhongxun, général révolutionnaire, fut accusé d’être « anti-Parti » et mis en disgrâce. Loin de vouloir défendre son père, Xi prétend « effacer sa faute », en partant « se rééduquer » au Shaanxi, à la campagne. Après coup, le reste de sa vie, Xi portera le culte de son père – comme pour se pardonner ce lâchage. C’est peut-être une clé de lecture du personnage.
Bougon se pose les questions de l’existence d’un Xi’isme, d’une pensée politique propre – et des chances de survie d’un régime ayant tourné le dos à toute concession et toute réforme politique. L’auteur suggère que le pouvoir, entré dans la dernière phase de son existence, joue ses dernières cartes et ne pourrait survivre plus d’une à deux décennies. Sous l’angle économique, Xi veut rendre ses concitoyens réactifs et créatifs, pour obtenir des entreprises et des universités mondialement compétitives. Mais sous l’angle politique, Xi veut en même temps maintenir cette société muselée. Un tel grand écart devrait devenir rapidement intenable : « aucun Parti ne peut régner ad vitam aeternam », conclut F. Bougon, citant le politologue américain David Shambaugh.
« Les sanctions de Pékin nous font moins peur que la concurrence sauvage chinoise », déclare cet industriel sud-coréen, évoquant la crise causée par le déploiement du parapluie américain anti-missiles THAAD en banlieue de Séoul. Cette prise de position surprend quand on découvre l’ampleur des dégâts pour la Corée du Sud depuis janvier, suite aux rétorsions chinoises. Sur le marché chinois, Hyundai a vendu -41% et Kia, -50%. Les PME coréennes ferment et rentrent au pays. Et les deux Banques Centrales viennent de renouveler à grand-peine un accord de 2009, qui permettait l’échange de devises (« swap ») pour 56 milliards de $.
La plus grande victime est Lotte, le géant coréen de la distribution et de l’alimentaire. 87 de ses 112 magasins chinois ont été fermés. Le groupe Lotte est dans le collimateur pékinois, car c’est lui qui a prêté son terrain de golf proche de Séoul pour accueillir les rampes américaines.
Clairement, Pékin veut faire payer au prix fort la « trahison » de Séoul : le THAAD, réseau de missiles et radars de pointe, est déployé pour protéger le sud de la péninsule d’une éventuelle attaque nucléaire nordiste, mais la Chine soupçonne les USA de vouloir aussi neutraliser, le cas échéant, les missiles chinois à longue portée. Aussi, Lotte en a tiré les conclusions et est en train de revendre, avant Noel, son parc de supermarchés en Chine.
Au fil du temps cependant, il apparaît de plus en plus clair que la grosse colère « politique » de Pékin n’est qu’un prétexte. La vraie raison du clash est bien celle alléguée par les industriels sudistes : la montée en puissance des groupes chinois, surtout en électronique et électroménager. Toujours plus vite, Huawei et Haier deviennent rivaux de Samsung et LG sur les marchés étrangers. Cependant, il est extraordinaire de constater que les échanges sino-coréens sont plus florissants que jamais ! Depuis janvier, les échanges ont progressé de 12%, à 88 milliards de $, dont le quart en semi-conducteurs (+50%), indispensables aux industriels chinois du smartphone. Les Chinoises ont acheté pour 953 millions de $ de cosmétiques, et ne rêvent que de la mode de Séoul, de ses chanteurs et de ses soap-operas.
En juillet 1984, au lycée de Nanling (Anhui), Liu Yongbiao attendait les résultats du Gaokao (bac), qu’il venait de passer. C’état un élève médiocre, sauf en lettres, qu’il adorait. Ses profs l’accusaient d’un gros « poil dans la main », et aucun n’aurait misé sur lui un yuan pour un bel avenir—d’autant que les résultats du bac venaient de tomber : il ne figurait pas sur la liste des admis.
Dès lors, ses parents désespérés, pensant à leurs années de sacrifices pour lui offrir sa chance, lui présentèrent leur ultimatum : finies les études, Yongbiao allait devoir les rejoindre, les assister aux travaux des champs !
Yongbiao cependant nourrissait d’autres ambitions. Se voyant mi-brigand, mi-poète, il refusait de passer sa vie dans la glèbe et l’indigence, comme ses parents et ses ancêtres avant lui.
Pour réussir, il comptait sur l’écriture, sa belle gueule et son bagou. En attendant la gloire, il s’offrit une chambrette en ville, et survécut de petits jobs. Entre deux emplois précaires, il rédigeait les petits faits de ses jours, romancés en poèmes ou chroniques. En 1985, il fut publié, et puis primé par la Fédération des écrivains de l’Anhui. Il reçut un chèque et donna une poignée d’interviews – un début prometteur, à juste 21 ans ! Était-ce pour lui le tournant, où il « s’arracherait à la mer amère » (tuō lí kǔ hǎi , 脱离苦海) ?
Ce petit succès lui permit en tout cas de conquérir le cœur de Zhu Meilin, qui en pinçait pour lui mais s’était refusée jusqu’alors, faute d’une situation stable.
Une fois mariés, Meilin lui donna en ‘92 une fillette, heureux événement, mais hélas immédiatement suivi d’une bien mauvaise nouvelle : la petite avait un trouble oculaire congénital. Il serait peut-être opérable plus tard, mais les chances de succès étaient faibles.
Hélas pour Yongbiao, le coup d’éclat littéraire n’eut pas de suite. Or, il fallait faire bouillir la marmite, et payer les consultations, les soins de la petite… Yongbiao dut prendre un emploi stable, tout en publiant quand même, ça et là, des « œuvrettes » dans les journaux du coin !
Les choses se dégradèrent en 1995, avec la crise. À travers le pays, Zhu Rongji le Premier ministre, était en train de faire fermer des milliers d’usines sans avenir. Yongbiao, 31 ans, comme des millions d’autres, perdit son emploi.
Au moins, il n’était pas seul dans cette galère. Wang Ming, de 11 ans son ainé, était son frère de sang, partageant avec lui ses années de chien. Ming avait rêvé devenir juge. Dans la vraie vie, il n’était qu’un « conseiller juridique », titre fumeux qu’il s’était accordé lui-même. Ainsi, il allait de ferme en ferme, offrir ses services comme conciliateur entre voisins, réglant des litiges de vache crevée ou de clôture malicieusement déplacée par nuit sans lune. Ces derniers temps, les affaires allaient mal pour Ming…
Mais Yongbiao et Ming avaient deux mauvais génies, bloquant impitoyablement leur réussite : la paresse et le vice ! Presque chaque soir, les deux compères s’en allaient bras dessus, bras dessous, rejoindre d’autres garnements. Ils vidaient des verres de « baijiu », faisaient claquer sur la table les petits cubes d’opaline du mah-jong, se battaient plus souvent qu’à leur tour, et trouvaient leurs partenaires pour divers trafics interlopes et petites arnaques.
Le voyant revenir ivre, la bourse vide et chargé d’ecchymoses chaque nuit à pas d’heure, Meilin souffrait en silence. Mais un matin de novembre 1995, n’y tenant plus, elle le rappela à ses devoirs : il fallait trouver 5000 yuans (une fortune, à l’époque) pour l’opération de Huahua, faute de la voir perdre ce qui lui restait de vision…
Ming n’hésita pas à proposer son aide à son copain : ils partiraient pour un plan de la dernière chance. Une opération où l’on irait jusqu’au bout, quoiqu’il en coûte : l’échec n’était pas une option !
Ce 28 novembre, ils prirent le bus pour Huzhou (Zhejiang), grande ville de la province voisine, que Ming connaissait pour y avoir travaillé dans le textile. Sur place, ils descendirent à la modeste auberge Weilisheng. À eux deux, ils totalisaient 132¥, de quoi tenir deux nuits. L’étage ne comptait qu’un autre client, un quadragénaire en beau costume : le gars avait du blé, c’était sûr ! Quand Yu –c’était le nom de ce voyageur du Shandong – était descendu prendre son dîner, Yongbiao avait passé leur clé dans sa serrure : miracle, elle marchait !
Dès lors, le plan était tout trouvé : au plus noir de la nuit, ils entreraient dans sa chambre, le dépouilleraient puis repartiraient, ni vu ni connu !
À 3 heures du matin, ils firent incursion. Mais l’homme ne dormant que d’un œil, s’éveilla et tout de suite cria pour donner l’alerte : ils n’avaient d’autre choix que lui défoncer le crâne de coups de marteau dont ils s’étaient munis. Mais voilà qu’à la porte, se profilait le patron, éveillé par les cris : pas d’histoire, il fallait coûte que coûte, l’éliminer. Et puis sa femme aussi, qui criait de terreur dans la chambre voisine, et qui les supplia de l’épargner avec leur petit-fils de 13 ans. Comme en transe, ils les firent passer tous trois de vie à trépas !
Tous leurs plans étaient bouleversés, et leurs cœurs battaient la chamade. Chez le commis voyageur, ils trouvèrent le portefeuille, mais panique, il ne contenait que 10¥ ! Amateurs qu’ils étaient, ils ratèrent les 7000¥ en liasses de billets roses, cachées entre ses mollets et le caleçon long… Chez l’hôtelier, ils trouvèrent un peu de cash, butin qu’ils complétèrent d’une montre et d’une bague.
Et puis, abandonnant dans leur chambre leurs bagages, avec de multiples indices et pièces à conviction, ils s’enfuirent dans la nuit, vers leur nouveau destin d’assassins en rupture du ban !
Quel avenir pour ces deux paumés ? La suite, défiant toute imagination, au prochain numéro.
15 octobre – 4 novembre : Canton : Foire d’automne de Canton
15-17 octobre, Shanghai : ACE – AgroChemEX
18-20 octobre, Shanghai : China Toy Expo, Salon international du jouet
18-21 octobre, Pékin : IEEV China – Energy-Saving and New Energy Vehicles Exhibition
19-21 octobre, Chengdu : China Food & Drinks, Salon de l’alimentation et de la boisson
20-22 octobre, Shanghai : China Attraction Expo, Salon chinois des parcs d’attraction
21-22 octobre, Pékin : China Education Expo, Salon international de l’éducation et des formations supérieures
21-25 octobre, Yiwu : Yiwu Commodities Fair, Salon international des articles d’usage courant
21-22 octobre, Canton : CACFAIR, Salon des produits d’origine naturelle
21-29 octobre, Shanghai / Canton/ Chengdu : China Education Expo, Salon international de l’éducation et des formations supérieures
22-26 octobre, Zhongshan : China (Guzhen) International Lighting Fair, Salon international de l’éclairage décoratif, industriel et LED