Le Vent de la Chine Numéro 31-32 (2023)

Ne dit-on pas qu’il vaut mieux tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler ? Li Jiaqi, célèbre influenceur connu pour avoir vendu 150 000 rouges à lèvres en cinq minutes, aurait peut-être dû s’inspirer de ce proverbe le 10 septembre, lors de l’une de ses sessions en live-streaming, sorte de « téléachat » sur Internet.
Vantant les mérites d’un crayon à sourcils, l’animateur a soudainement perdu son sang-froid en lisant le commentaire d’une internaute trouvant le prix affiché (79 yuans) trop élevé : « qui peut dire que c’est trop cher ? Arrête de dire n’importe quoi, le prix est le même depuis des années ! La période est difficile pour les marques chinoises (…). Il faut être capable de te remettre en question et de te demander pourquoi est-ce que ton salaire n’a pas augmenté ces dernières années ? As-tu travaillé suffisamment dur ? », a lancé l’animateur, visiblement agacé.
Les réactions des internautes ne tardèrent pas, critiquant l’attitude arrogante de Li Jiaqi et son manque d’empathie vis-à-vis des « petites gens » à qui il doit pourtant son succès. Malgré des excuses en direct, la larme à l’œil, le jeune homme de 31 ans vit le nombre de ses abonnés fondre d’un million sur Weibo tandis que les commentaires négatifs continuèrent d’affluer les jours suivants… A quelques semaines du fameux festival de e-commerce « 11.11 », le « roi du rouge à lèvres » et Taobao – plateforme d’Alibaba sur laquelle il se produit – se seraient bien passés de cette polémique.
Si cet épisode peut sembler anecdotique, il en dit long sur l’état de l’économie chinoise et sur l’état d’esprit des jeunes qui ont parfois du mal à joindre les deux bouts. « Tu ne sais rien du climat économique actuel, de nombreuses personnes travaillent dur juste pour garder leur boulot », a taclé un internaute, s’adressant à Li Jiaqi.
De fait, le rebond « post-Covid » tant attendu n’a pas eu lieu et les indicateurs économiques des derniers mois sont loin d’être reluisants : la croissance économique est au plus bas depuis 45 ans (et ne devrait pas atteindre les 5% de croissance fixés par Pékin en début d’année), le chômage des jeunes est le double d’il y a quatre ans (un constat embarrassant qui a poussé Pékin à suspendre la publication de cet indicateur), les salaires à l’embauche n’augmentent plus et ont même baissé à Shanghai et Pékin (respectivement -9% et -6% selon la plateforme de recrutement Zhaopin), les ventes au détail restent en deçà des attentes, les appartements peinent à se vendre, les exportations ralentissent, le yuan est au plus bas, la dette des gouvernements locaux augmente de façon exponentielle, les investissements directs étrangers (IDE) en Chine ont chuté au 2nd trimestre, de 87% sur un an selon le groupe Rhodium – seulement -5% d’après Pékin, le tout sur fond de dégringolade démographique…
Même si les statistiques économiques publiées par Pékin pour le mois d’août indiquent une légère embellie estivale, elles semblent également avoir pour mission de venir contredire les oiseaux de mauvais augure qui prédisent à la Chine un « moment Lehman », une « japonisation » (population vieillissante, hausse de la dette publique, krach immobilier…) ou encore « la fin du miracle économique chinois ».
Lors d’une conférence organisée le 20 septembre, des dirigeants de l’organisme de planification de l’économie (NDRC), de la Banque Centrale, du Ministère du Commerce et de celui de l’industrie et des technologies de l’information (MIIT) ont sévèrement condamné ce qu’ils considèrent comme des « efforts malveillants » pour « diffamer les perspectives économiques chinoises ». « Ce genre de rhétorique n’a jamais atteint son but, ni dans le passé, ni maintenant, ni à l’avenir », a lancé Cong Liang, vice-directeur de la NDRC. Tout en admettant que la Chine est confrontée à un certain nombre de difficultés, « nous avons toutes les raisons de rester confiant en l’avenir », prenant pour preuve la résilience passée de la Chine durant la crise financière asiatique de 1997 ou encore la crise financière mondiale de 2008.
Même posture défensive dans la presse officielle : dans une série de commentaires publiés le 17 septembre, Xinhua prend pour cibles les médias et hommes politiques étrangers qui « dénigrent l’économie chinoise » (le Président américain Joe Biden et son ambassadeur à Tokyo n’ont qu’à bien se tenir). Cependant, ces articles n’ont pas eu l’effet attendu : au lieu de susciter un élan nationaliste, les internautes se sont mis à échanger sur leurs propres expériences au quotidien. Personne ne connaît mieux l’état de santé de l’économie chinoise que les Chinois eux-mêmes (les ouvriers, les chauffeurs de taxi, les restaurateurs, les livreurs, les employés de bureaux…), argumentent-ils. Et tous semblent unanimes : les affaires étaient meilleures hier.
Alors, pourquoi Pékin ne semble-t-il pas décidé à prendre le taureau par les cornes et à consentir à un stimulus économique plus conséquent ? Une telle décision ne pourrait être approuvée que par Xi Jinping en personne. Or, la rumeur voudrait que ce dernier ait sa propre conception de l’économie, avec une préférence idéologique marquée pour l’austérité et une vision très claire de sa mission à la tête du pays : résoudre des problèmes auxquels aucun de ses prédécesseurs n’a osé s’attaquer, quitte à sacrifier la croissance à court terme. En somme, si la Chine est une bombe à retardement, tel que l’affirme Joe Biden, Xi Jinping espère bien la désamorcer. Mais pas sûr que la population chinoise voie les choses du même oeil…

Le déploiement était impressionnant, voire inédit : entre le 11 et le 18 septembre, l’Armée Populaire de Libération a envoyé vers Taïwan 20 navires de guerre et 103 avions de combat, battant le triste « record » d’août 2022, suite à la visite de Nancy Pelosi à Taipei. A l’époque, de nombreux commentateurs avaient mis […]

Début septembre 2023, annonce fut faite que Kim Jong-un se rendrait en Russie au cours du mois. Le 10 septembre, la réunion a été confirmée par les deux parties après que le dirigeant coréen ait quitté Pyongyang dans son train blindé personnel (déjà utilisé pour sa visite en Russie en 2019). Le sommet entre les deux […]

23 millions : c’est le nombre de tickets de train vendus en seule journée lors de l’ouverture des ventes pour les vacances de la « golden week » (29 septembre au 6 octobre) – un record. La « SCNF » chinoise prédit 190 millions de voyages durant la période allant du 27 septembre au 8 octobre, soit le double de l’an passé (encore sous « zéro Covid ») et 37% de plus par rapport à 2019, avant la pandémie. Dans les airs, c’est 21 millions de passagers que l’Administration nationale de l’aviation civile (CAAC) attend durant les vacances, soit 17% de plus qu’en 2019.
Parmi les destinations plébiscitées : Wuhan, Chongqing, Zhengzhou, Changsha, Chengdu et Hangzhou qui se prépare à accueillir les Jeux asiatiques (22 septembre au 8 octobre). La plateforme Qunar, elle, dévoile que les touristes sont également attirés par des villes plus petites comme Handan, Luoyang, Liuzhou, Huaian et Yichun. A l’international, ce sont des destinations « proches » comme Hong Kong, Séoul, Kuala Lumpur et Singapour qui étaient les plus recherchées d’après l’institut de recherche « Big Data » de la plateforme Qunar. Malgré la polémique autour de la décharge des eaux contaminées de Fukushima, Tokyo faisait également partie du top 5…
Comment expliquer ce rebond touristique ? Est-ce l’effet « festival de la mi-automne » qui tombe en même temps que la « golden week » cette année ou alors une envie de rattraper le temps perdu durant ces premières « longues vacances » depuis la fin de la politique « zéro Covid » (hors Nouvel an chinois, traditionnellement réservé aux familles) ? La véritable question est peut-être celle du montant dépensé par les touristes : sera-t-il, lui aussi, plus élevé (ou égal) que les chiffres pré-pandémiques ? Jusqu’à présent, toutes les autres vacances et week-ends prolongés se sont montrés en-dessous des attentes, à tel point que voyager avec trois sous en poche est devenu une mode chez les jeunes…
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9,3% : c’est le pourcentage de chances en moins que les jeunes issus des 10% des familles les plus pauvres du pays ont eu d’entrer à l’université entre 2010 et 2018, rapportent des chercheurs de l’université Beida (Pékin). A l’inverse, les élèves issus des 10 % des familles les plus privilégiées ont vu leurs chances augmenter de 5,3% durant la même période. Cette étude démontre que les différentes mesures entreprises par l’Etat jusqu’en 2018 (baisse de la fréquence des examens et du volume de devoirs, interdiction d’établir des classes de niveaux…) afin d’alléger la pression académique et de lutter contre les inégalités, n’ont pas eu l’effet escompté. Au contraire, le fossé entre les enfants les mieux et les moins bien lotis n’a cessé de se creuser : les riches ont davantage dépensé (+67%) en cours du soir (interdits pour les matières obligatoires depuis 2021) tandis que leurs enfants ont étudié en moyenne 10h de plus par semaine ! Les plus défavorisés eux, ont certes vu leurs dépenses se réduire (-21%) mais également leur temps d’étude de 9h par semaine, ce qui leur donnent moins de chances d’accéder à des études supérieures, d’après les chercheurs.
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5,4 millions : c’est le nombre de cafés latte au Maotai que la chaîne Luckin Coffee a vendu le jour du lancement de cette boisson contenant 0,5% d’alcool. Cette collaboration insolite entre le plus prestigieux alcool de sorgho de Chine et le géant du café à emporter a rencontré un succès inattendu et était au cœur de toutes les conversations sur les réseaux sociaux. Kweichow Moutai s’apprête à réitérer l’expérience en proposant ce mois-ci des chocolats alcoolisés en partenariat avec la marque Dove (du groupe Mars). En mai 2022, le groupe du Guizhou avait déjà lancé sa propre gamme de glaces qui avait, elle aussi, fait un carton. C’est un véritablement retournement de situation pour son producteur Kweichow Moutai qui a vu ses ventes lentement s’éroder sur fond de ralentissement économique – une bouteille se monnayant 2 500 yuans environ – et d’image de marque vieillissante. Pour lutter contre ce phénomène, le groupe cherche depuis 2021 à séduire une clientèle plus jeune, qui n’a peut-être jamais goûté de Maotai ou n’a pas les moyens de s’acheter une bouteille, d’où ces collaborations avec des produits de consommation courante. Une stratégie payante ? Seul le temps le dira !
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79 325 : c’est le nombre de restaurants japonais en Chine continentale, davantage qu’au Japon même ! Ce chiffre impressionnant fait de la cuisine japonaise la première « cuisine étrangère » en Chine avec 791 chaînes, dépassant même le nombre de chaînes de restaurants cantonais ou du Sichuan. Malgré le fait que Pékin ait banni fin août l’importation de poissons et fruits de mer en provenance du Japon suite à la décision de Tokyo de décharger dans l’océan les eaux contaminées de Fukushima, les izakayas (restaurants japonais servant des snacks et des boissons) en Chine ne devraient pas trop être impactés, puisque la plupart d’entre eux se fournissent auprès de pêcheurs chinois. Par contre, ce sont les clients, pas le poisson, qui pourraient venir à manquer : en effet, l’intense campagne médiatique orchestrée par Pékin, a coupé l’appétit des Chinois pour les produits de la mer, quelle que soit leur origine…

举行, jǔxíng (HSK 4) : organiser (une réunion, un évènement…) 亚运会, Yàyùnhuì : Jeux asiatiques 开幕 , kāimù : ouverture, inauguration 呈现, chéngxiàn (HSK 6) : présenter, démontrer 赛事, sàishì : compétition (sport) 政要, zhèngyào : dignitaries 致意, zhìyì : exprimer ses salutations ou ses hommages 球迷, qiúmí : fans 挤得水泄不通 , jǐ dé shuǐxiè […]

Venez écouter l’épisode 44 des « Chroniques d’Éric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine.
Episode 44 des « Chroniques d’Éric » : » La Chine en grand silence «
Bien des choses étranges se passent dans l’empire du ciel, à commencer par un silence inhabituel, entrecoupé de disparition de hauts cadres. Xi Jinping lui-même, l’empereur du silence, semble tenté par un repli sur lui-même dans son palais, comme le faisait autrefois Hu Jintao son prédécesseur, qui craignait le contact public comme son ombre. En cet épisode, je fais le tour de trois mois de cette guerre de tranchée, guerre lunaire du régime contre toute chose, l’opinion, les entreprises privées, sa propre bonne image à l’étranger, l’armée même. Tout cela, pour mieux vous situer la panne dans laquelle se débat la Chine, après 11 ans passés à renforcer les contrôles sur toute chose, par la police et par l’idéologie.
Tous ces épisodes, inspirés par mes souvenirs et l’actualité, n’ont que le double but de vous amuser et faire découvrir la Chine. – Eric Meyer

Basée sur une stricte morale confucéenne, l’éducation chinoise est supposée assurer à l’enfant un développement harmonieux et libre de conflits. Mais est-ce bien le cas ? Il se pourrait que la famille, confrontée au maelstrom des mutations de ce siècle, ait du mal à fonctionner. Interdisant toute contestation, une autorité parentale rigide impose dans la […]

26-27 septembre, Shanghai : Interfilière, Salon international de la production textile 11- 13 octobre, Shenzhen : Automotive World China, Salon international de l’industrie automobile 11- 13 octobre, Shenzhen : C-Touch & Display, Salon international des écrans tactiles et de la chaîne de fabrication des téléphones mobiles 11- 13 octobre, Shenzhen : NEPCON Asia – « PCBA & […]
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