Le Vent de la Chine Numéro 26 (2021) – Spécial 100ème anniversaire du Parti

du 5 au 11 juillet 2021

Editorial : Xi Jinping célèbre les 100 ans du Parti
Xi Jinping célèbre les 100 ans du Parti

C’était le point d’orgue des festivités du 100ème anniversaire du Parti, le 1er juillet : un discours de son Secrétaire général, Xi Jinping, depuis le balcon de la Porte de la Paix Céleste, à l’endroit même où Mao a proclamé la République Populaire de Chine, 72 ans plus tôt.

Devant 70 000 spectateurs parfaitement alignés sur la place Tiananmen, qui ont eu pour consigne de retirer leurs masques le temps de la cérémonie, le leader – vêtu d’une veste grise, similaire à celle de Mao en 1949 – a donné une allocution de plus d’une heure, vantant les succès d’un Parti qui est passé d’une cinquantaine de membres en 1921 à plus de 95 millions en 2021 : le PIB chinois a été multiplié par 50 depuis 1976, et 800 millions de personnes ont été sorties de la grande pauvreté. « Nous avons réalisé l’objectif du premier centenaire de construire une société modérément prospère à tous les égards [mesuré par un revenu moyen par habitant de 10 000 $ par an] », a annoncé le Président Xi, bien résolu à mettre son pays sur la bonne voie pour atteindre le second objectif centenaire : devenir « un pays socialiste moderne » et le « hisser au premier rang mondial » d’ici 2049. « Longue vie au Parti, longue vie au Peuple », a conclu Xi Jinping, le poing levé.

Malgré ce ton triomphaliste, « le leader du peuple » s’est également montré plus que sur la défensive. « La Chine n’a jamais malmené, opprimé, asservi le peuple d’un autre pays, et ne le fera jamais. De la même manière, les Chinois ne permettront jamais à quelque force étrangère de les malmener, de les opprimer, de les asservir », a-t-il affirmé, en une allusion à peine voilée aux États-Unis, accusés de vouloir contenir la montée en puissance « irréversible » de la Chine.

« Quiconque s’essaierait à de telles manœuvres se retrouverait ensanglanté contre la Grande muraille de fer , forgée par plus de 1,4 milliard de Chinois », a averti Xi Jinping, empruntant une expression de Mao. Même si la traduction anglaise officielle a fait abstraction de toute référence sanglante, cette déclaration ne devrait pas contribuer à améliorer l’image de la Chine qui reste au plus bas en Occident, selon les derniers sondages. Au contraire, elle pourrait renforcer hors frontières l’idée que Xi Jinping est prêt à entrainer son pays et le reste du monde sur une voie dangereuse… C’est pourtant cette phrase qui a eu le plus de succès sur les réseaux sociaux chinois, rappelant l’accueil réservé aux propos du 1er diplomate chinois Yang Jiechi à Anchorage (« les États-Unis ne peuvent plus traiter avec la Chine d’une position de force »).

En tenant ce discours passif agressif, Xi Jinping prépare la population aux dangers vers lesquels il la conduit, et tente de la convaincre du bien-fondé de son action. Surtout, il amende les bases fondamentales du contrat informel passé entre le Parti et le peuple, qui a abandonné toute velléité de réforme politique en échange de meilleures conditions de vie.

Jusqu’à présent, le PCC a tiré l’essentiel de sa légitimité du développement économique sans précédent du pays, reprenant à son compte toute avancée en tout domaine. Seulement, après trois décennies d’une croissance à pleine vapeur, le moteur montre des signes de faiblesse et les effets du ralentissement économique se font sentir, particulièrement auprès des jeunes, en mal d’opportunités. Pour le leadership, il devient donc urgent d’ajouter au contrat d’autres critères de légitimité, comme la sécurité sanitaire ou la souveraineté nationale.

C’est là que la brûlante question de la réunification avec Taïwan entre en ligne de compte. Dans son allocution, Xi Jinping a affirmé que « c’est une nécessité historique » et « une aspiration partagée par tous les fils et les filles de la nation chinoise ». Les applaudissements « spontanés » des étudiants présents sur la place Tiananmen ont semblé lui donner raison. « Le public est désormais moins excité par la poursuite du développement économique que par la réunification avec Taïwan », affirme Lu Xiang, expert à l’Académie des Sciences sociales. Même si cela reste à prouver, le Président Xi a précisé que la réunification pourrait se faire « pacifiquement », faisant ainsi taire les demandes pressantes d’une certaine frange du Parti, d’avoir recours à la force… Si Xi Jinping n’est pas à priori  favorable à une intervention armée, c’est qu’il en va cette fois, de sa propre légitimité, lui qui a mis fin au système d’alternance politique mis en place par Deng Xiaoping pour se maintenir au pouvoir jusqu’en 2027, voire 2032. Va-t-il profiter de cette nouvelle échéance pour « s’attaquer » à la réunification taïwanaise lui-même ? S’il y parvient, le moment sera historique pour le pays et pour Xi Jinping. Mais en cas d’échec, tous ses efforts pour se hisser au panthéon du Parti auront été vains, et il aura exposé le pays à des risques inédits. 


Politique : Et les nominés sont…
Et les nominés sont…

En guise de préambule à la grande célébration du centenaire du Parti qui a eu lieu le 1er juillet, le Président Xi Jinping a remis, deux jours plus tôt, une flopée de médailles du « 7.1 » (七一勋章, qīyī xūnzhāng). Depuis l’annonce de leur création en 2017, c’est la première fois que ces imposantes décorations, ornées d’une faucille et d’un marteau dorés sur fond rouge, sont décernées.

Alors que le public s’attendait à ce que des hauts dirigeants du Parti, des hauts gradés de l’armée ou des experts de haut vol soient nominés, ce sont finalement 29 « héros ordinaires » (平凡英雄, píngfán yīngxióng) d’une moyenne d’âge de 80 ans, qui ont été récompensés, dont trois à titre posthume.

« Tout le monde peut apprendre de leurs bonnes actions et leur état d’esprit peut être adopté par tous », a déclaré Xi Jinping au cours d’une cérémonie au Grand Palais du Peuple mettant en valeur son autorité. S’adressant à la jeunesse, le Secrétaire général du Parti en a profité pour rappeler que « le PCC aura besoin de nouveaux héros pour le second siècle [de son existence] ».

Parmi les lauréats, plusieurs héros de guerre, dont un soldat de 33 ans décédé en juin 2020 « suite à une provocation indienne » sur la ligne de contrôle effectif ; un gardien des îles Nansha (également appelées îles Spratleys), « protecteur de la souveraineté chinoise en mer de Chine du Sud » ; une jeune cadre impliquée dans la lutte anti-pauvreté emportée par les inondations dans le Guangxi juin 2019 ; un scientifique à l’initiative du projet « deux bombes, un satellite » ; la directrice du premier lycée gratuit pour filles dans le Yunnan ; un acteur et un compositeur connus pour leurs œuvres « rouges » ; une travailleuse communautaire dans le Ningxia ; une ancienne correspondante de Xinhua à Moscou ; un ancien diplomate ayant œuvré pendant 40 ans aux bonnes relations sino-africaines ; un chef de village ouïghour qui n’a eu de cesse de lutter contre le séparatisme, et une bergère tibétaine

D’apparence anodine, cette sélection rappelle que le Parti est la force directrice derrière tous les pans de la société et souligne les priorités du leadership (de la lutte contre la pauvreté, au développement technologique en passant par l’intégrité territoriale du pays).

Surtout, le fait de choisir des « personnes ordinaires » issues de la base est une manière de s’assurer que le PCC reste perçu comme le Parti représentant « le peuple » et « au service » de celui-ci, en opposition aux démocraties occidentales, « gouvernées par l’élite de leurs pays ». Pour mémoire, dans ses jeunes années, le PCC se contentait de recruter des membres issus des « trois classes révolutionnaires » : ouvriers, paysans, et soldats. Mais les choses ont bien évolué et aujourd’hui, le PCC ressemble davantage à un Parti de technocrates et d’hommes d’affaires, plutôt qu’à un Parti « du peuple ». Le niveau d’étude moyen des membres du PCC est d’ailleurs bien supérieur à celui du reste de la population.

Xi Jinping (également surnommé le « leader du peuple ») est bien conscient de ce fossé et ne veut pas risquer de perdre le soutien « de la base », sans lequel le Parti ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Dans son discours du 1er juillet, Xi mettait d’ailleurs en garde les « impérialistes » que « toute tentative visant à diviser le Parti et le peuple chinois, ou à opposer le peuple au Parti est vouée à l’échec ».

Dernier aspect intéressant de cette remise de médailles : la présence sur la liste de Qu Duyi (l’ancienne journaliste postée en Russie) et de Li Hongta, cadre dans l’Anhui. Ils sont respectivement la belle-fille de Qu Qiubai, et le petit-fils de Li Dazhao, deux membres fondateurs du Parti il y a 100 ans. Si ces deux héritiers « rouges » ont été loués pour leur « attitude noble » et pour n’avoir jamais demandé la moindre faveur au Parti, c’est surtout pour rappeler aux enfants des leaders révolutionnaires (dont Xi Jinping fait lui-même partie) qu’aucune corruption ne sera tolérée, mais que ceux qui sauront faire preuve d’intégrité et de loyauté [envers Xi Jinping] seront récompensés.


Podcast : 19ème épisode des «Chroniques d’Eric» : Bon anniversaire, camarade PCC !
19ème épisode des «Chroniques d’Eric» : Bon anniversaire, camarade PCC !
Venez écouter le 19ème épisode des « Chroniques d’Eric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine.
 
« Le 1er juillet, centenaire de la fondation du Parti Communiste Chinois (PCC), m’interpelle : d’où vient de Parti, et pour quelle raison profonde a-t-il, au cours des neuf dernières années, dissipé l’ambiguïté de son but qui avait été si soigneusement maintenue durant toute l’ère de Deng Xiaoping, maintenir l’amitié avec les pays de l’Ouest (projet réformiste), ou bien rester inconditionnellement fidèle aux objectifs révolutionnaires martelés par Mao Zedong de confrontation avec les Etats-Unis ? Et puis surtout, que recèle la stratégie de plus en plus rigide de Xi Jinping, l’intolérance tangible envers toute forme de pensée autre que celle dictée au sommet de l’appareil ? Celle de démantèlement systématique de tout ce que Deng Xiaoping a cherché à faire pour éviter le retour au pouvoir solitaire ? Autant de question auxquelles je m’attelle dans cet épisode, qui tente d’éclairer l’avenir de la Chine. »
 
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Chiffres de la semaine : 95,14 millions de membres, 285 000 Tesla, 4 ans sans malaria…
95,14 millions de membres, 285 000 Tesla, 4 ans sans malaria…

95,14 millions, c’est le nombre de membres du Parti Communiste Chinois en juin 2021, soit 6,7% de la population chinoise. Alors que Xi Jinping a volontairement réduit le nombre d’admissions depuis son arrivée au pouvoir pour mettre l’accent sur la qualité des candidatures, le nombre de nouveaux membres a bondi durant les 18 derniers mois (+3,5%), stimulé par la propagande autour du 100ème anniversaire du Parti. En moyenne, le PCC voit ses rangs grossir de 1% chaque année, et il faut attendre entre 2 et 3 ans avant de voir sa démarche aboutir. Pour les moins de 35 ans (qui représentent un quart des membres du Parti), intégrer le PCC est un véritable tremplin dans leur carrière. Pour l’anecdote, Xi Jinping, fils d’un leader révolutionnaire, compagnon de Deng Xiaoping, a dû postuler 10 fois durant la révolution culturelle avant d’être finalement accepté en 1974.

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285 000, c’est le nombre de véhicules (soit importés, soit fabriqués en Chine) que Tesla a rappelé fin juin afin de mettre à jour le logiciel de régulateur de vitesse. Ce rappel massif intervient deux mois après le scandale d’une conductrice au Salon de l’Auto de Shanghai, qui affirmait avoir failli mourir à cause d’une défaillance de sa voiture… Suite à la polémique, une enquête a révélé que le régulateur de vitesse pouvait être activé accidentellement et entraîner une accélération subite de la voiture, voire provoquer une collision dans des cas extrêmes. C’est dans ce contexte tendu pour Tesla que son charismatique fondateur, Elon Musk, a félicité le Parti pour son 100ème anniversaire.

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Depuis 4 ans, la Chine n’a recensé aucun cas de malaria, pouvant ainsi officiellement déclarer avoir éradiqué le fléau de son territoire, selon les critères de l’OMS. Cela faisait 70 ans que la Chine était en proie à cette maladie transmissible par les moustiques. En 2015, la scientifique Tu Youyou avait reçu le Nobel de médecine pour sa découverte de l’artémisine, traitement antipaludéen naturel. 


Histoire : « L’Homme-dragon », notre plus proche cousin ?
« L’Homme-dragon », notre plus proche cousin ?

L’histoire n’est pas banale. En 1933 à Harbin, à l’époque sous occupation japonaise, un ouvrier participant à la construction d’un pont sur la rivière Songhua, trébuche dans la boue sur un imposant crâne humain. Sans doute conscient de l’importance de sa découverte (quatre ans après celle de la calotte crânienne de « l’homme de Pékin » à Zhoukoudian), l’homme ramène en cachette le fossile chez lui, puis le dissimule au fond d’un puits, où il est resté… 85 ans ! Ce n’est que sur son lit de mort que le vieil homme révèle son existence à ses petits-enfants, probablement honteux d’avoir travaillé pour les Japonais… C’est ainsi que le crâne est parvenu aux mains des scientifiques du musée de l’Université Hebei GEO en 2018.

Au cours de ces trois dernières années, plusieurs anthropologues se sont donc attelés à analyser cette boîte crânienne extrêmement bien conservée, âgée d’entre 146 000 et 309 000 ans. Ils estiment qu’elle était capable d’abriter un cerveau de taille similaire à celui d’Homo sapiens (notre espèce). Elle présente en revanche des orbites plus grandes, presque carrées, d’épaisses arcades sourcilières et de très grandes dents. Le crâne aurait appartenu à un homme d’une cinquantaine d’années et ayant vécu dans un environnement forestier et de plaine inondable, au sein d’une petite communauté. D’après sa grande taille estimée, les chercheurs suggèrent que « l’homme de Harbin » devait être adapté à un environnement difficile, très froid, ce qui lui a permis de se disperser à travers l’Asie. Mais on sait très peu de choses sur son mode de vie, car son crâne a été retiré du site où il a été découvert. Cela signifie qu’il n’existe actuellement aucun contexte archéologique, comme des outils en pierre, ou d’autres éléments de culture…

La question est maintenant de savoir à quelle espèce appartenait l’Homme de Harbin ? À moins qu’il en forme une à part entière, baptisée Homo longi (ou « Homme-dragon) par les chercheurs chinois ?

Après avoir comparé 600 caractéristiques morphologiques différentes à travers une sélection de 95 crânes et mandibules humains variés, retrouvés notamment en Chine (à Dali (Shaanxi), Jinniushan (Liaoning), Hualongdong (Anhui) et à Xiahe, sur le plateau tibétain), les scientifiques affirment que cet individu se distingue des autres espèces connues à cette époque.

« La découverte du crâne de Harbin suggère qu’il existe une troisième lignée d’humains archaïques qui vivait autrefois en Asie orientale, et que cette lignée est phylogénétiquement plus proche d’Homo sapiens que des Néandertaliens », explique Ni Xijun, primatologue et paléoanthropologue à l’origine de ces travaux. Or, jusqu’à présent, les experts estimaient que l’Homme de Néandertal était notre plus proche cousin.

« Ce que vous avez ici est une branche distincte de l’humanité qui n’est pas en passe de devenir Homo sapiens, mais représente une lignée longtemps séparée qui a évolué dans la région pendant plusieurs centaines de milliers d’années et a fini par s’éteindre », commente le professeur Christopher Stringer du Natural History Museum de Londres, qui faisait également partie de l’équipe de recherche.

Toutefois, le fait que l’Homme de Harbin appartienne à une nouvelle espèce fait débat au sein de la communauté scientifique. Certains experts suggèrent plutôt qu’il aurait des liens de parenté avec le mystérieux Homme de Denisova, un cousin de l’Homme de Néandertal. L’extraction et l’analyse de l’ADN du « crâne de Harbin » – une manipulation très délicate puisqu’elle demande de détruire de petits échantillons du fossile – pourraient contribuer à percer le mystère, tout comme retrouver le lieu où il a été déterré en 1933…

Toujours est-il que la découverte de ce crâne de Harbin apporte une preuve supplémentaire que l’arbre de l’évolution humaine n’est pas uniquement constitué de quelques branches bien distinctes. Elles sont, au contraire, nombreuses et enchevêtrées.


Petit Peuple : Zaosheng (Henan) – La vraie nature de Li Yurong (2ème partie)
Zaosheng (Henan) – La vraie nature de Li Yurong (2ème partie)

Kidnappée alors qu’elle était jeune femme, Yurong a été mariée de force à Li Wei, pauvre paysan du Henan à 900km de chez elle. 24 ans après, sa fille veut retrouver sa famille…

2010 fut pour Li Xinmei l’année du passage à l’acte pour retrouver le clan, le passé de sa maman. Il était temps : à 19 ans, elle devait penser à se marier, et n’aurait bientôt plus le temps de mener l’enquête. Elle commença par poster, sur des applications QQ dédiées aux proches disparus, des clips de sa mère parlant sa langue. Elle fit chou blanc : personne ne reconnaissait ce dialecte. Même échec, quand elle mit en ligne les vagues souvenirs de sa mère sur tel arbre géant devant sa maison, ou sur la pratique du couteau caché sous l’oreiller, lame vers l’oreille. Toutes les pistes qui lui revinrent s’avérèrent fausses… L’enquête piétinait !

En 2014, Xinmei, qui logeait toujours chez ses parents, se maria, un fils bientôt arriva. Li Wei, son père et le mari de Yurong, tomba malade, se vit diagnostiquer un cancer foudroyant, qui l’emporta en trois mois. En 2017, le fils de Xinmei commit un acte qui désespéra Yurong, en s’asseyant sur l’autel familial : cet acte profanateur et sacrilège risquait de mettre les ancêtres en colère, qui dès lors, allaient faire disparaître tous les indices permettant de la conduire à ses parents… 

Contredisant ces craintes, en septembre 2017, sur son smartphone, Xinmei tomba sur une vidéo intitulée « la langue des Buyei » qui décrivait une minorité du Guizhou : elle crut reconnaître l’idiome de sa mère. Depuis cette province, Huang, l’auteur, lui confirma le 10 septembre que les clips de Yurong étaient bien en Buyei. Puis Yurong identifia formellement les tenues Buyei mises devant ses yeux – c’était bien son peuple ! Mais pour autant, on était encore loin du compte : les Buyei étaient 3 millions, disséminés au Nord, à l’Ouest et au Sud du Guizhou… C’était chercher l’aiguille dans la meule de foin.

Contre toute attente, l’enquête démarra cette fois à toute vapeur, portée par cette communauté mobilisée pour retrouver l’enfant du pays. Dès le lendemain, Huang établit que la langue de Yurong était celle des Buyei de l’Ouest. Le 12 septembre, la TV de Qianxinan, ville Buyei, envoya des photos de villages de cette ethnie, qui déclenchèrent chez Yurong les souvenirs d’un temple au faîte d’une route à 24 tournants. Là, l’enquête se bloqua quelques heures, car aucun temple ni route n’étaient présents au lieu allégué. Mais un vieux téléspectateur confirma que ces deux sites avaient bel et bien existé, avant de disparaître durant la révolution culturelle, peu après le kidnapping de la jeune femme.

Le 13 septembre apporta au dossier que la famille de Yurong devait vivre « près de Shazi ». Un autre témoin crut que Yurong était une certaine « Dezlinz », enlevée 35 ans plus tôt. Elle démentit, mais d’une manière qui disait combien on était proche du but : « Dezlinz n’est pas moi, elle, elle était de Bulujiao », un village évidemment très voisin… Aussi, c’est sans surprise que tomba l’info une heure plus tard : le vrai nom de Yurong était Dezliangz. Son village était identifié, où se trouvaient encore Dezdinz, son père de 88 ans, sa mère de 84 ans, trois frères et une cadette. Le 14 septembre, tous, en pleurs, se parlaient par conférence WeChat ! 

Le 17 octobre, Dezliangz et Xinmei prirent l’avion Zhengzhou-Guiyang. Suivit un interminable périple en tricycle sur des routes de terre en « tôle ondulée ». Plus on se rapprochait, plus la mère se montrait curieusement bougonne, irascible parfois. Il y avait dans son attitude défiante un net scepticisme, une peur d’être déçue, et elle se protégeait en prétendant que tous autour d’elle la trompaient. Plus en profondeur, ce déni interpellait la question de ces 35 ans qui venaient de lui être volés, et de la fin imminente : qu’adviendrait-il ensuite ? Voir ses parents, lui rendrait-il sa jeunesse ? Son passé ?

Et puis ce fut l’arrivée, tout un village de bois sur des falaises rouges, et sa population en grandes tenues brodées. Au milieu d’eux, un petit bout de femme en noir portait un bol de riz et deux baguettes : sa mère, qui voulait la faire manger en guise de bienvenue. Ce geste devait lui faire se remémorer à jamais le chemin vers les siens.

Durant les jours suivants, tant de mystères s’éclaircirent ! Redevenue enfant devant sa mère, Dezliangz échangeait fiévreusement avec elle, rattrapant les années perdues. Le couteau sous l’oreiller, c’était une tradition des Bouyei, pour chasser les cauchemars. Dezliangz était en fait sourde de naissance. Elle venait de se marier lors de son kidnapping, qui résultait d’une trahison d’un époux ne supportant pas son handicap – son père avait été plaider auprès du mari pour qu’il la rende au lieu de la vendre au loin, mais c’était déjà trop tard.

Ici, Dezliangz, en plein bonheur, n’était plus méprisée, mais honorée, et sa langue n’était plus une bizarrerie, mais la norme. Cependant, cette famille restait au bord de la misère : après 12 jours, Xinmei racheta pour toutes deux des billets de retour pour Zhengzhou. Elles repartirent sur bien des larmes, tout en promettant de revenir. Au moins, par ce rapprochement inespéré, c’était tout le sens de sa vie qui était rendu à Dezliangz, avec son nom, un magique sésame. « Bonheur comme malheur n’avaient plus de porte » (祸福无门, huò fú wú mén) : elle était de nouveau maîtresse de son destin !


Rendez-vous : Semaines du 5 juillet au 5 septembre
Semaines du 5 juillet au 5 septembre

7-9 juillet, Pékin : AIAE, Salon international de l’automation industrielle

7-10 juillet, ShanghaiPHOTO & IMAGING 2021, Salon de la photo et de l’image numérique

8-9 juillet, Guangzhou : CBD 2021, Salon international du bâtiment et de la décoration

8-10 juillet, Chengdu : IE EXPO 2021, Salon professionnel international de la gestion et traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie 

13-15 juillet, Pékin : CIEPEC 2021, Salon chinois international et conférence sur la protection de l’environnement

15-17 juillet, CHENGDU : CEF – CHINA ELECTRONIC FAIR  2021, Salon chinois de l’électronique. Composants électroniques, instruments de test et de mesure, équipements de fabrication, outils, photo électronique, ordinateurs, électronique pour la maison…

16-18 juillet, Urumqi : IME XINJIANG 2021, Salon international de l’industrie minière en Chine (Xinjiang)  

20-22 juillet, Shanghai : INTERMODAL ASIA 2021, Salon et conférence sur le transport naval et la logistique portuaire

21-24 jullet, Shanghai : SHANGHAI INTERNATIONAL ADVERTISING & SIGN TECHNOLOGY & EQUIPMENT EXHIBITION 2021, Salon international de Shanghai pour les équipements et les technologies de publicité

27-29 juillet, Shanghai : INTERMODAL ASIA 2021, Salon et conférence sur le transport naval et la logistique portuaire EN LIGNE

16-18 août, Guangzhou : HOT EXPO CHINA 2021, Salon asiatique du chauffage domestique

16-18 août, Guangzhou : POWER EXPO 2021, Salon international des équipements et technologies de l’énergie en Asie-Pacifique

16-18 août, Guangzhou : WATER HEATING 2021, Salon des technologies de l’eau chaude et des pompes à chaleur en Asie-Pacifique 

18-20 août, Shenzhen : CHINA SMART CARD AND RFID TECHNOLOGIES 2021, Salon international sur les technologies et applications de la carte à puce et à la RFID et à ses applications dans les produits et services

25-27 août, Chengdu : NEPCON SOUTH CHINA 2021, Salon international des matériaux et équipements pour semi-conducteurs

25-27 août, Shanghai : SHICAI 2021, Salon international des ingrédients culinaires à Shanghai

31 août-2 septembre, Shanghai : SIBT, Salon professionnel chinois des technologies de construction intelligentes

1-3 septembre, Shanghai : AUTOMOTIVE TESTING EXPO, Salon du test, de l’évaluation et de l’ingénierie de la qualité dans les composants automobiles

1-3 septembre, Shanghai : MEDTEC, Salon et conférence des constructeurs chinois de matériel médical