Le Vent de la Chine Numéro 26 (2019)

du 30 au 6 juillet 2019

Editorial : Le couple Xi-Trump efface le G20

Pour leur 14ème G20 à Osaka (Japon, 28-29 juin), les leaders de 20 puissances alignant 85% du PIB de la planète, ont à nouveau vu le bras de fer Chine/Etats-Unis occuper le devant de la scène, laissant au second plan des sujets d’avenir, tels la réforme de l’OMC, la lutte contre le réchauffement climatique ou l’économie digitale…

Avant de revoir Donald TrumpXi Jinping reçut des alliés comme Vladimir Poutine, mais aussi des leaders hier moins « sinophiles », tels le Premier ministre indien Narendra Modi et l’hôte nippon Shinzo Abe, en délicatesse avec la Chine pour cause de conflits territoriaux. Mais le vent est favorable au rapprochement : en menaçant aussi Tokyo et New Delhi de taxes, Trump les encourage à enterrer la hache de guerre avec Pékin, pour pouvoir peut-être opposer au leader américain une défense commune.

Xi « briefa » aussi le sud-coréen Moon Jae-in sur sa rencontre trois jours plus tôt à Pyongyang. Ce fut pour rassurer sur le fait que la volonté de dénucléariser de Kim Jong-un restait inchangée et pour souligner le rôle bénéfique de la Chine dans ces palabres.

Justement avec Trump, ce thème apparut l’atout-maître de Xi : lui faisant rapport sur ses entretiens avec le « cher leader », il lui proposa à son tour de battre le fer pendant qu’il était chaud, une offre que Trump attrapa au vol, annonçant pour le lendemain (30 juin) une rencontre improvisée avec Kim dans la zone démilitarisée de Panmunjom.

Dès lors avec Xi, la glace était brisée : en 80 minutes, les deux hommes convenaient de renouer un dialogue rompu depuis mi-mai suite à l’échec du 11ème round de discussions bilatérales.

Trump s’engagea à suspendre sa salve supplémentaire de taxes sur 300 milliards de $ de produits chinois, ceux encore non frappés. La vraie surprise arriva quand Trump concéda à Xi que les fournisseurs américains pourraient derechef vendre leurs pièces et logiciels à Huawei, et qu’une levée des sanctions contre ce champion chinois des télécoms était envisageable. C’était l’annonce inespérée pour Ren Zhengfei, PDG du groupe, qui voyait déjà se profiler des pertes de 30 milliards de $ d’ici 2021, des ventes de smartphones hors Chine chuter de 40%…

Trump murmurait encore son acceptation d’un contingent plus fort d’étudiants chinois dans ses campus. Ce faisant, il mettait en sourdine ses dernières accusations selon lesquelles ces masses d’étudiants chinois aux USA seraient le vivier d’espionnage pour le compte de Pékin.

Face à la main tendue de Trump, Xi réciproquait par une vague promesse de commander « pour des dizaines de milliards de $ » de produits américains pour réduire le déficit commercial– un engagement déjà ancien.

Tous ces propos s’inscrivaient en filigrane de la petite phrase de Trump trois jours plus tôt, où il assurait que le deal était déjà « conclu à 90% » mi-mai, suggérant ainsi qu’il ne restait plus que 10% de chemin à parcourir. Xi de son côté, faisait valoir que les contre-rétorsions qu’il faisait planer sur les USA (frein aux exportations de terres rares, liste noire de firmes « non fiables ») étaient pour l’instant restées lettre morte. De part et d’autre, les portes étaient rouvertes.

Les deux Présidents faisaient ainsi marche arrière, retour à la case « Buenos Aires » du G20 de fin 2018, où ils s’étaient entendus sur une trêve de trois mois. En attendant, aucune avancée n’était perceptible sur les demandes fondamentales en souffrance des Etats-Unis sur la fin des pratiques « déloyales » de la Chine –  transferts forcés de technologie, piratage, subventions à ses entreprises publiques. Silence radio aussi sur un mécanisme contraignant de vérification des engagements…

Mais à Osaka, il était difficile d’espérer mieux. À tout le moins, la trêve a permis aux décideurs de pousser un soupir de soulagement – in extremis, la guerre commerciale tous azimuts a été évitée. Aux négociateurs américains et chinois de tenter de transformer l’essai à l’avenir !  


Monde de l'entreprise : Carrefour jette l’éponge
Carrefour jette l’éponge

L’aventure de Carrefour en Chine s’achève, 25 ans après ses débuts en 1995. Le 23 juin, le groupe hexagonal cédait 80% de son réseau chinois à Suning, n°1 national du commerce de détail en électroménager. Quoique Suning soit, comme Carrefour, une chaine de magasins de vente au détail, il ne faut pas se tromper sur le sens de son rachat de Carrefour-Chine : il annonce bel et bien le glas de ce modèle commercial en Chine. En effet, Alibaba, actionnaire à 20% de Suning, est n°1 mondial du e-commerce, titulaire de 600 millions de clients réguliers.

C’est d’ailleurs bien l’internet qui a nui à Carrefour, un outil commercial auquel George Plassat, son précédent PDG jusqu’en juillet 2017, a longtemps refusé de croire.

C’était ignorer la priorité que l’Etat chinois s’était donnée dès les années 2000, de déployer le réseau internet sur l’ensemble du territoire, du plus petit village à la plus grosse métropole. Longtemps avant l’Occident, le régime avait deviné l’atout pour le pays d’une « toile » chinoise, comme puissant outil de développement et de contrôle des masses.

Au bout de peu d’années, s’étant enrichi d’un nombre exponentiel de services via ses réseaux sociaux, ce réseau internet allait attirer une frange de jeunes salariés bien payés, prêts à faire basculer leurs achats en magasins vers les boutiques virtuelles. En effet, leurs emplettes se feraient désormais pendant les heures de travail, sur écran ou sur smartphone, et non plus durant les week-ends.

Bientôt Alibaba lançait ses magasins Hema (suivi de son concurrent 7-Fresh pour Tencent) : une formule « phygitale » de vente et restauration moyenne gamme avec priorité aux produits de qualité, où l’on pourrait indifféremment acheter sur place ou commander en ligne, pour livraison gratuite en une demi-heure !

En face, Carrefour était resté à une approche traditionnelle, pariant sur un panier de la ménagère locale et avec une offre de livraison et sur internet non concurrentielle. Ce faisant, il ratait la clientèle « bobo ».

Il n’était pas le seul : Auchan, Wal-Mart, Metro restaient sur la même lancée, et déclinaient. Le britannique Tesco, dès 2013, jeta l’éponge. Et ce n’est qu’en 2018 que Carrefour ouvrit dans les métropoles ses premiers magasins « Le Marché » calqués sur le modèle de Hema.

Carrefour avait connu d’autres difficultés les premières années, dues au souci étatique de protéger ses propres chaînes commerciales qui démarraient alors et avaient besoin de temps pour « recopier » les gadgets technologiques de la concurrence occidentale, et le savoir-faire en matière de chaîne du froid, publicité, promotion, merchandising. À l’ouverture du premier Carrefour en Chine, à Pékin, le partenaire municipal, arguant d’une faille juridique, lui faisait interdire de fonctionner sous sa marque et son logo : il devait vendre sans enseigne, et laisser les clients emporter leurs emplettes dans des sacs blancs anonymes.

Un autre souci chez les groupes étrangers tenait à la localisation du management, rapatriant les cadres français. Cette pratique intégrait davantage le groupe à la Chine, mais cela se faisait aux dépends de la visibilité de la direction sur sa gestion. En 2007, la police shanghaienne frappait une centrale d’achats de Carrefour, arrêtant 22 acheteurs et fournisseurs accusés d’infiltration par la mafia locale. Carrefour devait rectifier en catastrophe son organisation locale.

Puis en 2008, suite au passage mouvementé de la flamme olympique à Paris, Carrefour-Chine fut la cible d’une campagne de boycott. Le groupe avait intelligemment réagi en habillant en temps record ses caissières en tenues patriotiques écarlates.

Toutes ces péripéties, et surtout l’incapacité à surfer à temps sur la vague de l’internet, ont pesé. Un plan drastique de restructuration a réussi à dégager en 2018 chez Carrefour-Chine un « profit » de 32 millions d’euros, très modeste face aux ventes de 4,1 milliards d’euros et surtout, face à des ventes en baisse de 5,9% par rapport à 2017. Lourdement endetté, voyant fondre sa clientèle, Carrefour a dû céder ses 210 hypermarchés et 24 magasins de proximité. Vu ses résultats médiocres de l’an passé, il le fait dans d’assez mauvaises conditions : par rapport à une valeur auditée de 1,4 milliard d’euros, il ne recevra que 620 millions d’euros.

Conservant 20% de ses parts, Carrefour se ménage toutefois une fenêtre d’observation de la grande distribution en Chine. Pour Alibaba, la reprise va renforcer sa domination sur le secteur, physique comme virtuel : en 2018, il prenait 36% des parts du groupe Sun Art Retail, contrôlant ainsi les 484 surfaces du groupe, sous les enseignes RuanTex et Auchan !

Apprenant vite de ses erreurs, Carrefour s’apprête à redémarrer cette fois entièrement en ligne, à travers le réseau de JD.com, l’outsider de la vente chinoise en ligne, sous l’aile de Tencent, qui distribuera pour commencer 300 produits importés d’hygiène et de beauté sous le label Carrefour. En effet, nombre de produits importés et conditionnés sous sa ligne sont compétitifs et populaires en Chine, appréciés de la jeune génération.

Mais sur le fond, « les carottes sont cuites ». Le retrait de Carrefour, et les difficultés de Wal-Mart et de Metro (qui chercherait repreneur) sont là pour dire que le modèle des hypermarchés a fait son temps en Chine, relayé par d’autres modèles locaux ; pour dire également qu’en matière d’innovation commerciale, la Chine a rattrapé voire dépassé les Européens et Américains.


Aviation : Airbus – « armement des toboggans…»

Qui n’a jamais un jour rêvé de devenir pilote de ligne ? Depuis son inauguration en 1997 dans la zone industrielle de Tianzhu (Pékin), mitoyenne de l’aéroport de Pékin, le centre de formation sino-européen Hua-Ou (华欧航空) a formé 50.000 pilotes, dont 10.000 rien que l’an dernier.

Avant Hua-Ou, coentreprise à 50/50 entre Airbus et la CAS (China Aviation Supplies), les transporteurs chinois n’avaient d’autre choix que d’envoyer leurs futurs pilotes d’Airbus à Toulouse ou Miami. A présent, Hua-Ou aide des compagnies aériennes telles Air China ou Hainan Airlines à former leurs pilotes, à moindre coût. Même ainsi, la formation d’un pilote, avec les centaines d’heures de vol obligatoires pour la certification, peut coûter 80.000€ en Chine à charge du transporteur, en échange d’un contrat d’exclusivité pouvant atteindre 35 ans.

A Hua-Ou, la formation dure 6 à 8 semaines, selon l’expérience. 50 instructeurs sont « aux manettes », dont les deux tiers sont étrangers. Certains d’entre eux totalisent plus de 20.000 heures de vol !

Après un passage à l’ordinateur, l’apprenti poursuit sur un «tableau de bord » constitué de dix écrans interactifs. Ils reproduisent toutes les commandes d’un Airbus classique – du pilote automatique au train d’atterrissage, de l’extinction d’incendie d’un réacteur au joystick, qui est à l’Airbus ce que le manche est au Boeing.

La dernière phase se déroule dans le simulateur, copie conforme d’un cockpit. À plus de 10 millions d’euros pièce, ce bijou technologique recrée les conditions de vol, jusqu’à  ses nuisances : accélération, stall, sons ambiants, conditions météo. Il simule également des pannes de réacteur, ou un incendie de cockpit avec fumées, imposant le port de masques à oxygène. Hua-Ou exploite six simulateurs : 3 pour A320, 1 pour A330, 1 pour A350, 1 pour hélicoptère Super Puma EC225. Tous fonctionnent 365 jours par an, 20 heures sur 24, à raison de cinq sessions de 4 heures chacun. La formation finit sur un examen face à un inspecteur de la CAAC, l’autorité de tutelle. L’élève pilote doit effectuer un vol ponctué d’un incident imprévu, suite à quoi il reçoit (ou non) sa licence d’aptitude.

Sont aussi formés stewards et hôtesses, qui doivent savoir faire évacuer l’appareil en 90 secondes par les sorties d’urgence sur les toboggans. Les mécaniciens de même, sur la base d’assistance technique de Hua-Ou, s’entrainent à résoudre les pannes les plus complexes au plus vite.

Voici donc une formation optimisée au maximum. Mais la demande insatiable fait que la pénurie de pilotes demeure – en Chine comme ailleurs. Ce qui explique le dernier projet du groupe Airbus : mettre au point un avion à un seul pilote (d’abord cargo, puis commercial), voire autonome. De quoi en faire pâlir certains. Qu’ils se rassurent quand même, la réalisation d’un tel projet n’est pas pour demain !

Par Jeanne Gloanec


Monde de l'entreprise : Chez Nestlé, l’innovation prend les devants
Chez Nestlé, l’innovation prend les devants

Derrière la porte du centre de recherche et de développement de Nestlé (雀巢) à Pékin, une frise chronologique rappelle les étapes parcourues par le groupe helvétique depuis sa fondation il y a plus de 150 ans, et depuis l’installation de sa première usine en Chine en 1990.

Inauguré fin mars dernier, ce centre de R&D est logé, pas par hasard, à deux pas du QG chinois du groupe, dans le quartier d’affaires de Wangjing. Sa mission : convertir les bonnes idées en produits alimentaires et boissons qui feront fureur demain à travers le pays.

La première étape consiste à formuler un concept répondant aux besoins d’un public cible, tels les jeunes, le 3ème âge, les sportifs ou cols blancs… Comme outil de réflexion, le chercheur a à sa disposition les études universitaires et hospitalières, et une base de « big data » regroupant les mots-clés recensés sur Weibo et sur les comptes publics WeChat.

La seconde étape se déroule en cuisine où le prototype voit le jour. C’est la partie la plus ludique mais aussi la plus technique : goût, couleur et texture doivent s’accorder, et les valeurs nutritives (vitamines, fibres, minéraux, protéines…) respecter les standards nationaux. Chacun des 50 employés a sa spécialité : nutrition, sciences cognitives, sapidité, technologies alimentaires. Une fois le prototype abouti, Nestlé le fait tester par des agences (séances de dégustation) et/ou magasins sélectionnés, avant de procéder au lancement officiel.

En vitrine, sont fièrement exposées les dernières créations (cf photo). Sous la marque Totole, la nouvelle ligne prénommée Xingshan (幸善) propose des décoctions de rose, grenade et jujube, des bouillons de poulet au chèvrefeuille, ginseng et champignon-chenille (cordyceps) du plateau du Tibet. Goodness of Nature, barres de céréales, alternent noix, fruits secs, chocolat noir et 30 autres parfums composés avec la complicité du confiseur Hsu Fu Chi. Sous la marque MuscleHunt, le centre a aussi créé une eau protéinée aux quatre arômes citronnés, vendue en ligne et dans certaines salles de sport.

Comme on le voit, ce laboratoire ne fonctionne pas que pour les marques globales de Nestlé, la maison-mère, mais aussi pour ses filiales locales acquises par le groupe de Vevey au fil des années, jouissant d’une certaine popularité en Chine. L’adaptation aux goûts locaux est donc prise très au sérieux.

Cette année, Nestlé s’apprête à lancer 150 nouveaux produits sur le marché chinois, soit 10% de ses lancements mondiaux. Le rythme va s’accélérer pour suivre les besoins du consommateur chinois, friand de nouveautés. Hier,  deux à trois ans étaient nécessaires pour développer un nouveau produit : aujourd’hui, quelques mois, voire quelques semaines suffisent…


Petit Peuple : Suzhou (Jiangsu) – Zhang  Qiong, une journée pas ordinaire (2ème partie)

Résumé de la 1ère partie: Zhang Qiong est moine bouddhiste à Suzhou depuis 2013, placé par son père à l’âge de 16 ans. Mais cinq ans après, il commença à mener une vie peu conforme avec la règle monastique !

Zhang Qiong descendit du taxi, dans un quartier huppé de Suzhou, à deux pas du lac Shihu. Une fois le taxi disparu, il s’approcha d’une villa aisée, pressa le bouton du vidéophone. Silencieusement, le portail glissa sur son rail, laissant le moine habillé en dandy entrer dans ce jardin extraordinaire, aux bouquets d’arbres et de bambous, doté d’un étang aux cygnes blancs.

Une femme svelte au visage ovale, au maquillage léger lui ouvrit la porte. Ils se saluèrent cérémonieusement, comme intimidés. Mais une fois entré, « vite!», fit la quinquagénaire en le prenant par la main, « je meurs d’attendre ». Elle arborait un sourire mutin, comme si leurs retrouvailles lui faisaient renouer avec son adolescence. En même temps, elle apparaissait curieusement mal à l’aise, comme si elle craignait de commettre une faute qui brise le charme de l’instant. La chambre blanche était d’une simplicité taoïste, meublée d’un lit à baldaquin, de chaises Ming et d’une table de toilette au plateau de marbre incrusté de fossiles, surmonté d’un miroir ovale légèrement doré.

Selon le rituel établi au fil des mois, ils se préparèrent en silence. Ah Meng –ainsi s’appelait la maîtresse des lieux– se dévêtit et s’étendit sur le lit couvert d’un drap de bain. Zhang troqua son costume pour une robe de chambre en soie. D’une flasque d’acier lissé, il fit couler quelques gouttes d’huile de jasmin sur la nuque, le dos d’Ah Meng. Entamant le massage, il sentit la nervosité quitter le corps de cette femme qui eût pu aisément être sa mère, et la paix graduellement l’envahir.

Il se remémorait leur première rencontre. Ce matin-là, en mars 2018, le prieur l’avait convoqué à son bureau. Là, Zhang avait eu la surprise de retrouver son père, qu’il n’avait plus vu depuis des années. Sans préambule, le prieur lui avait expliqué qu’après six ans passés au sanctuaire, il était temps pour Zhang de rendre ce qu’il lui devait, en menant à bien sa mission ! Ainsi, avec l’accord de son père, Zhang partirait le soir-même pour le domicile d’une femme en demande de prières, d’écoute. Il devrait s’efforcer de répondre à toutes ses attentes spirituelles : il le fallait, pour lui faire retrouver la sérénité.

La tâche comportait cependant aussi une dimension matérielle : pour « mieux servir Bouddha et l’humanité », le monastère avait besoin d’argent. Or, cette femme était une mécène potentielle, suffisamment aisée pour les aider à ouvrir l’école dont la congrégation rêvait depuis des années, au service de la jeunesse de la ville.

Pas sot, Zhang osa demander pourquoi une telle mission devait revenir à un jeune moine au tout début de son magistère. Mais son père balaya l’objection : la mécène avait spécifié le type d’homme qu’elle attendait, intelligent, sensible et de bonne apparence. C’était le cas de Zhang. Et de toute manière, une fois son père d’accord, il n’avait plus rien à dire.

Ce soir-là, arrivé sur place en humble robe safran, il avait pris le thé avec cette femme, dans un salon lambrissé de chêne rouge gravé et sculpté. Il  l’avait écoutée raconter les étapes glorieuses de sa carrière de femme d’affaires, mais aussi le calvaire de sa solitude. Dotée d’un flair sans pareil et d’une inépuisable force de travail, Ah Meng avait taillé à la force du poignet son empire industriel. Elle avait réussi, brûlant les étapes, à déployer son groupe à travers les provinces. Mais elle avait aussi souffert une lutte de tous les jours pour préserver son indépendance, et écarter les flatteurs et chasseurs de dot. Chez tous ses faux amis, elle voyait clair. Tous lui en voulaient pour son talent et sa réussite supérieure à la leur : c’était là un affront impardonnable à l’ordre masculin.

Timidement, Zhang Qiong avait expliqué à la chevalière d’industrie que ses malheurs reflétaient ses incarnations passées. Ah Meng ne devait pas désespérer : Guanyin, la bonne déesse veillait sur elle. Il lui proposa un exercice tantrique tibétain venu du fond des âges. Il devrait passer la nuit près d’elle, allongé sur le sol, tandis qu’elle sommeillerait dans le lit. De la sorte, ils devaient apprendre ensemble à devenir sourds à l’appel du corps : c’était la première étape vers le démantèlement des passions, dans la lutte contre la solitude.

Ah Meng protesta, désarçonnée : ce n’était pas ce qu’elle avait demandé, et c’était trop difficile. Mais Zhang Qiong fut inflexible. Elle céda—en apparence au moins. Après deux heures, alors qu’il venait d’accéder au premier sommeil, elle le rejoignit, pleine d’impatience et d’ardeur. Candide et sans cuirasse, il n’avait nulle chance de lui résister.

Serré contre elle, il restait sous le coup de la honte d’avoir violé le vœu de chasteté, et de l’avoir fait dans l’obéissance des consignes du prieur. Il avait « subi l’ humiliation au nom de la mission » (忍辱负重, rěn rǔ fù zhòng ). Mais en même temps, il restait submergé par la volupté. Ces sentiments contraires luttaient en lui : la fierté d’être devenu homme, et la honte de sa faute. Dans l’alcôve, Ah Meng ne faisait rien pour dissiper l’équivoque, l’appelant tour à tour son « petit miel » ou son « petit garçon »…

Quand il s’éveilla de la courte nuit, elle n’était plus à ses côtés. Sur la table, il trouva une enveloppe de billets roses à son nom– il y en avait pour 50.000 ¥, dont la moitié pour le monastère, l’autre pour lui. Elle l’invitait le lendemain dans une boutique de mode…

Mais comment concilier une vie de moine à celle de gigolo ? La fidélité à Bouddha, et celle à cette femme dans les bras de laquelle l’avaient jeté son père et son prieur ? On connaîtra le dénouement la semaine prochaine ! 


Rendez-vous : Semaines du 1 au 14 juillet
Semaines du 1 au 14 juillet

01 – 03 juillet, Pékin : HOTELEX BEIJING, Salon international des équipements et fournitures pour l’hôtellerie

05 07 juillet, Pékin : BIHM, Salon international de la santé et de la médecine

05 – 07 juillet, Shanghai : ISPO SHANGHAI, Salon professionnel international des sports, de la mode et des marques de vêtements

08 – 11 juillet, Canton : CBD GUANGZHOU, Salon international chinois du bâtiment et de la décoration

10 – 12 juillet, Shanghai : CHINA WEDDING EXPO, Salon du mariage

10 – 12 juillet, Shanghai : ALUMINIUM CHINA, Le plus grand salon asiatique de l’aluminium

10 – 13 juillet, Shanghai : PHOTO & IMAGING SHANGHAI, Salon chinois de la photo et de l’image numérique

12 – 14 juillet, Pékin : ADEX CHINA – ASIA DIVE EXPO, Salon asiatique international de la plongée sous-marine