Le Vent de la Chine Numéro 22 (2019)

du 2 au 8 juin 2019

Editorial : La Chine, superpuissance de demain ?

Faire de la Chine un pays « socialiste moderne, fort, civilisé, harmonieux, au premier rang mondial », tel est l’objectif du Président Xi Jinping à l’horizon 2049, un siècle après la fondation de la République Populaire – autrement dit une superpuissance. Mais la Chine peut-elle y parvenir ? C’est ce que se demande le politologue britannique Charles Parton, dans les colonnes du Financial Times, le 27 mai.

C. Parton estime peu probable de voir l’Empire du Milieu dépasser dans les décennies à venir le pays de Benjamin Franklin, au nom de deux arguments chocs : il n’en aura pas les moyens, et l’Etat-Parti ne laissera pas passer les réformes nécessaires. Cette thèse faisant curieux écho à Chen Deming, l’ex-ministre chinois au Commerce, avertissant de ne pas « prendre pour acquis que la Chine dépassera les USA un jour ou l’autre » . 

Afin de porter le revenu du citoyen chinois au niveau de celui d’un Américain, la croissance du PIB national devrait se maintenir à 6% constant d’ici 2049, et  le rapport Yuan/USD (« Peg ») devrait rester immuable. Deux paris qui semblent dès maintenant hautement improbables, alors que l’index manufacturier PMI retombait en mai à 49.4 contre 50.1 en avril, démentant des prévisions de baisse à 49.9.

Dans cette thématique de croissance, l’auteur identifie plusieurs problèmes. La dette privée et publique ne cesse de s’alourdir. La démographie qui s’effondre, avec un taux de fécondité d’1,6 enfant par femme, parmi les plus bas du monde. Et la crise de l’eau guette dans les 12 provinces du Nord concentrant 41% de la population, 46% de son industrie et 50% de son électricité. Militairement parlant, même en plein élan de modernisation, l’Armée Populaire de Libération (APL) ne dispose que du tiers du budget de l’US Army, et n’est pas prête à rivaliser de sitôt avec elle, surtout en mer, hors de l’espace asiatique.

C. Parton identifie d’autres faiblesses structurelles susceptibles de contrecarrer ses plans : le coût grandissant de sa police pour maintenir le contrôle sur sa population, une hémorragie des capitaux vers l’étranger si la Chine ouvrait les vannes, une innovation chinoise, qualifiée de « talon d’Achille » par Xi Jinping lui-même dès 2016, la baisse de la population active, des caisses de retraite incapables de faire face aux besoins, et le coût astronomique de la dépollution de l’eau, de l’air, du sol, et de la décarbonisation industrielle…

Pour faire face au problème de l’eau par exemple, une réforme drastique de l’agriculture, de l’industrie et de la consommation des citoyens aurait dû être lancée—mais porter le prix de l’eau à son coût réel est politiquement impossible— et comme le redoute notre analyste, « vu le réchauffement climatique, c’est peut être déjà trop tard ».

Le problème fondamental est celui de la gouvernance. Obsédé par les contrôles, l’Etat a renoncé aux quatre « alliés utiles » qui ont si bien servi l’Europe et l’Amérique : l’Etat de droit (garant du dynamisme d’affaires), une presse libre capable de pourfendre la corruption, une société civile berceau de l’innovation, et une forme d’esprit civique pour encourager le cadre à viser le bien commun plutôt que le sien propre ou celui du Parti. Tout ceci aliénant la confiance publique envers le PCC.

Cinq ans de cette stratégie font soupçonner à Parton que le temps des succès pour la Chine a atteint son plateau.  En témoigne, le récent frein aux dépenses de l’APL, notamment en construction de navires de guerre. L’analyste ne conclut pas pour autant que la Chine va s’effondrer—elle demeure incontestablement une grande nation et un grand succès industriel. Simplement, pour Parton, à moins de changer de système, la Chine n’a probablement guère de chance de devenir la superpuissance de demain ! 


Hong Kong : Hong Kong, les raisins de la colère

Depuis sa restitution à la Chine le 1er juillet 1997, Hong Kong voit son quotidien partagé entre de longues périodes de léthargie et de brusques accès d’ébullition, ces derniers dus à une pression croissante de la Chine pour renforcer son emprise sur les 7 millions d’habitants, rabotant le socle de lois héritées du Royaume-Uni qui faisaient du rocher une démocratie. L’objectif est assumé : faire qu’en 2047, à l’issue du contrat de 50 ans signé par Deng Xiaoping et Margaret Thatcher, l’ex-colonie de la Couronne soit devenue une ville chinoise comme les autres, obéissant au niveau central.

Dernière tension en date : la Cheffe de l’Exécutif de Hong Kong Carrie Lam veut faire voter une loi d’extradition pour quiconque se sera rendu coupable d’un délit parmi une liste de 37. Ceci, vers tout pays, dont la Chine. Le projet de loi maintient une possibilité d’appel et de révision du verdict, mais la décision finale appartiendra au « Chief Executive ». C’est très clairement une conséquence lointaine de la révolution des Parapluies où durant des mois en 2014, 200.000 jeunes avaient occupé le centre d’affaires de l’île, dans l’espoir d’imposer l’élection du Chief Executive au suffrage universel direct. Désormais, Pékin fait le forcing pour trancher à la racine toute velléité d’autonomie ou de contestation. Théoriquement fixé à juillet, le vote au « Legco », le parlement local, est acquis d’avance, après le succès électoral de la coalition pro-Pékin au dernier scrutin, obtenu grâce à un replâtrage des circonscriptions.

À l’annonce du projet liberticide, toutes les nations et organisations occidentales protestèrent, y compris l’Union Européenne, le Canada, le Royaume-Uni. Aux Etats-Unis, la puissante Commission de Sûreté économique annonça que cette loi poserait des risques pour les citoyens américains, ceux-ci pouvant ainsi être déportés vers la Chine, hors de tout garde-fou juridique international. Si le vote a bien lieu, Hong Kong s’exposera à des sanctions américaines.

A Hong Kong, la mobilisation bat son plein. 80 écoles et universités, 23.000 étudiants ont signé des pétitions, et une manifestation monstre se prépare pour le 9 juin. De son taux de participation, dépendra le retrait ou non de la loi.

Le gouvernement local est bien conscient du coût à payer pour cette aventure juridique. Hong Kong, par exemple, est le banquier de l’Asie. Mais le droit pour l’Etat de déporter toute personne sur demande de Pékin, va tenir à l’écart ses banquiers privés.

Les hommes de loi craignent pour la place de Hong Kong comme première cour d’arbitrage de la région. Sous le coup de cette loi, tout plaignant, ou tout accusé en conflit avec des intérêts chinois, pourrait être remis à Pékin sur sa demande, sous une accusation fondée ou non – dans ces conditions, c’est Singapour qui reprendrait le flambeau.

Les journalistes sont aussi à risque : déjà en 2018, le chef du bureau du Financial Times a été de facto expulsé à l’expiration de son accréditation, manifestement pour avoir animé un débat sur le mouvement indépendantiste. De même bien sûr, ONG et associations de défense des droits de l’Homme se sentent menacés.

Pour l’instant, les promoteurs de la loi tiennent bon : pour Carrie Lam, le vote aura lieu quoiqu’il arrive, et Pékin avertit qu’il s’agit d’une affaire intérieure chinoise. Tout au plus le pouvoir local a-t-il affaibli son texte : des délits moindres sont sortis de la liste des 37, et la condamnation minimum permettant la déportation est portée de 3 à 7 ans de prison.

Entretemps, la relation avec l’étranger se délite : mi-mai, Berlin a octroyé un droit d’asile à deux leaders des Parapluies, réfugiés en Allemagne depuis 2017. Pour Chan Wai-shun professeur à la Chinese University, c’est un avertissement à la RAS (Région Administrative Spéciale) : « la communauté internationale voit grandir ses doutes sur la capacité de Hong Kong à traiter ses dissidents de façon juste et équitable ».

On ne saurait mieux dire : en 2018, Hong Kong (ou plutôt Pékin) a fait bannir le groupuscule des indépendantistes et a fait condamner plusieurs de ses tribuns en herbe, à jusqu’à 16 mois de prison. Plus tôt, opérant clandestinement, des agents chinois en civil avaient drogué et enlevé à Hong Kong ou en Thaïlande, un milliardaire chinois trop bavard, cinq éditeurs-libraires (dont un ressortissant suédois) irrespectueux envers le chef de l’Etat chinois.

Comment la rue hongkongaise réagit-elle ? Hélas, le rejet grandit contre la Chine et les Chinois. Les incidents sont réguliers, dénonçant les écarts de comportement des centaines de milliers de continentaux qui affluent sous quota depuis 22 ans. Ces derniers apparaissent aussi très fréquemment dans les contre-manifestations instiguées par le régime, afin de soutenir les campagnes du grand voisin.

Mais Hong Kong, de plus en plus, exprime son identité : à l’université de Boston, Frances Hui, étudiante hongkongaise, a causé un choc parmi la communauté chinoise en refusant de se présenter comme « chinoise », préférant se déclarer « citoyenne de Hong Kong, ville propriété d’un pays qui n’est pas le sien »…

Autant dire que si la Chine gagne la bataille du sol, celle des cœurs risque de mettre plus longtemps à se régler. Dans les années 60 pourtant, un leader tel Zhou Enlai croyait qu’un tel conflit serait aisément évitable, en évitant le jusqu’au-boutisme et en laissant jouer le temps. Ceci pourrait être interprété comme l’indice d’un temps que le progrès a déserté : succédant à cette tolérance de l’époque du socialisme « à la papa », c’est la radicalisation qui gagne la partie.


Histoire : « Un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître »

Le 25 mai, un groupe de promeneurs monte à la Grande Muraille hors des sentiers battus, à 80km de Pékin. Mais au retour, ils se heurtent à un comité d’accueil en tenue noire et brassard rouge, qui leur demande par où ils sont entrés sur ce périmètre, tandis qu’un photographe les mitraille – moins pour les identifier que pour les intimider. C’est la première fois au cours des 30 dernières années, que se montre cette police de la muraille. Pourquoi une telle intervention ?

Cela pourrait être l’expression d’une campagne inofficielle, du 15 avril au 15 juin, pour prévenir tout rassemblement à travers le pays : autour de la période se concentrent trois dates sensibles :

– le 10 mars 1959, le Tibet passait sous contrôle de la RPC,

– le 4 mai 1919, les étudiants se rebellaient contre l’empire, revendiquant l’« avènement des sciences et de la démocratie »,

– et la nuit du 3 juin 1989 qui marquait la fin du printemps de Pékin, avec des milliers de morts. Depuis, le régime n’a eu de cesse de tenter d’en effacer le souvenir. Dès le lendemain, l’appel à la délation et l’exploitation de photos permirent des milliers d’arrestations– quelques milliers d’autres de jeunes plus chanceux purent s’enfuir vers l’Occident. Partout s’organisa la conspiration du silence—les réunions obligatoires se multiplièrent pour nier l’existence d’un massacre !

Trente ans plus tard, cette amnésie nationale semble acceptée de tous : la majorité des jeunes nés après les événements, ignore tout de la nuit dramatique.

Zhang, aujourd’hui commerçant dans la capitale, avait été à l’époque un des jeunes du Printemps de Pékin, sans manquer une marche ou une journée sur la place. Mais plus tard, à sa fille unique, il n’a rien dit. « On a perdu, se justifie-t-il, mieux vaut oublier ». Sa femme renchérit : « notre fille, moins elle en sait, mieux elle se porte ! Si elle commençait à parler autour d’elle, elle risquerait sa place à l’université et cela, c’est insupportable… ».

Chen, étudiante, plaide l’ignorance : «  j’ai entendu parlé du « liu si » (« 4 juin »), mais je ne comprends pas bien de quoi il s’agit… Ce sont les jeunes qui ont fait des bêtises ? ».

Liu, qui vient d’avoir 30 ans, reconnait qu’il s’est passé quelque chose cette nuit là, mais n’a pas envie de chercher à savoir ce qui s’est véritablement passé, de peur de toucher à ses convictions patriotiques.

Ma, professeure d’art, 27 ans, admet avoir visionné à l’étranger un documentaire sur Tian’anmen sur YouTube. Mais au retour, faute d’oser en parler, elle préfère chercher des échappatoires : « après tout, ça pourrait être une conspiration des puissances étrangères… Et puis même si c’était vrai, qu’est-ce que ça change ? C’est un non-événement ».

A l’inverse de leurs parents et grands-parents qui ont connu les souffrances de la révolution culturelle, la famine et l’arbitraire, cette génération de moins de 30 ans n’a connu que la prospérité. Ils associent le bien-être à la stabilité politique, au fait que leur société ait su privilégier ce qui leur apparaissait l’essentiel, la croissance, au détriment de l’accessoire, l’opinion. Selon l’étude de l’Université G. Washington, plus des trois-quarts rejettent les manifestations qui « menacent la stabilité du pays ». Ces trentenaires sont donc pragmatiques : leurs priorités sont de trouver un emploi bien payé, avoir les moyens de se marier et de vivre à leur aise. Ils soutiennent toutefois la campagne anticorruption – leur activité citoyenne va jusque là – mais sans réclamer plus de démocratie, une abstraction dont ils ne sauraient que faire.

Une telle opinion les place à l’opposé de celle de leurs parents, idéalistes et civiques 30 ans plus tôt. Ils savent de toute façon  que toute revendication libertaire ou dissidente serait dans l’instant étouffée dans l’œuf par la censure des réseaux sociaux et les millions de caméras de surveillance. Une partie de ces jeunes adultes préfèrent donc croire qu’en juin 1989, le Parti n’avait d’autre choix que de briser le courant dissident, à moins de perdre le contrôle et de laisser le pays sombrer dans l’anarchie.

Aujourd’hui, la censure a atteint un degré d’intensité historique. Sur Baidu le moteur de recherche, des mots-clés tels « Tian’anmen » ou le nombre « 6-4 » (liù-sì) répondent aux abonnés absents, et Wikipédia est banni en toute langue. Aux portes des villes, des gares, des stations de métro, les arrivants sont scannés, les suspects refoulés ou arrêtés…

Toutefois, l’amnésie s’arrête aux frontières. Ailleurs, le souvenir a droit de cité. Depuis Taiwan où il a trouvé refuge, Wu’er Kaixi, un des leaders du mouvement de l’époque, note que le régime, par sa répression continue, aide à perpétuer le souvenir : « en multipliant les arrestations et refusant tout débat, le Parti fait de son mieux pour maintenir vivant l’esprit de Tian’anmen ».

Selon Perry Link, sinologue à Princeton, même si le PCC acceptait d’ouvrir le débat, les risques de division ou d’un nouveau mouvement populaire fermeraient la porte à toute tolérance.

Laissons le mot de la fin à un intellectuel pékinois, forcé pour sa sécurité à rester dans l’ombre : « la Chine souffre d’une blessure qui ne peut pas guérir, du fait de l’incapacité du régime à affronter son passé. Le Parti paie un prix exorbitant pour empêcher la société d’enterrer ses morts et de faire sa paix avec son passé » !

Pékin Place Tian An Men (1989) par Eric Meyer, vient d’être réédité aux éditions Actes Sud.

L’illustration de cet article est tirée d’une BD à paraître en décembre 2019 aux éditions Dargaud, auteurs Eric Meyer (scénario), et Aude Massot (graphisme).


Société : Pas d’argent pour les cheveux blancs

Le vieillissement accéléré de la population chinoise met à risque son système de retraite. A ce jour, quatre schémas de retraite coexistent, ceux des fonctionnaires (les seigneurs du système), des ruraux, des indépendants et des salariés urbains – la caisse la plus large du pays.

Créée en 1997, cette caisse est financée par les patrons qui y versent 20% des salaires bruts (système par répartition). Les salariés de leur côté mettent 8% de leur paie sur leur compte propre, qui leur revient en fin de carrière (système par capitalisation).

L’Académie chinoise des Sciences Sociales (CASS) sonne l’alarme : 40 ans de planning familial, à un enfant par famille, a tronqué la pyramide des âges, asséchant la cohorte de la population active, celle qui paie pour étoffer sa retraite. Après un pic en 2027 à 1040 milliards de $, les caisses du fonds de retraite des employés urbains s’assécheront progressivement pour être complètement vides en 2035, et déficitaires de 1640 milliards de $ en 2050, avec un 1,3 actif pour un seul retraité au lieu de 2,8 actuellement ! Les aides publiques ne font que retarder l’échéance : sans elles, le déficit aurait débuté dès cette année…

Quelles solutions pour renflouer les caisses ? Les cotisations sont déjà élevées (28% du salaire), ce qui laisse peu de marge pour les augmenter. De plus, le ralentissement de la croissance aggrave les difficultés. Comme panacée, le Conseil d’Etat parie sur la relance, en baissant les charges patronales de 20 à 16% au 1er mai.

Un autre problème est structurel : la complexité et la fragmentation des différentes caisses selon le statut du cotisant, son lieu de vie, son hukou, a permis à la fraude de s’installer. Les employeurs ne contribuent pas et les autorités locales ferment les yeux pour ne pas voir augmenter leur taux de chômage.

De surcroît, existent de fortes disparités intra-provinces : Pékin et le Guangdong contribuent le plus; le Dongbei (Liaoning, Heilongjiang, Jilin), le Sichuan et le Hebei le moins. Des retraités à Shenzhen et Shanghai peuvent donc toucher 4000 yuans par mois, contre à peine 100 yuans au village.

Pour gommer ces écarts, Pékin tente d’imposer, depuis juillet 2018, la mise en commun des recettes et des dépenses. Mais l’initiative suscite la fronde très active des provinces côtières les mieux nanties, au fort afflux de main-d’œuvre, peu soucieuses de partager avec celles du Centre et de l’Ouest…

Une autre option consiste à reculer l’âge de la retraite, qui est relativement précoce (50-55 ans aux femmes, 60 ans aux hommes). En dépit de l’allongement de l’espérance de vie à 76,4 ans, l’âge de la retraite est resté fixe. En effet, par souci de réserver les emplois aux jeunes, le pouvoir tarde à ajuster ce paramètre. Les experts proposent que les actifs de 59 ans (nés en 1960) restent 6 mois de plus, ceux de 60 ans fassent un an encore, et ceux de 61 ans, 18 mois avant la retraite…

Une autre option serait de mettre davantage à contribution les entreprises nationales sous la tutelle SASAC. Fin 2017, l’Etat décide de confier au fonds central de sécurité sociale 10% des parts de 18 consortia publics, soit un capital de 10 milliards de $, dont l’assureur PICC, (4 milliards de $) et China Taiping (frisant le milliard de $). C’est bien sûr trop peu par rapport aux besoins, mais Pékin veut étendre l’effort aux consortia provinciaux et municipaux. « Le fonds a besoin de constantes perfusions en cash, mais doit surtout pouvoir se financer seul en investissant sur les marchés de capitaux », commente le chercheur Zhao Yayun. Actuellement, 15% des actifs du fonds travaille en bourse, le reste en bons d’Etat ou en banque. Sauf que la volatilité des marchés chinois comporte un aléas non négligeable pour le fonds. Mais les experts rassurent : ces risques sont tolérables du fait de la diversification du portefeuille et de l’horizon d’investissement à long terme.

En résumé : afin de s’éviter les difficultés d’une réforme exhaustive, le pouvoir central a préféré jusqu’à ce jour mettre la main au portefeuille. Toutefois cette option devient moins tenable, à mesure qu’augmentent les besoins et que s’essouffle la croissance.


Petit Peuple : Parc de Changtang (Tibet) – Un vélo pour la vie (2ème Partie)

Résumé de la 1ère partie Parti traverser le Tibet à vélo, Feng Hao décide, après 10 jours, de quitter la route ainsi que ses amis Lin et Li, pour affronter la piste : rendez-vous dans 15 jours à Golmud (Qinghai)… 

Feng Hao était parti exalté dans ce nouveau défi. Car inutile de se leurrer, plus que l’exploit physique de 2000km à vélo, c’était la confrontation avec la nature qu’il recherchait, avec de vagues rêves d’adolescence qui lui parlaient de Dieux des loups ou des ours, de lutte corps à corps, et de sa victoire par courage héroïque, sur les forces de la montagne, des glaciers et des torrents.

Désormais, la route plane et balisée n’existait plus. Feng devait pédaler péniblement sur des pistes inégales de sable et de gravier, tout en résistant aux bourrasques glaçantes du plateau. Pas question de quitter fut-ce une seule minute ses gros gants de mouton, son bonnet fourré, son anorak de Gore-Tex. Moins encore d’ôter ses lunettes polaroïd, absolument vitales contre les ardents rayons du soleil, que ne tamisaient presque jamais les nuages. Il devait ainsi se frayer son chemin à la dure, naviguer entre crevasses, congères et torrents qu’il passait à gué. De ces efforts, il était récompensé par la vision fugace de hardes d’ânes sauvages qu’il surprenait, ou d’antilopes chiru, au gracieux galop bondissant. Un jour, un aigle accompagna Feng, planant au- dessus de lui à 20m de hauteur, chaque plume discernable sous le vent. L’effort le maintenait en ébriété permanente.

Feng entrait dans l’épreuve la plus périlleuse de sa vie. Sur son vélo lourdement chargé, il devait se dépenser au moins 12h par jour, même dans la nuit –car ce ciel de haute montagne était suffisamment illuminé par la lune et les étoiles pour avancer. Le vrai danger était ailleurs :  la faim. Car ses 12 paquets de nouilles instantanées, il le savait trop bien depuis le départ, étaient ridiculement insuffisantes pour le nourrir durant tout le voyage, surtout sous cet effort et ce froid constant en dessous de zéro degrés. Aussi d’emblée, il avait décidé de ne consommer qu’un bol tous les deux jours. Le reste du temps, il essaierait de se nourrir de racines, baies ou feuilles.

Un autre souci était la navigation. Il s’orientait avec son GPS, alimenté par son chargeur solaire. Craignant  la perte de cette aide cruciale, il tentait de repérer sa route selon la position des étoiles. Un peu tard, il réalisait pourquoi la route Ngari-Golmud où roulaient ses amis, perdait des centaines de km à louvoyer en arc de cercle par le sud du territoire. C’est que la piste par le centre, à vol d’oiseau, qu’il avait choisie, était bien moins favorable, faillée de vallées, glaciers et lacs, dont il voyait  les noms sur son portable, Dagze, Chabuluo ou Puxu. Ces lacs étaient proches de la débâcle – pas question de les franchir sur leur glace. Les fissures qui les traversaient craquaient à longueur de jour, évoquant des grognements de dinosaures assoupis.

Progressivement, à travers ce décor sublime et désolé, le voyage vira au cauchemar. Affamé, Feng pédalait pour sa vie. Quand exténué, ses mollets refusaient leur service, il récupérait dans l’anfractuosité d’une roche, emmitouflé dans son duvet. Puis il se réveillait, se faisait bouillir un thé sur son butane portatif, avant de repartir stoïque, le ventre creux : le salut était à l’arrivée !

Au bout de quelques jours, éreinté, il commit l’erreur de rouler sur une plaque de neige qui céda sous son poids. Il s’évanouit dans sa chute. Quand il reprit conscience, il était au fond d’une crevasse, le genou ensanglanté. Au prix de mille efforts, il parvint à s’extraire. Mais les jours suivants, il ne put plus avancer qu’à petite vitesse, et son genou meurtri lui causait des élancements insupportables.

 Le 18 mars au soleil couchant, il vit devant lui luire une puis deux, puis une dizaine de paires d’yeux phosphorescents, barrant son passage : une meute de loups qui l’attendaient, immobiles. Pas question de fuir. Avec son vélo, il ne leur faudrait que quelques mètres pour le rattraper. Mais l’instinct de survie de Feng anesthésia la peur. Une scène du film « Le totem du loup », dans une situation analogue, lui dicta la conduite à suivre : dégainant et ouvrant son poignard, il se mit à en cogner le cadre du vélo, à un coup par seconde. De l’autre main, il braqua son guidon, son phare sur le loup le plus proche, le chef. Dès les premiers sons, un signe d’incertitude apparut dans la meute. Feng alors redoubla son vacarme, alternant le choc du cadre et du couteau avec la crécelle de sa sonnette. Et soudain, le miracle eut lieu : le loup de tête fit un pas de côté, puis demi-tour, suivi des autres : Feng venait d’échapper à la mort !

Cinq jours plus tard, Feng, encore à  150km de l’arrivée, venait de manger son dernier paquet de nouilles. Il fallait accélérer, ou mourir. Du col qu’il venait de franchir, il voyait se profiler un lac, flanqué d’un marécage, chemin vers un plateau qui reprenait à l’horizon. Jouant le tout pour le tout, il s’y engagea, avant de réaliser son erreur : il venait d’enliser son vélo jusqu’au moyeu et cette fois, en dépit d’efforts désespérés jusqu’au bout de ses forces, il n’y eut aucun moyen de le désembourber—dans la vase, il risquait de se laisser lui-même engloutir. Il dut alors l’abandonner, après avoir récupéré son sac à dos, et constaté que son téléphone, et la batterie, trempés, étaient perdus, et avec eux, la navigation  par satellite !

Avec ses dernières forces, il se mit à marcher. A la nuit tombante, il trouva un camion kaki abandonné. Il s’y hissa avec peine, s’endormant sur la banquette. Il tenterait de survivre dans cet abri improvisé, si Dieu ou les Dieux voulaient bien lui venir en aide !

Seul un miracle peut encore sauver le jeune imprudent. Qu’adviendra-t-il ? Huit jours, cher lecteur, vous séparent de l’épilogue !


Rendez-vous : Semaines du 3 au 16 juin 2019
Semaines du 3 au 16 juin 2019

SAVE THE DATE : Mardi 11 juin à 20h, Pékin, Conférence d’Eric MEYER à Fenêtre sur Chine. Rétrospective sur ses 32 ans de Chine et sa carrière de journaliste et d’écrivain.

Amis Pékinois ou ceux de passage, venez nombreux !

03-05 juin, Canton : INTERWINE CHINA, Salon international du vin, de la bière, et des procédés, technologies et équipements pour les boissons

03-06 juin, Shanghai : AQUATECH CHINA, Salon professionnel international des procédés pour l’eau potable et le traitement de l’eau

05-11 juin, Chongqing : AUTO CHONGQING, Salon international de l’industrie automobile

11-13 juin, Shanghai : ASCE, Salon international des services liés à l’aviation

11-13 juin, Shanghai : CES ASIA, Salon des hautes technologies et des entreprises pionnières. Villes intelligentes, intelligence artificielle, technologies des véhicules, dernières avancées en robotique…

11-13 juin, Shanghai : CHINA AID, Salon professionnel des soins aux personnes âgées, de la rééducation et des soins de santé

11-13 juin, Shanghai : FMA CHINA, Salon international de l’alimentation, des vins et spiritueux, de la viande et des produits de la mer et fruits de mer en Chine

11-14 juin, Shanghai : IAAPA EXPO ASIA, Evénement majeur (salon et conférence) sur l’industrie des parcs d’attractions et de loisirs

12-14 juin, Pékin : CIEPEC, Salon chinois international et conférence sur la protection de l’environnement

13-15 juin, Canton : INTERNATIONAL ROBOTICS EXHIBITION, Salon international de la robotique