Le Vent de la Chine Numéro 15 (2016) – Spécial Salon de l’Auto

du 1 au 7 mai 2016

Editorial : Deux réformes à très long terme

L’Etat a franchi le Rubicon en faisant adopter au Parlement (28 avril), en 3ème lecture, sa loi sur les ONG étrangères. Sur ce dossier brûlant, l’Etat a  fait preuve de prudence en prolongeant le débat d’un an pour réfléchir aux critiques étrangères. En effet, 7000 ONG étrangères sont visées : Chambres de commerce sino-étrangères, associations humanitaires telle Save the Children, lobbies comme Greenpeace….Ne sont pas concernés par la nouvelle loi : les hôpitaux, écoles et instituts de recherche internationaux.
Certes, cette nouvelle loi reconnait l’existence juridique de (certaines) ONG étrangères, ce qui n’avait jamais été fait avant. Elle met donc un terme à la « zone grise », qui permettait à l’Etat de pouvoir les fermer à son bon vouloir. 
Ainsi, après une procédure complexe, les ONG jugées « approuvables » pourront demander l’autorisation d’ouvrir plusieurs bureaux en Chine, et n’auront plus à demander le renouvellement de leurs licences tous les 5 ans. Elles pourront recruter plus facilement employés et volontaires. En contrepartie, elles devront émettre des rapports d’exercice explicitant le montant et l’origine de toutes leurs ressources, liste de leurs projets et activités. La police aura aussi le droit d’interroger à tout moment les employés. Pour les ONG suspectes de sympathies avec des milieux subversifs ou « considérées comme politiquement sensibles » (comme la religion, les droits des travailleurs…), elles seront fermées et mises sur liste noire.
Mais le véritable tour de vis réside dans le changement de l’autorité de tutelle légale des ONG étrangères : elles dépendront de la Sécurité publique, tandis que  les autres ONG chinoises, resteront sous la coupe du ministère des Affaires civiles. Ainsi, une structure charitable étrangère s’occupant d’enfants des rues, dépendra donc du travail et du jugement de la police. Cette ségrégation est un signe de méfiance envers le bénévolat étranger, suspecté de diffuser des idées nouvelles, non-chinoises et démocratiques.

Autre innovation, au 1er mai, la taxe sur le chiffre d’affaires vole aux orties, remplacée par la TVA. Introduite en 1979, elle avait enregistré un début d’activité en 1994 sous Zhu Rongji, soucieux de regarnir les coffres de l’Etat central. En 2012, le « plan d’action TVA» était lancé, couvrant dès lors les industries. À présent, elle s’applique aux quatre secteurs encore non couverts : 11% pour la construction et l’immobilier (dont ventes et location avec des entreprises), et 6% dans la finance et services au consommateur. 10 millions de firmes sont concernées, et la TVA se substituant à la taxe d’affaires, leur fera économiser 500 milliards d’impôts.

Les plus chanceuses seront les PME au chiffre d’affaires de moins de 500.000¥, qui verront leur taxation baisser de 5% à 3%. Les consortia gagneront aussi, en exemptant de TVA la plupart de leurs transactions internes. L’immobilier de même sera bénéficiaire, en déduisant ses achats de terrain. Mais il perdra aussi, du fait de l’impossibilité de déduire les salaires, une partie importante de ses dépenses.   

Les perdants seront les provinces, qui touchaient 40% de la taxe d’affaires et auraient dès lors 125 à 250 milliards de ¥ de manque à gagner annuel, sans la compensation promise par Pékin, un emprunt public supplémentaire de 560 milliards de ¥ cette année. Les industriels eux, bénéficieront de baisses d’impôt au titre de leur recherche et développement et d’investissements de modernisation.

Il s’agit clairement d’un instrument à long terme pour lever une discrimination à l’encontre des PME et des services (la priorité des priorités pour le régime), qui assuraient déjà plus de la moitié du PIB brut l’an dernier. « Puissant soutien à la croissance immédiate, commente Li Keqiang, 1er Ministre, la réforme nourrira aussi la croissance à l’avenir ». Ainsi, la Chine s’éloigne un peu plus d’un mode de fonctionnement socialiste planifié, pour évoluer vers la pratique internationale.


Automobile : La véritable naissance de l’auto chinoise

Le 14ème Salon de l’Auto de Pékin a ouvert ses portes le 25 avril pour 10 jours, avec son habituelle brochette de nouveautés. Tous les constructeurs majeurs de la planète étaient présents, et pour cause : sur  80 millions de véhicules produits et vendus en 2015 dans le monde, 24,6 millions l’étaient en Chine, un sur trois. Loin de « caler » sous la déprime conjoncturelle internationale, les ventes au 1er trimestre ont gaillardement tenu bon, à 6,59 millions d’unités et 8,9% de hausse, aidées  par une baisse de taxes de l’Etat.

Cela dit, par rapport à l’an passé, une rupture devient visible. Pour la première fois depuis leur entrée en Chine peut-être, les marques étrangères perdent du terrain, et les locales progressent. Le recul peut être relatif (croissance plus faible) ou absolu, mais il est indéniable : en 2014, deux Chinois sur trois achetaient étranger (65%). En 2015, ils n’étaient plus que 60%, et fin mars, 56%. La tendance est radicalement nouvelle, inédite, même du temps des années ’90 où l’Etat favorisait ses champions locaux.

Les SUV font un carton

Un moteur du phénomène, est l’engouement pour les SUV (Sport Utility Vehicle, croisement du 4×4 et du monospace) : au premier trimestre, le SUV s’est vendu à  1,14 million d’unités, +17%. Un mouvement qui a presque exclusivement profité aux chinoises (+42,5%), pavanant aux 7 premières places du palmarès avec des noms quasi-inconnus tels Havel, Baojun ou Trumpchi. Les étrangères ramassent les miettes avec +3,5% de ventes : VW, Buick (GM) et Honda occupent les rangs 8, 9 et 10.

Comme les monospaces en Europe il y a 25 ans, ces SUV font un tabac en Chine pour des raisons presque psychanalytiques. L’ovoïde monospace, rappelant le ventre de la mère, est promesse de protection contre les dangers du monde extérieur. La SUV allie équipements, volume intérieur, mais aussi hauteur et « puissance » – une garantie de sérénité et de «priorité » au cœur d’un trafic souvent anarchique et agressif. Ce succès du SUV chinois est tel (58% du marché) que la concurrence étrangère n’a d’autre choix que de s’aventurer sur ce terrain avec ses propres modèles. En effet, quiconque ferait l’impasse, se couperait de la demande chinoise n°1.

Mais il n’y a pas que la recette : l’ exécution aussi, est essentielle, et l’ on retrouve côté chinois un dynamisme et une imagination sans faille.

Chery, le groupe privé de Wuhu s’ est taillé un vif succès au Salon en présentant sa Cowin, une 4×4 collectivement dessinée et nommée en 2015 avec la participation active de plus d’un million d’internautes. Zheng Zhao, le chef du projet décrivait ainsi sa philosophie : « une voiture dessinée par un Italien de 50 ans, ne peut pas plaire à la jeune génération chinoise née dans les années ‘90. Alors, nous avons préféré lui demander directement, de créer son propre concept ! ».

Cela dit, les professionnels-mêmes s’interrogent sur ce succès trop magistral : tout en vendant plus de SUV, l’industrie chinoise a perdu net 22% de ses ventes dans d’autres segments du marché (-541 000 ventes au 1er trimestre). De ce fait, ses marques ont réduit leurs investissements en automobile « classique », Great Wall allant même jusqu’à s’en retirer totalement pour tout miser sur le succès du moment.

Avec deux risques lourds à la clé. Chaque année qui vient, l’Etat imposera à tout constructeurs et tous modèles de baisser leur consommation de carburant, pour atteindre 5 litres aux 100 km en 2020. En 2018, la baisse imposée sera de 8% : une performance dont 37 marques sont aujourd’hui incapables, et d’autant moins que les SUV, au fil des années, s’alourdissent (+13kg en moyenne à ce Salon 2016), ce qui n’aide pas à réduire la consommation en carburant ! 

L’autre risque, est celui de la fin de la mode du SUV. La gamme de prix moyenne n’est que de 50.000 ¥ à 100 000 ¥, pas de quoi accumuler un « trésor de guerre ». L’engouement, une fois passé, avec quel argent ces constructeurs vont-ils investir dans leur prochaine gamme ?

L’avenir : énergies nouvelles et véhicules connectés

L’autre marché chouchou du Salon, est celui des énergies nouvelles – électrique, hybride, ou à hydrogène.

Ce marché ne « pèse » que 1% de celui national. Nonobstant, sur 1179 voitures exhibées, le Salon aligne 147 de ces modèles à énergies nouvelles, soit 12%. La définition du véhicule de demain se fait toujours plus claire. Elle n’est pas que « décarbonisée » mais aussi connectée.

Certains définissent cette voiture future comme une « plateforme mobile de services », avec deux maîtres à penser, tous deux californiens : Apple et Tesla.

L’idée est une voiture disposant d’un ordinateur de bord, capable à long terme de piloter le véhicule et immédiatement, de dialoguer avec des sources l’extérieures. Les services pourront ainsi se multiplier (assistance au pilotage, information, loisirs, covoiturage, achats en ligne…). Ainsi, le constructeur continue à gagner de l’argent même après l’achat du véhicule – tout comme Apple.

Dans l’immédiat, humblement, ces  « EV » se contentent de rouler, avec batterie ou double moteur. La Chine est passée en 2015 au premier rang mondial, avec un score supérieur à ses sept meilleurs challengers (Etats-Unis, Japon, Europe), avec 331.000 unités et une hausse de 340%.

C’est le résultat d’une politique. L’Etat offre à l’achat jusqu’à 25% du prix étiquette, avec par exemple 110.000¥ pour une Denza (JV de BYD et Mercedes) facturée 170.000 à 390.000¥.

En sus, il offre la plaque, autrement quasi-introuvable dans les grandes villes. Il impose aussi que 50% des achats de véhicules publics soient des EV, et investit fortement dans la recherche, les services, les réseaux d’autopartage en ville, et de recharge. Enfin, le marché bénéficie d’une baisse des coûts de production des batteries.

Pour 2017, l’Etat prédit des ventes doublées à 700.000 EV et 5 millions d’ici 2020.

D’ici là, un argument décisif jouera : à Pékin d’abord, puis en toute métropole probablement, les véhicules des particuliers ne rouleront plus qu’un jour sur deux. Sauf les EV, qui resteront libres comme l’air !

En Chine, le maître du marché est BYD de Shenzhen, ayant vendu 58.000 voitures l’an dernier, notamment son modèle « The Yuan »  à 209.000¥. Pour cette année, il pense tripler son score, à 150.000 unités.

C’est ainsi que pour les constructeurs chinois, la voiture électrique pourrait être le « cheval de Troie » qu’ils attendent depuis 20 ans pour entrer dans le juteux marché automobile occidental. Le marché n’étant pas mûr, et donc ouvert et à saisir !

Trois marques chinoises sont à la  pointe, dans la recherche sur la voiture sans chauffeur : Chang’an, Baidu (groupe de l’internet) en coopération avec BMW, et Volvo, filiale de Geely. Avec l’aide du ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information, la Chine ne vise rien de moins que de dépasser Google, Apple et la Silicon Valley.

Pour concevoir ces voitures connectées, de grosses firmes s’allient avec des constructeurs et des fonds dans la course à la formule gagnante de demain. Au Salon, trois alliances chinoises attirent le regard :

Next EV s’associe aux fonds Sequoia, Hillhouse, aux constructeurs Jianghuai, JAC , avec un budget d’1,5 milliard de $ .
Foxconn (le producteur des iPhones), Tencent (n°1 des réseaux sociaux avec WeChat), China Harmony New Energy Auto et Infiniti (constructeurs) dessinent des modèles de plateformes digitales connectées.
– Pour créer une usine à Las Vegas, LeEco, du milliardaire Jia Yueting s’est uni avec une start-up américaine, Faraday Future, coopère avec le britannique Aston Martin, et présente déjà un concept car séduisant (cf 1ère photo). La distribution en Chine serait confiée au groupe pékinois BAIC.

Autour de ce marché de l’EV, le groupe KPMG, a cherché à mesurer les différences de réactivité entre patrons chinois et étrangers, en terme de liberté créative et de souplesse d’adaptation. Dans un sondage, a été posé la question : « le bouleversement de la digitalisation affectera-t-il tous les segments du marché ? ». Or, la réponse euro-américaine a été « oui » à 74%, et celle chinoise, à 90% – manifestant ainsi une conscience plus forte de l’urgence à se préparer à l’arrivée de cette voiture digitalisée et connectée.

Comment sera-t-elle ? A l’horizon 2050, pense Yale Zhang (Automotive Foresight, Shanghai) : éliminant tout accident, elle n’aura plus besoin comme aujourd’hui d’une telle résistance aux chocs ; l’élément crucial ne sera plus le moteur, mais l’ordinateur de bord… Bon nombre de savoir-faire traditionnels n’auront plus lieu d’être. Et les constructeurs les plus compétents pour bâtir de telles voitures deviendront ceux les plus expérimentés en logiciels et en connectivité. De même, avec les réseaux d’autopartage, l’achat du véhicule cessera d’être une nécessité. Zhang croit dès maintenant à une décroissance du marché de 50% par rapport aux 80 millions d’unités annuelles moyennes.

Voici encore, glanées à travers ce salon, quelques tendances :

– Côté export, seule 3% de la production chinoise sort du pays. GM s’apprête à exporter vers les USA les véhicules de sa dernière usine construite à Shanghai pour 1,2 milliard de $ – notamment sa berline CT6 hybride, et sa SUV Buick Envision. En dépit de gros efforts, les constructeurs chinois n’ont guère percé en Europe (BYD, Geely – grâce à sa filiale Volvo). L’effort le plus récent se porte vers la Turquie et la Russie (Geely), le Moyen-Orient (Guangzhou Auto). PSA a un peu exporté vers l’Egypte, l’Iran (SUV de chez DS), et Renault a de grands plans d’export vers « 80 pays » pour sa Koleos made in Wuhan.

– Les marques de luxe, c’était prévisible, sont indemnes des derniers tournants. Rolls-Royce avec sa Ghost Black Badge, ou Maserati ne sont que peu touchées –cette dernière toutefois, sort son propre modèle SUV « Levante » frisant le million de ¥, tendu de cuirs et de soieries signées Ermenegildo Zegna… Mercedes de même, ignore la crise, avec 105.000 ventes en trois mois et 39 modèles en vente.

– Le secteur des accessoires se porte très bien aussi, avec des entreprises comme Valeo qui sort un filtre à air pour habitacle, efficace sur quasi 100% des particules 2,4PM , ainsi qu’un nettoyage de pare-brise activable par iPhone à distance, avec des deux programmes classiques, antigel et anti-insectes.

Le point, pays par pays

– Aux Etats-Unis, on travaille fort sur la mobilité connectée. Chez GM, d’ici 2020, tous ses modèles (Cadillac, Buick et Chevrolet) seront connectés au réseau de communication Onstar (de Shanghai), lequel a signé une entente avec le groupe Midea de domotique pour pouvoir agir depuis la voiture sur la maison (allumer le chauffage, la climatisation ou le filtre à air, lancer le café…). Chez Ford, on a introduit dans les voitures un accès au réseau Dida Pinche, mettant en contact les candidats au covoiturage.

Allemagne : VW sent le vent du boulet, suite à son scandale mondial des moteurs truqués. En Chine, à l’en croire, seuls 2000 diesel importées seraient impliquées, mais le groupe se prépare au pire, sous forme d’une épidémie de rappels. Ses ventes ont baissé de 3,4%, à 3,5 millions d’unités, ce qui le garde tout même confortablement au 1er rang national. Pour redorer son blason, il annonce 4 milliards de $ d’investissements cette année, en SUV (10 modèles en préparation) et en EV.

Japon : Pour lutter contre l’érosion mondiale des ventes, combinée à la bise anti-nippone, Nissan a créé sa marque low-cost. Après avoir vendu 1,25 million en 2015, il vise 1,3 million cette année. De son côté, Toyota se plaint de la sévérité croissante des normes environnementales, et espère franchir la barre des 2 millions en 2025. Bonne surprise en mars, ses ventes ont bondi de 40,5%, à 100.500.

Corée du Sud : Tout va mal pour Hyundai qui enregistre en janvier sa 1ère baisse nette depuis 9 ans. Le problème tient à Elantra et Sonata, ses modèles vieillissants. Ce qui n’empêchera pas ses deux nouvelles usines d’ouvrir cette année, les n°4 et n°5. Il est temps d’innover !

renaultwuhankadjarLa France : Renault se lance logiquement avec le produit qui marche, le SUV, avec son Koleos, le Captur, et la Kadjar (cf photo). Pour sa promotion, le groupe au losange mise sur la très populaire actrice Fan Bingbing. Renault promet aussi de briller « demain » dans l’EV. Enfin, quoiqu’arrivé en Chine parmi les premiers, fin des années ‘80, PSA a souffert d’erreurs de départ, qui furent surtout celles de la direction parisienne de l’époque. PSA n’a que 3,4% du marché et vendait 730.000 voitures en 2015 – score moyen, mais c’est 80.000 de plus qu’en France ! Et le groupe de Sochaux espère atteindre les 1,7 million en 2020. En attendant, il brille avec le retour de sa C6 en version semi-luxe. 


Banque : Les PME financières virtuelles boivent la tasse

À Hangzhou (Zhejiang), Yang Weiguo (cf photo), PDG de la banque virtuelle Wangzhou Fortune, disparaissait avec un milliard de ¥ des investisseurs, 40% des fonds levés depuis deux ans. Ses employés ayant prévenu le 20 avril la police, celle-ci lançait un avis de recherche, et des dizaines de milliers de clients préparaient leurs mouchoirs…

La firme frisait les 100 succursales à travers le pays, mais souffrait ces derniers mois de difficultés notoires de trésorerie, faute de pouvoir honorer les intérêts ou rembourser les rentiers réclamant leurs bas de laine.

Mais voilà que le 25 avril, Yang guilleret réapparaissait sur la plateforme sociale d’un journal financier, en une vidéo de 6 secondes : « Salut tout le monde, c’est moi, pas de souci, je suis de retour bientôt ». Dans une lettre sur WeChat, il précisait s’être retiré « dans le désert de Gobi », pour « méditer sur l’avenir de la société et les moyens de restaurer la confiance ». Il déclarait se mettre à la disposition des enquêteurs…

Ce cas est le point culminant d’une vague de faillites frauduleuses dans la finance par internet. Le carcan de la réglementation sur les banques classiques, et leur faveur systémique aux firmes publiques (pénalisant PME, paysans..) a fait naître une finance parallèle non régulée. Elle a fleuri durant la croissance forte, mais périclite maintenant, incapable de tenir sa promesse de rendements dépassant souvent les 10%.

Conséquence : une série de scandales, tel celui d’Ezubao en février, qui pluma en deux ans 900.000 agioteurs de 58,2 milliards de ¥. Ce type de carambouille en 2015 a augmenté de 71%, à plus de 10.000 affaires, avec toujours plus de cas dépassant 100 millions de ¥.

Avec retard, les autorités financières prennent la mesure du risque de déstabilisation, et réagissent. Le 27 avril, un comité de 15 ministères et commissions de tutelles se réunissait pour préparer la riposte. Tout nouvel enregistrement d’une firme financière était déjà bloqué, et le drainage d’épargne à fins de prêts sur internet, prohibé. Le grand nettoyage du secteur fera l’objet d’une campagne, qui durera tout le 3ème trimestre : les autorités recenseront le risque du client en gestion de fortune, emprunts-prêts P2P, coopératives rurales, placements privés et autres. Cela signera-t-il la mort des PME financières sur internet ?  Qu’il soit permis d’en douter !


Diplomatie : Birmanie-Chine : « On efface tout et on recommence »

Le 5 avril à Naypuidaw (Birmanie), Wang Yi, ministre des Affaires étrangères, rencontra Aung San Suu Kyi, au poste équivalent à celui de 1er ministre. Quoique sans résultats tangibles, ce fut un moment refondateur : une relance, après cinq ans de gel.

Depuis 2011, les rapports étaient bloqués : 50 ans de suzeraineté chinoise avaient irrité la population birmane. En cause, des chantiers géants lancés sans l’avis des autochtones, qui expulsent des dizaines de milliers de paysans, laissant des dégâts environnementaux colossaux faute d’avoir été prévenus en amont. Surtout, le bénéfice allait tout à la Chine, sauf un gros bakchich pour le militaire octroyant la licence. Ainsi le barrage de Myitsone, pour 3,6 milliards de $, expropriait 50.000 fermiers, et devait exporter 100% de l’électricité vers le Yunnan. En 2011, la colère grondait si fort que Thein Sein, Président de la junte, gelait le projet, puis fermait d’autres chantiers dont une mine de cuivre, une ligne ferroviaire. Toutes les négociations étaient rompues. Puis les années ont permis de réfléchir. De part et d’autre, on avait trop à perdre à s’enferrer dans la rupture.

Côté Chine, pas question de laisser les Etats-Unis venir réarmer la Birmanie contre elle, ni d’abandonner ce marché de 60 millions d’âmes où tout reste à rééquiper ; encore moins de renoncer à ce fournisseur de grumes, de minéraux et de gaz. A travers la Birmanie, la route vers l’Inde est encore plus essentielle pour la Chine, par train ou autoroute, gazoduc et oléoduc – le succès régional de son programme « une ceinture, une route » en dépend.

Côté birman aussi, les attentes sont fortes : sans la Chine, son premier investisseur, financier et ingénieur low-cost, pas de croissance rapide. Et puis il y a cette priorité essentielle : s’appuyant sur le prestige unificateur de la « Lady», le pouvoir civil espère à présent pouvoir faire la paix avec ses minorités ethniques, enterrant 70 ans de guerre. Or, un tel accord est impensable sans l’appui de Pékin, vu les 1300 km de frontières communes, qui sont la jungle et le royaume des rebelles.

Mais comment reprendre les relations sur de nouvelles bases, plus équitables et durables ? C’est ce qu’ont étudié Aung San Suu Kyi et Wang Yi, se promettant de définir une feuille de route pour leurs relations futures. Un parcours lent, semé d’embûches, mais l’enjeu est colossal. Cette relation nouvelle, si elle aboutit, sera le modèle pour les autres pays d’Asie du Sud Est—une forme de « décolonisation à la chinoise ».


Petit Peuple : Guanmashan (Jilin) – La grande aventure de Sun Jifa, aux mains d’argent (1ère partie)

Fils de fermiers aisés à Guanmashan dans le Jilin, Sun Jifa reçut de la vie en 1974, le cadeau qui tue, ou comme on dit en chinois, « le poison en dragée » (糖衣炮弹 – táng yī pào dàn). Le piston des parents (aidé sans doute d’une lourde enveloppe de billets de banque) lui ouvrit le privilège recherché d’une place dans l’armée, qui plus est dans l’artillerie, une planque aux gras salaires et aux tâches peu épuisantes. Ses cinq ans sous les drapeaux lui permirent en sus d’acquérir une solide formation dans le maniement des explosifs, en chimie fondamentale et à l’ordinateur.

Cette sinécure aurait pu durer toute la vie, si son père ne s’était avisé, en 1979, de lui ordonner de revenir reprendre la ferme – il était temps pour lui de passer la main. En bon fiston, Jifu avait obéi : de retour au village, il y avait trouvé Xiangyun, la fille du voisin qui l’attendait, son trousseau tout prêt pour le mariage arrangé. De la sorte, le père doublait d’un trait de plume la taille de son champ, et le fils récupérait une mère pour ses futurs enfants. C’était finement pensé !

Mais le destin se joue des meilleurs plans. Bizarrement, la catastrophe suivit une bonne nouvelle : en septembre 1980, Xiangyun tomba enceinte. Fou de joie, Jifa décida qu’elle ne se nourrirait plus que de poisson, riche en phosphore, afin que le bébé à naître soit doté d’une excellente mémoire, fasse des études brillantes et permette à tout le clan de porter le front haut.

L’étang d’à côté regorgeait de poissons. Ainsi, Jifa revenait chaque jour avec des pêches miraculeuses, tanches et carpes. Dans son petit atelier, il prépara donc un genre de grenade, à faire sauter dans l’eau afin de « pêcher » sans effort ! Mais ce qui devait arriver, arriva : en un moment de maladresse, il fit sauter la machine infernale, protégeant par réflexe son visage de ses bras.  Le lendemain à l’hôpital, il se réveilla double manchot, veuf de ses mains et avant-bras  qui l’avaient fidèlement servi pendant 27 ans…

Tels des corbeaux sur une ville en ruine, la honte et le désespoir s’abattirent sur lui :  par imbécilité crasse, il venait de trahir sa femme, son enfant à venir, incapable qu’il était désormais de les nourrir. Au contraire, c’était elle, Xiangyun qui devait désormais lui donner la becquée, d’une soupe ou d’un ragoût gagnés à la sueur de son front.

A l’hôpital, les médecins lui avaient recommandé des prothèses mécaniques articulées, toutes belles en fonte d’aluminium, qui lui permettraient de récupérer quelques fonctions simples. Mais chacun de ces petits bijoux sur mesure, coûtaient la moitié du prix de la ferme, montant exorbitant qu’il ne pouvait rêver de payer. C’était honteux, d’exploiter ainsi la misère des estropiés : les hommes en blanc ajoutaient l’insulte au crime ! 

Ainsi, des mois passèrent à broyer du noir… Souvent Jifa, intérieurement, bouillait de rage à lire la commisération dans les yeux des visiteurs, qui se sentaient à l’évidence supérieurs à lui, pauvre handicapé. Plus d’une fois il envisagea le suicide – ses proches vinrent l’arracher au bord de l’étang, où il s’attardait le soir, avec passion morbide…

Heureusement, Xiangyun était là, prête à tout geste qui guérisse sa blessure morale, lui répétant du regard : « reste avec nous » !

Et puis naquit leur fille, pour dissiper ses mauvaises pensées. Alors, progressivement, revint l’esprit de lutte. Jifa sentit en lui le sursaut de discipline du militaire, l’instinct rageur et la fierté virile du soldat qui se bat, gagne ou perd, mais ne plie pas !

A 28 ans, il décida, quoiqu’il lui en coûte, de produire ses propres prothèses. Xiangyun lui rapporta les lectures spécialisées sur le sujet, et lui tourna les pages, jusqu’à ce qu’il apprenne par lui-même à le faire avec ses lèvres, en dirigeant un brin de paille. Il réfléchit aux matériaux, aux outils, s’installa un étau, des jeux de scies, râpes et limes. Il travailla d’abord avec ses lèvres et ses pieds. Après quelques mois, il apprit à se fixer des outils à son avant-bras, au moyen de deux arceaux autour du moignon.

Sa première paire de bras, il la sortit en janvier 1984, un peu avant la fête du Nouvel an, fruit de milliers d’heures de travail acharné. Pour concevoir, sculpter, coller ou souder, sa productivité était très basse. Assemblés à partir de résine de polyester, de caoutchouc et d’acier de récupération, ses prothèses n’avaient pas fière allure, mais au moins remplissaient leur tâche, se moulant aux avant-bras pour restituer au corps un équilibre naturel. Dès qu’il les porta, le regard des autres changea, le faisant repasser dans le camp des gens normaux. C’était déjà une victoire, et pas petite.

Et pourtant, Jifa n’y trouva pas son compte. Il pouvait, il devait faire mieux que cela, sous l’angle esthétique et sous celui de la fonctionnalité . D’aspect hideux, ces fausses mains choquaient, et elles restaient inertes, ne sachant rien faire.

Tout était à recommencer. Technicien autodidacte, Jifa comprit qu’il ne pouvait différer davantage une étude exhaustive de ce qu’était un bras : d’un point de vue anatomique, mécanique, esthétique et même psychologique – car l’âme blessée devait aussi accepter sa condition nouvelle et cette partie artificielle qui complétait le corps. Quand il se remit au travail, son approche, et ses moyens avaient entièrement changé !

On verra la semaine prochaine les résultats de ce parcours, et d’une quête débutée pour cause médicale et économique, pour aboutir à une réflexion philosophique !


Rendez-vous : Semaine du 2 au 8 mai 2016
Semaine du 2 au 8 mai 2016

5-7 mai Shanghai : SIAL, SIAL Wine World, Salons de l’alimentation, des boissons, vins et spiritueux

5-7 mai : Shanghai : IE Expo, Salon international de la gestion et du traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie

 5-7 mai : Shanghai : IFAT China, Salon de la purification de l’eau, du recyclage t du développement durable

6-8 mai, Chongqing : BMChina, Salon international du bâtiment durable, des économies d’énergie et de la décoration

6-8 mai, Chongqing : GBE, Salon international du bâtiment durable et de l’énergie

gbechina6-8 mai, Pékin : LUXURY China, Salon asiatique du luxe

7-9 mai, Canton : FASHION Guangzhou, Salon international de la mode

8-10 mai, Wenzhou : WOF, OPTICS Fair, Salon international de la lunetterie

wofwenzhou9-12 mai, Pékin : ACHEMASIA, Salon – Congrès international du génie chimique et des biotechnologies