Le Vent de la Chine Numéro 31 (XX)

du 12 au 18 septembre 2015

Editorial : La Chine, « plombée ou plan B » ?

C’est en période de crise que la Chine sait se montrer la plus convaincante, en maniant des énergies cachées, témoin de sa frappante résilience. Déployant dans l’urgence une masse d’initiatives volontaristes, elle conçoit un «  plan B », exécuté dans la foulée par son armée de fonctionnaires et d’organes disciplinés. C’est de la sorte qu’après sa terrible chute de 5100 à 3000 points en 50 jours, la bourse entame une frêle remontée à 3200 points (9 septembre), suite à l’hyperactivité d’un « comité de salut public » : 

(1) la police passe dans les maisons de courtage pour interdire toute vente de titres ou fuite de capitaux ;
(2) banques, conglomérats sont « invités » à acheter des parts chaque après-midi, pour inspirer un raffermissement de l’index avant clôture.
(3) la CSRC s’apprête à imposer sous 15 jours un « disjoncteur » en bourse, interrompant les opérations 30 minutes en cas de 5% de chute de l’index, et jusqu’au lendemain en cas de 7%. 
(4) pour réduire les pertes des agioteurs pris au piège, la taxe boursière est allégée, et sur les marchés à terme, l’opérateur qui signait hier jusqu’à 600 contrats, n’en a plus droit qu’à 10. 

En Chine et ailleurs, les édiles courent rassurer les foules. À Dalian, au « Summer Davos » du World Economic Forum, s’exprimaient le Premier ministre Li Keqiang et Xu Shaoshi Président de la NDRC ; dans le Zhejiang, Liu He, conseiller de Xi Jinping ; au G20 des « Finances » à Ankara, Lou Jiwei le ministre des Finances. Tous martèlent un message unique : le « correctif boursier est presque achevé », les « fondamentaux sont sains (croissance raisonnable, salaires et prix stables ». « Un PIB de 7% est assuré, pendant 4 à 5 ans ». La preuve : les +1,6% de fret ferroviaire en août, les +2,47% d’électricité, les 7 millions d’emplois créés de janvier à juin. Aussi, le rebond est engagé, bientôt appuyé par les réformes de la finance, de la taxation et des conglomérats.
À ces mesures exceptionnelles viennent se rajouter les classiques : renonçant à son dogme d’austérité budgétaire (à vrai dire déjà bien ébréché cette année), Lou Jiwei à Ankara, prédit une hausse de 10% des dépenses publiques à 270 milliards de $. Ce sera pour aider les conglomérats à résorber leurs surcapacités et pour poursuivre l’équipement en infrastructures—tel ce réseau national d’oléo-et gazoducs souterrains, approuvé en août, au coût présumé de 1000 milliards de ¥.
Ces dépenses ne doivent plus être supportées par le seul Etat – ni même les provinces, hyper endettées. L’éventail de « PPP » (Partenariat Privé-Public) se met en place pour attirer vers certains projets du capital social, au moyen de fonds mixtes ad hoc, tel le fonds « Greenland/China Construction Bank » (et autres partenaires) de 12 milliards de $, spécialisé dans les métros, avec 50 villes clientes potentielles. 

Tempérons toutefois l’enthousiasme face à ces initiatives : elles ont leurs limites. Le 7 septembre, la NDRC revoyait le PIB de 2014 à la baisse de 0,1%, à 7,3%. La bourse elle, remonte, mais reste… dans le coma : seuls les acteurs de l’Etat jouent (contraints et forcés) sur ce marché bridé et aux échanges tronqués à 90%. Le tableau des marchés à terme par exemple, qui culminait fin août à 2,43 millions de transactions par jour, n’en faisait plus que 23.000 le 8 septembre. Les « véritables » acheteurs, ceux du privé, attendent leur heure—celle de revendre, pour récupérer leur capital—ou plutôt ce qu’il en reste !


Banque : Le « Mao nouveau » arrive

Qui ne s’est pas déjà retrouvé avec un faux billet de 100 yuans entre les mains, même directement tombé du distributeur automatique ? 

La Banque Centrale chinoise veut mettre un terme à cette fraude aux triples dépends de l’Etat, des personnes physiques et morales : en août, elle présentait le nouveau « 100 Yuans » de cinquième génération, quasi-inviolable, avant de le mettre en circulation le 12 novembre prochain.

Depuis sa dernière réédition en 2005, le fameux billet rose sera plus difficile à falsifier, en tout cas plus aisément détectable par les ATM :
la couleur du chiffre 100 en son centre varie entre le doré et le vert selon l’inclinaison, un rose plus pâle, le Palais du Peuple en relief, de nouveaux pointillés de sécurité, et une nouvelle numérotation de série, reproduite en deux endroits.

Au fond de sa prison, Peng Daxiang, 70 ans, originaire de Shantou (Guangdong), peut se réjouir : c’est lui qui, en 2013, avait dessiné et gravé des planches d’une telle perfection, que 96% des faux billets du pays naissaient de son travail, vendus aux receleurs 6 yuans l’unité.
Rapidement détecté, Peng avait écopé de la perpétuité. Mais il n’est pas dit qu’il soit hors d’état de récidiver.
Dans les années ‘60 aux Etats-Unis, un contrefacteur avait été repéré, qui avait le crime tant chevillé au corps, qu’il parvenait à dessiner et imprimer, depuis sa cellule, des billets ensuite sortis et écoulés par ses visiteurs !


Economie : Les habits neufs des conglomérats : les « parts dorées »

SinopecCet été, le crash et la prise de conscience de ses causes profondes (la faible rentabilité d’un secteur public trop protégé) a arraché l’administration à ses rivalités : le 24 août, un « document n°24 » était approuvé, sur la réforme des firmes publiques.

<p> Ces lignes directrices ont pour co-auteur le Conseil d’Etat et le Comité Central du PCC. Ainsi, elles sont le fruit rarissime des deux branches du pouvoir, « politique » et « civile ». Le texte n’est pas encore publié – peut-être pour permettre aux leaders de procéder aux derniers arbitrages.
Mais de larges fuites permettent déjà de se faire une idée, à commencer par son objectif : d’ici 2020, refondre structure propriétaire et management des 150.000 firmes publiques (17% de l’emploi chinois, 80% de la bourse), consolider et privatiser. Mais parallèlement apparaît l’angoisse du Parti de garder sous sa griffe les firmes publiques «  sans but lucratif », éducatives ou culturelles, de service public, de la défense… 

Après « consolidation » (fusion, vente, restructuration…), les 114 conglomérats, sous la tutelle de la SASAC, devraient n’être plus que 40.
Le plan envisage de concentrer en méga-géants (sur le modèle de CNR/CSR) ceux de l’énergie, des matières premières, du transport et des télécoms. La SASAC se désengagera de la gestion au profit de holdings inspirées de Temasek (Singapour) ou de fonds souverains scandinaves, qui ne surveilleront plus que la santé du capital.
Pour assurer le contrôle de l’Etat en dépit d’une minorité au capital, un pourcentage de « parts dorées » sera réservé à l’Etat, assorti de droits spéciaux sur les grandes décisions (restructuration, répartition des profits).
Les autres groupes « lucratifs » devraient voir leur sort scellé au cas par cas : fusion, fermeture, vente… 

La liste des objectifs est instructive : insuffler du dynamisme (de la prise de risque) dans la direction, éliminer la corruption, et prévenir l’interférence de l’Etat. Mais il s’agit aussi de renforcer l’emprise du Parti dans les sphères décisionnelles, ce qui est contradictoire.
Les directeurs recrutés sur le marché seront majoritaires, mais la cellule du Parti devra organiser des passerelles entre elle-même et les organes de direction, comités de supervision, centres de recherche… Ses cadres sont supposés disposer de pouvoirs pour recruter, former, superviser leurs collègues « business »… D’où le risque de conflit d’intérêt, et de groupes qui resteront écartelés –comme à présent– entre les besoins du Parti (le monopole du pouvoir) ou de leurs membres (l’enrichissement personnel), et ceux de l’entreprise -l’optimisation des produits, et des profits.


Education : C’est la rentrée !

La rentrée des classes, lundi 7 septembre, n’est pas mince affaire : 200 millions d’enfants, 15 millions d’instituteurs et professeurs

Dans les villes, nombre de parents accompagnaient leur chère tête brune, causant embouteillages. À Pékin, cela donnait 400.000 voitures au centre-ville à l’heure de pointe. 

À Tianjin, la mairie avait mis les bouchées doubles pour que les 300 écoles endommagées par l’explosion du 12 août, ouvrent ainsi que les 16 jardins d’enfants – parfois, au moyen de grandes tentes plantées devant l’édifice. 

Le 8 septembre, le Premier ministre Li Keqiang exhortait les maîtres à développer chez les élèves le « bonus de talent » : la curiosité intellectuelle, la créativité et l’instinct inné de justice sociale. Il a également promis (cela ne coûte rien) que la réforme scolaire se poursuivrait, et surtout que les budgets éducatifs ne pourraient qu’augmenter, en aucun cas être réduits.

Les maîtres étaient moins intéressés à ces bonnes paroles qu’au petit cadeau des parents d’élèves, et par le colis de fruits et de colifichets du Conseil d’Etat, que tous recevraient le 10 septembre, journée nationale de l’enseignement, en témoignage de gratitude de l’Etat envers les travailleurs de ce métier mal payé. 

Li a aussi instruit les écoles de limiter à 30 jours après la rentrée, la durée légale de transferts d’élèves d’une école vers une autre. C’est pour réduire la chance des établissements riches (tel ce lycée de Tiantai, Zhejiang, cf photo, avec anneau de course de 200 m sur le toit) d’exiger des parents des candidats, des « enveloppes rouges », bakchichs illégaux. 

Enfin, détail insolite : alors que la bourse chinoise reste déconsidérée après son crash, voilà qu’à Canton, la CSRC a ordonné à 36 collèges de préparer des cours de placements spéculatifs et de jeu boursier, programme pilote pour 10.000 enfants de moins de 10 ans. C’est simplement que ces éducateurs pensent à long terme, et à la protection des (futurs) citoyens.
La bourse ne pouvant pas disparaître, la seule manière d’éviter d’en devenir victime, consiste à apprendre à la connaître.


Défense : Mer de Chine du Sud : de silencieux remous !

En cette fin d’été, les Etats-majors politique et militaire chinois goûtent les fruits de leur victoire en mer de Chine du Sud : en six mois, sans coup férir, ils ont pris cinq îlots stratégiques, reconquis 1200 hectares en pompant le sable des bas-fonds, créé une piste d’atterrissage de 3000 mètres, capable de recevoir les plus lourds appareils de l’APL, à 2000 km de leurs côtes. 

<p>D’ici 2017 sur ces îles artificielles, disent les experts, la Chine aura monté ses ports, casernes, canons, radars permettant d’imposer sa souveraineté sur la région. Rejetant la Convention du droit de la Mer de l’ONU (UNCLOS), Pékin ne reconnaît aux riverains (Philippines, Vietnam, Malaisie, Brunei, Taiwan) qu’une bande côtière des 12 milles.

Par ailleurs, Pékin ne perd aucune occasion d’affirmer sa souveraineté sur cette mer, au Sud comme à l’Est :
– le 24 août, Haiyang Shiyou 981, plate-forme pétrolière de la CNOOC, achève une mission de forage à 100 milles des côtes vietnamiennes ;
– du 25 au 31 août, l’APL en exercice y tirait près de cent missiles, déploya plus de cent bâtiments, des dizaines d’avions en manœuvre pour tester de nouveaux systèmes de reconnaissance, d’alerte précoce, de commande et de contrôle d’armements électroniques de surface et immergés ;
– le 1er septembre, la Chine réitère son avertissement à l’Inde de ne pas explorer un bloc maritime octroyé par le Vietnam à sa compagnie ONGC
Le déploiement naval chinois va d’ailleurs bien au-delà des mers d’Asie : début septembre, 5 bâtiments de l’APL croisent au large de l’Alaska, en plein détroit de Behring…
Suite à la plainte des Philippines, le litige de la mer de Chine passe au terrain judiciaire : les 6-13 juillet, la Cour d’arbitrage de la Haye tenait sa 1ère session—en l’absence de la Chine, rejetant l’autorité du tribunal et prétendant régler le différend en bilatéral. 

La Chine, cependant, fait pression : l’ASEAN, en session à Kuala Lumpur les 4-6 août, a eu bien du mal à exprimer sa « préoccupation » sur l’avancée chinoise dans « leurs » eaux : des pays tels Laos ou Cambodge, vassaux économiques de Pékin, faisant obstruction.
Même les Philippines, pourtant connues pour leur franc-parler, font profil bas : afin d’assurer la présence du Président Xi Jinping à « leur » meeting APEC (21 pays de la zone Pacifique) de Manille les 18-19 novembre, le n°1 philippin B. Aquino laisse entendre que le sujet ne sera pas abordé durant le sommet. 

Pour autant, face à la Chine, la défense s’organise.
Tous les riverains étoffent leurs budgets militaires, tel le Japon (42 milliards de $, 2% de hausse justifiée pour « renforcer ses îles à sa frontière Sud »).
Le Vietnam entame la construction d’un ambitieux port en eaux profondes à Hon Khoai, à l’extrême Sud du territoire. Il renforcera ainsi son potentiel industriel, mais aussi, étant situé à la hauteur des nouvelles bases insulaires chinoises, sera à même de mieux les contrôler. Et pas par hasard, les 2,5 milliards de $ du budget sont prêtés à 85% par l’ExImbank des Etats-Unis

Sous la houlette des USA donc, les pays se rapprochent et s’entraident :
exercices navals en septembre pour l’Inde et l’Australie, partenariat stratégique (défense, économie et politique) entre Vietnam et Philippines, mise à disposition par la Malaisie de ses bases à l’US Air Force pour ses missions de surveillance en Mer de Chine du Sud. Sans compter de multiples alliances croisées entre tous ces pays et le Japon…
Comme le disent les experts australiens, « la Chine a gagné au plan tactique, mais a perdu sur le théâtre stratégique », du fait de son isolement croissant face à toute la région. Ce risque sera d’ailleurs fatalement renforcé si Pékin édicte unilatéralement, comme on lui en prête l’intention, une Zone d’Identification de Défense Aérienne (ADIZ) en mer de Chine du Sud, pendant de sa ADIZ édictée en 2014 sur la partie Nord.

Enfin par chance, des éléments rassurants viennent s’ajouter au tableau pour alléger l’atmosphère :
Taiwan lançait en juin une « initiative de paix en mer de Chine du Sud », tentant de faire accepter l’UNCLOS comme base de résolution du litige ;
– La marine chinoise prépare pour septembre des exercices navals à Malacca avec ses consœurs malaise, australienne et américaine.
– Chine, Etats-Unis définirent en 2014 avec les 21 pays de l’APEC un accord de ligne de conduite en cas de « rencontres » imprévues entre leurs navires, introduisant là une dose de détente et de confiance entre ces pays ;
– Enfin, la Chine relance son offre de financer et forer à l’extrême-Sud thaï le canal de Kra, abrégeant de 1000 km la route navale mondiale. À travers l’isthme, cet ouvrage de 100km de long, pour 30 milliards de $, prendrait 10 ans —et assurerait le succès du futur port de Hon Khoai, en lui ouvrant la mer de Chine.
De la sorte, avec cet outil au bénéfice de la Thaïlande et du Vietnam, Pékin espère sans doute « acheter la paix », et sous 5 à 10 ans, imposer aux voisins d’Asie et du Pacifique un règlement négocié pour partager la souveraineté sur cette mer commune.


Diplomatie : À corps défendant, Moscou ouvre sa Sibérie

Depuis des mois, entre Moscou et Pékin, se joue une nouvelle partie : celle de la Sibérie Orientale, que Vladimir Poutine prétend ouvrir à la Chine – à l’Asie, au nom de la croissance. 

Pékin semble enthousiaste : « Ce plan de relance de la Sibérie Orientale, selon Wang Yang, vice-premier ministre, coïncide avec notre stratégie de renaissance du Dongbei ».
Mais rien n’est simple. De part et d’autre pèse un non-dit, depuis la conquête par l’Empire russe en 1858 de la Mandchourie Extérieure, 700.000 km² au nord du Heilongjiang-Amour (traité d’Aigun – partie Nord en rose sur la carte).

Depuis les années ‘90, poussés par des intérêts communs (le front contre les Etats-Unis et l’évidente complémentarité économique), les pays se rapprochent, conforté par l’amitié personnelle de leurs leaders. Surtout, les échanges en énergie progressent, avec ce contrat gazier signé en 2014, à « 400 milliards de $ ».
Mais la méfiance reste évident, sur la Sibérie notamment. Au Forum Économique Oriental à Vladivostok (3-5 septembre), Moscou attendait la Chine, le Japon, la Corée du Sud, avec des « prix d’appel » : 200 projets à pourvoir (avec subventions et grâces d’impôts), 7 milliards de $ de rénovation du Transsibérien, 70 ans de port franc pour Vladivostok. Ainsi, Moscou visait 70 milliards de $ de contrats. 

Après s’être montré à la parade militaire de Pékin (3 septembre, seul leader de stature mondiale présent), Poutine s’envola pour Vladivostok avec Wang Yang pour le Forum. Mais ce fut hélas, pour voir Wang prononcer un bref discours puis partir, emmenant avec lui Wang Yilin, le président de la CNPC (n°1 pétrolier chinois).
Aussi à la clôture, seuls 17,7 milliards de $ avaient été signés, la plupart en déclarations d’intention plutôt qu’en engagements fermes. On était bien loin du compte !
Sinopec s’engageait à co-développer deux gisements pétroliers sibériens et à acheter des parts de Sibur, groupe pétrochimique local. Rosneft parlait d’acquérir 30% des parts de Chemchina. Les pays promettaient d’achever pour 2018 le gazoduc de Sibérie Orientale et de signer « sous 6 mois » pour le gazoduc occidental – les deux outils du grand contrat gazier.
Mais justement ces chantiers traînent côté russe, et pour cause : arraché par Pékin à une Russie affaiblie par les sanctions occidentales, le prix du gaz est bien plus bas que celui pour l’Europe, à la limite de la rentabilité. 

La Chine de son côté, avoue une nette baisse d’appétit : suite au crash boursier et à sa croissance en panne, les échanges chutaient au premier semestre de 30,2%, tandis que l’investissement chinois baissait de 20%. Bilan aggravé par la dévaluation du yuan, et la chute du pétrole à 40$/baril.

C’est largement ce qui explique cette tentative de Poutine de « vendre » en partie la Sibérie à ses voisins. Il le faut, pour rééquilibrer un PIB russe tronqué au premier semestre de 3,3%.
Cependant tous les indices le confirment, le rapport de forces entre Russie et Chine est de moins en moins équilibré.
La Sibérie Orientale n’abrite que 6 millions d’habitants, face aux 150 millions d’habitants du Dongbei.
D’Etat à Etat, Pékin se garde de trop investir – seuls 31 millions de $ à Vladivostok en 2013. Mais sur le terrain, c’est la loi du marché qui règne : face à une Sibérie atone et pauvre, des firmes chinoises emportent « pour une bouchée de pain » la mine, le bois et autres richesses—telle la mine de fer achetée par le conglomérat chinois CNEEC au Birobidjan.
Pour rapatrier ce minerai, les deux pays ont convenu de bâtir le premier pont transfrontalier sur l’Amour : mais les mêmes causes menant aux mêmes effets, l’ouvrage est quasi-achevé depuis la rive chinoise, mais pas commencé côté Sibérie – malade de voir sa ressource passer brute en Chine, sans profit ni travail pour elle. 

Et la population sibérienne ? Elle est partagée entre exaspération nationaliste et impuissance fataliste. Angoissée même, découvrant dans des villes frontalières telle Heihe, des musées érigés pour rappeler que la terre d’en face fut chinoise, un message aussi enseigné dans leurs écoles…
Mais en même temps, elle voit bien que pour le meilleur et pour le pire, Pékin est 10 fois plus proche et active que Moscou, une meilleure chance d’apporter la croissance.
Elle constate aussi les 4300km de frontière commune, impossible à garder : l’infiltration inévitable du « peuple sans terre » au Sud, vers la « terre sans peuple » au Nord—un courant puissant, inextinguible d’occupation lente.

Chine et Russie voient ainsi devant elles deux scénarios contradictoires, pour leur avenir commun.
Le 1er est la réconciliation sincère prônée par les capitales. Dans le second, la Chine mène la danse.
Dans l’esprit russe, l’arme nucléaire est la garantie de sa souveraineté sur cette Sibérie vitale pour elle, comptant pour 77% de son sol. Mais dans l’esprit chinois, la prise de contrôle à dose homéopathique des ressources sibériennes, la création de prospérité et le long terme peuvent piloter un renversement pacifique…


Petit Peuple : Shenzhen – Le roi s’ennuie (1ère partie)

A Shenzhen, Xu Mouzhong, ne sachant que faire de ses milliards, passait ses journées dans les clubs huppés de la ville avec d’autres nouveaux riches, liés par le besoin de ne pas se mélanger à la populace. 

Ces 20 dernières années, tous avaient accédé à cette classe sociale intouchable par des moyens inavouables, en bourse, dans les mines ou dans l’immobilier. Ayant confié leurs affaires à des armées d’analystes et de financiers, ces chevaliers d’industrie n’avaient plus rien à faire, s’étaient vu rattrapés par le désœuvrement. 

Du matin au soir, ils menaient une vie désabusée entre les complaintes d’épouses dépensières et déprimées, les minauderies de leurs jeunes amantes, qui s’affairaient à extorquer d’eux, voitures de sport, appartements, bijoux, garde-robe, dont le design n’égalait en délire que le prix. S’ils s’exhibaient avec ces cocottes, c’était plus pour leur propres standing de notables que par amour. Quant à leurs enfants, ils étaient à la dérive, planant entre les effluves d’alcool, de drogue et de débauche.

Aussi était-ce pour fuir cet enfer pavé d’or que Xu et ses amis trouvaient refuge en un club encore plus exclusif. 

Au fond, leur seul plaisir consistait à jouer au mah-jong, réminiscence des plaisirs de leurs parents. Evidemment, le jeu d’argent est interdit en R.P de Chine, et la loi est froidement appliquée par la police dans les quartiers populaires, par des raids incessants autour des gares, des marchés et des petites gens. 

C’est pourquoi Xu avait loué une villa comme garçonnière, au n°2107 de la résidence Xiangmihu, à Futian – quartier de riches où la police se gardait de mettre les pieds. 

Dans cette élégante bâtisse à colonnes de style colonial virginien en bordure de lac, il invitait ses cinq meilleurs copains-nababs 2 ou 3 fois par semaine. Là, ils jouaient des nuits entières, entrecoupées de beuveries et cancans sur l’intelligentsia de Shenzhen, Hong Kong ou Pékin, et franches rigolades qui parfois finissaient en parties fines avec leurs « er nai » (« secondes poitrines »), qu’ils échangeaient. C’est d’ailleurs l’une de ces beautés qui leur avait présenté, en juillet 2013, un certain Zhang Yongding, émérite de mah-jong, qu’on disait la coqueluche des joueurs de cette métropole méridionale. 

Derrière la table au drap vert bouteille, Zhang s’était effectivement confirmé excellent joueur, perdant parfois et gagnant souvent, sachant écouter, rire et partager. 

Quelques mois s’étaient ainsi passés, à gagner la confiance de ces grands seigneurs. En décembre, Zhang leur avait présenté un autre joueur, Zhou, comme son co-équipier, tout en leur proposant dorénavant de passer aux choses sérieuses : fini le bricolage entre copains où l’on misait peu et recomposait les équipes à chaque jeu ! Désormais, on ouvrait une compétition de style mondial, de celles qui durent des mois. On misait sans limite, et on restait avec son équipe unique, pour le meilleur et pour le pire. Enthousiastes, les milliardaires avaient applaudi pour donner leur aval. 

Et c’est de la sorte qu’à la rencontre suivante, Zhang et Zhou arrivaient en smoking blanc, tranchant avec les polos Lacoste des richards. Même frisant la cinquantaine, ils avaient une allure sportive, le sourire botoxé, et les cheveux gominés. Par cet air de jeunesse, ils rassuraient, inspirant confiance.
On se mit à table, à bouléguer les parallélépipèdes d’opaline blanche et verte, à ériger les quatre murets en carré, de manière à ne laisser chaque jeu visible que par son propriétaire. 

Les premiers jours, les milliardaires gagnèrent « petit » – mais cela leur permettait quand même, à 1000 yuans le point, de remporter 50.000 à 100.000¥ par soirée.
C’était très bon pour le moral, et les nababs ne se gênèrent bientôt plus pour blaguer la malchance des soi-disant champions, les prenant par le bras pour les interpeller en reprenant un verre. Les perdants cependant prenaient les revers avec bonhomie, payant leurs dettes rubis sur l’ongle et sans jamais se départir d’un sourire imperturbable : « ce n’est que de l’argent », disait placidement Zhou, le plus jeune.

La chance tourna en janvier, imperceptiblement. Une nuit, les professionnels se mirent à tout rafler, doublant les enchères pour partir avec 500.000 yuans à 3h du matin. Les nababs en furent presque rassurés : il était dans l’ordre des choses de perdre parfois. Simplement, il s’agirait désormais de considérer un peu moins à la légère ces joueurs, plus coriaces qu’à première vue. 

Le problème est que dans les semaines suivantes, les pertes ne firent que s’aggraver à 22 millions de ¥, prix d’une villa avec vue sur la mer. Cela commençait à peser. « Mais alors, comment conjurer la « malchance persistante » (走黑运 , zǒu hēi yùn ) », se demanda Xu Mouzhong ? 

Nos milliardaires allaient-ils renouer avec la victoire, sortir élégamment de la spirale infernale ? Ou bien trouveront-ils le miracle les guérissant du démon du jeu ? Vous le saurez dès la semaine prochaine !


Rendez-vous : Du 14 au 20 septembre 2015
Du 14 au 20 septembre 2015

16-18 septembre, Dongguan : SINOFOLDINGCARTON, Salon de l’emballage en carton pour l’Asie-Pacifique

16-18 septembre, Shanghai : Shanghai Vending Show – SVS, salon de l’industrie du libre-service et des distributeurs automatiques

16-18 septembre, Shanghai : IFAIR, Digital Signage Show : Salon des solutions audiovisuelles et multimedia et Salon de la publicité et des panneaux d’information numérique 

Led China16-19 septembre, Shanghai : LED China, Salon mondial de l’industrie du LED 

16-19 septembre, Pékin : Aviation Expo China, Airport & Air Traffic Expo

16-19 septembre, Canton : SIGN China, Salon de l’enseigne publicitaire

17-19 septembre, Shanghai : AIFE Salon de l’agroalimentaire

Cihie

17-19 septembre, Shanghai : CIHIE, Salon de l’industrie de la santé

17-19 septembre, Shanghai : China International Green Food & Organic , Salon de l’alimentation bio

17-19 septembre, Shanghai : SBW, Salon de l’eau potable et de l’eau en bouteille

Caexpo Asean Nanning

18-21 Septembre, Nanning, (Guangxi) : 12th China-ASEAN Expo & Business and Investment Summit