Le Vent de la Chine Numéro 13

du 6 au 12 avril 2013

Editorial : Armée chinoise – un nouvel azimut ?

L’actualité éclaire celle qui préfère d’ordinaire l’ombre : l’Armée Populaire de Libération

Autour de Ji’an (Jilin), elle enchaîne quotidiennement missions aériennes et parcours de chars : pour contenir des gestes de folie passagère de Corée du Nord, ou pour la défendre contre les forces « impérialistes » américaines ? Toute l’ambiguïté est là. 

En tout cas, dès l’arrivée de Xi Jinping, des signes quelque peu contradictoires apparaissent, de sanction et de renforcement : l’Armée populaire de Chine, l’APL, doit perdre ses mauvais penchants (corruption et indiscipline) et se renforcer pour « mener des guerres et les gagner » !

[1] Le Code pénal militaire rédigé par le Département politique général de l’APL et le Procureur suprême, prévoit au 27/03, des sanctions pour 31 délits : reddition, trahison, espionnage, pertes (arrêts de rigueur pour perte de « 10 balles, 30 détonateurs, 30m de mèche, ou contrevaleur de 48.000$ »). On note la lutte contre la prévarication – revente de matériel à son profit. 

[2] Un énième règlement tente de discipliner l’octroi de plaques blanches d’immatriculation de l’armée, lesquelles affranchissent le véhicule des amendes et des péages. Au 1er mai, ces immatriculations seront strictement réservées aux soldats d’active et interdites aux véhicules de luxe, Audi ou BMW…

[3] Les USA réagissent fortement à la dénonciation récente de l’unité 61398 à Shanghai, émanation de l’APL et de l’université Jiaotong qui lance sur internet des hackers en kaki contre les secrets d’affaires américains. Le Congrès vient de brider les commandes de matériel télécom à des firmes telles Huawei ou ZTE. Un 2nd texte attend les élus en avril, destiné à châtier les firmes convaincues d’exploiter des savoir-faire piratés : elles seront interdites de business sur sol US, et leurs actifs confisqués. Manifestement ces réactions musclées inquiètent Pékin, qui proteste, à peine la 1ère loi votée, et on peut imaginer en coulisse, des doigts tendus pour accuser l’APL de ces dégâts. 

[4] A peine 17 agences chinoises maritimes fusionnées sous l’Administration Océanique, son président Liu Cigui se félicite de l’intégration des contrôles de la mer, des côtes, pêcheries et douanes : ils ont connu des « manquements, mais ça va changer ». De même à bord du bâtiment Jinggangshan au large de l’atoll James (proche de la Malaisie et à 1800 km de Canton), le contre-amiral Jiang Weilie, patron de la flotte « Sud », annonce une accélération des manœuvres en haute mer, avec l’aéronavale –40 exercices dans l’année. 

Associés à des affirmations de propriété sur ces eaux que revendiquent aussi les pays voisins, ces propos ne sont pas faits pour rassurer hors frontières – ce que Pékin, en toute contradiction, aimerait aussi faire. Et pourtant, ils constituent l’embryon d’un tournant et d’une solution à la crise de la mer de Chine. Ils annoncent d’abord un renforcement de la professionnalisation et de la discipline, la fin des rivalités et de l’aventurisme des différents corps rivaux de contrôles maritimes chinois. Donc la fin possible des provocations matamores envers le Japon, pour laisser travailler la diplomatie. C’est sans doute un choix politique de Xi Jinping. 

 Avec Tokyo, la normalisation avance – comme si l’affrontement né durant la guerre de succession et l’affaire Bo Xilai, n’avait plus de raison d’être. Deux diplomates modérés et “nippophiles” ont été nommés, Yang Jiechi (vice-1er) et Wang Yi (ministre des Affaires étrangères). Trois rondes de négociations approchent (libre échange Chine-Japon-Corée/Sud, pollution, et Sommet). Pour la Chine, il y a urgence, du fait des coûts de cette brouille et des risques d’un avenir où les 2 pays tenteraient de s’ignorer, reniant la mondialisation en cours. 

Mais pour assurer cette réconciliation, il faut que l’APL ne vienne pas gaspiller les efforts de part et d’autre, et qu’elle sacrifie ses intérêts (la conquête de cette mer) à ceux de la nation et du bon voisinage. Mais Xi Jinping le veut-il, a-t-il ou aura-t-il le pouvoir d’imposer une telle stratégie ? C’est ce que cache en fin de compte, sous l’angle militaire, sa formule astucieusement sibylline de « rêve de Chine » et de « revitalisation chinoise ».


Défense : Pyongyang montre les dents

Kim Le GrasComme chaque année à Pyongyang, la fièvre se déclara mi-mars, à la veille des manœuvres mixtes USA-Corée du Sud. Après un crescendo de semonces verbales, Kim Jong-un (cf photo – petit-fils de Kim Il-sung) coupa le téléphone rouge avec Séoul, se déclara (31/03) en « état de guerre », menaça la Corée du Sud et les USA de frappes atomiques. 

Puis (02/04), il annonça la relance de la filière nucléaire, y compris celle du réacteur de Yongbyon, fermé en 2007. 

Enfin le 03/04, il fermait sa dernière porte avec le monde, la zone industrielle mixte de Gaesong, avec 600 cadres sudistes à l’intérieur. Avions, chars, unités terrestres bougeaient constamment, et un missile de portée intermédiaire était déplacé vers la côte Est, probablement pas nucléaire faute de disposer déjà de la miniaturisation nécessaire.

Tout ce battage a pour but de dorer l’image de chef de guerre de Kim Jong-un, garçon grassouillet de 29 ans, à la tête du bateau ivre nordiste depuis 2011. Il s’agit aussi de distraire de ses misères un peuple sur nourri d’idéologie mais affamé de riz, et humilié des succès du Sud. 
Vieillotte, étranglée par une armée surdimensionnée (1 million de recrues pour 24 millions habitants), son économie ne « pèse » que 2,5% de celle du Sud. A ce qui semble, ses soldats sur le terrain se nourrissent des rations du Programme Alimentaire Mondial (PAM), qui avaient été livrées à destination de millions de femmes et d’enfants en bas âge. 

L’état-major américain garde son calme, mais a renforcé cette année ses défenses, faisant voler des B-52 sur la ligne de démarcation, suivis de B-2, puis d’avions furtifs F-22, et déployant divers systèmes radars (Aegeis) et d’interception de missiles (Thaad) pour protéger l’allié sud-Coréen, ainsi que Guam et Hawaï, ses deux territoires théoriquement vulnérables. Ces moyens ont été renforcés, car en 2010, Pyongyang ne s’était pas contenté de menacer, mais avait aussi torpillé une corvette de la Corée du Sud, tuant 56 marins et quelques mois plus tard, avait bombardé une île sudiste-4 autres décès. Aussi, la Présidente sudiste Park Geun-hye, sur un ton glacial, avertit d’une « réponse forte à la moindre provocation ». 
Et la Chine ? Son attitude est confuse, signe de conflit interne. 

L’Armée populaire de libération (APL) en reste au dogme d’une Corée divisée et veut garder comme zone tampon à son nord cette friche industrielle et politique : empêcher les autres de la pacifier, réconcilier et enrichir. Mais de leur côté, excédés de voir le petit voisin « mordre la main qui le nourrit », le pouvoir politique et l’opinion, de plus en plus, pensent autrement. Pékin a commencé à réduire ses livraisons de blé et de pétrole, cordon ombilical de la Corée du Nord. 

En février, Deng Yuwen, éditorialiste officiel, avait accepté de publier un article au Financial Times, proposant de « lâcher la Corée du Nord ». Le monde entier avait cru qu’il reflétait les vues du pouvoir, mais peu après, l’homme intrépide fut puni d’un mois d’interdiction de publier, suite aux protestations des militaires. 

Toujours est-il qu’à la frontière, l’APL est en alerte maximale. Et, prédit le professeur Zhu Feng (Beida), si Pyongyang agresse, même si Washington et Séoul n’opposent aucune contre-attaque, Xi Jinping pourrait devoir procéder à un « ajustement » dans cette alliance fusionnelle vieille de 60 ans, où se mêlent les 1ers pas de la République populaire.


Monde de l'entreprise : iKowtow pour Apple – et le pardon d’Etat
iKowtow pour Apple – et le pardon d’Etat

Un film de série B s’achève en Chine pour Apple, le créateur des iPhone et iPad. Au 15/03, CCTV lance une campagne très dure, l’accusant de conditions de garantie discriminatoire – un an seulement, au lieu de deux ailleurs – accusation très sensible en ce pays. Puis d’autres media lui emboitent le pas. Pour les réparations, quand Apple accepte de prendre en charge, il installe des pièces recyclées. 

A Wuhan, il force 20.000 étudiants à contracter 25 millions de $ de dettes, à 47% de taux d’intérêt par an. A Shanghai, le groupe Zhishen lui fait grief de pirater son logiciel « Siri » de reconnaissance vocale. Un studio d’Etat l’accuse d’avoir vendu sur son « App Store », ses films sans licence. Puis c’est la curée : les média le taxent de « rapacité » et d’« insupportable arrogance », refusant de s’excuser et changer de pratiques.

À la longue, le message finit par passer. Craignant pour son marché chinois, n°2 mondial (6,8 milliards de $ au 4ème trimestre, 12,5% du CA), Apple baisse pavillon par la voix de son CEO, Tim Cook : il s’excuse de la mauvaise explication de la politique du groupe, des « malentendus », et va changer les règles du jeu de la garantie en Chine. Suite à quoi, à la minute, l’Etat magnanime pardonne au fauteur, signalant via son porte-parole qu’il « approuve » les paroles du PDG – en pratiquant une humilité tardive, Cook renoue avec la vertu. 

D’aucuns s’interrogent sur les raisons de cette campagne manifestement programmée à haut niveau. Parmi les pistes invoquées figurent :  

– le soutien du pouvoir à ses producteurs de smartphones (ZTE et Huawei en tête) sur son marché intérieur ; ‚
– une rétorsion envers les Etats-Unis pour les difficultés infligées à ZTE et Huawei sur sol américain ; ƒ
– un soutien à l’opérateur China Mobile (le seul n’ayant pas encore d’accord d’exploitation avec Apple).
On parle aussi „ d’une promesse non tenue de T. Cook à la mairie de Pékin de créer un centre de R&D à Zhangjiakou (Hebei), qui aurait permis au pouvoir de surveiller la création de logiciels pour la Chine. Au lieu de cela, Apple aurait convenu avec Chinacache de faire entrer ses produits sans contrôle, sur son App Store…

Durant la campagne, l’opinion s’est montrée fort en faveur du groupe étranger et restée froide face à l’indignation factice de la presse publique—Caixin, média privé, a même créé un hit parade des 10 principaux groupes en Chine, coupables d’arrogance ou de rapacité – les réponses furent enthousiastes et naturelles – Apple n’y figurait pas. 

Sur le fond : l’Etat prouve sa capacité à forcer des géants étrangers à reconnaître son pouvoir. Au demeurant, on peut douter que cette péripétie affecte à l’avenir l’image ou la stratégie du groupe à la pomme en Chine.


Monde de l'entreprise : Tianji – l’aventure d’un groupe français de l’internet en Chine
Tianji – l’aventure d’un groupe français de l’internet en Chine

Interview de Karen Serfaty, vice-Présidente de Tianji (天际), filiale Viadeo. Avec sa filiale Tianji, Viadeo, groupe français de l’internet réalise l’exploit de contrôler en Chine le 1er réseau social professionnel (PSN) par la taille, alignant 14 millions de membres (et 500.000 de plus par mois). Avec 180 actifs presque tous chinois, Tianji fonctionne à Pékin dans des locaux n’ayant rien à envier à ceux de Google à Paris.

Pourquoi avez-vous choisi de vous implanter à Pékin ? À de rares exceptions près, l’internet chinois est ici, Sina, Taobao, Baidu ! Seuls échappent des gens comme Alibaba- à Hangzhou, ou Tencent – à Shenzhen. Il ne vous aura sans doute pas échappé, l’internet en ce pays est très lié au pouvoir : autre raison pour que Pékin soit incontournable. Enfin vous avez ici de grandes universités telles Tsinghua ou Beida, pépinières de Zhongguancun, la Silicon Valley de la capitale.

Linkedin votre rival reste hors de Chine: mais vous, vous avez choisi d’y entrer en 2006, puis de vous étendre en 2007 en rachetant Tianji, une plateforme préexistante. Or, ce n’est pas le modèle que vous avez suivi en France, où vous avez bâti le réseau : pourquoi cette stratégie différente ? Cette stratégie d’acquisition est celle que nous appliquons à l’international (Russie, Amérique Latine, Inde). Elle permet d’ad-hérer plus vite et plus fort aux spécificités locales. Une simple traduction de notre plateforme Viadeo n’était pas suffisante : notre objectif a été de proposer une offre sur mesure, permettant à chacun de poster en ligne sa base initiale de contacts (关系, guanxi), puis de lui permettre de l’alimenter.

Entre Tianji et Viadeo, quelles différences ? Répondant à une certaine passion des jeunes Chinois, nous proposons des jeux, dont le but réel sans en avoir l’air, est de les mettre en contact. Par contre, nous n’avons pas souhaité inclure une option tchat entre ces membres : d’autres, tels QQ, le font déjà très bien. D’autre part, pour commencer, nous avons renoncé aux comptes payants (« premiums »)– la Chine n’est pas mûre.

Pour les firmes, quel est votre « plus » à poster leurs offres sur Tianji plutôt qu’ailleurs, sur Zhaopin.com ou 58job.com ?
Le ou la client(e) – type de Tianji, provient de la grande ville (Pékin, Shanghai, ou Canton), il (ou elle) est diplômé(e), avec 3 ans d’expérience professionnelle ou plus, parfois en expatriation – donc le cadre haut de gamme, ce qu’on ne retrouvera pas forcément ailleurs. D’autre part, nous amenons les membres à valoriser leur image sur le net. Tianji est donc la plateforme idéale pour les services RH et chasseurs de têtes.

Que faites-vous pour séparer les affabulateurs des diplômés authentiques ? Vu les sérieux scandales de faux diplômes qui émaillent régulièrement l’actualité du pays, chez Tianji, nous avons dû réfléchir au problème. Nous mettons sur pied un système de validation : si 5 membres confirment telle expérience ou diplôme que vous prétendez avoir, il (elle) sera validé(e).

Tianji vient de racheter Zaizher (再这儿), expert en géolocalisation sur téléphonie mobile : que visez-vous ? L’avenir est dans ce type d’applications, comme le confirme la célèbre WeChat, de Tencent – 300 millions d’utilisateurs en deux ans à peine, qui s’échangent sans frais, textes, photos, sons… Nous préparons une applet qui vous mettra en contact avec les gens de vos alentours, connectés à Tianji ou d’autres réseaux sociaux : en les détectant d’abord, puis en leur proposant l’échange des cartes de visite virtuelles Tianji—ou bien par un petit message vocal.

Enfin, quel futur prédisez-vous à Tianji en Chine ? Pour l’instant, nous sommes n°1, et notre principal concurrent potentiel Linkedin ne semble pas pressé de rejoindre la course. Mais ce n’est pas une raison pour baisser la garde. Tout bouge si vite ! En tout cas, nous n’avons nul doute sur notre potentiel de progression.


Agroalimentaire : Céréales – la soudure fragile

Légende photo : Li Keqiang en visite dans la campagne du Jiangsu (fin mars 2013).

À la sortie de l’hiver, en dépit d’une productivité plus qu’honorable, la Chine reste déficitaire en céréales. 

En blé, où elle est premier producteur mondial avec 118 millions de tonnes (23%) en 2012, ses prix ont grimpé de 23% sous l’effet d’une politique à long terme d’encouragement, mais aussi de la sécheresse, et de l’exode rural. 

En maïs, l’import des USA a doublé, à 5 millions tonnes. Pour 2013, l’Etat comptait bien revenir « à la normale ». Or, l’hiver rigoureux fait que la récolte sur le Dongbei, principal grenier national, sera humide, vulnérable à la moisissure, forçant à importer encore plus à 7 millions de tonnes.

De la sorte, en céréales, la Chine voit sa dépendance croître et ses fournisseurs traditionnels ne suffisant plus, elle s’adresse ailleurs, Argentine ou Brésil. 

Le coût est exorbitant (23 milliards de $ aux seuls USA en 2012), mais vu l’étroitesse du marché mondial, il n’y a pas le choix. Pour Xi Jinping et Li Keqiang, cette vulnérabilité est le plus fort incitatif pour accélérer la réforme agraire, à commencer par la remise en cause du droit du sol (bien d’Etat inaliénable), pour encourager le paysan, devenu propriétaire, à prendre des risques pour investir… D’autres réformes se préparent. 

Juste achevé par une équipe sino-américaine, le séquençage de l’ADN du blé (génomes « A » et « D ») promet des semences hybrides plus productives et de meilleure qualité. Couplées au remembrement et à la mécanisation, elles promettent sous 10 ans, 70 quintaux par hectare en maïs, au lieu des 50 actuels. Assez pour renouer avec l’autosuffisance, pour le plus grand bien d’un tiers monde africain ou asiatique qui lui, ne pourra se passer du monde extérieur pour sa nutrition…


Santé : Chine – le virus aviaire redresse la tête

Le décès de 6 malades depuis le 4 mars à l’hôpital n°5 de Minhang (Shanghai), lance une alarme mondiale : ils sont morts du virus aviaire H7N9, qu’on croyait non-transmissible à l’homme. Entre Jiangsu et Anhui, 15 autres cas sont déclarés – et les chiffrent grimpent d’heure en heure. 

Les plans d’urgence se déclenchent : dans toutes les provinces, on se prépare à confiner des suspects, à abattre des volailles en masse (comme sur un marché de Shanghai où le virus est trouvé sur des pigeons). Tous les pays du monde prennent un à un des mesures prophylactiques. 

L’OMS, l’Organisation mondiale de la Santé, a lancé une enquête, et aux Etats-Unis, la Center for Disease control (CDC) se met à fabriquer un vaccin artificiel, à partir des données ADN du virus telles que postées sur internet par leurs collègues chinois. 

Une course contre la montre est en jeu, par la culture des souches virales prélevées sur les personnes décédées, pour établir la nature de ce virus : aviaire, ayant franchi les défenses humaines, ou bien muté, devenu humain. 

On doit remarquer les progrès réalisés en Chine, depuis l’épidémie de SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) de 2003. L’administration de Jiang Zemin avait alors tout nié durant deux mois sur ce foyer démarré à Canton, laissant au fléau le temps de rebondir sur Pékin, Hong Kong et le Canada. 
Depuis, un réseau de prévention et détection épidémiologique quadrille le pays, et dès le 31/03, la Commission nationale de la santé et du planning semble jouer le jeu et communiquer loyalement.


Société : À travers le pays, la fête de la lumière pure, « qingming »

Ou les familles nettoient les tombes et se recueillent, ou bien paient d’autres pour s’acquitter à leur place de leurs devoirs envers les ancêtres. 

L’Etat en profite pour promouvoir des pratiques funéraires plus modernes et durables, pour épargner la terre pour les vivants : enterrement « marin » (cendres versées en mer), « arboricole » (cendres comme engrais d’un arbuste au nom du défunt). 

Il tente de faire évoluer les mœurs en décourageant le tombeau de luxe (200.000¥), les pleurs à louer (20.000¥), et les « mariages d’outre-tombe », avec cadavre de jeune femme acheté (20.000¥)…


Petit Peuple : Shenzhen : la lune de miel passe à l’as

Le 13/03, Tang Jinhui, businessman hongkongais de Shenzhen, devait se marier avec Zhang, sa promise. Le banquet (15 plats), l’agence nuptiale, le caméraman, étaient réservés de longue date. A l’hôtel***, à l’entrée de la salle de bal, le portique floral était barré d’un cordon pourpre, donnant sur un chemin de pétales de roses. La meilleure amie tenait prêt son panier à enveloppes rouges, le meilleur ami révisait son discours. Le père en smoking, la mère en robe longue, toute la noce attendait sur le parvis.

Mais vite se déclara une absence fâcheuse : celle du marié en personne ! On l’attendit longtemps, badinant d’abord, puis en silence. Sourire crispé aux lèvres, la fiancée, nerveuse, prit son téléphone pour rappeler le mari aux convenances. Le timbre résonna dans le vide d’un éther lunaire…La douleur au cœur, mais sachant (au prix d’un effort inouï) garder le visage d’une impassibilité asiatique, Zhang dut annoncer que suite à un incident inexplicable, la fête était remise. Sur quoi tous se séparèrent perplexes.

Ce n’est qu’à l’aéroport, débarquant de Sanya, que Tang réalisa la catastrophe, quand son mobile se mit à biper des centaines de SMS furieux. Il crut sentir son cœur flancher : il avait oublié son mariage ! 

Tang était un homme sérieux, trimant dur, gagnant bien. Le succès attirait le succès, et le happait lui, tout entier. Il était jeune, beau, notable, l’image même de la réussite. Ah, la vie eût été si belle, sans ce mariage oublié, grain de sable dans l’engrenage de son quotidien…

Loin d’être idiot, le jeune homme réalisa l’énormité de sa bévue. Pour sauver son mariage, il fallait frapper vite et fort: l’instinct lui dicta la solution – « du désespoir, surgit le génie » ( 急中生智,jí zhōng shēng zhì). Au Journal de la Zone Economique Spéciale, à Shenzhen, il publia un encart de 10x10cm (cf photo), pour que la Chine entière apprenne son étourderie et sa contrition. Puis il assiégea la porte de sa belle. 

Après quelques heures, on finit par lui ouvrir. Sanglotant encore, Zhang l’écouta débiter ses excuses, un énorme bouquet de roses entre les bras : elle y répondit par des pouffées de rires nerveux, entrecoupées d’exclamations de « quel fou ! ». Avant, finalement, d’accepter de se laisser enlacer. 

Il faudrait donc recommander traiteur, agence, fleuriste… Sur internet cependant, l’annonce fit un tabac. Illico rassemblé, un tribunal populaire de millions d’internautes se mit en place. Bien des filles jugèrent que les excuses de Tang ne valaient pas tripette—pas plus que le 8ème de page qu’il avait chichement acheté. On s’interrogea sur les raisons de l’oubli : le lit d’une autre ? L’addiction à un jeu sur internet ? La manie du travail ? 

A ce qu’il nous paraît, l’oubli du mariage est symptomatique de cette Chine moderne pour qui les cérémonies ne sont qu’affaires de face tandis que la vraie vie, les choses qui comptent sont celles du quotidien : le formalisme n’y a pas de place. Ce n’est que face aux autres, pour honorer son clan, qu’on investit dans une fête à coût prohibitif. Mais sans y croire soi-même pour autant. C’est ainsi que confronté à ses rites, le Chinois du XXI. siècle, fils de Confucius ET de Mao (un peu perdu), s’efforce d’y tenir et de s’en moquer. En dupliquant les noces de l’Occidental (la robe blanche, le banquet, l’orchestre et le Champagne), avec même plus de faste que lui, le Chinois traduit sa réussite sociale, mais l’événement n’a de sens qu’économique, pas spirituel. 

Dans la même veine, croyons voir dans la petite annonce de Tang, moins un acte de contrition, qu’une résurgence de l’autocritique révolutionnaire. Sciemment, le fiancé a remis son honneur et le sort de son mariage aux mains de la collectivité socialiste, du clan élargi à la nation. 

Or la fin de l’histoire prouve que son calcul fut le bon. Un bloggeur émit cet avis en forme de verdict de la cour, suppliant Melle Zhang : « je t’en prie Zhang, pardonne à ton fiancé distrait, nous l’avons déjà fait » ! L’argument réverbérait la voix de la grande famille chinoise, à laquelle nul au Céleste empire, ne peut faire la sourde oreille. Par son bon sens pragmatique, il signalait le retour de la compassion, après 60 ans de rudesse rouge. Cet indice de bonté était peut-être aussi celui d’une société réconciliée avec elle-même. Il préludait à l’aban-don prochain des valeurs stériles du passé récent, à la fermeture d’une parenthèse autoritaire et auto mutilante de son histoire, ayant bouclé son propre cycle ! 


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 8 au 14 avril 2013
Rendez-vous de la semaine du 8 au 14 avril 2013

10-12 avril, Shenzhen : CEF, China Electronic Fair

10-13 avril, Dongguan: DTC, Salon des tissus et de l’habillement

10-14 avril, Dongguan : DFM, Salon de l’industrie de la chaussure

11-14 avril, Dalian : CHINABUILD, Salon de la construction

11-14 avril, Shanghai : China Boat Show, Salon du nautisme

11-14 avril, Shanghai : Expo Life Style for Luxury and Excellence, Salon des produits de luxe

16-19 avril : Foire biannuelle de Canton