Le Vent de la Chine Numéro 5

du 13 au 19 février 2012

Editorial : Une diplomatie en quête de refondation

Le veto chinois (et russe) au Conseil de Sécurité de l’ONU (05/02), à une résolution qui tentait de mettre un terme aux canonnades sur les villes de Syrie en encourageant le départ de son dictateur Bachar el Assad, a sans doute permis à ce dernier de gagner du temps. Mais en terme d’image internationale, le prix à payer par la Chine est exorbitant. Ce veto enragea la Ligue arabe dont Nabil el Araby, son Secrétaire Général, déclara dès le lendemain que Russie et Chine avaient «perdu du crédit ». Leurs ambassades, au demeurant, pouvaient s’en apercevoir en direct, se voyant lapidées dans de nombreuses capitales islamiques.

En Chine même, la liste des intérêts lésés est longue. Des groupes d’affaires tels Huawei ou ZTE (télécoms), CNPC, Cnooc (pétroliers), ICBC (banque), Chery (auto) voient compromis leurs rêves de reconstruire cet univers géant en s’appuyant sur des atouts en principe illimités -de leurs technologies à bas prix, leur crédit abondant et jusqu’à hier, une image impeccable de pays-frère. Le plus lésé pourrait être Xi Jinping, le prochain Président en fonction dès octobre. Xi se rend à Washington, ce mardi 14 février, pour resserrer les liens indispensables au succès de son mandat. Mais après ce désagréable veto, Obama, déjà en phase électorale et ayant besoin de satisfaire son opinion publique sensible aux droits de l’homme, risque de le recevoir fraîchement.

Pourquoi un tel gâchis ? En mars 2011, au Conseil de Sécurité, Pékin s’était abstenue sur la Libye, contribuant à sauver les villes libyennes de frappes militaires. Après le vote du 05/02 sur la Syrie, elle tentait de se justifier, disant avoir « été forcée » par un vote trop rapide. Elle argumentait que cette résolution aurait conduit à des violences, comme on les voit déjà en Egypte. Au contraire, son veto cathartique ouvrirait la voie à de «nouvelles initiatives de paix» pour la Syrie martyre…

Evidemment, la Chine avait d’autres enjeux évidents derrière ce veto : l’alliance stratégique anti-américaine, systématique avec la Russie de Poutine, et le principe de la souveraineté des Etats contre les peuples ou régions tentés de s’en affranchir. Aussi, il est assez probable qu’elle devra à l’avenir faire beaucoup plus pour rétablir la confiance avec ces pays et cette région du monde où pour l’instant, il perd beaucoup. Dès le 09/02, comme pour limiter les dégâts, le porte parole Liu Weimin dévoilait la réception à Pékin début février, de Haytham Manna, Président d’une des deux fractions du Conseil National Syrien, alliance pour le rétablissement de la démocratie. Pékin agissait donc, comme pour le Sud-Soudan et la Libye des derniers jours de Kadhafi, en invitant les oppositions, relèves potentielles des dictatures, afin de faire connaissance et de jeter les bases d’une future relation…

La racine de la crise présente ne date pas d’hier : elle est un des prix à payer pour l’absence de réforme du Parti. Le personnel politique-diplomatique est souvent hors-pair, jeune, informé et actif. Mais il est poings liés par des procédures secrètes et byzantines, héritées du passé révolutionnaire. Pour changer de mot d’ordre, il faudrait des majorités à tel organe, un vote au Congrès qui ne se réunit que tous le 5 ans… Bouleversement impossible qui met le pays en décalage avec les événements du monde -décalage de plus en plus insupportable, quand éclatent coup sur coup les grands crises planétaires, monétaire, climatique, alimentaire, la révolution verte du monde arabe…

Pour conclure, revenons à la mission américaine de Xi Jinping. Afin de mieux se faire recevoir, l’héritier du pouvoir apporte des cadeaux conséquents : -l’accord du 25/12 avec le n°1 nippon Yoshihico Noda, prévoyant la réévaluation du yen et du yuan face au dollar, -l’octroi à Citibank, 1ère banque occidentale, le droit d’émettre des cartes de crédit (en yuan), -et surtout la réduction de 50% des achats chinois de brut à l’Iran au 1er trimestre, à 285.000 barils par jour.

Certes, ce recul sert aussi à faire pression sur Téhéran pour baisser ses prix, et Pékin maintient son refus de façade, du boycott occidental. Mais pour la Chine, premier acheteur du pétrole persan (20% de ses exports), c’est une preuve de fidélité : « suivez mes actes, pas mes paroles » !


Economie : Economie—essai de kiss landing

Cette fois ça y est, la récession atteint les rivages chinois. Peut-être inspiré par la chute du PIB au 4ème trimestre à 8,9%, le Fonds monétaire international – FMI (05/02) rogne ses prévisions de croissance pour 2012, de 9 à 8,25%, tout en avertissant que, l’euro dût-il s’effondrer, cette croissance chinoise perdrait 50% (à 4% donc), et des dizaines de millions d’emplois. Ce qui explique l’annonce par le 1er ministre Wen Jiabao d’une action « imminente », lors du sommet Chine-Union Européenne du 14/02, de refinancement des fonds européens, MSE (Mécanisme Européen de Stabilité) et FESF ( Facilité Européenne de Stabilité Financière).

Cette fin de 20 ans de fièvre hors contrôle, tient fort au volontarisme d’un pouvoir soucieux de prévenir l’éclatement de la bulle. Bridées, les banques n’ont offert que 1.260 milliards de ¥uan de prêts immobiliers (-38%), dont le secteur n’a occupé que 17,5% des encours, contre 26,9% en 2010. Depuis septembre 2011, le prix du logement baisse en douceur, -0,26% en décembre 2011, -0,18% en janvier 2012.

Durant le Chunjie, temps des dépenses, les ventes n’ont crû que de 16% (75 milliards de US$), le moins bon résultat depuis 2009. Faute d’argent à dépenser, tous les marchés baissent, même ceux des valeurs refuge, tel celui du vin de garde (-40% en décembre), ou de l’or (-60% sur les imports depuis Hong Kong).

Pour l’avenir, l’Etat ordonne aux quatre grandes banques, via leur actionnaire Huijin, de réduire leurs dividendes à 35% des profits (-5%), pour pallier des cascades de mauvais prêts, surtout des provinces surendettées (-1656milliards de US$ en juin 2011). L’import de pétrole va poursuivre sa décélération à +6%, approchant une croissance étale, pour atteindre 266 millions de tonnes, face aux 220 millions de tonnes extraits localement. C’est ce qu’espère Pékin — en cela, la crise l’aide, en réduisant l’appétit de ses industries. D’ici 2015, le Conseil d’Etat planifie une hausse des capacités de raffinage de 25% à 600 millions de tonnes. Il s’apprête à enterrer des centaines de PME (privées) et à parachever sur la côte quatre bases pétrochimiques (publiques ou JV), socle d’une industrie plus performante. Ce plan envisage 5,5% par an de croissance de la pétrochimie, mais 8% pour celle du PIB : la différence entre les deux, sera dans les économies d’énergie et de pollution !

Toutes les PME souffrent, pas seulement celles du pétrole, des milliers n’ont pas rouvert à l’issue des congés de Chunjie. D’où risque de colère sociale. L’Etat débloque 2,5 milliards de US$ (c’est très peu) en prêts, baisses de taxes, et promet des miettes des marchés publics. Il s’engage (08/02) à assurer +13% (moyenne) aux salaires minima, et 45 millions d’emplois neufs, pour les migrants (25 millions), jeunes et ex-employés des PME en faillite.

Il entend aussi réamorcer l’immobilier en rouvrant le robinet du crédit au 1er logement. C’est important, pour prévenir l’implosion (une fois son explosion évitée l’an dernier) de la bulle du logis. Il prévoit aussi « des fonds » supplémentaires aux HLM subventionnées, et demande aux provinces d’assurer leur part du financement réel des chantiers.

De la sorte, s’esquisse sous nos yeux une tentative d’atterrissage en douceur de l’économie, pour un redémarrage (prédit par le FMI) dès 2013. Mais attention, la convalescence reste fragile. La preuve : le peu de crédits bancaires saupoudrés en décembre 2011 a été suivi en janvier 2012 d’un sursaut d’inflation (+4,5%), pour le Chunjie… Décidément, entre la lutte contre chômage-récession et celle contre surchauffe-inflation, la marge de manoeuvre de l’Etat reste très étroite !


Sport : Sang neuf au foot chinois

À Shanghai, Zhu Jun, chevalier d’industrie, est fatigué de voir végéter le football chinois (72ème rang mondial), son club Shenhua en particulier. Mais il a deux atouts pour changer les choses : sa fortune et l’autonomie de son club en matière d’organisation (un des premiers à en jouir nationalement).

Dès décembre 2011, il a débauché Nicolas Anelka, 32 ans, de Chelsea, recruté pour deux saisons à 750.000²/mois, nets d’impôt. Le buteur international venait de refuser l’offre du PSG (Paris-Saint-Germain), et se dit fâché avec ses compatriotes, leur reprochant de le dénigrer. L’autre recrutement stratégique est Jean Tigana, 56 ans, qui avait remporté le championnat d’Europe en 1984. Après avoir entraîné Fulham, Monaco et Bordeaux, il prend la direction sportive du club shanghaïen.

Shenhua voudrait aller encore plus loin, en recrutant aussi, du même Chelsea, Didier Drogba. Mais après des mois de négociations autour de la star, l’affaire n’est pas faite. Quoique Zhu Jun offre 1,6M² par mois, l’Ivoirien se voit aussi courtisé par… son actuel club londonien, Canton, voire Chicago, tous pratiquant la surenchère. D’autres internationaux suivront certainement à Shanghai—Tigana serait sur la piste du défenseur central anglais, Matthew Upson.

Enfin d’autres clubs chinois sont pris par la fièvre internationale et la rage de s’arracher à la médiocrité : Takeshi Okada, entraineur du Onze nippon qui étonna à la Coupe du monde 2010, va prendre en charge l’équipe de Hangzhou, et  »le Français Philippe Troussier entraîne le Shenzhen Ruby.


Politique : Depuis Chongqing – bruits et tremblements

À Chongqing éclatent une série de faits inouïs, traces d’un scenario digne du plus haletant des «  thrillers » : à 8 mois du changement d’équipe politique ( Hu Jintao devant être relayé par Xi Jinping ), ces courants violents de rivalités internes, altèrent la sérénité régnant à la surface du Parti communiste.

Le 02/02 à Chongqing, Wang Lijun bras droit de Bo Xilai, (auteur de la campagne anti mafia de 2010) perd sa charge de chef de la sécurité municipale—mais garde celle de vice-maire. Le 08/02 au matin, il se rend au consulat américain à Chengdu (à 350km), et en sort le soir « de son plein gré » -sans doute pas (encore) poursuivi. Mais juste après, des dizaines de voitures de police de Chongqing encerclent l’édifice, quoique Chengdu, au Sichuan, soit hors de sa juridiction. Après ce meeting, la presse de Chongqing annonce la mise de Wang « en thérapie de style vacances (sic), pour cause d’épuisement nerveux » : formulation bizarre, même en Chine, qui inspire l’hilarité nationale. Puis le 09/02 au soir, Wang se rend par avion (1ère classe) à Pékin, accompagné (protégé) par Qiu Qin, vice-Ministre de la sécurité. Quelques heures plus tôt, une lettre signée de lui est apparue sur le site Boxun (dissident, aux USA), dénonçant Bo Xilai, « corrompu » et « pire chef de triade » et confirmant la remise «à qui de droit » de pièces incriminantes.

Clairement Wang et Bo sont entrés en conflit, forcément en lien avec la redistribution des postes dans le prochain pouvoir. Wang a pu faire pression, et celle-ci pu causer un retour d’hélice. Jouant le « tout pour le tout », Wang demande l’asile aux USA, contre « tout ce qu’il sait ». Il semble avoir voulu d’abord fuir le système et le pays, ce qui a priori dissipe la possibilité d’un complot ourdi depuis la capitale. Par contre, la diplomatie américaine a joué un curieux rôle d’entremetteur et les instances centrales ont réagi avec célérité, mandant, en personne, le patron du contre-espionnage.

Après ce scandale, les chances de Bo Xilai de promotion au sommet semblent évanouies. Jusqu’alors, il avait le vent en poupe. Chef du clan des « petits princes », il s’était imposé par sa gestion compétente de Chongqing et sa campagne « rouge » néo-maoïste depuis deux ans.

Pendant ce temps, 1000km plus au Sud-Est, Wang Yang, le secrétaire du Guangdong pavoise. En décembre 2011, il subissait une jacquerie à Wukan, suite à un détournement de terres par les cadres. Wang avait réglé l’affaire avec maestria en rendant une partie des champs et en permettant au village les premières élections libres du pays (ce qui ne pouvait se faire qu’avec l’aval express du sommet des instances). Du coup, il recevait, en février 2012, les visites de Wen Jiabao, d’Angela Merkel et de Stephen Harper, chefs des gouvernements du pays, d’Allemagne et du Canada…

Si nous faisons ici le rapprochement entre Bo et Wang, c’est que ces hommes sont outsiders pour une place au Comité permanent, et rivaux notoires. Mais Wang est proche du Président Hu, et Bo plutôt l’inverse. La différence de sorts, à huit mois du nouveau pouvoir, prête à réfléchir…


Diplomatie : Inde et Chine – balle au centre

L’histoire récente des rapports sino-indiens est décidément faite de bouleversements sans nuances, tiraillée entre une méfiance séculaire, la conscience d’un destin à partager, et une volonté politique réciproque d’aller de l’avant.

De 1962 à 1988, c’était l’inimitié, suite à une guerre frontalière gagnée par Mao. De 1988 à 2009, c’était la normalisation et la reprise des échanges. Puis venait un malaise dû [1] aux revendications chinoises sur l’« Arunachal Pradesh » (le «Sud-Tibet» pour Pékin), [2] à l’expansion chinoise en Mer de Chine du Sud, et [3] au « collier de perles », bases déployées autour de l’Inde (Birmanie, Pakistan, Sri Lanka). En résultait un réarmement indien importé de Russie (3MM$ pour un porte-avions, un sous-marin nucléaire), de France (25MM$ pour six sous-marins sous licence, voire 126 chasseurs Rafale)… Delhi se rapprochait aussi d’autres pays, comme le Japon et Vietnam.

Mais depuis le 17/01, le balancier rebascule au positif : à Delhi, le Conseiller d’Etat Dai Bingguo rencontre le cabinet de Singh, lui offre d’associer les gouvernements aux meetings frontaliers aux côtés des militaires (seuls jusqu’alors), pour éviter tout dérapage. Une réflexion pragmatique est menée en commun sur la manière de « vendre » tout accord frontalier futur au Parlement. Et le 08/02, SM. Krishna, ministre des Affaires étrangères, inaugure à Pékin sa nouvelle ambassade. Il énonce la nouvelle ligne de conduite mutuelle : des liens repensés selon « une approche flexible et imaginative ». Autrement dit, on recommence tout à zéro – balle au centre.


Diplomatie : Chine-Canada : dégel blanc, or noir, et deux pandas

Avec la visite de Stephen Harper, son 1er ministre (07-11/02), le Canada enterre les années de vaches maigres avec la Chine. En 2006, les relations établies 33 ans plus tôt par Pierre Elliot Trudeau subissaient la crise universelle des démocraties face au régime autoritaire. Ottawa, qui voulait l’amener pas à pas vers l’Etat de droit, vivait mal son échec, et son opinion refusait le laminage de ses industries traditionnelles par les petites mains chinoises.

Si la crise est classique, sa durée l’est moins : au nom des Droits de l’homme, le pays à la feuille d’érable a gardé neuf années un froid glacial, Harper octroyant une citoyenneté d’honneur au Dalaï-lama (2006), et ignorant les Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Mais comme dirait Racine, « sans argent, l’honneur n’est qu’une maladie ». Avec nostalgie, Harper (et surtout ses électeurs de l’Alberta) voyait passer les achats d’hydrocarbures de la Chine, sans pouvoir en être acteur.

Le tournant dans les relations intervint en juillet dernier : après 12 ans de procédure, Ottawa permettait l’extradition de Lai Changxing, le plus grand fugitif chinois, homme d’affaires accusé d’avoir fait perdre au Trésor public, par ses importations parallèles, 3MM$ de manque à gagner.

Vint ensuite fin 2011, le déclic provoquant le passage à l’acte : Barak Obama rejetait le projet d’oléoduc Keystone-XL, Alberta-Texas. Or depuis 7 ans, les groupes pétroliers chinois, de plus en plus sensibilisés à la sécurité d’approvisionnement, plaçaient de l’argent dans les sables bitumineux et gaz de schiste canadiens, pour 16 milliards de US$ ces deux dernières années… Il était temps de tirer les conclusions de ce rapport nouveau !

NB : pour vendre massivement à la Chine, il faudra encore (c’est prévu) créer un port en eaux profondes, et un oléoduc…

On commence donc par épurer les vieilles revendications. Harper et Wen signent le FIPA, traité de protection des investissements en souffrance depuis 1993. Encore rare de détails (on sait qu’il inclut une disposition d’arbitrage en cas de litige), il devrait être ratifié sans retard, pour permettre l’envol des rachats réciproques d’actifs, aujourd’hui maigres. En 2010, ceux du Canada en Chine s’élevaient à 5 milliards de US$, moins de 1% du total national. Mais Harper fit valoir que l’obstacle venait parfois du pays partenaire, telle cette participation de 19,9% de la Scotiabank dans la Bank of Guangzhou, aujourd’hui bloquée.

Le côté chinois a surpris les visiteurs en proposant au pas de charge un accord de libre échange. Une étude de faisabilité débute, et sera conclue en mai. Pékin demande, Ottawa accepte que débutent alors les discussions exploratoires. La Chine se prémunit ainsi contre l’accord transpacifique, dont les palabres débutaient en novembre, en son absence. La Chine guigne bien sûr le pétrole et gaz canadiens, mais aussi son minerai de fer, sa houille, sa potasse.

Dans ce climat de « confidence building », Pékin rouvre aussi les imports de boeuf des Prairies canadiennes, suspendus depuis neuf ans sous prétexte de vache folle. Il lui promet le prêt décennal de deux pandas (l’un pour le zoo de Toronto, l’autre pour celui de Calgary). Surtout, quelques 50 firmes des deux bords concluent pour 3 milliards de US$ de fournitures en tous genres : aviation, métros, télécom, pharmacie. Et l’accord de fourniture d’uranium par le canadien Cameco (de Saskatoon), en hibernation depuis deux ans, peut aller de l’avant. Il y en a pour 3 milliards de US$ là-aussi, et un bel avenir, vu la priorité chinoise à l’énergie nucléaire à court terme.


Petit Peuple : Les tribulations d’un Chinois en Chine

Dans les années sombres qui suivirent juin ’89 à Pékin, Tian, jeune officier de l’armée de l’air qui s’était compromis dans les manifs de la Place TAM, émigra avec les siens.

Son fils Lian—notre héros- grandit à Leeds, Royaume-Uni. Pour ses parents, le choc fut fort. Au lieu d’un foyer vibrant de démocratie, ils trouvèrent une ville glauque grouillant de punks, de filles-mères ivres à la Ken Loach. Et surtout, contre eux, les immigrants, un racisme feutré.

Après 10 ans, le couple repartit pour Terre-Neuve, Canada. Autre monde, autre déception : c’était une île sinistrée, qui ne se remettait pas de l’épuisement de sa pêche à la morue. A St John, Lian eut encore de belles années à souffrir de sa différence, et s’interroger sur ses racines.

Enfin à Toronto, la 3ème étape fut la bonne. Il put entrer à l’université (en économie, sans conviction), se faire des amis, comme tout le monde. Après les années de vilain petit canard chinois, il put enfin se fondre dans la masse, devenir quelqu’un d’heureux et sans histoire.

A la fin des études, il fit LE trip à travers l’Europe, must de tout jeune diplômé nord-américain qui se respecte. Mais de retour à Toronto, il fut pris d’une drôle de crise. Soudain, il se découvrit une envie urgente de ne rien faire, et une absence existentielle de désirs : au moment d’entrer dans la vie terne à laquelle il aspirait depuis toujours, il en palpait la vacuité.

Chez ses parents, il partagea des mois oisifs, entre la peinture et l’écran de CNN. Et c’est là que le rattrapa la Chine, sous forme d’une rage mal contenue. Dans les sujets de la chaîne, il retrouvait le préjugé, le péril jaune de son enfance. Naquit alors le projet de rentrer au pays : pour « filmer et montrer aux blancs, la vraie vie chinoise ».

Chez les grands-parents pékinois, Lian débarqua avec sa valise, trois mots de mandarin (à l’accent anglais), et un script. Il ne doutait pas de pouvoir tourner, monter son film au bout de trois mois, lequel s’imposerait tout de suite par sa qualité magique : à lui, la gloire ! Il allait vite déchanter.

A la dure, il dut réaliser que ses cousins et guanxi (contacts) au sourire invariable ne disaient jamais non, mais ne l’aidaient pas. Ils n’objectaient jamais, mais ils avalaient ses discours comme des coups de poing dans un polochon. Par derrière, ils se moquaient du « faux Chinois d’Amérique, jaune dehors et blanc dedans» et sur qui il n’y avait rien à gagner. Quant à sa prétention de donner enfin au monde sa précieuse image du Céleste Empire, elle était ridicule. Lian réalisa alors que cette Chine n’avait nulle envie d’arracher à l’Ouest ses illusions de supériorité sur elle. Elles lui convenaient fort bien, lui permettant de gagner du temps pour avancer et combler son retard. Aussi après quelques mois, il dut bien se rendre à l’évidence — il n’aurait ni crédits ni équipe, ni film !

Pas question pour autant pour le jeune, de retourner au pays à la feuille d’érable, ruiné et la tête basse. Il s’essaya alors à la carrière d’acteur. Là aussi, assez vite, il mordit la poussière. Faute d’avoir prévu les millions de rivaux pistonnés, de fils de Secrétaire, frais émoulus des écoles de cinéma de Chine, voire d’Amérique : concurrence déloyale, sur un marché bouché. Si la Chine cinéaste voulait des étrangers, il les lui fallait blonds – roux à la rigueur, et aux yeux bleus. En aucun cas bridés.

Enfin en 2012, Lian a peut-être trouvé sa voie. Synthèse de ses tendances d’artiste et de businessman, il s’est lancé dans le blouson « hip-hop » qu’il dessine et fait produire localement pour exporter vers le Japon et les USA. Il ne veut surtout pas vendre sur place «les Chinois ne sauraient pas apprécier », fait-il, acide.

Et cette fois ça marche, les ventes suivent. Au prix de cet aveu enfin accepté : son seul vrai pays n’est pas celui du sang, mais celui du sol.

Et c’est à la Chine, terre de ses ancêtres qu’il doit cette leçon. Car c’est elle, en rejetant sa différence, qui lui a donné la force d’accepter enfin sa vraie nature, celle d’un étranger. Ce changement radical, bouleversement philosophique, se dit en chinois : « changer d’os et d’existence  » ( 脱胎换骨, tuō tāi huàn g ǔ) !


Rendez-vous : 14 février à Pékin : Le Sommet Chine – Union Européenne
14 février à Pékin : Le Sommet Chine – Union Européenne

14 février, Pékin : 14ième Sommet Chine – Union Européenne

14 – 17 février, Pékin : CIAACE Salon des accessoires automobiles

15-18 février, Shanghai : Wedding Expo, Salon du mariage

20 – 23 février, Canton : LED/NEON/SIGN Shows, Salons int’l de la signalisation, de l’enseigne et de la publicité

22-24 février, Shanghai : Salon int’l de l’optique

23-25 février  Canton : Salon int’l des Pompes et valves

23-25 février Canton : Water China