Le Vent de la Chine Numéro 4

du 9 au 15 février 2009

Editorial : Giboulées, bourrasques et soleil

Grande fête du sacre du printemps, le 春节 Chunjie est passé. Au Guangdong, les migrants sont revenus en cohortes plus clairsemées qu’attendu : 200.000 par jour de pointe, 4% de plus qu’en 2008, contre 17% l’an dernier. Les autres ont préféré rester au village.

L’étendue des dégâts de la crise est difficile à cerner. «26M de chômeurs» dit le ministère de l’agriculture, soit 15,3% des 外地 waidi (migrants). Certains experts s’attendent à la perte en 2009, de 15 à 20M de jobs ruraux «non fermiers». Mais la plupart des «retournés » découvrent que leur gagne-pain d’hier, les terres octroyées par Mao et Deng, ont été vendues par des cadres indélicats : le défi, pour Pékin, sera de les nourrir, tout en renonçant à un modèle de croissance basé sur le gaspillage, recopié d’une Amérique à la densité de population faible et aux ressources abondantes.

Curieusement, ces migrants semblent être, des quatre dangers, celui que l’Etat redoute le moins. Les autres étant le ferment nationaliste (dont il a besoin pour détourner l’opinion vers des pays cibles et masquer ses échecs, mais qui peut parfois gonfler hors contrôle), les 8M de jeunes chômeurs en col blanc attendus cet été (moins manipulables), et son souci n°1, la résurgence des dissidents, exigeant la démocratie (cf p.3).

Dans ce décor de marasme, tout n’est pas négatif, loin de là. Le socialisme semble rechercher ce genre d’épreuve pour démontrer sa réactivité sous l’angle de la conjoncture (cf p.2), du plan d’action (pg.3), de la diplomatie (ci-contre), du réchauffement global (pg.2).

Exemple de progrès : les cadres locaux apprennent toujours mieux à gérer les émeutes : moins de force brutale, plus de persuasion, et plus d’argent!

Bonne nouvelle: les accidents industriels baissent l’an dernier de 18%, à 413.752, et celui des morts, de 10% (91.172 ). Pour la 1ère fois depuis 1995, ajoute le Bureau de la sécurité du travail, les décès passent sous la barre des 100.000, notamment suite à la fermeture de 1.054 mines. Succès relatif toutefois: ces chiffres restent extrêmement sous-évalués, et 80% des 16.000 mines en activité, sont insalubres et illégales.

Autre embellie: le Parti communiste chinois aurait négocié en décembre avec les protestants de l’ombre : ce serait pour acheter la paix lors du 60ème anniversaire de la RP Chine au 1er octobre. Mais autre religion, autre approche : pour assurer un 50ème anniversaire sans heurts du Tibet chinois, le pouvoir local recourt à l’autre moyen classique: 81 arrestations à Lhassa, dont certaines arbitraires (pour cause de chanson dissidente sur le portable).

Voici deux derniers signes de la vie qui continue en Chine, pleine de vitalité et bonnes surprises :

Ji Kunzhang, Président de l’Institut d’archéologie du Shanxi, annonce de fabuleuses découvertes à Yangshe, site de 19 tombeaux des souverains Jin (1000 avant JC). « Assez pour réécrire l’histoire antique ». Pour exposer ces bronzes, porcelaines et autres jade, un musée local est en construction (coût : 11M²).

Zhoufang et Jiang Aiwu, ornithologistes, ont découvert l’an dernier dans le Guangxi un nouveau passereau, la timalie de Nonggang. Des dizaines d’autres espèces resteraient à découvrir, dit Zhou – à condition que l’on cesse de détruire leur cadre de vie !

 

 


A la loupe : Réchauffement global: le COP15 va-t-il à l’échec?

Il est invisible mais déjà là, le contre la montre de la Chine, pour adhérer ou non au plan de l’ONU contre le réchauffement global. L’humanité (dit McKinsey) a jusqu’à 2030 pour prévenir la dérive climatique. Avant cette date, il n’en coûtera « que » 200MM² en économies d’énergie, énergies renouvelables et reforestation. Pour ce faire, les nations devraient s’imposer des quotas d’émissions de gaz à effet de serre (GES), et ouvrir une bourse d’échange des crédits d’émissions: à Copenhague, en décembre 2009, lors de la 15ème session de l’ONU sur ce plan climatique, – surnommée le «COP15».

Problème, Gao Feng, négociateur pour la Chine à l’ONU, est catégorique : son pays ne signera rien de contraignant. Tout au plus, un engagement «à long terme» – et encore, à condition que les pays riches signent tous, et/ou renforcent leurs propres quotas, et paient aux émergents jusqu’à 1% de leurs PIB en centrales nucléaires et autres technologies de pointe. Wen Jiabao à Londres, déclare que son pays «adoptera des mesures pour s’autoréguler», mais rejettera toute demande d’un «plafond quantitatif». En face, un diplomate de l’Union Européenne à New York, est aussi affirmatif : « sans quota de GES pour la Chine, ni l’Union Européenne, ni les USA, ne signeront ». Alors, va-t-on droit à la catastrophe? Les louvoiements du leadership chinois se voient désormais encore renforcés par la crise, qui érode la position des défenseurs de l’environnement au profit du « tout pour l’emploi »…

Pas forcément. En un an, la Chine a vu des dérèglements se produire sur son sol : blizzard meurtrier, typhons, sécheresse gravissime… Pékin sait que, plus qu’avec ses partenaires de l’Ouest, c’est avec sa prospérité future qu’elle joue. Et elle prend sa crise à bras le corps. En 2008, son parc d’éoliennes a doublé (6,3Gw) et d’ici 2011, des centaines de mauvaises petites centrales thermiques seront décommissionnées (pour 31Gw). Et dans les 590MM$ de «stimulus» financier, 58MM$ (10%) iront en énergies renouvelables, reforestation ou recyclage, encourageant des firmes locales et étrangères à produire éoliennes, chauffages solaires ou dalles de biomasse.

Enfin, une relève apparaît sur le champ de bataille : Steven Chu, le Secrétaire américain à l’Energie, qui appelle la Chine à collaborer « immédiatement » avec les USA, «sans attendre la mise au point de plans nationaux ou multilatéraux». L’appel semble vouloir exclure la démarche mondiale, mais en réalité il la renforce : USA et Chine ont la meilleure chance de rentrer dans le système, lors du COP-15, en s’y préparant ensemble, et la Chine depuis toujours, prête davantage son écoute à l’Amérique, qu’à tout autre partenaire. D’autant que le nouvel interlocuteur est prix Nobel —et ethniquement chinois.

 

 


Joint-venture : Chine : Paris jette l’éponge

Chine : Paris jette l’éponge

La suite des relations franco-chinoises s’annonce comme un remake du film de 1993 : Edouard Balladur, premier ministre de l’époque, avait envoyé un émissaire à Pékin pour mettre un terme à la période de glaciation entre les deux pays, depuis 1989, et la décision par le Président François Mitterrand de vendre des frégates et des Mirage 2000 à Taiwan. François Fillon, son successeur à Matignon, soutient à l’Assemblée Nationale que «la France… le monde, ont besoin de la Chine… pour sortir de la récession  présente». Il justifie ainsi sa décision d’envoyer à Pékin cette semaine Jean Pierre Raffarin, autre ex-collègue (déjà venu à l’automne dernier dans le même but) : pour «approfondir la relation». Mais signe de l’évolution des moeurs, Fillon doit préciser aux élus que : « le Président de la France a tous les droits de rencontrer le Dalai Lama »…

Manière de faire passer la pilule auprès d’une opinion française remontée contre la Chine, énervée par ces propos de politologues selon lesquels pour la Chine, la France serait « le maillon faible de l’Europe », ou « de l’espèce femelle » (sic).

 


A la loupe : Conjoncture: hibernation, puis soleil dans la brume

La Chine aurait-elle déjà dépassé le pire de la crise? Propos prématuré, que seul le pouvoir, adepte de la méthode Coué, soutient sans état d’âme. Mais un nombre intriguant de petits signes s’accumule, évoquant les prémisses d’un redémarrage !

Dans l’immobilier, la tendance reste morne. Sauf dans les «niches» (terme, ici, très adéquat) : Renhe, groupe de centres commerciaux souterrains, caracole à +47% depuis son entrée en bourse en octobre. Pour cause : il occupe des espaces de «défense stratégique», conçus pour servir d’abri en temps de guerre. A ce titre, il jouit de droits et d’une taxation privilégiés qui lui permettent, aujourd’hui, de jouer à l’hirondelle.

La croissance officielle du 4ème trimestre est de « 6,8% », 2,2% de moins que le 3ème, mais pour la 1ère fois en des décennies, celle de l’agriculture, à +7,3%, dépasse l’industrie et l’immobilier (+6,7%). En même temps pourtant, le revenu agricole a chuté à 6% soit -5% en termes réels (après inflation): la différence tient à la chute des mandats des migrants. Autre surprise : en ce 4ème trimestre déjanté, les citadins ont gagné plus qu’en les trois autres (+11%), et le commerce s’est maintenu à +17% : résultat surréaliste, car les usines en rupture de commandes, cessaient déjà de produire : ce que les Chinois ont consommé, a été l’inventaire, et plus de biens ont été vendus, que produits !

Ultime «folie»: les importations de matières premières ont décliné de 9% et l’export a gagné 4%, gonflant les surplus de 50%:c’était la livraison des dernières commandes étrangères de l’avant-crise, et elle annonce la bise… à ceci près qu’une fois les stocks épuisés (ce qui est déjà le cas dans l’acier), une dose d’activité redémarrera. La fin des inventaires, va forcer les usines à recommencer à commander des produits de bases, et à produire pour satisfaire la demande minimale du moment, pour une création de valeur qui s’ajoutera aux crédits du stimulus : Pékin en escompte une croissance de 8 à 9%.

En janvier, la bourse chinoise, unique au monde, a regagné 9,7%, après avoir perdu 65% l’an dernier -et cela continue, réchauffant les places boursières d’Asie ! Les banques, dans le mois, ont prêté 1000MM¥, soit 19% de plus qu’en novembre et décembre, et beaucoup plus qu’en janvier 2008. Même si cet effort peut retomber, croient les experts, c’est une inversion de tendance, face à la récession ! Idem, l’indice des achats de matières 1ères est passé de 38.8 en novembre, à 35,3 en janvier, et l’agence S&P croit que la Chine, des quatre grands pays émergents du groupe BRIC, est la mieux placée, avec sa population frugale, et aux poches les mieux garnies. De tous ces chiffres contradictoires, un fonds américain croit pouvoir lire que le pays est déjà «passé à travers l’orage ». Contrairement au Prof. Roubini, de la New York University, qui dit que la Chine se contentera cette année d’une (dé)-croissance de moins de 5%. Allez savoir…

 

 

 

 

 

 


Argent : Cause du séisme au Sichuan : la surprise

Plan anti-crise—la Chine fait feu de tout bois

Avec un volontarisme vif, la Chine multiplie les adaptations à la crise qui la frappe.

Pour relancer le commerce, on assiste à une baisse des prix à perdre haleine: KFC, le rôtisseur de poulet baisse de 20% ses prix dans 1400 restaurants, suivi de Wal-Mart, de l’automobile, de l’électroménager aux multiples discounts.

On avait déjà vu les consignes d’interdiction des mises à pied dans les firmes d’Etat (China Eastern, Wuhan Steel), d’une coupe de 30 à 50% des gros salaires et 20% des « petits ». Bailian (grandes surfaces), oblige aussi ses représentants à renoncer à l’avion, pour prendre le train. Alibaba, le géant du commerce virtuel, inaugure avec 8 banques ce mécanisme décrit par son PDG Jack Ma Yun comme « 1ère étape d’un réseau financier inédit pour le e-commerce » : parmi ses centaines de milliers de PME-clientes, il en retient celles aux meilleurs chiffres, pour des prêts financés par les banques. Ainsi ses clients recevront 6MM¥ de crédit dans l’année, six fois plus qu’en 2008.

L’Etat décaisse au 1/02 19MM$ d’argent frais au titre de la 2de tranche du stimulus, et médite des plans d’aides spécifiques pour le textile (+3% de crédit-export, à 17%), et la machine-outil (crédits d’investissement, pour remplacer l’importation).

On note aussi une montée au créneau face aux risques nouveaux : pour les 26M de migrants chômeurs retournés au village, Pékin veut débourser 120MM¥ de crédits d’infrastructure (+17%), +13 à 16% de hausse du prix du grain, des aides à la formation, à l’accès à l’assurance sociale minimale. D’autres aides, 15M$ (probablement insuffisants) vont à la lutte contre la sécheresse qui touche 4M de paysans (2,1M d têtes de bétail) et 10M d’ha d’emblavures dans 12 provinces du nord et du centre.

Pour l’autre groupe à risque, celui des jeunes chômeurs diplômés, la Ligue de la Jeunesse a été mise à contribution pour installer 2000 «bases» d’insertion dans le tissu économique (finance, télécom, transports…). Déjà 60.000 postes de stages ont ouverts, payés par l’Etat -le nombre des bases doit bientôt passer à 5000.

Côté finance, pour rétablir la confiance, la CSRC (China Securities Regulatory Commission) confirme l’arrestation de Wang Jianzhong, Président de Shoufang, pour manipulation boursière, et la CIRC (China Insurance Regulatory Commission) le limogeage de Tang Ruoxin, Président de Sinosure, l’assurance nationale de crédit export, pour corruption dans une affaire ayant coûté 245M$ à l’Etat.

Les provinces aussi, y vont de leurs plans de sauvetage — parfois un peu trop loin : Chongqing se voit interdire par le Conseil d’Etat, d’offrir 40% de baisse d’impôts aux acheteurs de logis. La ville est aussi huée par 3000 étudiants de l’Université Normale, envoyés obligatoirement» quelques mois dans la montagne, en fin d’études…

Séisme au Sichuan : la surprise

C’est la surprise, neuf mois après le drame : Fan Xiao, chef ingénieur au bureau géologique provincial, est convaincu que le séisme de force 8 du 12 mai dernier a été provoqué par la mise en eau du barrage de Zipingpu, à 17 km de l’épicentre. Le réservoir d’une capacité d’1km3 aurait pesé sur la croûte terrestre, multipliant par 25 le stress naturel sur la ligne de fracture juste en dessous d’elle. Les responsables nient, soutenus par des experts de l’Académie des Sciences sociales. Pour Christian Klose, géophysicien de l’Université de Columbia (New York), cette autopsie du tremblement de terre est la plus plausible. L’Etat chinois ne se prononce pas, mais est évidemment très embarrassé : l’hydroélectricité (près du quart de sa production en 2008) est sa meilleure chance de réduire sa dépendance au charbon (70%)…

Au demeurant, la zone sinistrée se reconstruit très lentement. Avec un atout inattendu: le tourisme solidaire, 16,5M de Chinois d’ailleurs, qui sont venus durant les fêtes, se rendre compte par eux-mêmes !

Un tourbillon de consolidations

Signe de l’avenir, la Chine, en janvier, a dépassé de loin les USA en achats automobiles, 790.000 contre 657.000. Pour autant, Geely, n°10 national (183.000 ventes l’an dernier) passe la main comme repreneur de Volvo – que Ford cherche à vendre. Pourquoi? Avec un marché en croissance en 2009 de 7% ou moins, 80 tous petits constructeurs sont pris dans la nasse conjoncturelle, dont la moitié ou plus devra disparaître. Tel Shuanghuan, de Shijiazhuang (Hebei), qui vient de débaucher 8% de ses 2000 postes, et dont le n°2 Cheng Bin avoue craindre la mort dans l’année. Laissant faire la nature, l’Etat intervient peu, et n’offre qu’une baisse de la taxe d’immatriculation, de 5 à 2%.

Ailleurs, des grands de l’industrie mondiale saisissent l’occasion pour restructurer : Intel ferme son usine de Shanghai (mais non son siège), et réemploiera à Chengdu ou Dalian les 2000 ouvriers. Inbev le brasseur belge («Stella», n°1 mondial) cède 20% de ses parts dans la bière Tsingtao pour n’en garder que 7% : Asahi, le repreneur lui paie 667M$, de quoi payer ses dettes occasionnées par la reprise l’an dernier de l’américain Anheuser-Bush.

 

 

 


Pol : Crispations, en grande pompe

Crispations, en grande pompe

Un peu trop tôt, la presse locale affichait le «succès complet» de la tournée européenne de Wen Jiabao, quand eut lieu le 2/02 le dérapage à sa conférence à Cambridge: réitérant le scénario joué à G.W. Bush à Bagdad, un étudiant (allemand) lança sa chaussure au 1er ministre, tout accusant le gouvernement de Gordon Brown de «se prostituer devant un dictateur». Wen Jiabao garda un calme glacial, se bornant à qualifier l’algarade de «coup bas », qui «ne parviendrait pas à ternir l’amitié bilatérale». Par voie officielle, Pékin protesta ensuite contre l’acte «méprisable». Les media chinois observèrent d’abord la censure, puis osèrent diffuser l’incident, 24h plus tard.

La Chine a vivement réagi à cette agression, car elle mettait en porte à faux sa stratégie de division des Européens en « bons » élèves (ceux que l’on visite), et en « mauvais » (ceux, telle la France, que punit par son absence). Or cette fois, la critique venait de deux « bons » à la fois – Royaume Uni pour le territoire, Allemagne pour le ressortissant. Pire, des millions de spectateurs chinois avaient pu constater en direct l’existence d’un réel problème d’image pour leur pays. Du coup, il devenait moins évident que la mission ait atteint son objectif, de rétablir la sérénité et le consensus !

L’incident intervient, alors que la Chine serre la vis à de nombreux dissidents. Dans les prisons et les résidences surveillées, des consignes semblent avoir été données pour priver les dissidents -mais pas les «droits communs»- de visites durant les fêtes. Tel Liu Xiaobo l’écrivain – un des auteurs de la « charte 2008 » qui réclame la démocratie. Tel Qin Yongmin, à Wuhan, qui, quoiqu’ayant purgé 11 ans sur les 12 de sa peine, n’a pu recevoir sa fille. Ou le professeur Guo Quan, interdit de parloir. En préventive depuis juin 2008, Huang Qi, l’avocat des familles du séisme du Sichuan, voit son procès retardé. … Hu Jia, (prix Sakharov du Parlement européen) et Gao Zhisheng, avocat des droits de l’homme, avaient été envisagés comme prix Nobel de la paix en 2008, et emprisonnés : Hu est privé de visites, Gao a « disparu ».

Manifestement, la répression exprime l’exaspération d’un régime assailli de problèmes aux dimensions rarement atteintes. Parmi ceux-ci, la récession mondiale, et sa traduction chinoise : la disparition des emplois, les 26 millions de paysans montés à la ville puis retournés chômeurs au village. La pollution et le gâchis des matières premières. L’écart croissant des richesses entre milliardaires et va-nu-pieds, villes et campagnes, Chine «Jaune» et «Bleue». Face à ces déséquilibres, les revendications démocratiques apparaissent bien innocentes. Mais en cas de tempête, toute tolérance disparaît : à bord du navire socialiste, le capitaine, comme l’équipage, luttent pour la survie !

Lai Changxing, sauvé des eaux

Un peu par lassitude, un peu pour en finir, le bureau de l’immigration de Vancouver a octroyé à Lai Changxing, le plus célèbre des escrocs chinois, un permis de travail, après 10 ans de litige juridique : une décision non «politique  mais «opérationnelle», dit Jason Kenney, le ministre de tutelle. Lai Changxing avait défrayé la chronique à Xiamen, fin des années ’90, en important, pour près de 10MM$ de matériaux sans s’acquitter de droits de douane, y compris d’importants volumes de pétrole, qui à l’époque ne coûtait que 20$/baril hors Chine, bien plus cher dans le pays. Quand le 1er ministre Zhu Rongji avait décidé de l’arrêter en 1999, Lai avait pu trouver refuge au Canada. A Xiamen, l’affaire s’était soldée par 19 condamnations à mort.

L’octroi du permis de travail était inévitable, Lai s’affirmant sans ressources. Il pourrait donc être suivi d’un permis de résidence. Cette décision intérimaire confirme au passage, l’indépendance absolue du pouvoir judiciaire du pays à la feuille d’érable : Pékin qui réclamait avec insistance son retour, s’était même engagé à ne pas l’exécuter. Le gouvernement canadien avait refusé le droit d’asile -mais le juge avait interdit l’extradition, par crainte d’une exécution, non-conforme au droit canadien.

 

 

 

 


Temps fort : Diplomatie : après l’orage, l’embellie -mais universelle

Entre Suisse, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni., et Bruxelles (Union Européenne), du 28/01-2/02, le 1er ministre Wen Jiabao voulait rétablir avec l’Europe, la confiance abîmée par l’insistance chinoise à marginaliser le Dalai Lama : mission accomplie, à un accroc près, à Cambridge (cf p.3). Partout, les hôtes et Wen ont fait un effort pour relancer le lien. Le ton fut donné par Wen : «en temps de crise, on serre les rangs».

L’Union Européenne engage 60M² dans la lutte chinoise contre la drogue et les coupes forestières clandestine, pour l’ouverture à Pékin d’un centre commun des énergies renouvelables. Annulé par la Chine en décembre 2008, le sommet de Lyon est reprogrammé à Prague, après le G20 à Londres du 2 avril 2009.

A Londres, Wen Jiabao et Gordon Brown, se firent fort de doubler d’ici 2010 les exports britanniques, à 11MM². A Berlin, Wen Jiabao offrit la construction d’une ville «verte» à Xuzhou. En «échange», la chancelière A. Merkel cédait ce qu’elle refusait jusqu’alors, des brevets essentiels du Maglev, le train à lévitation magnétique: dernière chance, pour cette technologie trop en avance sur son temps? Du coup, les travaux de la ligne Shanghai-Hangzhou (160km, 3,4MM²) débuteraient dès ce mois-ci.

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Face au partenaire n°1, les USA, Pékin regarde au fond des yeux Barak Obama, le jeune Président -qui s’est empressé de rectifier le tir maladroit de son secrétaire aux Finances. T. Geithner avait affirmé que la Chine manipulait sa monnaie. Obama se donne jusqu’« au printemps » pour se prononcer. Mais dès maintenant, un pas vital est franchi: vers l’intensification des liens. Initié par Hank Paulson, le partenariat « stratégique » sera poursuivi par le vice Président Joe Biden, et deviendra «intégral», moyennant élargissement à d’autres thèmes tel la défense.

NB : Ils n’ont pas vraiment le choix. Pékin feint de se demander s’il achetera plus de bons du trésor, ou même vendra les 1700MM$ qu’il détient. Obama tente d’imposer, pour son plan de relance à 685MM$ une clause de préférence nationale : tout ceci mènerait au chaos, et ils le savent.

En tout cas, ce rapprochement en gestation fait froncer les sourcils à l’Asie non chinoise : pour rassurer, Hillary Clinton, la nouvelle Secrétaire d’Etat, se rend d’abord à Tokyo (15/02) et Séoul, avant Pékin !

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Face au reste du monde, on voit la même offensive d’initiative. Le Président Hu Jintao part le 10/02 pour l’Arabie Saoudite, et poursuivra vers Mali, Sénégal, Tanzanie et Maurice. Puis le 22/02 en Thaïlande, Chine, Corée, Japon et les 10 pays membres de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) renforceront à 120MM$ leur fonds de soutien des monnaies. Ailleurs, le plus grand radiotéléscope au monde se bâtit : le EAVLBI sino-nippo-coréen, étalé sur 6.000km, d’Hokkaido à Urumqi.

Tout ceci suggérant que la récession, après avoir malmené la diplomatie chinoise, l’accélère à présent !

 

 


Petit Peuple : Sichuan : le remariage de Wu Jiafang

Ce 12 mai 2008 à midi, comme chaque jour, Wu Jiafang enfourchait sa moto pour se rendre à Mianyang, à l’usine où il travaillait à mi-temps. L’accompagnait Shi Huaqiong, sa femme, coquettement coiffée d’un châle écarlate: elle allait en ville, payer la note de téléphone. Halés par le soleil du Sichuan, ils avaient fière allure, dans tout l’éclat de leurs 45 ans.

Ils l’ignoraient, mais au tournant les attendait le terrible séisme du Sichuan. Dans une épingle à cheveux, la route se mit à onduler, menaçante tel un monstre jurassique. Les vallées montèrent, les collines changèrent de lieu. Des monolithes chutèrent des sommets, brisant tout sur leur course. 120 secondes après, Wu s’ébrouait sain et sauf, égratignures à part. Mais Shi avait rendu son dernier souffle -sa beauté miraculeusement préservée.

Wu eut alors une réaction étrange. Après avoir longtemps crié, seul dans la montagne, il se calma, redressa la dépouille de sa femme, l’attacha sur la moto en position assise, ses bras autour de son ventre à lui, comme si elle vivait encore. C’est dans cette position, qu’il gagna un Mianyang dévasté puis, voyant qu’aucun secours n’était disponible, retourna à Guangping, leur chez-soi.

Là-bas sa ferme avait disparu. Fouillant les décombres, il trouva une scie, un marteau, des planches, de quoi fabriquer un cercueil pour enterrer sa compagne dignement…

A son insu, son morbide équipage à moto avait été saisi par un photographe étranger, «nature demi-morte», scène dramatique qui le rendit célèbre à travers les cinq continents. Les média locaux firent leurs choux gras du simple amour brisé, de la passion de la coquette pour ce garçon travailleur et taciturne, et comment elle avait prié son père de venir lui offrir sa main. Une semaine avant le drame, elle lui promettait, prémonitoire : « si je devais revivre, je te re-choisirais ».

Durant les mois suivants, il reçut pas moins de 16 lettres d’amour de tout le pays, de belles inconnues lui offrant de refaire sa vie avec elles. Seul en son chagrin, Wu n’en faisait nul cas. Jusqu’au jour d’octobre où une femme plus rouée que les autres l’atteignit sur son portable. Liu Rurong était du même âge que lui, et une «païse», native de Chengdu, exilée à Shenzhen, divorcée après une union sans bonheur.

L’histoire ne dit pas comment Liu réussit à obtenir le numéro de téléphone que la TV locale s’était refusée à lui communiquer. Ni comment une fois en ligne, elle sut trouver les mots pour retenir l’attention de Wu, au point d’obtenir de le rappeler tous les jours.

Après 2 semaines (9/11), Wu venait la chercher -à moto- à l’aéroport de Chengdu. Dénuement oblige, c’est à Shenzhen, avec 29 autres couples qu’ils se remarièrent dix jours plus tard. Le manque de faste de ces noces collectives n’empêcha Wu de retrouver son sourire, pour la 1ère fois depuis le cataclysme. Même les parents de Shi bénissaient leur union.

Reséparés depuis, ils travaillent d’arrache pied à leur nouveau projet : la maison. De son patron à Shenzhen, Liu Rurong a obtenu 40.000¥ qu’elle devra payer des années, avant de pouvoir le rejoindre. En pension et en prêt de la banque, Wu a touché près de 20.000¥, qui s’ajoutent aux 6000¥ de la vente de la moto au tout nouveau musée du séisme.

Dans leur esprit, c’est pour Wu Yang, le fils de Wu Jiafang, qu’ils rebâtissent : c’est qu’à 21ans, ce jeune doit lui aussi penser à se marier—la vie continue-, et il aura la tâche plus facile, avec une maison en héritage futur.

Mais cet argument n’est qu’un prétexte. Sur la vraie raison, toute la Chine vibre et glose, car le nouveau coupe a violé la tradition : veuf, Wu devait vivre le reste de sa vie d’amertume et sans plaisir, « cygne solitaire et canard sauvage » (单鹄寡凫 : dān hú guǎ fú ).

Mais Wu fait taire tous les pères la morale, au nom de Shi, son adorée, qui depuis l’au-delà, le veut heureux. Et si le nouveau couple, endetté et séparé, est ni fait ni à faire, qu’à cela ne tienne : plus que l’argent, plus que la bienséance, c’est l’espoir qui fait vivre !

 

 


Rendez-vous : Tournée africaine pour le Président Hu Jintao

10-17 février, Visite d’Etat du Président Hu Jintao en Arabie Saoudite, et dans 4 pays d’Afrique (Mali, Sénégal, Tanzanie, Ile Maurice),

15-18 février, Shanghai : STONETECH Shanghai : Salon Int’l des équipements et produits de la pierre