Le Vent de la Chine Numéro 39

du 3 au 9 décembre 2007

Editorial : N. Sarkozy en Chine — une manne de contrats tombés du Ciel !

Rituel en Chine : à chaque visite d’Etat, sa «distribution des prix».

Les 40 patrons de la suite du Président français Nicolas Sarkozy à Pékin se partagèrent les contrats (26 /11). On en attendait pour 10MM² : le chiffre atteignit le double, comme pour suggérer l’image d’une France bonne élève de la Chine. Celle ci ne doit pas faire oublier les années ’90, où la France se trouva deux fois sur la liste noire de Pékin pour avoir livré à Taiwan 6 frégates et 60 Mirages, puis un satellite. Jusqu’à ce que d’autres pays méritent à leur tour les foudres locales, accélérant la réconciliation : on ne peut être en froid avec trop à la fois… Justement, Pékin pouvait avoir une autre raison de soigner Paris : la hantise de voir Sarkozy, qui sera en 2008 Président de l’Union Européenne, rejoindre un front critique qui compte outre les USA, l’Allemagne, le Canada…

Sur la liste, comptent 110 Airbus A320 et 50 A330 (pour 11MM²) – Avic-II produira 5% des futurs A350. D’autres marchés vont à Alcatel-Lucent (750M², pour China Mobile et Unicom), Alstom (43M² en signalétique du métro de Shanghai), Eurocopter (80M² pour 10 appareils). Sanofi-Aventis reçoit le droit d’investir 64M² dans une usine de vaccins anti-grippaux à Shenzhen, et l’armateur CMA-CGM met 1,2MM² dans un terminal conteneurs à Haicang, port de Xiamen.

Dans ces contrats, l’écologie est présente : Suez obtient 70M² de contrat à Chongqing, dans le recyclage d’eau et de déchets, et une implantation à Tianjin-Binhai, la zone technologique la plus avancée du pays.

Le contrat le plus spectaculaire est celui d’Areva et d’EDF, pour deux réacteurs nucléaires EPR de 1700MW, de 3ème génération, à livrer pour 2014, sur le site de Taishan au Guangdong, la province des centrales françaises de Daya Bay et Ling Ao. Pour Areva et EDF, ce deal approfondit la coopération en élargissant leur présence à l’ensemble du cycle nucléaire civil chinois.     

[1] Il sera payé en euros, écartant le US$ en chute libre.     

[2] Areva fournira le combustible aux deux EPR, et en fait bien plus, 23.000t d’uranium en 15 ans, soit 35% de la production d’Uramin, sa filiale minière africaine qui entrera en activité en 2010.

 [3] Areva négocie une JV (50/50%) d’ingénierie pour dessiner d’éventuels futurs EPR («4 à 6, dans un 1er temps», espère A. Lauvergeon, Présidente du groupe), une JV de gainage (en zirconium) des déchets, une centrale d’enrichissement du combustible «selon le modèle de la Hague», le tout, pour un enjeu de 15MM², à trois ans d’échéance.

[4] EDF sera propriétaire à 30%, co-exploitant des unités de Taishan.

La stratégie de Pékin d’ici 2015 apparaît clairement : bâtir (presque) seul une 20aine de centrales de seconde génération, de technologie Areva, et pour la troisième, acheter une paire d’échantillons à chaque fournisseur : l’AP-1000 de Westinghouse, l’EPR, le russe d’Atomstroy-export (à confirmer); les faire tourner, puis faire son choix. Cette stratégie de saupoudrage entre concurrents, permettant d’imposer les prix les plus bas, le transfert de technologie, et à terme, de concurrencer ses maîtres, à l’export ! 

 

 


Temps fort : N. Sarkozy à l’heure de la rupture

« Ne craignez pas le monde, car il ne vous craint pas  – mais assumez vos responsabilités » – prononcée devant les étudiants de Tsinghua (Qinghua) à Pékin, cette phrase (et d’autres) de N. Sarkozy vibra aux oreilles de millions de Chinois ébahis—jamais sans doute, on ne leur avait parlé en ces termes, depuis l’étranger, langage carré, mi-flatteur, mi-comminatoire.

Ainsi, le détail n’échappa à personne, Sarkozy avait laissé à Paris Rama Yade, sa Secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme. Comme pour se démarquer encore plus de l’Allemagne, et donner de la face à l’hôte.

Dans ce même souci, Sarkozy plaidait pour l’entrée de Pékin, comme de Delhi, au Sommet du G8 en 2008, en tant que partenaires mondiaux incontournables. Mais une fois fournies ces petites politesses, en tête-à-tête, on passa aux négociations, sans état d’âme, avec une Chine sur la défensive et en mal d’alliés. Sarkozy posa ses trois demandes, préparées à l’avance avec USA, Union Européenne, et ONU :

[1] que Pékin aide à calmer la fièvre nucléaire de l’Iran,

[2] qu’elle renonce à son credo intenable d’un refus de toute baisse contraignante de ses émissions de gaz à effet de serre,

[3] qu’elle contribue à une société mondiale harmonieuse, en oeuvrant pour un équilibre équitable entre dollar, Euro, Yen et Yuan, pour en finir avec un préjudice européen de moins en moins toléré (cf p.2).

Loin des projecteurs, avec ses hôtes, Sarkozy ouvrit les dossiers sensibles de groupes, tels Schneider et Danone, pillés par des concurrents profitant d’une justice en leur faveur. En tout cas, le Président français alterna fleurs et muscles, à propos d’environnement notamment. Il offrit la perspective d’un dialogue « vert » euro-chinois, avec financements et transferts de technologie de l’Ouest, dans l’objectif (non endossé par la Chine) d’une division par deux des émissions de gaz à effet de serre pour l’an 2050 ; avec pour corollaire, un effort «immédiat, profond et soutenable ». Mais en cas de refus, il brandit le spectre en Europe, dès « demain », d’une « taxe carbone » aux pays refusant de s’astreindre au but commun…

On voit donc Sarkozy tenter, pour débuter ses relations avec la Chine, une synthèse entre les extrêmes, l’«amitié à tous prix» de J. Chirac, et la rupture d’A. Merkel, au nom des valeurs européennes, et surtout de la distorsion du yuan, évaluée à 25% par JC. Juncker, le Président du conseil « Finance » de l’Union Européenne. Ce que Sarkozy attend, est que la Chine, quasi-grande puissance renonce à des attitudes du passé, mi-révolutionnaire, mi tiers-mondiste. Avec Sarkozy, Hu Jintao signa une «déclaration commune» sur le changement climatique. Mais par rapport à l’effort attendu, on est loin du compte : des temps de bourrasque semblent inévitables !

Autrement dit, la personnalité de Sarkozy, plus sèche et battante, cadre bien avec la fin d’un scénario immuable depuis 15 ans, où l’Europe débonnaire et tolérante fait le dos rond, passant tout à l’allié stratégique chinois !

 

 


Pol : Guo Jinlong nommé maire de Pékin

Deux ripoux nommés Zhou

     Ex-11ème fortune privée du pays, Zhou Zhenyi, avait débuté à Shanghai, à la tête d’un bouiboui à nouilles, avant de se faire des relations, y compris celle de Huang Ju, maire puis secrétaire du Parti, proche de Jiang Zemin. Sous son ombrelle, entre immobilier et bourse, il avait assemblé une fortune de 320M$. En 2003, un scandale impliquant la Banque de Chine, Zhou et sa femme, fut d’abord étouffé -seul le délateur finit en prison. Puis sous la pression de Hu Jintao, Zhou était condamné à 3 ans, le minimum, histoire de lui éviter plus grave. C’est seulement après la chute en 2006 de Chen Liangyu, autre lieutenant de Jiang, que démarra le vrai procès. Le 30/11 Zhou s’en tire à bon compte, condamné à 16 ans à l’ombre par la cour de Shanghai. Quand il sortira, il aura 62 ans.                 

Dans une histoire sans lien, un parvenu éponyme, Zhou Xiaodi est interpellé (25/11) pour avoir commandité la mort d’un actionnaire du groupe d’hôpitaux et d’immobilier portant son nom. Attentat réussi – la victime est dans un coma terminal. Zhou, selon la très sérieuse revue Caijing, avait puisé dans la caisse du groupe sans informer les actionnaires minoritaires. Yin, la victime, les ayant réunis, s’apprêtait à le chasser de son poste. Camouflage atypique, Zhou avait jusqu’alors su se faire passer pour un philanthrope, ayant généreusement arrosé diverses caisses de bienfaisance de la métropole du Yangtzé !

Tempête sur un porte-avions, dans un verre d’eau    

Le 21/11, le porte-avions américain Kitty Hawk se voyait refuser par Pékin l’accès au port de Hong Kong, ainsi que sept autres bâtiments de sa flotte. Puis le 22/11, Pékin changeait d’avis «pour cause humanitaire» (au nom des 8000 « marines », que les familles venues d’Amérique attendaient sur le Rocher pour passer ensemble la fête du Thanksgiving). Trop tard : le porte-avions et sa flottille s’étaient déroutés vers le Japon.

Entre-temps, entre Pékin et Washington, les explications fusaient :

[1] celle d’une rétorsion envers G.W. Bush, après qu’il ait rencontré le Dalai Lama, ou

[2] celle des exercices aéronavals chinois exceptionnels, combinant au large des Paracelses, les flottes des mers de l’Est et du Sud, avec leurs vaisseaux amiraux -les croiseurs Guangzhou et Hangzhou – la Chine aurait voulu éviter que les flottes ne se croisent, nez à nez… Le 28/11, selon la Maison Blanche, le ministre Yang Jiechi aurait expliqué par téléphone à G. W. Bush, l’incident comme un « malentendu ». Puis le 29/11, Pékin dément ces propos comme « non-conforme aux faits ». Le refus d’accès au port résulterait bien de « décisions erronées (américaines) qui ont perturbé et dégradé  les relations». Global Times, journal proche du Parti, précise : l’offre américaine d’équiper Taiwan pour 940M$ de missiles Patriot-II, passe toujours mal à Pékin. Enfin, le 28, par contre-rétorsion, l’ambassade US à Tokyo amenait le Japon a décommander une visite d’officiers navals chinois sur leur croiseur livré par l’Amérique, de classe Aegeis, summum de la technique navale US … Au moins, l’entretien Yang-Bush aura permis de limiter les dégâts. Comme rassurée, la Maison Blanche parle depuis lors d’« aller de l’avant » -de passer l’éponge. Mais qui eût dit que le Kitty Hawk, à son âge vénérable de 48 ans, pour ses derniers mois d’activité, pouvait faire encore tant de vagues !

Dernière nouvelle – dernière nouvelle -dernière nouvelle—derniè-

– le nouveau maire de Pékin est nommé – ad interim, mais avec bonne chance d’être confirmé. Décevant tous les pronostiqueurs, c’est Guo Jinlong , 60 ans qui relaie Wang Qishan (pressenti vice 1er ministre) et sera le maître de la ville des Jeux. Allié de Hu Jintao de longue date, ex-secrétaire de l’Anhui, et surtout du Tibet (tout comme Hu).

Alors que s’ouvre le sommet de Bali (3-14/12), Europe et USA sortent une proposition très importante : la levée de toute taxe sur 43 équipements écologiques telles les éoliennes. Et avec des puissances émergentes comme Chine, ils veulent négocier la même mesure pour les services de retraitement. Le marché concerné, en 2008, concernerait 800MM² dans le monde. C’est une base nouvelle, prometteuse, de débat entre Sud et Nord ! 

 

 


Argent : Automobile : l’année faste

Pharmacie – des pilules en pagaille

     Avec la classe émergente de nouveaux riches, le médicament est une affaire qui marche : de janvier à octobre, les célestes potards fournirent pour 68MM$ de remèdes, en hausse de 26%. Les grandes provinces productrices sont le Shandong avec 9,8MM$ de production, le Jiangsu (7MM) et le Zhejiang (6,2MM), laissant loin derrière elles Shanghai (2,9MM$) et Pékin (2,11MM$).

Parmi ses produits phares, cette pharmacopée très inspirée de l’étranger compte l’usine de vaccins antigrippe de Sanofi (cf édito). Egalement actif à Pékin dans la recherche à long terme contre le cancer, le groupe veut passer du 6ème au 1er rang national, par la vente de ses vaccins, ses génériques, et son best-seller l’anticoagulant Plavix—grâce à ses 1700 visiteurs médicaux, assurant 260M d’euros de ventes, et 60% de croissance par an.

Novartis (Suisse) prépare avec Med-Pharm (Pékin) l’enregistrement puis la distribution pour 2010 d’Enablex, son remède contre l’incontinence et l’hyperactivité de la vessie – peu soignée en Chine, quoiqu’elle frappe 200M de Chinois, passé 24 ans.

Enfin, après 10 ans de tests, Aida (Hangzhou) sortira fin 2008 son Rh-Apo2L, recombinant biogénétique, efficace contre les cancers du poumon, de l’estomac, du pancréas et du rein.

 

Automobile—l’année faste

     Pour l’auto, l’an 2007 aura été d’or, avec des ventes de 4,25M de véhicules depuis janvier, +22%. En tête, le vieux loup de Wolfsburg, Volkswagen (VW) fait un retour superbe avec +36%, fruit d’un redéploiement orchestré deux ans plus tôt, aux investissements lourds sur ses JV avec SAIC – Shanghai Automobile Industry Co. (Shanghai) et FAW – First Auto Works (Changchun), lui ayant permis de se positionner à temps sur tous les créneaux, par ses nombreux modèles nouveaux. Il est suivi de General Motors, honorable, à +14%.

Le champion 2007 est Toyota, avec 61% (merci, la Camry !)

Le perdant, est le héros de l’an passé, ce qui révèle l’aspect capricieux de ce marché : Hyundai, -17%. PSA de même, souffre un peu, n’ayant vendu que 168.000 voitures soit + 4%. C’est que le rush d’achats de l’année, s’est fait sur le haut de gamme, où le lion sochalien n’est pas encore (l’usine en construction, tournera l’an prochain). Dans le groupe, Peugeot tire son épingle du jeu, avec 18%, malgré son retour récent sur ce marché.

Seul vrai perdant : FIAT, qui poursuit sa descente à l’Enfer de Dante.

FAW pendant ce temps, 3ème groupe national, prépare l’avenir et pose (23/11) la 1ère pierre de son usine au Mexique, dans l’Etat de Michoacan. A partir de 2010, la JV de 150M$ (avec Salinas et Elektra) rêve de sortir 100.000 voitures par an, destinées au Mexique et à l’Amérique centrale. Dès 2008, le groupe de Changchun  prétend vendre directement sur le marché mexicain, entre 6.300 et 9.100$ selon modèle, 10% de moins que le meilleur marché local.

 

 


A la loupe : SIDA—en un combat douteux

Samedi 1/12, jour mondial du SIDA, permit à la Chine de livrer un bilan faiblement optimiste: elle ne gagne pas sur tous les fronts, face à un virus comme doté d’une intelligence guerrière, qui cherche la faille, dans la Muraille ébréchée de la santé chinoise.

Le nombre officiel de sidéens s’élève à 223.500. Celui des malades réels serait de 700.000 soit + 50.000. Ils étaient +70.000 en 2005 : la courbe s’affaiblit. Certes, la tendance mondiale elle, baisse de 40M à 33M. Mais cela peut traduire, en Chine, d’une détection plus précise, plutôt qu’une aggravation. En tout cas, au nom du Fonds Mondial de l’Organisation Mondiale de la Santé, anti-sida, tuberculose et hépatite, le professeur français Michel Kazatchkine se dit satisfait de la Chine, et du  déroulement de 10 programmes de prévention et d’éducation à travers 30 provinces, financés par 424M$ du Fonds.

Plus inquiétante, est la mutation des sources de contamination. Selon Chen Zhu, le nouveau ministre de la santé, la transmission sexuelle du SIDA est désormais, et de loin la première source, avec sur les nouveaux cas, 12% venus de l’homosexualité, 44,7% de l’hétérosexualité (le plus souvent vénale), et 42% de l’héroïne, par partage d’aiguille. Avec désormais deux-tiers des infections d’origine vénérienne, c’est le moment redouté par les savants : la drogue, qui concerne peu de gens, a joué le rôle de « mèche », allumant la charge d’un SIDA qui risque de se diffuser en masse par le biais du sexe, en des relations non protégées. Même si 40% des homosexuels prennent désormais le condom, contre 17% en 2002.

Les équipes de lutte voient leur travail freiné par l’absence de moyens, y compris aux ONG (souvent non reconnues, et jamais financées par l’Etat), le faible suivi médical des campagnes, et la vague de migrants (140M) sans feu ni lieu. Les préjugés contribuent aussi à inciter le malade à se cacher.

La vente du sang a reculé au Henan, mais se maintient partout, accuse la doctoresse Gao Yaojie, surtout au Guizhou, où 1,4M litres de sang y auraient été achetés par les laboratoires locaux.

Mais en face, les choses progressent. Les jeunes Pékinois donnent leur sang. Bien des compagnies étrangères s’allient dans cette croisade. L’Etat autorise l’import du ritonavir, nouveau cocktail médicamenteux d’Abbott (US). Enfin, est créé (27/11) le CARC, centre antisida tous azimuts, filiale de trois facultés de l’université Tsinghua (médecine, communication, sociologie), avec à sa tête David Ho, sino-américain célèbre, un des inventeurs de la trithérapie en 1996.

Par cette création, l’Etat veut rehausser ses moyens d’un cran —mais s’abstient toujours de puiser dans ses puissantes réserves monétaires (seuls 116M$ investis cette année), laissant l’essentiel de la charge à l’étranger, et décourageant ainsi le don privé…

 

 


A la loupe : Europe—coup de noroît

Les 27-28/11 à Pékin, le 10. Sommet éco sino-européen s’est déroulé sous un climat tendu.

Le Président en exercice du Conseil européen José Socrates (1er ministre portugais), le Président de la Banque Centrale Européenne J.C. Trichet venaient quêter une solution à l’explosion du déficit bilatéral, +30% à 170MM² en 2007. Comme les USA, les 27 membres de l’Union Européenne attribuent la distorsion à un Yuan trop léger (20 à 25% sur l’²).

Pour accommoder le partenaire, les Européens multiplièrent les cadeaux,

[1] renonçant à bannir avant Noël certains jouets chinois suspects,  

[2] offrant 500M² sur 25 ans en crédits pour des projets environnementaux,  

[3] condamnant le projet de référendum de Taiwan de mars 2008 sur son entrée à l’ONU…

En échange, ils obtinrent…la création de deux commissions mixtes sur les cours des monnaies et le déséquilibre des échanges.

Un 1er ministre Wen Jiabao, tout en rondeur rappela que la crise monétaire venait non de Pékin, mais de Washington, et suggéra aux 27 d’aller s’y plaindre. Tout en réitérant sa vieille antienne, de « réévaluer le Yuan, à son rythme, selon le marché, plus tard »… Idem, sur l’ouverture du marché des services, les Européens repartirent mains vides. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, pourtant, P. Mandelson, commissaire au commerce, déclara son « soulagement » face à la « compréhension » chinoise.  Tout comme J. Almunia, son collègue aux affaires monétaires, confiant d’avoir convaincu Pékin d’accélérer le pas de la réévaluation, pour éviter une avalanche de plaintes anti-dumping devant l’OMC.

Signe des temps, le 28/11 voyait atterrir à Pékin les lobbies de  Wall Street (associations nationales de la finance), pour faire le même plaidoyer de l’ouverture des marchés, dans l’intérêt chinois : pour aider à placer les 2000MM$ d’épargne chinoise dormante. Aux Américains, les Chinois faisaient une concession, en éliminant au 1er janvier 2008 une 12aine de baisses d’impôts ou restitutions à l’exportation sur des produits du bois, de l’acier, de l’électronique…  Il faut dire qu’à Genève, l’Organisation Mondiale du commerce venait de nommer (28/11) le panel pour traiter la plainte US pour entrave au commerce de l’audiovisuel (musique, films, livres) : d’ici 2008, l’action pourrait aboutir au 1èr verdict contre la Chine devant l’arbitre du commerce planétaire.

NB : pas par hasard, alors que s’ouvre sommet mondial écologique de Bali, voilà que Pékin fait devant un petit groupe de presse (29/11) une confidence soigneusement calibrée : elle serait prête, tous comptes faits, à jouer le jeu d’une réduction contraignante de ses émissions de gaz à effet de serre, à condition que les pays riches partagent avec les pays en voie de développement leurs technologies d’énergie propre. Ce qui revient à promettre, « à minuit moins cinq », une concession désormais inévitable  – et la négocier au prix fort !

 

 


Joint-venture : Transports aériens—deux nouveaux-nés

L’énergie verte sous le soleil

     A Baoding, à 140km de Pékin, Yingli Green Energy  est un des « gros » de la production de cellules photovoltaïques, qu’il installe par centrales entières en Chine, en Europe et aux USA. Apparemment, ses affaires se développent à très bon rythme, puisque pour la 4ème fois en quatre ans, Yingli commande à l’américain GT Solar (New Hampshire) des fours à silicone, pour un volume de 56M$. D’une puissance inégalée, ces outils capables d’obtenir des lingots multi cristallins (matière de base de la cellule) jusqu’à 450 grammes permettront de tripler la capacité de ses chaînes,  à 600MW d’ici 2009. Le lendemain, Miao Lianchen, Président du groupe, annonce trois contrats d’achat de poly silicones, une autre composante de la cellule, qui permettront d’équiper jusqu’à 40MW de capacité. L’intérêt de cette commande, consistant dans la rareté de cette matière première à travers le monde. Fondé en 1998, Yingli est entré en juin dernier en bourse de New York.

Transports aériens—deux nouveaux nés

     Le 29 /11, après un an de préparatifs, HNA, 4ème transporteur chinois lance à Pékin Grand China Air, fruit de la fusion de Hainan-, Xinhua-, Chang’ an- et Shanxi-Airlines. GCA affiche ses ambitions à huit mois des Olympiades : concurrencer Air China sur son terrain pékinois, en redéployant les 3000 vols hebdomadaires d’HNA. Présidé par Chen Feng, GCA reste à 48% propriété de la province de Hainan et à 19% celle du milliardaire G. Soros.

Prochaine étape : rassembler des fonds pour poursuivre l’expansion d’une flotte atteignant déjà 140 appareils. Pour 200M$, HNA cède à une filiale Crédit suisse et General Electric ses 49% de parts dans sept aéroports à la traîne. D’autre part, il devrait entrer en bourse de Hong Kong, peut-être pour 650M$.                        

Pudong, l’aéroport international shanghaïen, confirme sa position de hub national voire mondial du fret.

UPS construisait déjà son centre de logistique pour l’Asie. DHL vient d’opter pour le suivre.

Après deux ans d’examen de 133 places candidates, c’est logiquement Shanghai qui s’impose, par la croissance de son volume, et celui des liaisons : en 2006, la grande région du Delta du Yangtzé fut l’auteur de 41% du commerce chinois. Avant le choix de la filiale de Deutsche Post, Pudong détenait déjà 63% du cargo aérien international du pays. Moyennant 175M$ d’infrastructures diverses, DHL s’étalera sur 88.000m². Dès 2010, son personnel pourra y trier 20.000 paquets et 20.000 lettres par heure, et les réexpédier vers ses (au moins) 500 lignes propriétaires ou affrétées.

 

 


JO : JourJ – 249

ª Aux super-series de badminton à Canton, l’équipe chinoise n’a emporté que 2 médailles d’or sur 5. Xie Xingfang, n°1 mondiale fut battue, du à la fatigue (trop de matchs), dit l’entraîneur Li Yongbo, qui a instruit ses athlètes de réduire la vapeur. Tout en rappelant : « à Pékin cet été, nous resterons l’équipe à battre » !

ª La campagne de Mia Farrow pour le Darfour et contre les JO, vise depuis 100 jours 19 sponsors, tels Coke ou General Electric, analysant leur action humanitaire et publiant le palmarès. Mais jusqu’à ce jour, sans succès : aucun n’a lâché son mécénat.

ª Accusée en Chine de tarifs trop élevés, China Mobile veut redorer son image en négociant dans 230 pays avec ses 337 alliés-opérateurs, des tarifs promotionnels, pour la durée des Jeux.

ª Pour camp de base avant les Jeux su 8/8/08, l’équipe britannique a choisi Macao (le complexe des Jeux Asiatiques, de ’05), au climat similaire en été, et à l’air moins pollué grâce à la proximité de la mer. Tous les membres s’y entraîneront, sauf les cyclistes, cavaliers, et concurrents de toutes les épreuves d’eau.

ª Quoique courageuse, la campagne anti-crachats ne gagne pas. Le citoyen ne renonce pas—certain de ne pas être pris sur le fait. « Question culturelle », disent les médecins, « et la pollution n’arrange rien, qui irrite la trachée, causant plus de sécrétions… »

 

 


Petit Peuple : Baotou—le hurleur perd la boule

Pour tordre le cou à leur timidité congénitale, les citadins chinois usent d’un moyen antique que l’on peut observer à l’aube dans les parcs : seuls, ils hurlent tout leur saoul, tentant de retrouver le cri primal. Comme s’ils dénonçaient la promiscuité de la, cause de leur faiblesse, en laminant leur personnalité et audace. La pratique, en tout cas, est efficace : elle déconnecte le court-circuit de la peur et rend confiance en soi, par les retrouvailles avec l’instinct!

Natif d’Urumqi, à force d’assiduité tardive toutes les nuits, Li Yang avait durement conquis sa place en fac d’anglais à Lanzhou (Gansu). Mais souffrant de ce complexe d’infériorité, il n’obtenait après deux ans, que de piteux résultats. Souvent, ce pauvre boutonneux avait pensé baisser les bras, et c’est naturellement qu’il en vint à cette thérapie du hurlement. Mais il y apporta une variante  qui prouva son génie et fit sa fortune : sur sa colline face au campus, il se mit non à meugler, rugir ou bramer, mais à déclamer à tue-tête des répliques dans la langue de Shakespeare.

Le résultat dépassa ses plus folles espérances. Aux partiels suivants, de bon dernier de sa promotion, il passa major ! Son triomphe le fit réfléchir. Il raffina l’exercice : trois ans après, il avait déposé « crazy english », sa méthode pédagogique originale, experte en prononciation, conversation et traduction simultanée.

Dès’90 à Xi’an, au 9e étage d’une tour de bureaux (désertés par ses occupants aux nerfs à fleur de peau), il créa ses cours de français, d’allemand et japonais crié. Puis il enfila les triomphes. Il fut animateur vedette d’une radio anglophone à Canton, invité aux USA comme interprète du gouvernement, et partout célébré comme symbole du dépassement de soi. Il était l’homme qui avait osé jeter sa peau d’âne de minable bourré de complexes, pour revêtir celle de l’idole à qui tout réussit…

Puis il quitta la fonction publique en 1994 pour créer son institut privé d’anglais en Chine, et de chinois en dehors. Il se produisit gratuitement dans les lycées, mais à prix d’or dans les corporations chinoises, nippones ou coréennes – elles aussi, comme tout le monde en quête d’un remède à la timidité.

 Au dernier décompte, ses groupies dépassent les 40M, dont 1,5M de volontaires des futurs Jeux Olympiques. Avec A. Samaranch comme consultant dans sa firme, il a aussi un pied à Lausanne, auprès du CIO, aux huiles duquel il fait hurler de quoi soutenir une conversation simple durant les Jeux…

Mais voilà qu’une ombre arrive, qui gâche tout le tableau: cette photo publiée en septembre sur son blog, où il fait faire le kowtow par les 3000 élèves d’ un lycée de Baotou (Mongolie intérieure), côte à côte, genoux et fronts dans la poussière. 

Le gourou explique que c’est lui qui a ordonné aux enfants de l’honorer de la sorte. Il le fait dans un esprit messianique, qu’on taxerait de réactionnaire en d’autres lieux : pour combattre la disparition de la morale et réimplanter dans les lycées, un confucianisme qui se meurt.

En Chine pas plus qu’ailleurs, ce genre de message ne passe aisément : presse, parents, enseignants crient au fou. Un peu tard, ils découvrent que le déblocage de la timidité a relâché une crue arrogante du moi débridé, pour déboucher sur la mégalomanie.

L’opinion, sur le Li Yang nouveau, est claire : s’être affranchi du culte de Mao pour tomber dans le 顶礼膜拜 ding li mo bai (deux formes trop déférentes de la prosternation), c’est n’avoir rien appris, ni rien gagné du tout !

 

 


Rendez-vous : Salon de l’automobile à Shanghai

5-7 décembre, Shanghai : Automechanika China

5-7 dec. Pékin, Salon des fournitures de sport

5-7 déc. Shenzhen, Salon de l’électronique et des circuits imprimés