Le Vent de la Chine Numéro 38

du 26 novembre au 2 décembre 2007

Editorial : Pauvreté, tensions, et premiers froids

A l’inverse des 1ers froids, le climat social est au rouge vif. A Shenyang, le 21/11, la faillite de Yilishen, a réussi à pomper en huit ans, 10 à 15MM$ de 100 à 200.000 d’épargnants. Supposé terrasser l’arthrite, son produit-phare vanté à la TV par un célèbre comique, était un tonique à base de fourmis. La chute de la firme en octobre, causa le 19/11 la manif de 6000 épargnants qui tentaient d’occuper mairie et siège du Parti — lesquels affirment n’avoir rien à voir avec Yilishen.

A Huzhou (Zhejiang), le 19/11, la mort suspecte d’un motocycliste interpellé par la police, cause l’émeute de 100aines de citadins (voitures lapidées, 20 arrestations). A Shenzhen, toute la ville s’émeut de l’exécution mystérieuse d’un chirurgien par des agents. A Chengde, la police soupçonne l’incendie d’un karaoké, ayant causé 11 morts (13/11) d’avoir une origine criminelle…

Les causes de la violence latente remontent parfois à loin. Telle la corruption : en 100 jours d’enquête, l’Etat vient de détecter 32.000 cas d’expropriation sauvage de 233.000 hectares, faisant fi de l’avertissement de Wen Jiabao devant l’ANP, le Parlement chinois, en mars. Les vrais déclencheurs sont l’insupportable hausse des prix alimentaires, + 17% depuis janvier, et l’angoisse de dizaines de millions de joueurs en bourse, face au risque d’effondrement de la bourse, qui vient de perdre 500M² en six semaines, 20% de sa valeur —et de leurs pensions.

L’Etat tente de réagir en ordonnant (21/11) aux gouvernements locaux d’améliorer le sort des140M de migrants—leur fournir écoles, dortoirs, soins médicaux et à terme, le permis de résidence. Il les enjoint de préparer pour les pauvres, abondance de logis à bas prix (70% du sol à bâtir), et des colis alimentaires. Mais ce sont promesses peu fiables, et tardives : la presse ne se gêne plus pour évoquer la presque misère, (China Daily, 21/11), « viol de la dignité humaine ». Tandis qu’apparaît un agent sociétal nouveau : comme dans l’affaire du «clou» de Chongqing (VdlC n°14), des reporters bénévoles, « faux journalistes » selon l’Etat, alimentent les blogs que le pouvoir n’a plus le temps d’effacer.

Autre nouveauté absolue : Wang Zhaojun, édile du conseil consultatif de l’Anhui (ex-soldat reconverti dans le business) écrit une lettre ouverte aux leaders, offrant des mesures très choquantes pour répondre à  ces défis : libérer les prisonniers politiques, réhabiliter le Falungong et le printemps de Pékin, dépolitiser l’armée, octroyer multipartisme, libérer la presse…

Telles attentes de sensibilité occidentale, sont irrecevables, voire inapplicables. Elles expriment la naïveté et l’inexpérience de leur auteur. Mais elles démangent, venant d’une région sensible, et de l’intérieur du système. Elles expriment la demande incompressible d’une classe bourgeoise toujours plus riche et sophistiquée, envers un Etat plus tolérant -un partage du pouvoir. Pékin entend bien, mais sa réponse suffit-elle ? Dans son dernier « Livre blanc sur le système politique » (15/11), il promet, entre les lignes, plus de richesse et de libertés -pour «demain » !

 

 


Temps fort : Guerre anti-corruption —une nouvelle étape chez China Life

On avait découvert au VdlC n°29, Guan Guoliang, le fantasque Président de New China Life, le 4ème assureur chinois, qu’il avait créé en huit ans à la force du poignet (6,1% du marché, 10MM² d’actifs, 1,5MM² de recettes de janvier à juin soit +32%).

Démis il y a 11 mois pour placements de 13MM¥ dont 2,7MM perdus, il vient d’être arrêté. C’est la fin du mythe selon lequel en Chine, l’assurance n’aurait pas eu le temps de faire des mauvaises dettes. Pour sauver New China Life, la CIRC (China Insurance Regulatory Commission) a dû faire dans l’urgence et pomper 160M² sur son fonds de « réassurance », tout en rachetant de force les parts mal acquises par trois sociétés écran.

Ancien fonctionnaire, Guan, génie financier, avait créé New China Life en 1996, et porté aux 1ers rangs nationaux par deux moyens imbattables.

La 1ère était l’immobilier, le secteur plus juteux, alors interdit aux assureurs. Guan d’ailleurs, prétendait ne pas y toucher – et le faisait en sous-main par hommes de pailles.

La 2de était l’assurance étrangère, bloquée aux portes du marché par l’interdiction tutélaire, et qui salivait aux portes. Dès 1996, selon la brillante enquête du journal financier Caijing, Guan signait avec Zurich Financial une entente confiant à son 1er actionnaire (chinois) 10% des parts de New China Life, payées par et pour le compte du groupe suisse, qui légalisait en 1999. Trois autres étrangers, dont Int’l Financial Corporation (bras financier de la Banque Mondiale) et le nippon Meiji prenaient des parts, dont Zurich allait ensuite reprendre une partie, accumulant ainsi 27,5% de New China Life. L’inconvénient de cet arrangement illégal, était qu’il conférait au condottiere chinois tous pouvoirs, hors contrôle des actionnaires comme de la tutelle. Bien d’autres étrangers sont réputés avoir joué à ce feu hasardeux – Goldman Sachs, par exemple. 

L’effet pervers devint intenable en 2004 : Zurich et d’autres actionnaires, tel  Baosteel, le sidérurgiste shanghaïen, tentèrent de reprendre le contrôle du conseil de direction. En vain. Guan, très entouré, se croyait invincible. L’arbitrage, très lent, du Conseil d’Etat puis de la CIRC aboutit à une enquête en septembre 2006, avec les suites que l’on sait.

Pour Zurich Fianncial Corp., le bilan est mitigé : son investissement est sauvé, mais avec pertes, et il a sans doute perdu toute chance de prendre le contrôle de New China Life. C’est pour cela d’ailleurs, qu’il a entretemps créée Zurich Insurance Brokers (Beijing) Ltd, titulaire d’une licence de courtage, sa seconde chance.

Enfin, l’incarcération de Guan, permet à l’Etat de faire passer un message aux provinces et aux princes du régime: la campagne anti-corruption se poursuit, pour l’état de droit et la société harmonieuse, «sans distinction de rang ni favoritisme»!

 

 


Pol : Chine-Japon : visite en avril, dégel en novembre

Chine-Japon – visite en avril, dégel en novembre

Wen Jiabao s’était rendu à Tokyo en avril pour assister aux derniers jours d’exercice de son homologue Shinzo Abe : sept mois plus tard, en résulte (20 /11), en marge de l’ASEAN à Singapour, une rencontre presque chaleureuse avec Yasuo Fukuda son successeur, et l’annonce d’une série de meetings : la visite du Président chinois l’an prochain, un dialogue économique le 1/12, et le départ immédiat du Shenzhen, croiseur chinois, pour un port japonais —ce sera la 1ère fois en plus de 60 ans. Wen Jiabao l’a lui-même souligné, les deux pays en sont à un tournant de leur histoire. En multipliant les visites à Yasukuni, sanctuaire-fondation d’idéologie négationniste, Junichiro Koizumi, l’avant-dernier leader nippon avait porté les relations avec Tokyo à leur niveau le plus bas en des décennies. Abe son successeur, avait compris le besoin de réconcilier, mais sans conviction.

Avec Fukuda, c’est différent. Son père Takeo signa en 1978 le traité d’amitié avec la Chine.  Pékin s’en souvient, et se prend à rêver d’un leadership sur l’Asie, partagé avec Tokyo, notamment en matière d’influence environnementale. Mais pour ce faire, il faut d’abord régler de lourds contentieux tels ceux de la souveraineté sur les îles Diaoyu-Sankaku, et du partage du pétrole off-shore mitoyen, ou encore, celui du groupe Tomida, maltraité par la mairie de Kunshan (Jiangsu). Autant de tâches ardues, et qui débutent à peine. Enfin, l’essentiel est déjà acquis : le contact est repris.

Le nouveau Pékin antique frappe au portail

Depuis 2001, en préparation des Jeux Olympiques, 65% des 7M de m² d’architecture d’époque Ming ont été démolis pour laisser place aux galeries béton style Soho ou The Place, tandis que jusqu’à 2M de citadins prenaient la route des banlieues. Restent 16,410km² du centre historique.

Tardivement sensibilisée à son patrimoine, la mairie veut les sauver. Publié par la commission municipale d’urbanisme, le plan de redéploiement travaille sur des concepts inédits : considérer le centre comme un ensemble, préserver reliques, perspectives et façades, interdire les stations d’essence, améliorer le trafic et l’entretien des sites… Mais un lièvre est levé par Liu Xiaoshi, l’ex-urbaniste-chef. Ce plan prévoit le déplacement de 200.000 habitants pour alléger la densité de peuplement des hutong et siheyuan. Mais alors comment empêcher, les promoteurs de se servir dans ce tissu urbain hors de prix, pour en faire du marbre de luxe ? Quid de la préservation des microclimats culturels, fruit de décennies de bonheur calme ? Questions sans réponse dans le nouveau plan, et donc en grand risque de passer au classeur universel des voeux pieux.                                                          

NB : Une raison d’espérer : Huang Yan, à la tête du bureau, démontre cinq originalités sur son CV : elle est femme, jeune (43 ans), docteur en urbanistique à l’université de Louvain, non membre du Parti, et estimée de Hu Jintao.

Nouvelles tensions à l’Ouest

Lors du festival de Lithang (Sichuan) en août, Runggye Adak, nomade, 52 ans, cria ses souhaits de longue vie au Dalai Lama. Son arrestation causa une émeute le lendemain, forçant la troupe à tirer en l’air. Le 20/11, un juge de Ganzi le condamne à 8 ans. Trois autres Tibétains sont condamnés ailleurs, de 3 à 10 ans, pour séparatisme ou espionnage, ayant posté photos et données hors du pays. Coïncidence ? Le Dalai Lama, peut-être renforcé par ses récentes rencontres avec des personnalités telles G.W. Bush et A. Merkel, n’exclut plus (20/11) de nommer son successeur, rompant avec la pratique théologique des Bonnets jaunes de la sélection des réincarnations. Cette hypothèse suscite la colère de Pékin, dénonçant la rupture de tradition. L’objectif du Dalai étant d’éviter, comme dans le cas du Panchen Lama, la sélection d’un Dalai Lama sous contrôle.

NB : la question de fond semble ailleurs – pourquoi l’exacerbation de tensions entre Pékin et Lhassa, que le régime tenta d’éviter depuis des années en investissant des milliards dans la modernisation, l’éducation, voire le respect de la liberté de culte? Risquons deux explications:

[1] Ouvert en été 2007, le train Pékin-Lhassa a accéléré la l’acculturation, réveillant le malaise chez les Tibétains de 2de génération face à leur héritage, et

[2] Face au clergé lamaïste, tout comme face aux autres confessions, aucun concordat n’a été trouvé. Désireux de l’accord, Pékin s’est avéré incapable de concilier ses différentes tendances internes, aux intérêts privés contradictoires, mais prédominants.  

 


Argent : Fièvre du crédit—un remède de cheval

Fièvre du crédit—un remède de cheval

La crise des « subprimes » a causé des sueurs froides à la finance chinoise, forçant l’Etat à sortir de la passivité face à sa surchauffe monétaire. Deux mesures secrètes de l’organisation de tutelle – la CBRC (China Banking Regulatory Commission) forcent déjà les banques à prêter moins. 

[1] Dès juin 2007, une directive les enjoignait à limiter la croissance des prêts à 15% dans l’année. Puis,

[2] Fin septembre, le crédit était coupé aux firmes qui souffrent des « 2 hauts, 1 excès », c’est à dire haute consommation d’énergie, haute pollution et excès de capacité. Premier visé, l’immobilier : dès mi-octobre, Shenyang ne fournissait plus de prêts à cet effet. Tous ces blocus devant être levés au 1er janvier 2008 (nouveau quota annuel…). Un autre frein bloque, apparemment pour longtemps, le « train express », qui aurait dû permettre aux actionnaires continentaux d’acheter directement et sans conditions en bourse de Hong Kong. Pékin semble chercher à le remplacer par un système QDII élargi (Qualified Domestic Institutional Investors) : les Chinois achèteront à Hong Kong sans limitation, mais indirectement, sous forme de fonds mutuels.

Enfin pour enrichir la palette des produits financiers, les multinationales présentes en Chine, devraient s’y voir « bientôt » ouvrir les portes de la bourse.

Même laqué, le canard s’envole

Le 20/11 en bourse de Shenzhen, à 10 minutes de son 1er jour de vente, l’action Quanjude, le nom emblématique du canard laqué de Pékin (chaîne de rôtisseurs fondée en 1864), se négociait 42,3¥ : hausse phénoménale de 271%, qui marqua un record et força la suspension du titre, le temps de laisser les acheteurs laisser leur sang se refroidir.

Avec ses 9 restaurants et 61 franchises, cette grosse PME canardesque ne pouvait pas justifier une telle «envolée», égale à 106 fois ses gains de l’an passé. En attendant, Quanjude a gagné 110M² sans coup férir — un bon triple de ce qu’il espérait. Un indice de plus, que l’agioteur chinois vote dans l’imaginaire, voire par reconnaissance du ventre.

 

 


A la loupe : L’environnement toujours

Depuis l’automne la politique écologique ne cesse de rebondir, sous l’effet de trois forces majeures : la proximité du sommet de Bali, l’aggravation catastrophique de sa pollution, et la cristallisation du conflit interne sur le sujet.

Ainsi, la dénonciation (cf VdlC n°32) de risques sur le barrage des Trois Gorges, a causé des sons discordants. Wang Xiaofeng, directeur du projet au Conseil d’Etat, prétend sans sourciller (22 /11) que l’impact écologique a été « moindre que prévu lors de l’étude de faisabilité de 1991». Autre son de cloche à Chongqing où Tan Qiwei, vice maire, révèle depuis la mise en eau, 91 chutes de falaises de loess sur 36km—la dernière avec 1000m3 d’éboulis, venant de causer 30 morts (20/11), tenus secrets trois jours.

Polémique mise à part, le Conseil d’Etat va de l’avant, dans l’espoir de créer une dynamique irréversible. Un choix net en ce sens, réside dans la promotion récente de Xie Zhenhua, ex-boss de la SEPA (l’agence de protection de l’environnement), comme n°2 de la NDRC, la commission de développement et de réforme – inspirateur de la politique industrielle chinoise. Xie vient d’annoncer pour 2007, la distribution de 200M² de primes aux firmes les plus vertes. Pour l’an prochain, le quadruple -800M²- sera disponible. De même, dépassé en 2007 par la seule Allemagne, le pays a investi 10MM$ en énergies renouvelables, 20% de l’effort mondial. 

Parmi les projets en cours, se profilent 7 projets-pilotes pour la propreté du barrage des 3 Gorges, l’interdiction boursière/ bancaire des firmes pollueuses, et une taxe de pollution aux véhicules.

En secteur privé, la 9ème édition du Bibendum de Michelin vient de réunir à Shanghai plus de 100 véhicules à moteurs propres.

Parmi les sujets à long terme, viennent de se signer :

– cette coopération avec le Royaume Uni, dotée de 2M$,  de séquestration quasi-totale du CO² (projet opérationnel en 2014) ;

– une JV avec Singapour, d’éco-cité de 30km² à Tianjin-Binhai ;

– un projet visant à prévenir le transfert de pollution des villes vers les villages – protéger la ressource en eau, air, terre arable. 

En contrepoint de ces efforts, restent les nuages noirs. La SEPA, se résigne déjà à perdre son pari d’ici 2010, de réduire de 10% pollution et la demande en énergie. Vu la hausse (+20% en 6 mois) des six secteurs grands pollueurs, tels acier, ciment et électricité.

D’autre part, les médecins olympiques Suisse et Australien démentent l’embellie atmosphérique alléguée par la capitale (-20% de pollution en août) : les 20 stations installées par les Etats-Unis, aboutissent à des bilans pires. Aussi ces deux équipes préparent (voir article JO) des mesures draconiennes pour protéger leurs athlètes, du type de celles annoncées par les Etats-Unis -un village olympique « volant », américain à Cheonan, en Corée du Sud!

 

 

 


A la loupe : ASEAN—une charte enfin (mais vide)

En 1967 naissait l’ASEAN, association informelle d’Etats d’Asie du Sud-Est, comme rempart solidaire contre le péril rouge. 37 ans plus tard, l’ASEAN sortie de la guerre froide, élargie aux 10 Etats riverains (560 M d’habitants) et six observateurs d’Asie et Océanie s’estimait mure pour se doter d’une charte. Le 19/11 à Singapour, après deux ans de rédaction, il ne fallut que 20 minutes à ses 1ers ministres pour la signer. Et pour cause : elle était vide.

Par ce texte, l’ASEAN se définit comme «entité légale», réaffirme la souveraineté de chaque pays, son objectif des droits de l’homme et surtout, d’un grand marché uni, hors taxes pour 2015. D’où une cacophonie: quand Singapour offre la parole à l’envoyé de l’ONU, sur la Birmanie, Rangoon exige, et obtient qu’elle lui soit retirée, au nom du refus d’ingérence.

Helen Clark, pour la Nouvelle Zélande, avertit que la grande zone de libre échange projetée (1,7MM d’âmes), passe par les accords bilatéraux. L’Australie et son pays sont prêts à renoncer à 100% de leurs tarifs douaniers, à condition d’un « degré significatif de réciprocité » des 13 partenaires : à ce jour, on est loin du compte !

C’est alors qu’intervint Wen Jiabao pour mettre un peu de contenu dans cette enceinte amorphe. Il réitéra la vieille promesse de résoudre tout conflit sur le partage des hydrocarbures de la mer de Chine, et offrit à tous une coopération militaire. De la part de la 1ère puissance continentale, celle-ci pourrait s’avérer tentante, face à la contrebande, l’intégrisme islamique et les pirates de Malacca. Juste reconduit pour 5 ans dans ses fonctions, Wen Jiabao souhaitait suggérer que le moment était idéal pour régler avec lui tous conflits frontaliers —aux partenaires, de saisir l’occasion…

Wen Jiabao ouvrit aussi le seul vrai débat, sur le réchauffement climatique. Il signa avec ses 15 collègues un pacte affirmant l’objectif de « stabiliser » les émissions de gaz à effet de serre (GES), à un niveau « non dangereux». Document angélique qui évite tout objectif contraignant face au réchauffement global—l’Inde refusa une réduction d’«intensité énergétique » de 25% d’ici 2030. La Chine, elle se fixe pour but le gel au niveau d’émission de 2005. Les 16 s’alignèrent sur la position chinoise, d’une lutte à mener de front avec les pays riches, avec « but commun, et responsabilités différenciées selon les capacités respectives». Wen profita du moment pour inviter les 15 à un sommet environnemental à Pékin en 2008, histoire de faire le point, et aller de l’avant.

A quelques jours du sommet de Bali (1-14 décembre), où la Chine s’apprête à rejeter d’un ferme « non, mais! » toutes les demandes des partenaires, de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, c’était, d’un tour de passe-passe, faire passer son pays du banc des accusés à celui de leader d’un (tiers-)monde écologique !

 


Joint-venture : ArcelorMittal—essai transformé sur China Oriental

Tchouk-tchouk dans la corbeille

Dans un train-train assoupissant, China Railway, à son tour fait un triomphe en bourses de Shanghai et Hong Kong, venant d’empocher 5,5MM$. La tranche internationale à Hong Kong, fut couverte 15 fois. A Shanghai, le1er acheteur (pour 100M$) fut China Investment Corp., le groupe public aux 212MM$ de réserves en devises.

A Hong Kong, une 10aine de clients institutionnels reçurent en moyenne chacun 40M$ de marché, acquisitions bloquées 12 mois, parmi lesquels China Life et GIC, fonds d’investissement public singapourien. Cet engouement des gros investisseurs, n’est pas étranger à la popularité du Président Li Changjin, qui leur a promis au moins 25% des dividendes en 2008. Or, ceux-ci montent en flèche. Ils atteindront 2,4MM¥ cette année, contre 2MM en 2006, et seulement 463M en 2004. L’activité vient évidemment des transports, notamment du fret, avec en décembre 2006, 20,3MMt (+7,6% de hausse depuis 5 ans).

Mais China Life, souvenir de la préhistoire maoïste de cette économie, construit aussi 2/3 de ses voies, et encore des réseaux d’irrigation, d’autoroutes, de ports et aéroports, de retenues hydroélectriques. Son marché intérieur reste immense—pour 125MM² de rails à poser d’ici 2012. De plus, China Railway veut quadrupler d’ici là, son marché étranger, à 20% de son chiffre d’affaires. En Afrique d’abord, comme au Congo où deux lignes de plus de 3000km sont promises, puis dans les Amériques, en Europe de l’Est, partout où des rails doivent être posés, ou du béton gâché.

 

Arcelor-Mittal—essai transformé sur China Oriental

Il n’a fallu que 15 jours à pour prendre contrôle de China Oriental, le bipôle aciériste du Hebei et du Guangdong (3,75Mt d’aciers spéciaux l’an dernier, 225M$ d’excédent brut d’exploitation).

Chen Ningning, patronne de Smart Triumph avait tenté de reprendre le groupe, avant de se faire blackbouler par la direction et Wellbeing Holdings le 1er actionnaire. Elle avait dû se retirer, cédant à l’indo-luxembourgeois pour 647M$ ses 28% des parts du groupe en bourse de Hong Kong. Entre temps, la bourse de Hong Kong, (le HKSE) vient d’annoncer qu’ArcelorMittal, prenait les commandes de China Oriental, après avoir porté sa participation à 71% -apparemment après avoir repris les 42% de parts de Wellbeing.

Le prix est resté secret : au taux du rachat précédent, il aurait coûté 1MM$. ArcellorMittal doit rester discret, le temps de convaincre la tutelle, du bénéfice pour le pays de son entrée comme 1er étranger propriétaire d’un groupe sidérurgique, la hantise de Pékin depuis toujours. Cependant, l’Etat comme le marché ne pouvait pas empêcher le passage à l’étranger de China Oriental, maillon faible de cette sidérurgie protectionniste : le groupe était privé, enregistré aux Bermudes et coté à Hong Kong. Donc plus chinois. Donc à prendre.

NB : AM, l’étranger, a su jouer la partition qu’avait composée, pour elle-même, Chen Ningning.

 

 


JO : Jour J – 256

1. Les équipes étrangères aux Jeux Olympiques perdent patience.

Beat  Villiger, médecin suisse, ose dire que «sous l’angle médical, l’attribution des Jeux à Pékin est une erreur ». Le séjour estival de 140 athlètes helvétiques sur le site des futurs Jeux a révélé bien des problèmes (diarrhées, asthme, dépression, insomnie), sous la conjonction d’humidité, chaleur, dioxyde d’azote, ozone et particules fines. Pour Villiger, le marathon masculin perdra jusqu’à 10 minutes sur le record actuel. Ken Fitch, le collègue australien s’inquiète aussi. Pour combattre ces conditions rudes, son équipe s’apprête à convertir une école pékinoise en clinique de récupération, où 75 médecins et assistants, pour soigner leurs athlètes.

2. Tomihiro Taniguchi, n°2 à l’AIEA, l’agence internationale de l’énergie atomique, annonce le renfort logistique de son agence aux Jeux Olympiques : elle fournira équipements, formateurs, pour prévenir toute attaque à la bombe ou au poison radioactif.

3. Pour faire face à la sécheresse prévue lors des JO, Qingdao (Shandong), site des sports nautiques, pompe du Fleuve Jaune, à étape forcée, l’équivalent en eau de sa consommation annuelle.

4. Les ventes du temps d’antenne publicitaire sur CCTV en 2008 ont rapporté 8MM¥, +12%. Les meilleures tranches vont à la Banque de Chine pour 36,6M¥¥, et à la boisson sportive Red Bull pour 159M¥.

 

 


Petit Peuple : Chongqing—une chimère émeraude

Le malheur de Xiang Xiufa, botaniste amateur, fut d’avoir trop aimé sa vallée du Yangtzé. En 2002, quand les eaux du barrage des Trois-Gorges se mirent à monter, il ne supporta pas que disparaissent ses arbres et fleurs, trésors irremplaçables de biodiversité. Naïvement, il décida de les sauver !

Pour sûr, au début, il reçut les louanges des agronomes et savants, du maire, des gardes forestiers. Son action allait dans la droite ligne de la défense écologique de cette flore, pensionnaires indigènes du site depuis des millions d’années ?

Même Wen Jiabao, de passage, déclara le projet prioritaire. On lui accorda 3M¥, dont 0,4M comptant qui lui permirent d’ouvrir son « jardin extraordinaire des Trois-Gorges». Il recruta 20 jardiniers avec qui il arpenta, repéra, transplanta sa flore rare, battant les flots de vitesse. Sur un îlot face à Wuhan, ils sauvèrent myricaria laxiflora, plante rare descendue de l’Himalaya. A Wanzhou, ils déterrèrent adiantum reniforme, fougère indigène, dont on ne connaissait plus que quatre habitats locaux. Ils sauvèrent un arbre fossile, un cyprès unique de 20m de haut, une variante d’un philodendron japonais…

Tout à sa croisade, Xiang se riait des dangers : en 2002, déracinant un acajou géant sur l’à-pic d’une falaise, l’arbre chuta sur lui, lui brisant deux côtes. Six heures après au fond de son lit, Xiang souffrait le martyr, mais baignait dans le bonheur, ayant sauvé «son» arbre fossile. Une autre fois, piqué par un serpent, il faillit mourir. Mais en 2005, Xiang Xiufa avait gagné : son parc détenait 24.000 plantes, 175 espèces rares, 380 arbres parfois antérieurs à l’homme, vieux jusqu’à 2M d’années.

Alors, tout capota. Le reste du chèque promis ne vint jamais. En toute naïveté, l’ancien ingénieur des chemins de fer avait vendu sa florissante pisciculture, ses 7 magasins, sa villa de 700m². D’abord polis, les ronds de cuir lui rirent au nez et jouèrent à se repasser le dossier de main en main, pariant à qui saurait le mieux l’éconduire. Gâcher des fonds publics sur des buissons ou orties,  dépassait leur entendement, et ils lui conseillaient de faire comme tout le monde : vendre, dilapider, à la mode de « pique la caisse et taille-toi ». En 2005, en désespoir de cause,  Xiang adressa un ultime SOS à Wen Jiabao, qui écrivit une lettre, immédiatement classée sans suite.

Déjà ses 20 jardiniers s’étaient éclipsés. L’été 2005 de la canicule, emporta le myrte, le pistachier, la fougère spinuleuse- 3200 essences hors d’âge. Sans se gêner, les voisins pénétraient dans le parc, pour tailler à coups de hache leur flambée du soir… En juin 2007, Xiang Xiufa ruiné déclara la faillite de son Eden violé.

Mais même humilié, Xiang restait têtu : il porta plainte contre le Bureau des forêts, pour négligence ayant causé la mort d’un patrimoine national. Il réclama que soit faite la lumière sur le sort des 2M¥ qui lui avaient été promis directement de Pékin, qui en étaient partis sans jamais l’atteindre.

Le procès se tint le 31/8. Le verdict se fait attendre : la justice chinoise est très lente, surtout quand ce sont d’autres cadres qu’elle est supposée punir—la solidarité administrative n’est pas un vain mot.

Pour la presse locale, pas de doute : les malheurs de Xiang vinrent de sa naïveté : pour n’avoir su 指鹿为马 zhi lu wei ma, «montrer le cerf pour parler du cheval», prêter allégeance auprès du bon pouvoir. Croire que Pékin se ferait obéir à Chongqing, c’était une chimère  – végétale, mais chimère quand même : on meurt de faim pour moins que cela !

 

 


Rendez-vous : Pékin: Sommet économique Euro – Chine

27-28 novembre, Pékin : Sommet économique Euro-Chine

25-27 novembre, Shanghai : INMEX, Salon maritime

28-30 nov., Shanghai : Label Expo Asia

29 nov – 2 déc, Shanghai : APPLAS, Salon des plastiques et du caoutchouc

1er dec., Pékin : Salon des pièces auto