Le Vent de la Chine Numéro 23

du 17 au 23 juin 2007

Editorial : Pékin sous pression—l’enjeu des Jeux Olympiques

En 2001, lors de l’attribution des Jeux Olympiques de 2008 à Pékin, nul ne pouvait prévoir qu’en résulterait pour le régime une double tension, de l’intérieur et de l’étranger, perturbant ses équilibres !

De l’intérieur, chez les cadres, de la base au sommet, on sent le besoin de gommer les contradictions sociales. La censure est hyperactive, la justice frappe. Partout on parade les malfaiteurs condamnés (cf photo p.4), on brûle la drogue saisie, on tient des exercices antiterroristes. Mais les manifs récentes, de Xiamen (anti-industrielle) à Zhengzhou (des étudiants) sont là pour montrer les progrès rapides en émancipation de la société.

Tandis qu’hors de la Chine, des actions inédites prolifèrent pour faire pression. ONG, politiciens, artistes et syndicalistes d’Europe et d’Amérique s’y joignent, pour réclamer des concessions: sur le Darfour, la pratique du secret d’Etat comme outil juridique de répression, et le Tibet (cf p.2). Play Fair 2008 lâche une bombe (11/06), accusant, quatre usines cantonaises de mascottes olympiques, de faire travailler clandestinement des enfants de 12 ans, sous-payés et astreints à des conditions dangereuses. Le BOCOG, le Comité d’organisation des Jeux Olympiques de Pékin 2008,  répond en dépêchant des inspecteurs, et menaçant de révoquer les licences !

Sous cette douche froide de campagnes abîmant son image, les félicitations du Comité International Olympique à Pékin (11/06) pour la qualité de ses préparatifs, apparaissent bien insuffisants pour alléger l’atmosphère !

Clairement, le bât blesse. La Chine montre une vulnérabilité. A travers « ses » Jeux, elle veut imposer une image de partenaire fiable. L’étranger ne veut la lui accorder qu’en échange d’efforts visibles dans le démantèlement de son style de régime autoritaire. Même si un boycott des JO est irréalisable et nuisible, à 14 mois des JO, nul besoin d’être devin pour prédire que ce double ressort ne fera que se tendre, jusqu’en août 2008 !

Sur le champ diplomatique, la Chine semble en train de méditer des concessions pour réduire son isolement :

[1] sur le Darfour, en accélérant l’application du plan de paix de l’ONU —qui devrait aboutir à terme, au partage des recettes du pétrole local avec les ethnies non-musulmanes ;

[2] sur le réchauffement global, en offrant en décembre à Bali, aux pays négociateurs du second protocole de Kyoto, un quota contraignant (même minime) de coupe de ses émissions de gaz à effet de serre; et

[3]  sur les échanges commerciaux, en élargissant aux USA et à l’Union Européenne son marché des services : le commissaire P. Mandelson vient (12/06) de déclarer au ministre Bo Xilai que l’excédent chinois était « non durable » – inacceptable.

Les JO de Pékin 2008, ici, sont pris en otage de deux mécanismes sans aucun lien avec eux. D’une part, la tentation  protectionniste euro-américaine, conséquence politicienne de la poussée de l’export chinois, et de l’autre, la déception d’une opinion mondiale après 20 ans sans progrès en matière de démocratie. Or, des secteurs agissants de cette opinion semblent déterminés à saisir la chance qui s’offre, et d’ « aider » Pékin à tenir sa parole donnée au CIO en 2001 : de «promouvoir à travers les JO, les droits de l’homme en Chine ! »

 

 


A la loupe : Tibet – environnement et main tendue

Le Tibet fait soudain —c’est rare- la «Une» des média, suite à une polémique entre Pékin et l’Australie: comme souvent, Pékin a fait pression pour faire échec à une visite du Dalai Lama, l’accusant de fausseté et de séparatisme sous prétexte de religion. Mais l’effet inverse eut lieu : l’Australie entière prit la démarche pour une ingérence, le 1er Ministre, J. Howard octroya le visa, une audience (15/06), et pria Pékin de « respecter la démocratie » locale.

Même K. Rudd, chef de l’opposition rencontra le Dalai : entre les deux pays, en ce moment, rien ne va plus. La force des échanges commerciaux (44,3MM$ au 1er trimestre, surtout en ventes australiennes de matières 1ères) n’a pas suffi pour justifier une auto-censure de Canberra. Or, cet acte de « lèse-Chine » plus vu depuis longtemps dans le monde, fera précédent : Helen Clark, la 1er ministre de Nouvelle Zélande, « réfléchit » si, à son tour, elle recevra le Dalai lama la semaine prochaine

Fin mai, une émeute éclate à Bamei (Sichuan), aux franges du Toit du Monde: des 100aines de Tibétains tentent d’empêcher l’ouverture « sacrilège » d’une mine de plomb et de zinc sur le mont Yala, une des neuf hauteurs vénérées au Tibet historique.

Le 10/06, HRW – Human Rights Watch – groupe de défense des droits de l’homme dénonce la sédentarisation forcée de 700.000 nomades Tibétains,contraints depuis 2000 à vivre en « dur », et vendre leurs troupeaux. Ce qui ruine souvent ces éleveurs incapables de retrouver du travail, faute de langue chinoise, et de cultiver. Brad Adams, directeur à HRW, soupçonne aussi la sinisation forcée, et bien sûr, le contrôle politique sur des populations jusqu’alors insaisissables.

Critique justifiée? Difficile à dire, vu l’interdiction de facto de la presse étrangère d’aller seule sur place pour vérifier les faits.

Pékin défend son projet comme action de développement, de modernisation, et de sauvegarde de l’environnement : interrompre la transhumance pour laisser les forêts se régénérer. Au demeurant, le pouvoir local affiche un fort sérieux écologique: un an après l’ouverture du chemin de fer, il interdit toute mine d’or, de mercure, d’arsenic et de tourbe (mais non de cuivre!)-  trop polluantes pour les cours d’eau et destructrices de l’environnement.

A son arrivée à Canberra, le Dalai Lama a réservé à ses hôtes une surprise. S’abstenant d’un triomphe facile, il a invité les pays de l’Ouest à… éviter d’isoler la Chine, estimant la pratique «moralement mauvaise». Démarche subtile : comme théologien, il récuse toute démarche de type guerrier, en tant que rupture d’harmonie. Mais comme leader politique, il trouve une bonne occasion de tendre la main à Pékin de sa bonne foi. Enfin, par son dynamisme, il prouve à Pékin qu’il n’est ni « trop vieux », ni « fini », mais là pour durer : un homme avec qui il faut négocier ! 

 

 


Joint-venture : Yahoo! pris en sandwich

Yahoo! pris en sandwich

En acceptant une collaboration sans limite avec la police chinoise de l’internet, Yahoo! a obtenu en 2005 le droit d’acquérir 40% d’Alibaba, 1er portail commercial chinois, pour 1MM$.

Privilège unique. Mais son image en a souffert : en Chine, il n’a que 9% du marché du moteur de recherche, contre 19% à Google et 58% à Baidu. A l’Ouest, son nom est devenu synonyme de groupe sans valeurs morales, et Shi Tao et Wang Xiaoning, activistes en prison suite à leur délation par Yahoo!, l’attaquent devant la justice américaine. Pour redresser son image, Yahoo! vient de critiquer la Chine pour sa répression sur la toile, tandis que des actionnaires, en assemblée générale, proposaient au groupe une charte des droits de l’homme, et un comité des sages pour l’appliquer. Mal leur en a pris : l’AG à rejeté à une immense majorité (85%), et – avertissement sans frais -, la censure chinoise condamna (7/06) son site Flickr, de partage de photos. La fièvre morale de Yahoo! n’a pas fait long feu, éteinte par la double lance d’incendie des actionnaires, et du régime toujours en alerte sur cette question du contrôle des canaux de l’opinion.                            

NB : son rival Google lui, décolle. Après s’être allié depuis janvier avec China Mobile, Telecom et Netcom, il s’engage avec Sina.com (11/06), 1er portail chinois, dans une coopération stratégique sur la recherche, la pub et les news en ligne. Google offre ses outils publicitaires avancés. L’accord vise sa part des 450M² de recettes publicitaires en ligne, attendues sur la toile chinoise en 2010.

 

l     DanoneWahaha, l’Etat se tait, le conflit s’enlise,

Juste démissionné (VdlC 22) de la direction des 39 JV Danone-Wahaha, Zong Qinghou, le flamboyant boss chinois continue d’attiser à son profit la fibre nationaliste: «les lettres de soutien du personnel» convergent vers la presse et sina.com.

Le 12/06 à Shanghai, la conférence de presse de Danone est saluée par une « manif spontanée » des employés. Le 13/06, Zong prétend récuser Emmanuel Faber comme nouveau PDG, et saisir la cour d’arbitrage de Hangzhou, fief de Wahaha, en contrepoint des actions de Danone à Stockholm (cour d’arbitrage) et à Los Angeles. Le 14, il revient à la charge, exigeant des excuses et l’«abrogation des conditions inégales» (référence aux « traités inégaux » imposés par l’Occident durant les guerres de l’opium). Zong sort de sa manche un argument : le contrat de 1996, sur la session de la marque Wahaha serait caduc, car jamais approuvé par le bureau des marques et brevets. Sur ce terrain de la presse et du mégaphone, Danone est en terrain inconfortable. Son titre a chuté de 11% depuis avril. Emmanuel Faber tend la main, mais en vain, prétendant à « une part équitable du gâteau et non le détruire ». Il commence aussi à réclamer « le soutien qui convient du gouvernement chinois ». Lequel garde le silence depuis le début de la crise, à commencer par la mairie de Hangzhou, détentrice de 19,1% des parts de Wahaha.                                                      NB : sa prudence peut se comprendre, car l’affaire dépasse de loin celle du sort, en Chine, du géant français du yoghourt : c’est le modèle de la JV en Chine qui est en cause, et de l’égalité de protection entre les intérêts étrangers et locaux : de la valeur d’un contrat. Question forte, alors que la Chine reçoit 60MM$/an d’Investissement directs étrangers!

Métaux : l’atterrissage, puis les contrats

Depuis 10 ans, Pékin monte ses bases métallurgiques, pour s’imposer comme producteur mondial, et garantir un approvisionnement à ses industries de transformation. Processus accompagné d’une subvention à l’export, et d’une exportation toujours plus forte, 132% de janvier à avril pour l’acier (21Mt). D’où le contrecoup protectionniste à l’Ouest : dénonçant une explosion de l’importation de Chine (58 fois en 4 ans), 6 producteurs américains de tube d’acier déposent (15/06) une demande jusqu’à 88% de rétorsion anti-dumping . Pour parer le coup, Pékin démantèle son soutien à l’exportation. Après un 1er train de mesures en juin, un autre est annoncé au 1er juillet, réduisant ou supprimant les subventions à l’export des métaux—de 13%, on passe à 5% pour la plupart des aciers.

Une fois ce toilettage réglementaire effectué, apparaissent sur le marché, des contrats, qui sans doute, n’attendaient que cela.  

[1] 1er producteur local de titane, Baoji livrera en trois ans (2007-2009), à Boeing 4.300t de ce métal, pour 130M$ ;

[2] n°2 mondial de l’aluminium, le canadien Alcan s’offre à Tianjin pour 40M$, une usine de câbles en alliages pour l’industrie et l’immobilier.

[3] Chalco son rival, convertit ses profits en réserves de cuivre au Pérou, et paie 792M$ pour le gisement de Morococha, en rachetant Peru Copper, groupe de droit canadien.

 

 


A la loupe : Prix du porc, l’unique objet de mon ressentiment

Le prix de la viande de porc s’est envolé de 29% en mai sur les étals, et 73% sur pied : la ménagère refuse d’acheter, marchands et cadres angoissent ! La Chine a perdu l’habitude de ce genre de pénurie alimentaire, spectre du passé.  Et le porc (dont c’est d’ailleurs l’année du signe, aggravant la force de la crise dans les esprits), est le met préféré ici, dont chacun mangeait jusqu’alors 400 grammes par semaine ! 

1ere cause : le mal des oreilles bleues, identifié en 1987, qui aurait décimé l’an passé « 18.000 » têtes -plus vraisemblablement des M. Apeurés par ce syndrome, de nombreux fermiers ont pré-féré miser sur un autre élevage, réduisant ainsi l’offre.

Mais à cette cause circonstancielle, vient s’en ajouter une de fond : le maïs, premier aliment du bétail, va toujours plus vers l’éthanol, le pétrole vert. 4 groupes se partagent ce gâteau de 2,8Mt /an, dont China Agri-Industry, de Hong Kong, aux usines étalées sur 7 provinces. La Chine en est déjà 3ème fabriquant mondial, et veut mettre d’ici 2010, 25% de bio pétrole dans ses moteurs. Malgré les cris d’alarme de longue date des agronomes. Et voilà que la machine s’enraie : d’urgence, Pékin prohibe la distillation d’éthanol de grain : les quatre géants devront passer à la cassave, au sorgho, à la patate douce, à la cellulose.

L’Etat tente d’éradiquer l’épidémie, déployée sur 22 provinces. Il vient de commander 413t de vaccins. Il vient aussi de donner au cochon la priorité dans les trains de fret, et s’apprête, pour casser les prix, à vider sur les marchés ses réserves de porc.

Ainsi, l’Etat espère voir le cours porcin redescendre… Rien n’ est moins sûr, pourtant, craignent les experts. Cette surchauffe annoncerait en fait un envol mondial des cours, dicté par la Chi-ne, et pas seulement de ceux du porc : sur les étals chinois, en mai, tous les produits (oeufs, lait…) ont suivi l’envolée, induisant  + 8,3% de hausse générale au panier de la ménagère et +3,4% d’inflation : record en 27 mois, qui rend inévitable une prochaine (nouvelle) hausse du taux d’intérêt .

Un aspect du problème, selon British Petroleum, tient au fait que le monde en 2006, a augmenté sa consommation d’énergie de 2,4%, mais la Chine de 8,4%. Or, le paysan ne peut pas tout faire, nourrir  son pays, exporter, produire de l’énergie…

NB : si l’on ajoute l‘autre problème de la sécurité des aliments chinois, on conclut que l’agro-alimentaire chinois arrive droit au mur, ne peut plus garder la même croissance quantitative et doit soudain se tourner vers l’aspect jusqu’alors négligé—la qualité !

 

 


Argent : La Poste abandonne son réseau d’hôtels

La Poste abandonne son réseau d’hôtels

Un bon plan pour voyager en Chine, est de suivre le réseau de caravansérails par des groupes d’Etat, «hôtels du pétrole» de la CNPC – la compagnie nationale pétrolière – ou ceux de «La Poste». Mais les meilleures choses se perdent : en mars devant le Parlement, Wen Jiabao recommandait à ces dinosaures de vendre leurs acquêts marginaux pour se recentrer sur leur métier.

China Post s’exécute, et dans le cadre d’une «peau neuve» bien nécessaire face à des concurrents comme DHL, elle cède ses 1000 affaires, dont 400 hôtels. Dès le 22/03, elle inscrivait à la Shanghai United Assets & Equity Exchange (la bourse des actifs d’occasion) 30 de ses bijoux provinciaux. Le courtier Phoenix Asset Management doit les préparer, évaluer et vendre par lots d’ici décembre, le gros de la troupe devant suivre avant fin 2008. Prompt à repérer la bonne affaire, le 8/06, VXL-Capital, de Hong Kong a jeté son dévolu sur 11 d’entre eux, tous à étoiles, pour 26M$, éparpillés entre le centre, le nord-est, le Shandong et le Xinjiang. VXL-Capital y reviendra sans doute : à travers le pays, il vise  la création d’une chaîne de 500 hôtels, plus vite fait en rachats qu’en construction de toute pièce !  

China Gas… le groupe qui monte

En Chine, le gaz (quand on en trouve) est au nord ou à l’ouest, régions encore pauvres et dépeuplées, et le marché, à la côte.

Notamment à Shenzhen, qui dispose en outre des financements et de la technologie, grâce à la vicinité de Hong Kong. Voilà pourquoi le 10/06, China Gas, de Shenzhen, rachète au groupe financier Ordos Shi Da (Mongolie Int’re), 65% d’un gazoduc de 230km entre le gisement de Sulige et la ville d’Ordos. En plus des 195.000² d’achat de Chang Meng Gas, la Cie exploitante, il lui en coûtera dès l’an prochain 40M² d’investissements, en savoir-faire et en équipements. D’une capacité annuelle de 1,2MMm3, ce pi-peline renforce la position de China Gas qui en détient déjà quatre, d’une capacité totale de 2MMm3. China Gas profite pleinement de la croissance chinoise et de la volonté politique environnementale visant à réduire la pollution en réduisant la dépendance au charbon et au pétrole. Le gaz devra représenter 5.3% de la consommation d’énergie totale de la Chine avant 2010 contre 3% maintenant. C’est tout bénéfice pour China Gas, qui compte ajouter, cette année, 8 projets de ce type aux 61 déjà fonctionnels, et s’apprête à distribuer 400M de m3 cette année, contre 176M de m3 en 2006, et en prévoit 800M en 2008.

 

 


Pol : Remords urbanistiques

Remords urbanistiques

Après 20 ans de casse de la ville traditionnelle, éliminant effectivement Hutongs et Siheyuans (ruelles et cours carrées), le pouvoir donne des signes d’état d’âme. Qiu Baoxing, vice-ministre de la construction évoque (10/06) un « troisième cataclysme », après le Grand Bond en avant (1957-1961) et la Révolution culturelle (1966-1976).

Tong Mingkang, n°2 au Bureau de l’héritage culturel renchérit : « c’est comme remplacer un tableau inestimable, par un chromo de bas étage ». Qiu dénonce ces « actes insensés ». Pas insensé pour tout le monde, en fait: construire en hauteur maximise le profit, gâcher le béton permet d’aller vite dans la création des nouvelles grandes fortunes du siècle, partagées entre le promoteur et le haut cadre. L’intérêt est que pour la 1ère fois, la Chine post-révolutionnaire, lâche sa vision de la culture « bourgeoise », et commence à la regretter. Qiu Baoxing ajoute un argument pertinent : le virus du conformisme. A force de suivre partout en Chine la même « quête aveugle du grand, du nouveau et de l’exotique », les planificateurs érigent «1000 villes clones » – il ne dit pas de quoi, mais c’est de l’Amérique. Les urbanistes les plus respectueux, comme à Xintiandi (Shanghai) reconstruisent à l’identique, incluant au passage Starbucks et McDonalds. Modèle sans valeur artistique, mais admiré et reproduit partout en Chine.

NB: À Pékin, le quartier de Jiuxianqiao vit son arasement suspendu le temps d’un référendum (9/06) sur la question de la compensation. Sur 5,473 foyers consultés, 45% furent satisfaits, 23% contre. Suite à quoi le bulldozer reprit le travail. La consultation, une 1ère, permit de constater le ralliement du citoyen à ce programme : troquer pour un peu de confort, son «palais misérable».

 

Carambouille, et clash réglementaire

L’affaire qui suit est intéressante, en dévoilant un probable pot de vin, un vide juridique, et la tentative d’un tribunal de rendre bonne justice.

En 2004, Modern Osme, firme privée, répondait à l’appel d’offres du Ministère de la santé et de la NDRC (National Development and Reform Commission), le super-ministère de l’économie, pour un lot d’équipements médicaux d’un plan national de médecine d’urgence. Elle perdait le contrat, mais constatait ensuite qu’on lui avait préféré une offre de 40% supérieure, pour 40M¥. Modern Osme a donc logiquement porté plainte auprès du ministère des Finances (MoF), en décembre 2004 : mais le MoF refusa de trancher, se réfugiant derrière le fait que l’instance d’arbitrage, ici, serait… la NDRC. Au bout d’un an de ce dialogue de sourds, Osme déposa une seconde plainte, cette fois devant le tribunal n°1 de Pékin… qui condamna le Ministère des finances en 1ère instance en décembre 2006 : le MoF a failli à son devoir de répondre à la plainte sous un mois, ou bien faire appel devant la haute cour sous 15 jours. Bien entendu, le jugement dénonçait, sans le dire, la prévarication et la collusion qui s’en était suivie, au détriment du privé. Le Ministère, bien sûr, a fait appel, face à ce verdict qui fait l’effet d’un tsunami juridique, empêchant désormais les administrations d’opposer aux plaignants privés un mur de silence solidaire.

La haute cour vient d’ouvrir le dossier (5/06), sans résultat, vu l’enjeu. Mais pour les juristes locaux, que cette affaire soit montée si loin, est un coup de semonce, qui fera date. Quant au législateur, il doit désormais revoir sa copie : pour empêcher que la NDRC ne se retrouve encore à l’avenir, sur ce genre de litige, juge et partie !

 


Temps fort : La route vers le XVII. Congrès—dans un climat ingrat !

«Créer un environnement idéologique sain» : tel est le mot d’ordre du Comité Permanent, émis par Li Changchun, chef de la propagande (9/06). A cinq mois du XVII.ième Congrès, ce slogan flou de l’appareil, voile ses divisions, et ses désarrois.

Divisions: selon l’agence Kyodo (Japon), Wen Jiabao, le 1er ministre « fatigué », aurait décliné un second mandat (2007-2012). Or, Pékin dément avec vigueur. La rumeur provenait, soit d’un Wen jouant le tout pour le tout, soit de ses adversaires : quoiqu’il en soit, il a gagné ! En même temps, il se dit que Zeng Qinghong, bras droit de Jiang Zemin et vice Président, serait « sur le départ, contre son gré ». Laissant enfin à Hu et Wen -si la rumeur est vraie- tous les pouvoirs !

Désarrois : d’innombrables incidents explosent, alimentant la gouaille de la rue :

[1] la mort (8/06) de Song Pingshun, Président, à Tianjin, de la branche du Parlement chinois (l’ANP), en un suicide douteux sur fond de corruption immobilière.

[2] Les sanctions contre cinq hauts cadres, et l’enquête exigée par Wen Jiabao, après la terrible pollution du lac Taihu ;

[3] les arrestations de 5 vigiles ayant causé la nuit d’émeutes étudiantes (8/06) à Zhengzhou (Henan).

[4] A Shunde (Canton), c’est par une taxe insolite que le scandale arrive : dans un hôpital, les parturientes payaient 40¥/jour, le privilège que leur bébé ne leur soit pas enlevé.

[5] A Lifen (Shanxi), puis dans tout le Henan et le Shanxi, le blitz de 35.000 policiers à travers 7500 fours à briques, a permis de libérer au moins 468 hommes et enfants, hagards, sales, rendus fous après des mois ou années d’enfer, à porter des briques, battus et impayés. 120 arrestations—certains des patrons de ces camps de travail privés, étaient parents du secrétaire du Parti, qui protégeaient leurs agissements.

Pari osé : Le fait est digne d’être mentionné : c’est le PCC (Hu Jintao en personne) qui a ordonné cette action dans les briqueteries, et pris le risque de tout révéler dans la presse, comme pour tenter de redresser l’image du régime. Pari osé, mais probablement la seule chance de rattraper la légitimité qui s’effiloche.

On voit aussi fleurir dans la presse tels éditos édifiants, « Servir le peuple », « Réduire le fossé villes-campagnes ». On y raconte le cas du policier indigne qui, en 2002, avait tué un petit voyou en interrogatoire, meurtre ensuite camouflé en suicide : suite à la dénonciation par le peuple, le juge a condamné le flic violent à la prison à vie, et son collègue qui l’avait laissé faire, à deux ans…

 NB : Même si l’on sait que ces cas sont exceptionnels, le fait de les publier, ne trompe pas sur le désir des dirigeants, de récupérer la confiance de l’opinion. Il a pour cela de bons arguments,  notamment la popularité de Wen Jiabao, les frappes anti-corrruption – ou cette frappe anti-esclavagiste !

 

 


Petit Peuple : A Changsha, Cao oublie l’objectif de sa vie!

Cao Xiangfan est de ces Chinois toujours battants, luttant comme il respire, au point d’en oublier l’objectif du combat. Natif d’une colline du Hunan, Il garde le souvenir d’une enfance démunie, entre 6 frères et soeurs, et de son paradis idéal inaccessible—étudier.

A 39 ans, Cao vient de passer son « gaokao » (bac) – pour la 13ème fois! Ce n’est pourtant pas faute de matière grise,d’assiduité, ni même de réussite !

Dès 1987, à 19 ans, pour la 1ère fois, il obtenait 397 points sur 600 : recalé ! En 1991 au 4ème essai, il fut admis, mais avec 467 points, score qui lui fermait les portes des grandes maisons. Il refusa : l’université serait prestigieuse, ou ne serait pas. 

En 1992 à 24 ans, vint le temps où il faut sauter du nid : Cao émigra à Canton, pour travailler, se marier. Ce qui ne l’empêcha pas, en 1998, de retenter son bachot à 30 ans.  Et là, bingo : Beida, l’université pékinoise de tous les rêves, le prenait, en politique. La suite peut choquer: tel Albert Camus au jury du « Nobel »,  Cao dit « Non » La spécialité ne lui convenait pas – peut-être à cause de la mauvaise image dont souffre la politique en ce pays.

Depuis, tous les ans, il bachote, se présente, espère, attend anxieusement les résultats, et dès le lendemain, rouvre ses manuels, ses cahiers connus par coeur…

Pour gagner sa vie, il fut maçon à Canton, garçon de restaurant, et bien d’autres. A Changsha, il est répétiteur pour fils de riches -il chauffe 50 potaches au bac, à 2000 ² /an… Même à Changsha, c’est une maigre récompense, pour un job acharné, qui le garde en tout temps hors du lit jusqu’à minuit garanti.

Après tant d’années, le mystère est que ses poulains sau-tent la barrière, et pas lui. Alors qu’au moins 2 fois, après avoir réussi, il a renâclé, fait marche arrière. N’est-ce pas là la trahison de sa promesse d’enfant de 脱离苦海 tuo li ku hai, «s’arracher à la mer amère » de sa misère montagnarde ?

Plutôt que de juger, tentons de comprendre. Ébloui par son demi-succès, cet homme humble peut s’interdire d’aller plus loin, craignant d’offenser le ciel. Avoir accédé à l’instruction lui suffit, même sans diplôme.Tout comme jouer au professeur, sans sortir de l’enfance… En bon chinois, Cao abhorre la césure, le changement d’état.

Peut-être Cao Xiangfan vit-il aussi le syndrome du prisonnier ayant purgé sa peine, effrayé par la liberté, qui frappe aux lourds vantaux de la prison pour qu’on l’y laisse retourner? En vie réelle, la taule jamais ne se rouvre. Mais ici, le geôlier n’est autre que lui-même, et Cao se signe donc tout seul, son nouveau billet d’écrou !

On peut enfin espérer que l’âge venant, Cao réalise que la roue tourne, même pour lui, et qu’après tout, même un gars comme lui a droit au succès. On peut espérer qu’il rompe enfin son incroyable sévérité contre lui-même et s’accepte comme bachelier – dès cette session-ci, peut-être ?