Le Vent de la Chine Numéro 39

du 4 au 10 décembre 2006

Editorial : Trois anguilles sous roche !

L’«association patriotique catholique» relance la guerre froide contre le Vatican, en faisant ordonner, le 29/11, Wang Renlei à Xuzhou (Jiangsu)… En avril et mai 2006, deux prélats avaient déjà été intronisés sans bénédiction papale – Benoît XVI les avait simplement menacés d’excommunication.

La pratique remonte aux années ’50. Depuis, pour que leurs diocèses aient un père, les évêques s’auto-élisent, sous la pression du régime hostile à toute «ingérence étrangère».

D’ où un schisme, entre église «rouge», et celle «de l’ombre», persécutée. Mais depuis ’90, l’église se normalise, le lien avec Rome se refait. Le Pape a légalisé 80% du clergé. Menacée dans son existence, l’association patriotique catholique réagit. La rumeur lui prête des dizaines d’autres ordinations projetées. Pour cette consécration, le diocèse de Xuzhou aurait touché 600.000 ²… Pour l’instant, Rome prend les coups !

 

Les 25-27/11, dans des houillères du Shanxi (Luweitan), Jiangxi (Juqing), Yunnan (Huosuo) Gansu (Wuwei) et Heilongjiang (Jixi), cinq coups de grisou  causèrent des dizaines de morts : pour l’Etat, c’est l’échec de ses efforts pour discipliner et sécuriser le métier. Dans ces mines privées, licences et certificats de sécurité étaient expirés, mais les villes les protégèrent contre la fermeture intimée par Pékin.

 A Luweitan, un journaliste venu enquêter avant le drame, serait incarcéré depuis le 3/11, par la police locale : symbole de l’incapacité du pouvoir central, à se faire écouter!

Cette année, en moyenne 16 mineurs/jour décédèrent dans tels accidents-officiellement. Mais en réalité, sans doute trois fois plus, soit 20.000/an. Enfin, l’économie va peut être faire le nettoyage que ne peut faire la politique : en 2010, suite aux 38MM$ d’investissements annuels de 2001 à 2005, les mines chinoises sortiront 3MMt de houille/an, plus d’une demi tonne que les besoins. Alors, les cours pourraient chuter, et les  mines privées, fermer…

 

Pour la fin de l’année, Pékin prépare un bouleversement dans le monde du travail —le rallongement de l’âge de la retraite.

Pour une raison urgente : avec 102MM$ de trou en 2005 (contre 36MM$ en 2000), la Sécurité sociale ne peut pas suivre – la classe des sexagénaires s’alourdit de 6M/an. La décision, pourtant, fragilisera le marché de l’emploi : les jeunes trouveront moins d’embauche, tels ces néo-diplômés qui seront 4,95M en 2007, dont 30% (1,5M) resteront sur la touche! Mais cet ajustement de l’âge de pension permettra -peut-être- de rectifier une discrimination sexiste : « remerciées » à 55 ans, les femmes privées de leur revenu, se plaignent de rester sans pouvoir d’achat, face à leurs compagnons toujours salariés !

 


A la loupe : Les barrages passent en force

Malgré les critiques, le programme de grands barrages dans l’Ouest de la Chine force sa course impétueuse. En oct. (cf VdlC n°34), le ministre de l’eau Wang Shuchen faisait une rare critique sur le projet de dérivation de 3 cours à leur source tibétaine, vers le Fleuve Jaune. Il révélait un débat tendu au sommet, entre électriciens et cadres de la SEPA (State Environmental Protection Administration), sur ce type d’équipement et sur ses dangers.

Et pourtant, aujourd’hui, les « écolos » dans l’appareil rangent leurs calicots, et concèdent discrètement leur défaite. La Chine aura besoin de toutes ses sources d’énergie, pense-t-on « là-haut », et plus encore de l’hydroélectricité, supposée fournir 90% de celles renouvelables. Aussi à la frontière Sichuan-Yunnan, les travaux du barrage de Xiangjia sur la rivière Jinsha (affluent du Yangtze) débutent le 26/11. D’ici 2015, ce projet coûtera 2.8MM², dont 146M² pour l’environnement. Combiné avec Xiluodu, son frère jumeau voisin, il égalera en puissance (18GW) le barrage des trois Gorges. Pourtant, les craintes ne manquent pas : risque pour la biodiversité (pertes d’espèces florales et animales en ce relief peu exploré), danger sismique (déjà un séisme enregistré force 7 à l’échelle Richter), tandis que les 600¥/an offerts aux 88.000 paysans délogés, sont loin de l’équité, comme de leurs besoins…

Dans ce grand Ouest, 12 autres barrages hydro-électriques sont prévus d’ici 2020, pour au moins 50GW. On note aussi les soucis de l’étranger : l’IFC (Int’l Finance Corp) par exemple (le bras financier de la Banque mondiale) refuse d’envisager de tels financements, et l’UNESCO a fait reculer (mais pour combien de temps?) une série de barrages sur la Salween-Nu dans le Yunnan, sous peine de déclasser la région des sources des trois Fleuves du patrimoine de l’humanité (cf Vdlc n°33).

NB : La course aux méga-barrages nuira à la nature. Elle est le prix à payer pour atteindre les 16% en énergies renouvelables, visés en Chine pour 2020.

 

 


Joint-venture : Boulimie chinoise pour Goldman Sachs

— En sidérurgie, le coup de gong suite à la fusion Arcelor-Mittal n’a pas fini de vibrer sur la Chine.

Deux tendances se dessinent, qui pourraient former une riposte du secteur, ou de sa tutelle.

[1] Le rachat en février de 38% de parts par Arcelor dans l’aciérie Laiwu (223M$) pourrait être infirmé par la NDRC, (National Development and Reform Commission) soucieuse de ne pas céder au géant mondial un actif stratégique.

[2] Emoustillé par les succès chinois en bourse étrangère, Baosteel le shanghaien s’y prépare. Or, à en croire la presse du Soleil levant, il s’apprêterait à céder en lever de rideau une fraction de son capital à Nippon Steel et à Posco (Corée du Sud), comme 1er pas d’une fusion à l’amiable : Nippon + Posco + Baosteel = 90Mt de capacité, contrepoids crédible aux 110Mt d’Arcelor-Mittal.

Par la voix de son Président Lakshmi Mittal, Arcelor-Mittal poursuit sa propre démarche d’acquisition en Chine de l’intérieur: elle constitue sa meilleure chance d’avenir, et de remonter son handicap (la distance à la mer) en perfusant crédits et technologies. Arcelor-Mittal négocie la reprise  de 49% de Baotou, la mongole…

NB : la NDRC ne peut plus bloquer la reprise dès 2005 de 37% de parts par Mittal dans Hunan Valin, pour 338M$ : deal déjà approuvé.

— Après 9 ans de hiatus, le 1er décembre marque le retour de la pratique des ventes directes, interdites en Chine depuis 1998, par peur d’une exploitation sauvage de centaines de milliers de vendeurs indépendants obligés d’acheter leur stock, et de millions de clients incapables de se plaindre en cas de malfaçon.

Au 1er décembre, seules 5 firmes ont obtenu la licence, dont Avon (n°1 mondial) et Nuskin. Cinq autres, dont Mary Kay et Amway espèrent. La nouvelle règle du jeu impose que le vendeur soit employé et dépende d’un centre de service (d’un réseau vérifié et agréé).  L’enjeu est lourd : Avon a 6000 magasins et 186.000 vendeurs, dont 40% en porte-à-porte, ventes qui devraient lui apporter 1MM$ de chiffre d’affaires par an. Avon vise en Chine le même taux de pénétration qu’au Brésil, 5 vendeurs pour 1000 habitants. Mais elle trouvera en chemin les 2300 administrations locales, auprès desquelles l’enregistrement est obligatoire !

 

— PCCW, l’ex-Hong Kong Telecom et ex-Cable& Wireless fut conquise en 2000 par le tycoon Li-Ka-shing pour son fils cadet Richard Li «Tzar»-Kai : à la hussarde, avec l’appui chinois. PCCW (Pacific Century Cyber Works), c’est le 1er réseau du Rocher, tél. fixe, mobile, large bande et TV en ligne. Malgré son nom impérial, Li Jr n’est pas un Dieu des affaires et depuis sa reprise, PCCW périclite. Que Pékin ait fermé son marché à tout acteur étranger, n’explique pas tout.

En 2005, pour aider PCCW en panne, Pékin fait racheter 20% par China Netcom. Un an après, Li doit dégraisser, et tente diverses formules. Céder 23% au fonds californien TPG-Newbridge, puis tout le groupe, 7MM$, à  Macquarie (Australie). Mais au nom de Pékin, Liao Hui, «Mr Chine» à Hong Kong, met son veto : après avoir repêché PCCW en 2005 via Netcom et s’être abstenue d’en reprendre le contrôle, Pékin ne veut pas laisser le gâteau partir sur une table étrangère ! Pour tout arranger, depuis Singapour, les actionnaires minoritaires (30/11) dynamitent le  plan «C», la vente des parts de Li Junior (1,2MM$) à un banquier Hongkongais, renfloué par Li-Kashing et Telefonica…Retour à la case départ : Pékin se mord peut être les doigts, de n’avoir en 2000 « laissé faire la nature », et, béni une reprise par le meilleur candidat de l’époque, Singtel, les télécoms de Singapour !

— En novembre, à grands coups de surenchères, Huawei l’équipementier et 3Com l’américain s’arrachaient leur JV de matériel internet.

3Com était condamné à gagner, sous peine de céder ce marché chinois à Cisco, son rival, leader mondial. Huawei en a profité pour faire monter le prix. Il vend ses 49% de parts pour 882M$ -l’ex-JV est évaluée à 1,8MM$. Pas mal, pour une création qui ne lui avait pas coûté un sou 3 ans plus tôt ! (Huawei avait apporté technique et personnel, et 3Com, 160M$). Goldman &Sachs l’investisseur US, a -peut-être- prêté main forte à 3Com.

Goldman par ailleurs, semble pris ces dernières semaines de boulimie chinoise. Goldman a aussi avalé 10% de Fuyao le roi du pare-brise(113M$), 11% de Midea, n°1 de l’électroménager (91M$), et (avec un syndicat d’investisseurs) le groupe Shuanghui, 1er abattoir du pays, pour 250M$. Alors que pendant ce temps, à Hong Kong, les “blue chips”, valeurs chinoises ne font que chuter, frappées par les avis de surévaluation !

 

 


A la loupe : Conjoncture : la Chine écartelée !

C’est indéniable, après des années de refus opiniâtre par la Banque centrale de réévaluer, le RMB ne cesse plus de remonter, +5,3% depuis juillet 2005. La dernière hausse arrive à point pour satisfaire Ben Bernanke, Président de la réserve fédérale, en visite à Pékin. D’autre part, elle traduit l’incapacité croissante de l’Etat à soutenir son RMB bas, en rachetant les excédents en devises !

Cette réévaluation lente est aussi un outil pour refroidir l’économie, au nom de la durabilité.

D’autres outils veulent réduire la masse monétaire : en 2006, les banques n’ont émis que 138M$ d’obligations contre 3,88MM$ en 2005 (-97% !). Ou encore, les prêts sont raréfiés aux secteurs en surchauffe, tels le charbon (cf Edito), les métaux, l’immobilier, soumis par ailleurs à une enquête sévère.

Mais dans cette démarche, l’Etat est combattu par les provinces et villes, dont l’investissement fixe a augmenté de 27% de janvier à octobre. De ce fait, la consommation en énergie qui avait baissé des 2/3 depuis 22 ans (en part relative dans la création de PIB), a repris +10% depuis 2002 : conséquence du choix de maintenir le coût de l’énergie sous les cours mondiaux, afin de s’équiper en industrie lourde. Ainsi la Chine qui tenait 7% du marché de l’aluminium en 1995, en a conquis 27%, dix ans plus tard. De ces profits industriels, Pékin redoute une réinjection massive dans l’immobilier, qui assure 30% de retour sur investissement. Autre risque : après avoir conquis en 2006, 44MM$ d’épargne boursière étrangère, les banques sont surévaluées, au risque d’éclatement d’une bulle, et d’accumulation d’autres mauvaises dettes!

Selon l’université du Peuple, en 2006, l’inflation atteindra 1,5%, et la croissance  +10,4%. Tandis qu’en 2007, la courbe s’infléchira faiblement à 9,25%. Ce pronostic traduit en réalité l’indécision d’un Etat pas encore convaincu de l’utilité d’enrayer cette croissance, où il voit sa meilleure chance de stabilité. Au risque de sacrifier toute chance de meilleure rentabilité énergétique et d’amélioration de l’environnement !

 

 


Argent : Toutes les banques étrangères, sous bannière chinoise !

— Avec 12,7% de hausse de janvier à octobre, les exportations agricoles chinoises se portent bien.

Leurs 24.6MM$ de chiffre d’affaires font de la Chine, le 5eme marchand-primeur de la planète. L’an dernier, en fruits et légumes frais, le paysan chinois contrôlait 7,2% du marché mondial, pour 7MM$.

Pourtant, le déficit vert chinois se creuse, + 45% par rapport à 2005, frôlant les 2.3MM$ : la Chine importe toujours plus d’oléagineux, et son export voit s’ériger des murs réglementaires, tel au Japon, avec les pesticides. La banque hollandaise Rabobank estime pourtant que la Chine va surmonter l’épreuve, par un rigoureux effort de qualité, pour devenir sous 3 ans troisième exportateur de fruits et légumes, dépassant les Pays-Bas, mais derrière l’Espagne (n°1) et les USA. Juste retour pour l’agriculteur chinois, travailleur, compétent, et oublié par la croissance du pays…

— Ayant acquis avec son consortium, 85.6% de la banque Guangdong Development Bank pour 3.1MM$, Citigroup annonce (29/11) son passage comme groupe chinois sous loi locale, moyennant dépôt en capital fixe de 128M$, qui n’écorneront pas ses 245MM$ de patrimoine.

C’était la chose à faire, car ses 500 nouvelles agences seront perçues comme américaines (promesse de meilleure gestion), et garderont surtout le droit aux activités de guichet en RMB. Cet outil promet à Citi, dans le commerce de l’argent grand public, de se mesurer à, voire rattraper, les 4 Dalton de la banque d’Etat.

Citigroup n’est pas seul à faire ce pari de l’«incorporation». A peu près toutes les autres vont y aller aussi, telles HSBC, Standard Chartered, ABN AMRO, BEA (Bank of East Asia), vu l’avantage offert par la formule. Pour ce faire, la CBRC (China Banking Regulatory Commission) leur offrira un délai de grâce variable suivant leurs tailles. Standard& Poor leur donne ensuite cinq ans pour passer au rythme de croisière —être rentable!  

 

 


Pol : Un tout petit pas contre l’argent sale

— L’argent sale est en Chine monnaie courante, outil d’échange avec des régimes mal cotés, mais pétroliers. Mais confrontée à ses responsabilités de nouvelle grande puissance, la Chine murit vite, grâce au dialogue avec des personnalités comme le Président français J. Chirac (sur le Soudan), le 1er ministre Canadien Steven Harper (sur les droits de l’homme) ou le secrétaire d’Etat US R. Zoellik qui l’invite à devenir «a responsible State».

En octobre, Pékin adoptait sa loi contre le blanchiment (VdlC n°35). Le 28/11, Xiang Junbo, le n°2 de la Banque centrale annonce pour juin 2007 l’entrée dans la FATF (Financial Action task force) de Paris, club de vigiles de 33 pays, destiné à enrayer le terrorisme en rendant traçables les opérations financières d’Etat à Etat. Avec sa hantise de l’intégrisme d’Asie Centrale et ses JO qui s’approchent, la Chine a un intérêt direct dans ce travail préventif contre l’argent sale.

NB : Elle a sur sa table un dossier qui pourrait lui permettre de démontrer sa bonne volonté : au Zimbabwe, China Metallurgical négocierait la reprise de 60% de l’aciérie Ziscosteel3MM$ !

— Après la confirmation en appel du verdict (24 /11) contre le journaliste Hongkongais Ching Cheong (VdlC n°38), c’est au tour de son collègue Chinois Zhao Yan, à Pékin, et du dissident Chen Guangcheng, au Shandong, de voir leurs peines carcérales confirmées. Procès politiques -appels bâclés respectivement en 30 et 10 minutes !  

 


Temps fort : Sida : entre volontarisme et préjugés

Au 1er décembre, journée mondiale anti-sida, la Chine s’emmêle entre 2 discours, l’un rassurant, l’autre noir !

Rassurant : son bilan officiel de 870.000 séropositifs, a été révisé début 2006, à 650.000.

Mais Hao Yang, haut cadre de la santé, admet publiquement «190 cas nouveaux/jour ». De même, la presse annonce une hausse de 30% des cas identifiés, à 183.100. A Shenzhen, ils sont +40% et à Shanghai +70%. La plupart des cas sont dus à la drogue (surtout chez les  jeunes-hommes migrants, ayant partagé des seringues), mais le sexe prend le relais:1% des prostituées sont désormais contaminées, et dans le Yunnan, 1% des femmes enceintes. Selon Hao Yang, la Chine connaît une «épidémie galopante comparable à l’Afrique» !

Le mal de la Chine est sans doute là : l’autorité ne sait pas déléguer la gestion de la lutte! Le 24/11, Wang Yanhai, le plus célèbre militant de base contre le fléau, était arrêté à Shanghai, alors qu’il préparait son symposium international sur les droits des hémophiles. Sans explications, il était relâché trois jours après – la rencontre était annulée.

Ce n’est pourtant faute de l’Etat, de multiplier ses propres actions contre le fléau. Les programmes de distribution de préservatifs, de seringues propres et de méthadone sont en pleine croissance, avec l’aide d’ONG étrangères comme Alliance (1,2M$ promis, sur 3 ans), 30.000 malades reçoivent gratuitement la trithérapie, dont les versions anciennes sont produites à bas prix en Chine.

Mais ces efforts sont oblitérés par les mentalités : les provinces truquent les statistiques (question de carrière), et les malades se cachent pour éviter l’opprobre.

Certaines personnes âgées veulent que l’on punisse homosexuels, prostituées, drogués. Les jeunes comprennent davantage. Les cadres même n’échappent pas à l’obscurantisme. Décidément, la solution passe par l’information que l’Etat, ce 1er décembre était prêt à relancer. Il acceptait la diffusion, sur CCTV, de A closer Walk, l’emblématique documentaire US du Sida. Une « marche plus proche », qui est un 1er pas vers l’indispensable transparence!

 


Petit Peuple : Pékin – un code de conduite du 3ème âge!

Par son insolence, Cao Lihui, jeunette délurée a dépassé les bornes, attirant sur elle l’attention de la presse nationale.

Le 30 octobre solaire, qui est le 9 septembre lunaire, marque la « Fête du soleil lourd » – du 3ème âge. Or, c’est ce jour-là que choisit cette interprète de 25 ans pour s’éclater sur son blog, en publiant sa lettre ouverte aux vieux Pékinois. En 23 articles, Cao Lihui prétendait rien moins que leur apprendre la vie.

Pépés et mémés étaient sommés de s’abstenir d’occuper tout le trottoir, mais de tenir leur droite. Face aux jeunes, elle les priait de ne plus jouer aux pères la morale : dans le bus, ne pas leur demander directement ou par oeillades ou soupirs lourds, de se lever. Et s’ils obtempéraient, de dire merci.

Elle les priait de cesser de les juger, de décocher des propos venimeux sur les baisers des amoureux, ou le petit bedon dénudé de la demoiselle en boléro. Ils devaient renoncer à jouer les entremetteurs non invités, à « caser » leurs petits-enfants, tout en passant subrepticement au fiancé de leur choix photo et téléphone de leur héritier, sans son accord…

C’est un conflit de génération, mais plus encore : c’est  la résurgence de cette qualité désormais très rare, l’affirmation de soi ! Lihui enguirlande les vieux au nom du chacun pour soi  (contraire du confucianisme !). C’est ce qu’on appelle en chinois « braver le ciel sans s’excuser» (mao tian xia zhi da bu wei, 冒天下之大不韪).

A travers cette explosion, on lit aussi l’océan de malentendus entre ces vieux « largués », mais autoritaires, et ces jeunes, qui reprennent leur liberté. Et la solidarité de classe d’âge : sur les 400 internautes s’étant exprimés, sur internet, à propos de l’initiative de Cao Lihui, ils furent trois sur quatre, parmi les moins de 20 ans, à la suivre dans sa révolte anti-cheveux blancs !

Les vieillards, pour leur part, avaient d’autres arguments, comme on put le voir : quelques jours plus tard, par ordre de la censure, le blog iconoclaste disparut de la toile, sans tambour ni trompette !