Le Vent de la Chine Numéro 29

du 10 au 15 septembre 2000

Editorial : La Chine américaine

La semaine passée, quatre « poids lourds » du Parti Communiste Chinois se trouvaient à New York, comme pour montrer à quel point comptent pour Pékin les Etats Unis d’Amérique. Li Peng, Président de l’Assemblée Nationale du Peuple assistait (28/08-2/09) à la session de l’Union Interparlementaire.

Les 5-7/09, Jiang Zemin participait avec deux ministres (Tang Jiaxuan, Qian Qichen), au Sommet des 163 Chefs d’Etat. Pour un budget de 7M$, une armée d’artistes chinois (orchestres, ballets, expos) étaient du voyage, afin de charmer une opinion qui (sic) « ne comprend pas la Chine« .  C’est qu’au sommet de l’ONU, Jiang voulait agir sur tous les fronts : défendre les thèses chinoises – contre «l’hégémonie» (américaine), pour l' »égalité« , la « diversité« , la « souveraineté» des Etats, et sa prééminence sur le thème des droits de l’homme »…

Au plan bilatéral, Jiang a rencontré Fidel Castro, Vladimir Poutine, le Sud Coréen Kim Dae-jung et le nippon Yoshiro Mori. Mais pas l’israélien Ehud Barak, ignoré pour avoir renoncé, sous la pression des Etats-Unis, à livrer à la Chine un avion-radar.

Une rencontre entre Clinton et Jiang – a par contre eu lieu (08/09) – le temps fort de son voyage.

Jiang rêvait d’impossibles assurances d’abandon du programme – depuis quelques jours «reporté» par Clinton – de défense spatiale anti-missiles TMD. De même, il militait pour une réduction du soutien américain à Taiwan, notamment au chapitre ventes d’armes.

Clinton cependant, lui a rappelé que la condition primordiale pour s’entendre, entre les deux bords du Détroit, était de dialoguer, ce que la Chine se refuse à faire, tant que Taiwan n’aura pas cédé sur l’objet du contentieux – le principe du retour à la nation. Jiang a bien apporté une concession nouvelle – l’admission que Pékin et Taipei, dans de telles négociations, étaient placées à pied d’égalité. Mais la Chine maintenant sa « pré-condition », n’a rien gagné à New York, et Clinton, l’« ami » de la Chine, est sur le départ : avec les Etats Unis, tout est à refaire!

 

 


A la loupe : Les rêves de grandeur de China State Farms

Immortalisées par Zhang Langjiang (la moitié de tout homme est une femme), les fermes d’Etat de terrible mémoire, sont ces unités de production de dizaines de km², ex-camps de travail aux confins de l’empire, ou l’on entrait prisonnier, et d’où l’on ne sortait plus -même les pieds devant. Conglomérées en 1980 en China State Farms (elles étaient alors 2100), elles occupent maintenant presque 5% du sol arable et forment un empire de 22 Compagnies intérieures (sans parler des 16 basées à l’étranger), produisant tout, du grain (50Mt) au caoutchouc (80% du pays) en passant par les engrais, l’éthanol (carburant "vert") ou les autruches!

Un empire non rentable – malgré le bas coût de la main d’oeuvre et les centaines de M$ versés par la Banque Mondiale (BM) : en 1999, une gestion faible, et la certitude du "dépannage" annuel par Pékin, causaient 540M$ de déficit (+9%) : le Ministre de l’agriculture a ordonné, pour 2000, une coupe de ces pertes de 40%, pour alléger la saignée du Trésor Public, mais aussi parce que la faillite chronique alimente les troubles sociaux dans ces régions.

Ce qui nous amène à la nouvelle du jour : China State Farms (CSF) vient de créer, avec i100, groupe Hongkongais, le site internet foodneti100.com. 100 de ses filiales vont vendre et acheter plus de 1000 de ses propres produits, bruts ou transformés. Forte de son infrastructure, de son économie d’échelle et de son expérience, la Joint venture croit pouvoir contrôler 20% du marché alimentaire chinois sur internet. China Farms ne manque pas d’audace. L’avenir tranchera.


Joint-venture : Procter and Gamble lâche ‘ Panda ‘

• Implantée à Shanghai (Minhang) avec plusieurs Joint ventures, son centre R&D et son quartier général asiatique, Rhodia ferme ses unités de production de silicone à usage BTP ( travaux publics) de Malaisie et d’Australie, tout en concentrant  la production (quelques milliers de tonnes) sur Shanghai.Les unités de conditionnement en Malaisie et Australie seront conservées.

• Comment dépasser le risque notoire d’investissements dans le grand ouest (enclavement, corruption, fuite des cerveaux) ? Le Xinjiang s’apprête à offrir à l’étranger un "tapis rouge" de 15 politiques préférentielles d’une générosité inégalée, dans ses secteurs clefs – énergie et mines, production et transformation agricole, traitement des eaux, environnement, tourisme, infrastructures.

Par exemple, tout projet agricole sera exempt de la taxe sectorielle pendant cinq ans; tout projet (tous secteurs) de + de 10 ans sera exempt de l’impôt local sur le revenu; tout projet d’infrastructure et d’intérêt public aura la gratuité du terrain; tout contrat sur plus de 20ans disposera de cinq années de gratuité du sol.

NB1 : Ce plan régional contredit un autre projet du Conseil d’État visant l’abolition de tous les paradis fiscaux locaux », pour créer un climat unique, aux conditions identiques plus conformes à l’esprit de l’OMC.

NB2 : Jiang Zemin s’apprête à demander aux provinces riches, lors du Plenum du Comité Central en octobre, d’investir plus à l’Ouest; Pékin maintiendra ses subventions et crédits à l’Ouest, déjà en place depuis fin 1999.

• En 1993, Procter&Gamble (P &G) avait acquis pour 50 ans la marque de lessive Panda, de l’Usine n°2 de Produits Hygiéniques (Pékin). Avec 43 ans d’avance, P&G rend la licence. Panda lui a été utile pour pénétrer le marché sous un nom populaire (10% du marché au début des années 1990), puis a promu « ses » marques et produits plus haut de gamme, Ariel et Tide.

NB : en faisant reposer sa progression future en Chine sur ses marques mondiales, P&G suit une stratégie opposée à celle de son concurrent Unilever, qui privilégie la création d’une image chinoise.

• Suite au rachat de Kia par Hyundai en 1999, le géant automobile coréen avait repris formellement en janvier la Joint venture chinoise de Kia à Yangcheng, avec Jiangsu Yueda (cf VdlC n°V/4).

Aujourd’hui, Hyundai consolide sa position dans la Joint venture en portant son capital de 300 à 650M$, atteignant la parité (50/50). Outre la gestion de la production, Hyundai contrôlera le réseau de vente des 150.000 véhicules (Pride) qui seront produits annuellement.

 

 


A la loupe : Marché monétaire : la Banque Populaire de Chine fait ses gammes

Les choses bougent, dans le domaine de la monnaie. Zhu Rongji va de l’avant, pour accélérer l’entrée de la "monnaie du peuple" (, renminbi) dans les circuits mondiaux – une des conditions sine qua non pour recevoir les capitaux privés à la bourse de Shanghai et Shenzhen.

En juin le 1er Ministre a interrogé J.Yam, grand argentier de la Région Administrative Spéciale (RAS), sur les suites à attendre, pour le HK$ (dollar hongkongais), de l’introduction d’un autre système de taux d’échange du yuan, à présent rivé au US$ (dollar américain), au taux de 8,3/1.

La réponse a été : "un système moins rigide d’intervention de la Banque Populaire de Chine (BPdC) offrirait à la Chine une réponse plus utile aux tendances du marché…". Pékin devrait "annoncer clairement ses objectifs" – allusion aux rumeurs officieuses de fusion des marché boursiers "A" et "B", et à la spéculation qu’elles ont déchaînées. Autre action, limitée mais au but très clair : au 21/09, les banques seront libres de fixer leurs taux aux prêts en devises, et aux dépôts supérieurs à 3M$.

Dai Xianlong par ailleurs, gouverneur de la BPdC, encourage (06/09) la création de services de prêts à court terme aux groupes de courtage – ce qui serait une des manières de recycler les fonds dormants. La BPdC cet été, a retiré pour des MM$ du marché interbancaire, pour inciter une remontée des taux et écarter un excédent monétaire, émis pour stimuler le crédit, mais que les banques stockent par peur de mauvaises dettes.

Action vue par les experts comme un "exercice pour la banque centrale, d’intervention sur un marché commercial"!

Pour la BPdC, quel prochain pas ? A bref délai, élargir, disent certains, la marge de flottaison du yuan (jusqu’à 10%). Puis, d’ici

5 ans, couper le cordon ombilical reliant le RMB (renminbi) au US$. Une évolution inéluctable, qui pourrait être précipitée par l’entrée à l’OMC. Tant les outils de la "grande muraille d’argent" sont lourds, fauteurs de distorsions et finalement pénalisants pour l’économie chinoise!

 


Argent : Métro : un feu vert aux villes?

• En 1995, pour lutter contre l’inflation et l’anarchie des investissements municipaux, le Conseil d’Etat soumettait la construction de métros à son autorisation. En 1998, puis février 2000, le moratoire était levé en faveur de six villes (Shenzhen, Nankin, Chongqing, Changchun, Wuhan et Dalian), tandis que les trois déjà titulaires d’un réseau recevaient le feu vert pour son extension. 400 km de métro devraient être achevés d’ici 2005. A présent, à en croire Hong Kong-imail, aux termes d’une circulaire de la State Development Planning Commision (SDPC), toute ville de plus d’1M d’habitants pourra se doter de son propre métro – à condition de pouvoir en assumer le financement.

Plusieurs dizaines de villes seraient concernées. Un triple intérêt en est attendu : une baisse de la pollution aérienne (nouvelle priorité nationale), une amélioration de la productivité industrielle (par l’économie des M d’heures de travail perdues en navettes quotidiennes), et le maintien d’investissements d’infrastructures, dont l’effort sera reporté du pouvoir central vers les provinces. La porte étroite se trouve au niveau du financement, en fort déficit à travers le pays: sur les six villes élues en février, Chongqing est la seule (grâce à des subventions d’ "aide à l’ouest") à avoir engagé les travaux.

• Un triangle isocèle autoroutier reliera Shanghai, Hangzhou et Ningbo à partir de 2006, après achèvement du chantier sur le point de débuter. 785M$ financeront cet axe à six voies de 40 km dont un pont de 28 km enjambant la baie de Hangzhou, entre Cixi (Ningbo) et Jiaxing. La route entre Shanghai et Ningbo en sera raccourcie de 130 km.

 


Pol : Electricité : objectif ‘vert’ !

• Pour la Chine, 13 ans de tribulations vers l’OMC touchent à leur fin. Le groupe de travail  » Chine  » du club des 137 nations marchandes siégera à Genève (13-30/09), pour tenter de rédiger le contrat final. Deux accords bilatéraux restent en souffrance avec Mexique et Suisse – qui revendique une licence d’assurances.

Le Sénat américain pour sa part, entame (04/09) le débat pour l’attribution à la Chine des « Relations Commerciales Normales« . Après le Congrès en mai 1999, le Sénat donnera sous huit jours son feu vert aux relations sino-américaine sous l’OMC, sans l’assortir de conditions de type « Droits de l’Homme », comblant ainsi le souhait de Bill Clinton, d’achever sa présidence sur ce point d’orgue asiatique.

• Au « chapitre énergie« , une mesure originale figurera au 10ème Plan (2001-05), thème du Plenum du Comité Central (fin septembre) : l’obligation pour toute province de distribuer au moins 5,5%/an d’électricité « propre« . A défaut de la produire, ils l’importeront des régions adjacentes.

Ceci stimulera ces énergies non polluantes, qui comptent pour 1,8 % seulement de l’électricité commerciale – mais pour 5,8% de la production globale : les électriciens publics ont moins la fibre verte que ceux hors – commerce.

D’autre part, permettre au Centre et à l’Ouest, pauvres en argent, riches en vent, soleil et fleuves, d’exporter leur « jus », c’est aider ces régions à rattraper leur retard de croissance, et ébrécher les monopoles locaux de l’électricité, pour le bien du consommateur : un des objectifs énergétiques du pays.

• Les émeutes de 20000 paysans fin août à Fengcheng (Jiangxi), ont causé le limogeage de la direction locale au complet, remplacée par une équipe « parachutée« . Si l’onde de ces troubles a été spécialement choqué Pékin (quoique 100000 incidents de ce type aient été comptés l’an passé), c’est qu’ils avaient lieu dans un des berceaux de la Révolution chinoise, le Soviet du Jiangxi dans les années 30.

Après ces émeutes qui auraient causé trois morts et 50 arrestations (par 2000 miliciens sont venus en renfort), plusieurs promesses auraient été faites : abolition de taxes illégales, réduction de 50% des tarifs d’électricité, crédits de reconstruction (500.000Y).

A l’origine de ce conflit, la canicule sur cette région déshéritée, et un surcroît de taxes arbitraires exigées (dixit un cadre local) « pour la survie d’entreprises rurales« .

En fait, elles entretenaient aussi un corps de ronds de cuir plus que doublé en dix ans, suite au projet national de réanimer les cellules du parti, faire respecter le planning familial et tenter d’enrayer la progression des Eglises de l’ombre et des sectes.


Temps fort : Taiwan – les 100 jours de Chen Sui-bian

(Depuis son élection en mai), "Chen Shuibian n’a fait que changer constamment de politique»…Le désarroi de ce diplomate chinois, en dit long sur le style madré du Président Taiwanais, et l’impalpable bilan de ses cent premiers jours aux affaires.

Côté taiwanais, réunis à l’invitation de Chen, une fraction des partis de l’île, a préconisé de revenir au principe d’une seule Chine (abandonnant la théorie des «deux Etats» par l’ex Président Lee, inacceptable pour Pékin).

Constatant la poursuite du blocage, Taiwan a gardé ses restrictions aux investissements sur le Continent.

Chen (02/09) a réitéré son offre de dialogue, mais de remettre la question de la réunification à " 30 à 50 ans ". Il a aussi déclaré que l’unification n’était pas "la seule solution envisageable"(d’où l’accusation chinoise de « trahison »).

Côté chinois, Pékin préparerait, dit China Times (Taibei) un " Centre de Recherche Chine – Taiwan ", émanation du Bureau des affaires taiwanaises, au personnel de 60 universitaires et experts, qui devrait servir d’outil n°1 de conseil au pouvoir central.

Serait à l’étude, selon d’autres sources, un Conseil National de Sécurité, inspiré des Etats Unis, reprenant les compétences de tous les ministères et organes concernés – Politbureau compris. Présidé par Jiang, il deviendrait l’organe exécutif en matière de défense et incorporerait, à la sécurité conventionnelle, des éléments nouveaux, tels la sécurité économique, militaire ou informatique.

Il n’est pas évident qu’un tel projet se concrétise, vu les bouleversements qu’il imposera dans l’organisation de la défense chinoise.

Il montre en tout cas une volonté de reprendre l’initiative – la patience de Pékin a des limites, et sa détermination est entière, d’empêcher Taibei de reporter cette partie, à l’usure.

 


Petit Peuple : Les silences du gagnant

• Qui n’a vu dans une ville chinoise, ces Santana ou Fukang rutilantes, momifiées de rouge comme paquet cadeau – gros lot de la loterie du lieu? Bravant l’austérité maoïste, ce plaisir sulfureux a conquis un nombre colossal de foyers, en combinant l’excitation du jeu à la chance d’une fortune immédiate, pour une mise infime (5à 10Y).

Supposément au service des bonnes oeuvres, la loterie permet en fait la fraude de promoteurs peu scrupuleux – une nouvelle loi est en discussion. Aléa plus délicat : la réaction face au gagnant, au sein d’un peuple jusqu’à hier habitué à tout partager. A Chengdu (Sichuan), Mme Wang, encore jeune, avait gagné 5MY, et s’en était vantée : mal lui en a pris !

Entre les boniments doucereux de la bouchère et les quémandages du voisin de pallier, elle a dû prêter (à jamais) 10% du chèque en un mois, et finalement s’enfuir sans laisser d’adresse avec son mari, quittant travail, logement et même le magot, que de dégoût, elle cède à l’état.

Plus dessalées, Lu et Tian, commères de Shenyang (Liaoning) et Pékin, viennent d’empocher 2,6MY et 5MY, et tiennent leur langue. Les 3 enfants chômeurs de l’une, le fils lycéen de l’autre ne sauront rien : l’oisiveté est mère de tous les vices – et trop parler cuit.

 


Rendez-vous : Salon de l’Environnement ‘Asia-Invest’

• 11 – 14 septembre, Pékin : Salon Environnement rencontres entreprises sino-européennes dans le cadre du programme de l’Union Européenne Asia-Invest, offrant des fonds aux entreprises dans ses projets de partenariat en Chine : http://www.asia-invest.com

• 12 – 15 septembre, Pékin : Salon de l’industrie pharmamaceutique