Le Vent de la Chine Numéro 20
Les trois calamités les plus redoutées en Chine, sont arrivées ensemble.
De longs mois de sécheresse ont brûlé des milliers de km² de blé au Nord. Puis (31/ 05),les pluies sont revenues sous forme de tornades d’Est en Ouest, du Jiangsu au Gansu, déversant 300mm en 12h à Quanqiao (Anhui), causant les 1ères crues (rivière Jialing) et déjà (au 7/06) 74 morts (Gansu, Sichuan), 20MUSD de dégâts et 1345 foyers détruits. Enfin, les sauterelles infestant 160.000ha dans le Henan, atteignent Hebei et Shandong.
Comme si ces fléaux ne suffisaient pas, la Chine a aussi vécu un tremblement de terre (force 5,9, l6/06, Gansu), un envasement du Yangtzé (500Mt limon/an, au delta), une invasion des termites entre Shanghai, Beihai et Wuhan, sans parler de records de pollution: poussant Zhu Rongji à donner l’alarme à la TV (dimanche 4/06) : « la pollution est assez sérieuse…et pas encore sous contrôle« !
Cette série noire de fléaux justifie à elle seule, plus qu’un vote au Politbureau, le fait que l’environnement soit devenu cet été, de facto, la politique prioritaire de l’Etat, qui y investissait, dès 1999, 10MMUSD – 1% du PNB. Sont en jeu, pas seulement le bien être de la population, mais la croissance : 20 villes du Guangdong, faute de stations d’épuration, commencent à manquer d’eau industrielle et d’électricité.
La presse devient loquace : en 1999, par rapport à 1998, toutes les émissions de pollution aérienne (industrielles et domestiques) se sont aggravées, à 14Mt (poussières) et 21Mt (dioxyde de souffre, du charbon). 40% des villes (137) outrepasseraient les « objectifs moyens nationaux ».
Tout cela est connu depuis longtemps, mais à présent, l’heure est à l’action. La NEPA, agence nationale de protection de l’environnement semble avoir obtenu carte blanche. Symboliquement dans Pékin, le 5/06 (Journée mondiale de l’environnement), 25 usines (ciment, verre, aliments) ont été fermées, 13 autres taxées, « par surprise » (du jamais vu en Chine). Parmi celles à l’amende, Tianyuan, marque très connue de conserves en saumure. Le message est clair : pas d’exception. A travers le pays, 7300 PME, 491 Grandes Entreprises d’Etat ont reçu l’ultimatum : polluer moins d’ici fin décembre, ou fermer. 202000 autres auraient atteint la 1ère phase de réduction exigée par l’État.
Par crainte de déstabilisation, et pour raisons techniques, Pékin a reporté à plus tard son plan en 26 mesures pour rationner l’eau des habitants.
Les réserves actuelles équivalent à 300m3 par ht/an (1/8ème de la moyenne nationale). L’objectif d’ici 2002 est de limiter la consommation à 130l/j par habitant, quitte à taxer lourdement tout dépassement. Pour cette année, on vise, pour la consommation des foyers, une économie de 1,5Mm3 soit 125 litres de moins par personne. L’essentiel des économies devra venir des industries et de l’agriculture. Toutes catégories confondues, l’économie visée dans Pékin sous trois ans, sera de 360Mm3.
Au niveau national, 2 autres plans apparaissent. L’un d’urgence: pour face aux inondations, si la sauvegarde du réseau l’exige, les 16M de colons ayant occupé les bassins naturels d’écoulement, sur 34000km², seront évacués et remboursés (max. 70%) pour leur logement et récoltes perdues (2Mha) – permettant de stocker 97MM m3 de crues.
L’autre, à long terme, et aux difficultés techniques phénoménales, confirme le démarrage prioritaire du canal Yangtzé-Fleuve Jaune-Pékin, sur 1200km, avec 300 ouvrages de génie civil. Trois tracés ont été approuvés, prélevant l’eau sur les cours haut, central et bas du Yangtzé. Les tronçons Centre et Est peuvent être construits immédiatement, dit Pékin, par les techniques actuelles.
Annoncé au début de l’année, le programme d’encouragement des groupes miniers étrangers dans l’Ouest, a été présenté le 31 /05, après sept mois d’expérimentation en province du Yunnan.
Tout groupe étranger peut recevoir du Ministère du Sol et des Ressources Minières une licence de prospection, sans obligation de partenariat local; à l’exception du pétrole, du gaz, et de l’uranium, les permis aux étrangers seront délivrés localement; la licence d’exploration sera abolie la 1ere année, et moitié prix les deux suivantes; les firmes assumant la chaîne intégrée de valorisation du produit minier ou qui y coopèrent avec des Grandes Entreprises d’Etat, obtiendront d’autres incitations. Par exemple, le traitement des déchets de minerais, de minerais pauvres ou la paragenès assureront l’exemption partielle (50 à 100%) du droit d’affranchissement", c’est à dire de non-livraison à l’État.
NB : dès cette phase expérimentale, ce programme connaît ses premiers clients : Vega-Atlantic Corporation, pour 7,5MUSD, ouvre trois Joint Ventures d’exploration / exploitation au Yunnan : Lemachang (argent), Ailaoshang (or) et Luziyuan (zinc).
Quoique située au milieu d’un gisement d’anthracite parmi les plus purs du monde, la mine de Shizuishan (Ningxia), survivait entre Charybde (550 salaires impayés depuis des lustres) et Scylla (le veto gouvernemental à la faillite).
Vingt cinq mois de négociations viennent de lui rendre une nouvelle vie. Pour un investissement total de 23MUSD, le norvégien Elkem rachète (7/06) terrain et équipement (mais pas la dette), et débauche 350 mineurs moyennant 3 ans de formation. L’IFC, bras commercial de la Banque Mondiale, fournit les deux tiers du capital dont 1,7 MUSD en prise de capital (20,7%) et 12,3M en prêts. La nouvelle usine produira 55000t/an de carbone protecteur d’électrodes, converti par électrolyse.
L’OMC et l’habileté tactique du Président Chen Shuibian ont induit une inflexion douce, perceptible dans l’approche chinoise de la question taïwanaise. La rhétorique belliqueuse fait place à des mots d’ordre comme " wait and see ".
Pékin est consciente de l’urgence de "vendre l’OMC" à des provinces et ministères frileux, qui voient l’avenir dans un arsenal nouveau de barrières non tarifaires.
Avec l’étranger désormais "dans les murs", il s’agit d’accélérer la réforme des Grandes Entreprises d’Etat, la constitution de groupes financiers/boursiers compétitifs. Les milieux proches du Conseil d’Etat prêchent inlassablement que "l’agressivité (envers Taiwan) serait contre productive, et gâcherait des années de travail d’intégration au marché international".
De Taibei, Chen tend la main, offre un dialogue "n’excluant aucun thème", et – pour commencer- le rétablissement de liaisons directes entre la Chine et deux îlots, Matsu et Qinmen.
A Pékin, on parle certes toujours de maintenir la pression sur les milieux d’affaires taiwanais (exiger d’eux l’acceptation du principe d’"une seule Chine"). Mais la question est bien en l’air : "Faut il négocier avec Chen?" Même les faucons envisagent désormais de"retirer le poing pour mieux le bander" (de renoncer provisoirement aux pressions quasi-militaires). Jiang Zemin, sur la question, serait pour l’instant modéré.
Sur tous ces points, la décision sera prise au conclave balnéaire de Beidaihe après le 10 août.
Retenons le changement d’approche entre l’ancien Président taiwanais et le nouveau.
Fidèle au principe nationaliste des trois "Non" à la Chine, Lee Tenghui, voulait éviter tout contact avec les "bandits communistes"(sic).
Chen veut "aider (par l’exemple démocratique taiwanais, NDLR), le grand voisin à apprendre ses responsabilités de grande
nation " : on entre dans un nouveau registre. Chen a compris qu’une "politique d’engagement", comme celle des Etats-Unis, valait mieux qu’un isolement aux conséquences incalculables.
On n’avait plus vu cela depuis 1990. En mai, les investissements publics ont chuté de 1,2% sur 12 mois à Pékin.
Faute de crédits, de janvier à mai, la mairie n’a fourni que 15% des 4,2MM USD budgétisés pour 2000.
Conséquence, seuls 26 des 50 projets-clefs au programme sont lancés. D’autres, comme les lignes de métro n°5 et n°8 et une centrale d’épuration stagnent entre "planning" et "design". Quant au chantier de l’autoroute Pékin-Kaiyuan, il est reporté "d’au moins deux mois", avec un trou budgétaire de 11MUSD.
Après la Guangdong Development Bank (GDB) et la China International Trust and Investment Corporation (CITIC), la banque Industrial and Commercial Bank of China émet (6/06) sa 1ere "vraie" carte de crédit.
La carte "Peony" permet à son titulaire de retirer jusqu’à 6000USD sans intérêts pour 25 jours. Avec ce service, disparaît un des deux handicaps à l’utilisation de cet outil: jusqu’à présent, les cartes de "retrait" ne permettaient de retirer que son propre argent. L’autre handicap, l’absence de clearing permettant à toute banque d’émettre toute carte et à tout commerçant de les accepter, prendra plus de temps à résoudre.
Signe encourageant : American Express, qui détient 40% du marché étranger des cartes de crédit en Chine, veut installer à Pékin en juillet son nouveau quartier général.
China Telecom (CT), la branche "ligne fixe" et "internet" de l’ex-monopole d’Etat, indépendante depuis avril 1999, se porte bien, à la tête de 95% du marché intérieur.
De janvier à mai, son chiffre d’affaires, 6,5MMUSD, a monté de 18%. China Telecom se prépare à la concurrence, notamment d’Unicom – dont le hongkongais Hutchison s’apprête à acheter pour 8 à 10% (400MUSD) des parts, mises en vente (21/ 06) en bourse de New York. Les tarifs internationaux de CT devraient baisser jusqu’à 50%, sa taxe de base locale passera de trois à une minute. Il est question d’éliminer la taxe de raccordement, et le leasing d’éléments de réseaux, circuits ou canaux, à prix "démocratiques" est également le chemin.
Une fraction de la junte birmane (le Général Maung Aye, n°2, et neuf ministres) effectue (6-12/06) un sommet informel avec
le gouvernement chinois : occasion pour Pékin de réactualiser ses coopérations avec son allié privilégié en Asie du Sud-Est.
La Chine maintient en Birmanie une base navale sur l’Océan Indien. Un accord de répression du trafic des stupéfiants et de la criminalité transfrontalière a été conclu.
Cela bouge en Chine dans le domaine de la défense missile et antimissile.
Pékin et Washington ont convenus, la semaine dernière, de reprendre en août les négociations sur le contrôle de ce type d’armement. Ceci, alors que les Etats-Unis préparent le déploiement au-dessus de l’Asie de leur parapluie spatial antimissile TMD (Theater Missile Defense), et revendiquent à cet effet l’amendement du traité ABM (Anti-Ballistic Missile) de 1972.
Ces préparatifs diplomatiques de la Chine s’effectuent en concertation étroite avec le russe Vladimir Putin, attendu à Shanghai
par Jiang Zemin mi-juillet. De son côté le Pentagone croit à l’imminence d’un test chinois du missile balistique intercontinental DongFeng-31.
Dans sa croisade contre la corruption, le Parti engage une lutte qui ne manquera pas de frapper l’opinion publique : celle contre le golf. Les hauts cadres qui pratiquent ce délassement de luxe n’ont pas les moyens salariaux d’acquitter l’abonnement en dizaines de milliers de dollars par an. La carte de membre fait partie des privilèges couramment offerts aux fonctionnaires et officiers supérieurs -en remerciement de services, rendus ou à rendre.
Le plus célèbre des golfeurs chinois est Zhao Ziyang, ancien Secrétaire Général, en disgrâce feutrée depuis 1989.
Par son envergure exceptionnelle (1000 exposants, 23 pays, 400 modèles), le salon de Pékin se veut celui de la relance, pour redonner du coeur au ventre à un marché en surproduction (700.000 voitures attendues en 2000, 3M en 2005, pour seulement +2,2% de ventes sur 12 mois).
Pékin vient d’abolir 238 taxes régionales, locales, voire nationales. Parmi celles ci, des taxes d’inspection (Pékin), d’inscription (Canton, Hebei), de revente (Shanghai), de permis (Henan, Shandong), d’amélioration des routes (Hubei)…
Le "cadeau" de l’État aux acheteurs (et par rebond, aux constructeurs) est de 1,75MMUSD!
Parmi les modèles (made in China) exposés, la tendance haut de gamme est encore présente avec la Passat (29.500USD) de Volkswagen, n°1 national (50% du marché), qui compte sur elle pour inverser l’érosion de ses ventes de -6% (à 116.000 unités depuis janvier).Volkswagen veut investir 1,5MMUSD à moyen terme, pour rester n°1 sur chaque segment de marché.
Le créneau tout terrain amorce son renforcement avec la Blazer, que General Motors (investissement total: 1,5MMUSD) sortira en 2001 des chaînes de sa nouvelle Joint Venture à Shenyang (50/ 50, 230M USD). L’autre géant américain, Beijing Jeep (Joint Venture à 42% de Chrysler) prépare sa Heroic, relève de la Cherokee en perte de vitesse (21000 unités vendues en 1999, -30%).
La tendance forte du salon est au petit modèle compact : Kia /Yueda (Joint Venture Corée/ Jiangsu), et Geely (Zhejiang, seul groupe privé chinois) annoncent des modèles à 11000 et 7000USD. Toyota facturera le sien 12000 USD (encore sans nom- cf VDLC n°19).
Enfin, Ford croit obtenir en 2000 sa licence "voitures". Le 3ème groupe US a 6 Joint Ventures en Chine et 30% de Jiangling, son partenaire dans le montage du bus et camion Transit, dont il construira 8000 cette année, +70%. Encore secret, le partenaire serait déjà choisi.
A 7 ans, Ping Ping, qui habite chez ses grands-parents à Renshou (Sichuan), est sans doute un des seuls en Chine à ignorer où se trouve son papa, Wang Wei. Sa mère, Hu Yuhua, il le sait, est à Pékin, à la tête du restaurant familial.
Comme tant d’autres avant eux, Wang et Hu étaient montés en 1995 à la capitale, attirés par ses néons et l’espoir de faire fortune. Elle leur avait souri, et leur guinguette de yuxiangrousi (porc épicé en lamelles) et autres piquantes spécialités de leur province, marchait. Jusqu’à cette nuit d’été 1998, où Yuhua, retournant de la salle, tomba dans leur chambre, sur son mari en hauts talons, outrageusement maquillé, le corps moulé d’une de ses robes.
Et il parla : A présent affranchi des besoins matériels, il entendait réaliser le rêve de sa vie : devenir femme.
Croyant à une lubie de son mari – après tout il lui avait fait un fils – Yuhua refusa, mais toléra qu’il se travestisse entre les murs de leur habitacle. Jusqu’à neuf mois plus tard, où de guerre lasse, elle l’accompagna à Chengdu pour l’opération de chirurgie transsexuelle.
En cadeau d’adieu après le divorce, "elle" lui laissa le restaurant et refit sa vie à Canton – comme coiffeuse. Voilà pourquoi personne, dans Chengdu, n’ose dire au petit Ping Ping qu’il n’a plus de père, mais deux mamans.
Chengdu encore, vit dans la pénurie d’une matière rare et chère : le travail.
Le 30 mai dès l’aube, une foule hagarde de 152 personnes jouaient des coudes aux portes de la mairie, attendant dans l’angoisse les résultats d’une offre de postes à pourvoir. Le succès de l’appel pouvait surprendre, vu sa nature insolite : étaient recherchés dix concessionnaires de latrines en différents points de la métropole, moyennant une patente de 850Y à 3300Y/mois selon emplacement.
D’une voix de stentor un crieur énonça la liste des 10 heureux élus.
Parmi eux, des étudiants en doctorat, un patron d’entreprise publique (ruinée), une hôtesse de l’air, tous ravis de leur bonne fortune et préparant déjà leur stratégie d’investissement : rénovation (faïence, douches, cireur public), kiosque à journaux, à eau de Cologne, à peignes, à papier hygiénique, à bonbons, lacets, sans parler du téléphone public… Promesse d’affaires inépuisables!
L’hôtesse de l’air est particulièrement aux anges : quinze jours en l’air, quinze jours dame-pipi – mois bien rempli !
11-13 juin : Li Peng en visite en Yougoslavie
13 juin-5 juillet HK, Pékin, Shanghai, Wuhan, Canton et Chengdu : Séminaire E-entreprise modèle
15 juin, Harbin : Foire Internationale