Le Vent de la Chine Numéro 33

du 28 septembre au 4 octobre 1997

Editorial : 1er octobre Fête Nationale : une apogée chinoise ?

Marchés riches de produits rares, rues enturbannées de calicots rouges et de fanions…

Jamais peut-être Pékin n’a abordé avec autant de faste une fête nationale comme celle de ce 1er octobre (48ème du nom). Li Peng et Zhu Rongji viennent de se présenter à Hong Kong au Gotha de la Finance mondiale, auréolés des acquis du 15. Congrès (du courage de s’attaquer à la réforme des E.E (Entreprise d’Etat), seul obstacle apparent à la poursuite de la croissance), avec en prime un message sympathique aux investisseurs (cf article ci-dessous).

La rétrocession de HongKong s’est passée mieux que quiconque eût pu en rêver jusqu’à présent, pas d’interférence grossière dans les affaires de la RAS.

Le renvoi à plus tard de la Réforme Politique, et la disparition dans les instances suprêmes de leur avocat Qiao Shi n’ont guère causé de larmes – ni lui, ni elle n’étaient nécessaires à la construction économique…

Ailleurs, à New York, la Chine se présente en arbitre de la réforme de l’ONU (Org des Nations Unies), favorable à l’entrée de l’Allemagne au Conseil de Sécurité. Aussi candidat, le Japon n’a pas cette chance -Pékin déteste le Pacte de défense qu’il vient de renouveler avec les USA.

Enfin, Washington et Pékin multiplient les préparatifs pour la visite le 28 oct. de Jiang Zemin à la Maison Blanche (1ère fois pour un Présidant de la RPC), suggérant l’un et l’autre l’espoir d’un spectaculaire (quoiqu’au fond peu crédible) rapprochement

Tous ces succès systématiquement montés en épingle, cachent bien sûr des problèmes, telle l’émergence d’une classe de nouveaux pauvres et de chômeurs, avec leurs séries croissantes de manifestations et grèves parfois violentes. Mais ils imposent cette impression: première Jiang Zemin, dans ses premiers jours, est celle d’une Chine en pleine ascension en dehors, en pleine croissance en dedans, pas encore rattrapée par les responsabilités d’un État riche et fort… Donc d’une Chine socialiste à son apogée!

 


A la loupe : … ET ZHU ‘QUI RIT’ !

Ceci est une allusion à de forts crédits «gelés» à la Banque Mondiale, en attente d’une séparation réelle entre Entreprises d’Etat et leurs ministères de tutelle: 300 MUSD, rien que dans les chemins de fer

Dans le rôle du Mécène, Zhu Rongji:

1. sans dates, il annonce le retour partiel des exemptions de taxes à l’import des biens d’équipement, dont la suppression en avril 1997 avait entraîné la chute des investissements étrangers de 43%;

2. nouvelle tranche de réduction de taxes aux imports de biens de consommation (cf p2);

3. dans le domaine des services, licences imminentes pour des assurances britanniques et australiennes;

4. sur l’entrée de la Chine à l’OMC, il prédit un accord avec les USA, entre les Présidents Jiang et Clinton…

Face à un tel show, d’autres sujets ont pâti, tels les féroces échanges entre le financier G. Soros et le1er Malais Mahatir Mohamad: c’était décidément le jour de la Chine, ce qui n’aura étonné aucun Chinois -le pays se trouvant dans sa  (ben ming nian), l’année de son signe astral!

 


Joint-venture : La Chine paie 9,5MMUSD l’or noir Kazakh

• A Hong Kong, la BM (Banque Mondiale) confirme: si ses prêts «soft» se tariront vers la Chine après 1999,  ce pays restera son 1er client pour les prêts commerciaux: 2,5 à 3MMUSD/an jusqu’en l’an 2000, comme depuis 1992 – prêts qui devraient aller dans davantage de projets sociaux : éducation, santé, et lutte contre la pauvreté au Centre et à l’Ouest.

• La liste des 4874 produits concernés par des réductions de taxes à l’import, est publiée: baisse moyenne de 6% (partant de 23%). automobile: baisse de 20% (partant de 100%); postes TV= baisse de 5 à 15% (partant de 50%). Liste complète en anglais, disponible à China Daily 250USD-, fax 6491 8211.

• Du remous dans les banques: Banco Commercial Português ouvre un bureau à Canton, BNP déplace son siège Asie (Représentant: M. Didier Balme) de Hong Kong à Pékin. Dresdner Bank annonce une JV dans le secteur des valeurs boursières (Securities), et Deutsche Bank, encore meurtrie par ses pertes en Thaïlande, parle de « renforcer sa présence en Chine » (ouverture de nouvelles agences).

• Le retour des équipements «hors-taxes» pour étrangers en Chine, ne concernera que la haute technologie: télécoms, semi-conducteurs plus qu’automobile, Erikson (dont la Chine devient le 1er marché mondial, avec 2MMUSD de vente cette année) plus que Chrysler!

• Contrat géant signé par Li Peng au Kazakhstan : 9,5MMUSD (payés par Pékin) pour s’assurer les réserves locales de pétrole et gaz. La Chine bat sur ce terrain Amoco. 3 projets: un pipeline de 3000 km à construire en 5 ans (démarrage immédiat du chantier), de l’Ouest Kazakh jusqu’au Xinjiang; un autre pipeline de 250 km, de désenclavement vers l’Iran (là, c’est la Russie que Kazakhs et Chinois battent ensemble, puisque le pétrole kazakh n’est plus condamné à passer par le pipeline russe), et l’exploitation du gisement occidental de Uzen, 200 Mt de réserves prouvées.

 


A la loupe : SOMMET FMI : LI ‘QUI PLEURE’…

Les gouverneurs du FMI (Fonds Monétaire International) et de la Banque Mondiale avaient choisi Hong Kong comme siège de leur meeting: histoire de vérifier, trois mois plus tard, l’application du principe «un pays, deux systèmes». Cela eût pu être, pour Pékin, l’occasion de se voir «cuisiner» par un pointilleux jury d’examen!

Mais la Chine, non sans habileté, a su inverser les termes de l’équation. Le tandem Li Peng / Zhu Rongji, actuel et (probable) futur 1ers Ministres, a fait une prestation sans fau-te, alternant les rôles, avec tous les effets voulus pour emporter la confiance des 4000 grands de ce monde, banquiers, ministres et présidents.

Dans le rôle du Commandeur, Li Peng réclame pour la Chine:

1. sa part des 90 MM USD (+45%) de ressources neuves du FMI (elle en reçoit aujourd’hui 4,66 MM, soit 2,33%);

2. la fin des«disparités globales» du jeu monétaire au détriment des PVD (Pékin ne renonce pas à son rôle traditionnel de «phare du Tiers-monde»), et surtout,

3. une «dépolitisation de la Banque Mondiale, notamment en affaires de lutte anti-corruption»: la Banque devrait payer d’une manière «unitaire», «objective».

 


Argent : FMI : 25 règles de ‘surveillance mutuelle’

• A Hong Kong, le club des Banques Centrales se dote de 25 «règles» pour enrayer la spéculation sur les monnaies des PVD (Pays en voie de Développement).

Principe actif: plus de pouvoirs (vis-à-vis des Etats propriétaires des planches à billets), pour les Banques Centrales et les organes de supervision (telle en Chine, la Commission de Supervision Boursière).

Résultat «énorme», selon m. E. Meister, du directoire de la Bundesbank. Par contre, le Fonds monétaire international (FMI) comme la Banque Mondiale ont rejeté la demande des pays asiatiques (présentée par le Japon), de créer un fonds de 100 MMUSD, pour soutenir les monnaies locales: ce fonds existe déjà (FMI), et le seul remède au mal consiste en une «surveillance régionale mutuelle». La spéculation sur le bath thaï, le ringgit malais etc., n’étant que le révélateur du laxisme de leurs responsables!

• La croissance zéro des prix de marché au 1er semestre, (inflation = 1,8%!), se paie: les industries tournent à 70%-parfois 50%, les invendus montent, le revenu urbain n’a cru que de 2,2% (contre 9% au PIB)!

• Pour janvier-août, la PICC, assurance nationale, annonce une hausse de 92% (par rapport à 1996) de sa collecte de primes: 1,1MMY. Résultats qui reflètent ceux de l’ensemble du secteur.

• L’essence sans plomb arrive juste à temps à Canton: les véhicules y brûlent 1M t de carburant plombé/an: les Cantonais ont inhalé, en 10 ans, 330t de plomb pur! «Aux USA», tonne la NEPA (Agence Nationale pour l’Environnement), «cela s’appelle une crise de saturnisme généralisé».

• 1ère licence de distribution d’électricité à North China Power, pour Pékin, Tianjin et le Hebei. L’ensemble du pays sera ainsi loti d’ici fin 1997. Démarche qui devrait aboutir à l’interconnexion «presque totale» des réseaux d’ici 2020; et à l’entrée dans la distribution, de l’étranger.

• Pression à la hausse sur le Yuan: la Chine compte trop de billets verts…

En décembre 1996, le surplus était de 9MMUSD (comptes courants), 40 MM (compte capital).

La BPdC (Banque Populaire de Chine), rachète tant qu’elle peut, afin de protéger ses exportateurs. Taux au vendredi 26: 100USD=828,51Y. La BPdC annonce déjà une réévaluation «limitée»!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Pol : Pékin : la fièvre des voyages!

• Pékin a la fièvre des voyages: semaine passée, au meeting du FMI (Fonds Monétaire International), Zhu Rongji rencontre les Ministres des Finances du Groupe des 7.

Qian Qichen à Washington, pour la 52. Assemblée plénière de l’ONU (Organisation des Nations Unies), voit Madeleine Albright, les 15 ministres «Affaires Etrangères» de l’Union Européenne, le premier ministre Indien I.K. Gujral, ainsi que divers collègues Mexique, Chili, Cap Vert… Wu Yi, elle, est à Tokyo (Conseil Europe Asie), Li Peng au Kazakhstan!

• Pékin préparerait en secret, unilatéralement une «loi fondamentale», un «drapeau», une «monnaie» pour sa future «RAS taiwanaise». A présenter en 1999, pour réunification en 2010!

• 121 500 camarades expulsés du Parti, en 5 ans, pour corruption, et au total 670 000 «blâmés» ou autrement punis  «En ’96, le nombre de fraudes pour des montants dépassant 2000 Y, a chuté de 15% », affirme un vice ministre: la Chine serait en train de gagner sa guerre contre la corruption.

De même, un haut cadre affiche un succès dans la prévention des crimes, suite aux confiscations massives d’armes à feu en 1996 (240 000 calibres divers, et 800 ateliers et officines fermés): moins 48% de crimes de sang, de jan. à mai – moins 51% pour les hold ups, moins 59% pour les viols armés.

• Fin de l’adjudication de la semaine passée (cf VDLC 32): les aciers profilés de Canton ont été adjugés à la «concurrence» locale, une autre aciérie d’État – en dépit de la présence de 11 autres candidats repreneurs, dont des étrangers.

Le prix est resté proche de l’offre de départ: 50MY pile. Tous les ouvriers sont congédiés: ils seront prioritaires sur la liste des ayant droits.

N°2: les créanciers, pour 90 MY (ils pourraient donc toucher 30% au mieux de leur créance). Il est vrai que tout ce jeu, en dépit des apparences, reste très «Etat»: dettes et avoirs « tournent en rond » sans changer de poche!


Temps fort : Un nouveau produit de consommation chinois: LADY DI!

Au début, la mort de Lady Di fut ignorée par la presse. Dans ce pays où l’accident mortel fait partie du décor, on ne voyait pas trop pourquoi traiter celui de la princesse, autrement qu’en fait divers! Et puis, comment expliquer au peuple cette sulfureuse saga d’amour libre, de fortunes colossales et d’aristocrates?

72 h après, le Quotidien du Peuple donnait l’interprétation politiquement juste: Lady Di n’était qu’une «femme sans défense, livrée à la meute ivre de profits de la presse occidentale»!

Coup de génie, non par l’idéologie (qui fait bailler tout le monde), mais au second degré, par le feu vert donné à la presse pour s’emparer du sujet: 15 jours plus tard, pas moins de 3 hebdos féministes publient en «Une» le portrait de la célèbre disparue, et abreuvent à longueur d’épisodes, la soif inextinguible de millions de lectrices chinoises sur sa destinée tragique et romantique.

Ce que cette histoire frivole a à faire dans une newsletter économique? Elle démonte avec clarté le cheminement (les étapes mentales) des concepteurs, censeurs et opérateurs, face à l’apparition d’un produit, d’une idée ou d’un service non made in China:

1. l’incompréhension,

2. le silence en attendant l’approbation des autorités,

3. (si celle-ci a eu lieu), un temps de latence et

4. la ruée de tous pour se l’approprier!

 


Petit Peuple : Gansu :de trop faciles suspects…

• A Wuwei (Gansu) en 1992, 3 jeunes drogués avaient fait des suspects en or pour le meurtre d’un employé.

Après 4 mois, ils avaient fini par avouer– la police s’était auto-récompensée par 40 promotions. Mais en mars 1993, les choses se gâtèrent, les trosi renièrent leur confession. Nonobstant, le tribunal local les condamne à mort, mais celui provincial casse le procès, exige une nouvelle enquête… La police se terre, y compris en sept. 1994, quand les vrais meurtriers sont pris à Guilin (Guangxi): les trois malheureux sont restés à l’ombre jusqu’en janvier 1995. Par contre, tout dans cette triste affaire n’est pas négatif :

1. le 11 juillet 1997, les policiers ayant torturé ces 3 jeunes, ont été jugés et condamnés;

2. c’est la presse locale qui a éclairé tout ce dossier: c’est, pour certains secteurs du régime, un âge d’or qui s’achève!

• La mairie de Pékin a fini par identifier une dangereuse source de pollution de cette métropole parmi les moins salubres du monde: non les usines, ni le charbon des ménages, mais les milliers d’échoppes de restauration ambulante, en particulier les rôtisseurs de  (yang rou chuan’r, brochettes du Xinjiang, de mouton au cumin). Désormais, ces bouibouis familiaux devront se doter d’une hotte filtrante (chose impossible, la totalité du «restaurant» tenant sur le plateau de bambou d’un tricycle – pas d’électricité), ou disparaître. Il faut dire que ces métiers tenus à 100% par des gens venus des provinces, non déclarés, ne paient pas de taxes (sauf au policier qui les inspecte), et pouvaient souffrir d’une hygiène aléatoire ou abriter une faune en cavale… C’est ainsi que Pékin vit l’étape franchie 10 ans plus tôt par Manille, Bangkok et Jakarta: la fin des métiers de rue!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Rendez-vous : Meeting au sommet : pauvreté, chômage

• 30 septembre : dernier délai à Taiwan, pour déclarer les investissements secrets en Chine.

• Mi-octobre, Pékin:réunion au sommet, gouverneurs provinciaux, Wu Bangguo (Patron national des industries), Zhu Rongji, pour définir des solutions au problème de la nouvelle pauvreté et du chômage (fermetures de Entreprise d’Etat).