Le Vent de la Chine Numéro 28

du 30 au 6 juillet 1996

Editorial : Hong Kong – Jour J moins 365 !

Ce lundi a ouvert la dernière année de protectorat britannique pour Hong Kong.

Tumultueux tournant pour cette neuvième puissance commerciale, 1ère place financière au monde, par où passe 40% des capitaux étrangers vers la Chine.

Déçu de perdre ce fleuron, le Royaume Uni exprime ses doutes sur la capacité -la volonté- chinoise à maintenir l’outil en état. Inquiet pour sa survie, le régime socialiste soupçonne Londres de lui « miner le terrain » par son système parlementaire démocratique de dernière minute. Déboussolée, la population attend en silence, feignant de croire que tout ira bien. La Chine multiplie les annonces maladroites (telle celle aux Hongkongais de passeport étranger, de devoir choisir en 1997 : la citoyenneté hongkongaise ou la protection diplomatique – Pékin ne reconnaissant pas la double nationalité)…

Pourtant, dans ce dossier, tout n’est pas sombre : la Chine, très nuancée, multiplie aussi les promesses, à propos des partis d’opposition (qui devraient continuer à exister et participer aux élections de 1998, avec des circonscriptions « bricolées » pour gommer leur actuel avantage), des caisses de la ville, de la liberté de presse… Pékin semble vouloir éviter à tout prix, avec sa future Région Administrative Spéciale (RAS), un climat détestable qui ruinerait ses chances de réintégrer pacifiquement, plus tard, Taiwan… Tout ceci trahissant une division au sein du Parti, entre conservateurs qui  veulent contenir  la « mauvaise influence »individualiste de Hong Kong, et rêvent de rendre à Shanghai sa 1ère position asiatique usurpée par Hong Kong, et libéraux qui ont foi en la vocation complémentaire de HK avec le reste du pays…

Enfin, Hong Kong, en rentrant dans le giron chinois en 1997, devra de plus en plus être perçue comme sous-ensemble d’une région plus large,: le Delta de la Rivière des perles, (Zhujiang), espace le plus développé et  riche du pays. Le Vent de la Chine est fier de présenter à ses lecteurs  Hong Kong, Macao et Zhongshan (Canton), sommets de ce triangle promis au plus haut avenir!

 


A la loupe : ZHONGSHAN, AFFAIRE QUI MARCHE!

Dans cette zone forcément riche de la Rivière des Perles (croulant sous la verdure, l’eau et le soleil), Zhongshan  porte les signes opulents de la Chine dans sa meilleure forme : Mercedes et chapeau de paille, bicyclettes et téléphone cellulaire, hortillonnages de tabac, houblon, fruits et maraîchers pour Hong Kong et Macao voisines. Hôtels «4 ¶», restaurants et bureaux aux lignes audacieuses sortent de la terre jaune. Les seuls problèmes étant drogue et prostitution : des 110 dealers exécutés mercredi à travers le pays, 3 l’ont été à Zhongshan !

La ville (200 000 habitants) s’étale à toute vitesse à travers la campagne (1 m d’hts, dans les frontières de Zhongshan):sous l’effet des centaines de J.V. qui continuent à s’y implanter, malgré le niveau, peu compétitif de salaire de Canton, jusqu’à 3000 Y par ouvrier. C’est que comparativement honnête: ni taxes outrancières, ni «racket» comme souvent ailleurs. En fait, Zhongshan, et sa province semblent avoir mûri et appris plus vite que d’autres, l’avantage à long terme à jouer le jeu avec ses partenaires étrangers.

Parmi les groupes présents à Zhongshan, Péchiney qui y tient 2 J.V., l’une d’emballages alimentaires (feuille plastic/alu), l’autre, Cebal, d’aérosols (alu) pour la cosmétique chinoise. Cette dernière inaugurait ce W.E. sa 3ième ligne de production. Objectif total : 70 m d’aérosols, et les 2/3 du marché. Une affaire qui marche!

 

 


Joint-venture : Elf-Atochem : 300m USD de projets signés

Ø Après cinq ans, et 5 m $ investis (+ 2,3m$ en fonds locaux), le système par satellite de prévention des inondations de la C.E.E. -la Communauté européenne- entre en action à Shanghai. L’Europe a fourni hard- et software (en vol et à terre), la Chine a assuré la réhabilitation du réseau de dérivation et d’écrêtement des pointes.

Ø Alors que Pékin baisse ses tarifs douaniers (moins 50% d’ici 1998), la CEE augmente les quotas d’importation chinois : +10% pour le verre, +5% pour les céramiques et les porcelaines, 2% pour la chaussure (ce dernier produit faisant l’objet d’une procédure anti-dumping).

Ø Shenzhen (Province de Canton), ville la plus « Occidentale » en pratiques commerciales, veut ouvrir à l’étranger son marché des tour operators, de l’acheminement du fret et des grandes surfaces. Pour briser le monopole de l’Etat, il lui faut d’abord convaincre Pékin!

ØKFC Kentucky Fried Chicken (groupe Pepsi),  80 m $ de profits en ’95 avec ses 100 débits de poulet frit, veut « battre le fer » en X4 ses avoirs en 24 mois. Quant au marchand de beignets Dunkin‘ Doughnut, il ouvre sa 10ième friteuse dans la capitale.

Ø Elf Atochem tourne la page de l’ex-projet (abandonné en oct 1995 par sa maison mère Elf-Aquitaine), de raffinerie de 2,5 mm $ à Shanghai : accord avec le Ministère de l’Industrie Chimique pour 300 m $  (production de PVC et autres produits chimiques), en plus de ses 6 J.V. déjà existantes, pour 100 m $. Comme la plupart des grands groupes en Chine, Elf s’apprête à créer une holding, afin de coordonner toutes ses activités en Chine.

Ø après ses déboires en Chine, Boeing devrait bientôt voir le vent tourner. Longtemps reporté, le projet de vente porterait sur 3 mm US$, pour cinq 747, dix 777 (le nouveau modèle) et vingt-cinq 737. Boeing compte bien préserver ses 70% du marché chinois. Pendant ce temps, Airbus poursuit ses négociations pour l’avion de 100 places, et les 2 groupes restent au coude à coude. Symptomatiquement, le 1er Min Li Peng recevait lundi, le Président de Boeing F.Shrontz et mardi, J. Pierson, Pdt d’Airbus.

Ø200 projets (dont 10 d’infrastructures urbaines) publiés par la ville de Langfang (Hebei), à mi-chemin entre Tianjin et Pékin.


A la loupe : MACAO-1, BOURGEON SUR UNE RUINE

Avec ses « ruas » baroques, grandioses ou lépreuses, et ses petits restaurants de « bacalhau », Macao est le fruit de cinq siècles de présence latine et jésuite en Chine, petit paradis de 400 000 âmes cantonaises et portugaises s’ignorant bénignement, vivant des recettes des 9 casinos (700 m de US $ en ’95).

Plus pour longtemps : en attendant le grand retour en 1999, plus une décision ne se prend à Macao sans l’aval de l’agence Xinhua.

Les « mauvaises habitudes » se renforcent, raison inavouable des 8 m de touristes hongkongais et chinois par an : la prostitution et les jeux d’ argent, sous la ‘roulette’ du magnat Stanley Ho.

Trait de caractère : Lisbonne a insisté pour faire inscrire dans le traité de restitution, la promesse de maintenir vivante la langue portugaise. Sans illusion, pourtant, puisque presque tous les 20 000 lusophones retourneront au pays!

Une spéculation foncière effrénée depuis 3 ans, fait regagner des centaines d’hectares sur la mer, lotis en milliers de tours : 50 000 appartements vides (pas chers!), destinés aux Hongkongais, dont on espère l’exode massif, à la moindre maladresse de Pékin.

Les investissements viennent de Canton (Banque de Chine), et plus récemment, de Taiwan (qui ne veut pas laisser aux seuls Chinois socialistes la main libre sur cette zone stratégique). Si les clients viennent, Macao, la minuscule enclave, en l’an 2000, aura un million d’habitants -mais y aura t’il encore la bacalhau?

 

 


Argent : Les projets agro-alimentaires de l’Anhui

Ø Comment, lorsqu’on est une province pauvre à 83% rurale, accrocher son wagon au train de la croissance? En misant sur ce qu’on a!

La province du Anhui, 55 m habitants, veut développer ses entreprises rurales, les cultures intensives, la filière agro-alimentaire. Dans cette perspective, les projets étrangers sont les bienvenus : ils sont déjà 1000 à l’avoir compris!

Ø Feu vert pour la ligne 2 du métro de Shanghai (de Shanghai Ouest à Pudong), à construire d’ici 1999. Investissement : 1,27 m $, portés par Shanghai (mairie, districts) et l’Etat allemand. Dès cette année, un tronçon de la ligne 1, Jinjiang-Xinzhuang devrait être ouvert, suivi en 1998 par la ligne de métro aérien de Minhang.

 


Pol : Li Peng à Hanoi : 8.Congrès du Parti Communiste Vietnamien

Ø Thèmes de la nouvelle campagne « pro-Deng Xiaoping », succédant à la campagne « anti-Deng Xiaoping » des 18 derniers mois : panégyrique des « grandes inventions » de Deng, qui ont relevé la Chine entre 1980 et 1990: « l’émancipation des esprits », la « responsabilité déléguée » et le principe « 1 pays 2 systèmes » (pour récupérer Taiwan et HK), ainsi que -et surtout- l’inoubliable concept du socialisme « aux couleurs de la Chine »!

Ø Au Sommet de Florence, les 15 chefs d’Etat et de Gouvernement ont approuvé le projet de la Commission Européenne, de politique à long terme vis-à-vis de la Chine.

Suite à la « foucade » de Pékin envers le gouvernement allemand, les 15 ont insisté plus que prévu sur le thème des droits de l’homme en Chine.

Ø Li Peng en visite à Hanoi pour le 8 ième Congrès du Parti communiste vietnamien.

Première visite d’un 1er Ministre chinois depuis 1992, et il y tient un discours. Visite qui expose l’ambiguïté des rapports entre les 2 pays : le Viet Nam redoute la Chine, après sa tentative ratée de « leçon » militaire en 1979), et qui revendique la totalité de sa zone des 200 mille en mer de Chine.

Mais le Parti communiste vietnamien, en quête d’avenir comme le chinois, s’élève violemment contre l’influence étrangère, l’esprit bourgeois libéral etc… Une alliance de survie, entre deux dinosaures!

 

 


Temps fort : HONG KONG,JOUR J-365 : LA PEUR RENTREE

Hong Kong, jour « J » moins 365… Les embruns du changement sont déjà sur la ville. Il y a 8 jours, Pékin interdit à Hong Kong d’imposer la ceinture obligatoire à ses chauffeurs de bus : le règlement devait prendre effet au 1er juillet ’97, jour du passage sous la loi chinoise… Cette semaine encore, Sir Christopher Patten, le pourtant combatif Gouverneur, renonce pour la 1ère fois, faute de l’accord de Pékin, à lancer un projet d’infrastructure crucial pour l’avenir (une liaison ferroviaire de 75 mm $)…

Rien ne peut plus cacher la vacance de pouvoir : Hong Kong, entre deux maîtres, n’est plus gouvernée! Dans les rues terrassées de chaleur humide, Jackie Chan, depuis 15 ans gérant d’une agence de voyage, se dit confiant en l’avenir : « pour moi, le business continue… » Yip, le lunetier, pense de même: « Nous travaillons de plus en plus pour des clients de Pékin… » Même Ricky Chan, petit dealer en CD-rom illicites, affirme d’un sourire mince: « tant que la Chine me fournira, je vendrai – le marché est bon« … Et pourtant, derrière les faces optimistes, affleure la nervosité. « Plutôt une tension« , dit ce banquier, vieux hongkongais d’adoption, « voire la colère… Obligés de plier le dos, ils s’estiment maltraités ‘ce ne sont pas des manières d’agir’, disent-ils entre eux… En face, Pékin n’aime pas spécialement la contestation, et on ne voit pas pourquoi elle prendrait des gants et traiterait HK mieux que ses propres provinces ». La cohabitation ne sera pas commode »!

Dans ces conditions, pourquoi ne voit-on pas ce rush hors de Hong Kong, annoncé depuis des lunes? « Parce que, précise le même homme, les gens qui s’exilent ne trouvent pas de travail dans le Nouveau Monde, et retournent sans le sou : ça décourage… Les choses sont donc claires : Hongkongais et leur ville ont leur destin lié, pour le meilleur et pour le pire!

 

 


Petit Peuple : Le parapluie qui rend fidèle!

Ø Pauvreté : 300 m de chinois vivent à moins d’1US$/ jour (chiffres Banque Mondiale) : une des menaces à la stabilité du pays tient à cet échec, jusqu’à présent, à répartir la richesse -au contraire, en ’95, dans les 35 plus grandes villes, l’écart riches-pauvres a quadruplé.

Ø Sur 2.000 familles interrogées pour 1 sondage, 46% voient la désintégration inévitable du Parti communiste chinois si la corruption n’est pas enrayée, tandis que 31% pensent qu’elle causera des heurts au sein même de la société -les laissés pour compte de la croissance acceptant de moins en moins le népotisme des grandes familles du Régime.

Ø Qu’est-ce qui fait courir les jeunes chinois? Pas forcément la même chose, suivant les tranches d’âge… Avant 25 ans, c’est la carrière.

De 25 à 29, l’amour ou plutôt, un bon mariage;

A 30 ans, la réponse (sincère?) est une « contribution personnelle dans la société ». Presque tous (93%) se rejoignent pour donner priorité à l’amitié; un sur 5 manie un ordinateur tous les jours, et près de 40% pratiquent un sport.

Ø Vu à la TV : le parapluie-qui-rend-fidèle!

Avec la saison des pluies, bien des ménagères sorties faire leurs courses, sont surprises par la trombe : astucieux, plusieurs grands magasins de Pékin, prêtent un « riflard » aux étourdies -au risque de ne plus le revoir. Comme toutes les grandes villes, Pékin commence à souffrir d’un suréquipement en grands magasins, et dans ce pays  qui découvre la publicité, tous les coups sont permis.

 

 


Rendez-vous : Juillet : NEPA – Conférence nationale de l’environnement

ØShenyang (Liaoning) : Juillet 1996 Shenyang-Japan Industry & Technology Exhibition (avec Jetro, l’organisation nippone du commerce extérieur.

Ø Pékin-juillet : conférence nationale de la NEPA (association nationale pour la protection de l’environnement).

Problème : beaucoup de lois récentes, pas encore assez appliquées. Sans aller jusqu’à rêver imposer la création d’une « police verte » souveraine,  la NEPA espère une hausse des dépenses nationales d’environnement : 1.5% du PNB d’ici 5 ans, au lieu du 1% de l’an passé.

Ø 4 au 8 juillet: J.L. Beffa,  de St Gobain à Pékin.  (Vendredi 5, déjeuner Chambre de Commerce, au China World Hotel)

Ø 1er juillet : le train à double étage Pékin-Qinhuangdao (et surtout Beidaihe, la station balnéaire des grands du régime) passe à 140 km/h /moyenne. Gain= 1 h. sur l’ancien train.