Le Vent de la Chine Numéro 38

du 24 novembre au 7 décembre 2013

Editorial : La fièvre spéculatrice du Bitcoin en Chine

Une nouvelle fièvre spéculatrice s’empare de la Chine : chaque jour 40.000 internautes créent un compte pour acheter et vendre des Bitcoins (比特币, bǐtèbì), monnaie virtuelle, sur laquelle ils spéculent.

Mais qu’est-ce que le Bitcoin ? Il aurait été inventé en 2008, entre Japon, Finlande et USA, par un collectif d’informaticiens, sous le pseudo de Satoshi Nakamoto. Il permet des transferts financiers de particulier à particulier à travers le monde, contournant ainsi tous contrôles publics et banques centrales. La technique est radicalement innovante : pour transférer un Bitcoin, il n’y a ni banque, ni carte de crédit (pas de frais bancaires, Visa ou MasterCard) et les transactions sont vérifiables à tout moment. Après avoir acheté des crédits Bitcoins, une personne peut les envoyer à une autre pour achat, prêt… 

Tout échange, pour être effectif, doit être validé par 5 à 6 informaticiens : au moyen d’un programme mathématique, ils créent (ou utilisent) un algorithme qui garantit que le payeur est solvable, et surtout que le montant en Bitcoins n’a pas déjà été utilisé ailleurs. 

D’autre part, les Bitcoins sont limités à 21 millions, soit le nombre total des algorithmes possibles, et ne sont pas inventés, mais découverts. De la sorte, chaque algorithme est unique, et par définition, infalsifiable. 

Ainsi, le 20 novembre, environ 12 millions de Bitcoins étaient en circulation (valeur totale de 7 milliards de $). Mais même s’il n’existait qu’un seul Bitcoin, tout le monde pourrait en avoir une part, car le Bitcoin est divisible. 

Pour les Chinois, le Bitcoin est plus qu’avantageux : il leur permet de franchir la « grande muraille monétaire » et les contrôles très sévères qui les forçaient jusqu’à présent à placer leur épargne à taux très bas, ou à la peu fiable bourse locale. Avec le Bitcoin, ils découvrent qu’ils peuvent sortir leur argent du pays sans contrôle, en payant seulement une taxe de change de maximum 1% à l’arrivée – le tout, à la barbe des contrôleurs fiscaux. On peut donc prévoir dans un futur proche un raz-de-marée de Bitcoins chinois vers les Etats-Unis.

Pourtant, l’affaire est loin d’être sans risque. En effet, la valeur du Bitcoin est basée sur l’offre et la demande, et fluctue sans cesse : entre le 19 et le 20 novembre, du fait des achats et ventes frénétiques des Chinois, le Bitcoin passait de 800 à 470 US$ l’unité, après une brève escapade à 1100$ (un record) ! Indice du long chemin qui lui reste à faire pour faire ses preuves comme monnaie fiable… 
Autre dérive : en octobre aux Etats-Unis, la CIA démantelait la « Silk Road », portail de Bitcoins utilisé par des trafiquants de drogue et d’armes pour blanchir leur argent sale.

On aurait donc dû s’attendre à voir Pékin chercher à réprimer cette monnaie concurrente, fermer ses plateformes d’échanges, emprisonner ses « mineurs » (ces informaticiens à la recherche des fameux algorithmes). Or, selon un haut cadre à la Banque Populaire de Chine, il n’en est rien. Les autorités voient le Bitcoin d’un œil assez favorable. Selon eux, le Bitcoin fait quelque chose que l’Etat cherche lui aussi à réaliser. Il permet aux particuliers de se prêter de l’argent là où les banques se font rares, dans les campagnes par exemple – vers l’étranger, le Tiers-Monde où la Chine redéploye ses industries et services. 

Autre argument de poids : en soutenant cette monnaie dont elle détient déjà la moitié de la masse, la Chine pourrait supplanter le dollar, et les Etats-Unis comme première puissance monétaire mondiale.

Li Xiaolai, célèbre millionnaire chinois en Bitcoin, assure que : « le destin du Bitcoin est lié à son adoption par un nombre suffisant de personnes pour pouvoir payer ses factures avec. Le Bitcoin ne remplacera pas la monnaie fiduciaire mais reste pour l’instant une parfaite valeur de spéculation ».

On voit pourtant des signes de reconnaissance du Bitcoin comme monnaie à part entière : à Pékin, Baidu qui contrôle 80% de la recherche en ligne du pays, se met à accepter le Bitcoin en paiement de ses services (tout comme la plateforme américaine d’achat en ligne Amazon, avant lui) . He Daxiong, Président de Shanda Tiandi (important groupe immobilier shanghaïen) se fait une belle publicité en annonçant qu’il accepterait le Bitcoin en paiement de ses appartements.

Selon Li Xiaolai, « le danger pour les gouvernements, tient dans le fait que les transactions en Bitcoins ne sont pas taxées, et que si le Bitcoin devient très utilisé, cela résultera à une chute des revenus des impôts ».

Mais rendre le Bitcoin illégal et traquer ses utilisateurs à travers le monde entier, semble impossible. Ainsi, les pouvoirs publics avancent doucement vers un encadrement de cette monnaie, qui passe d’abord par sa reconnaissance.

Justement, le 18 novembre, le Bitcoin vient de recevoir le soutien du Sénat américain, qui l’a reconnu potentiellement comme « moyen légitime d’échange » – tout comme l’Allemagne dès août dernier (Berlin regorge d’ailleurs de restaurants acceptant les paiements en Bitcoin). 

Aussi, la Banque Centrale Chinoise, se gardant de trancher, attend de voir comment les puissances vont réagir, et à terme, comment réglementer le Bitcoin pour prévenir les dérapages…  


Environnement : COP 19 à Varsovie – La lutte anti-réchauffement, entre typhon et jeux de pouvoir

À Varsovie du 11 au 22 novembre, le COP 19, 19ème meeting de l’ONU contre le changement climatique, était un bon indicateur de ce que peuvent donner des négociations entre 190 pays pour se répartir des efforts contraignants de coupes d’émissions de CO2 (synonymes de fermetures d’usines obsolètes), à travers une planète économiquement au creux de la vague. 

La Chine a, plus que jamais, stigmatisé l’Occident, ralliant à sa cause le Tiers-Monde, tout en occultant sa pollution galopante. En 2013, elle émet autant de CO² que l’Europe des 28 (7 tonnes par habitant), mais sa production s’alourdit de 5% par an, tandis que celle de l’UE baisse de 2%. Ce qui n’a empêché la délégation chinoise d’orchestrer (21/11) la sortie des délégués de 132 pays, « dégoutés » du refus des pays riches de payer 30 milliards de $ par an pour la décarbonisation de leurs économies. Ces pays développés avaient réuni 10 milliards $, en période de récession. Autre litige, les pays en voie de développement exigeaient leur dû sans condition, mais l’Ouest souhaite voir les projets qu’il financera, les approuver, voire les contrôler. 

A Varsovie, la Chine a dévoilé une aura sans précédent, très entourée du groupe des 77 pays et régions en développement. Xie Zhenhua, négociateur, se faisait applaudir en déclarant aux Occidentaux : « nous croyons appartenir au camp des faibles ». Tandis que Su Wei, autre ténor, fustigeait l’Union Européenne sur ses projets de réduction d’émissions, l’accusant de « manquer totalement d’ambition ». Pourtant, les Européens sont parmi les seuls à avoir tenu parole, réduisant leurs émissions de 18% depuis 1990, et étant en passe d’atteindre les 20% promis pour 2020. 

Si la Chine semble en train de gagner la bataille de l’opinion, c’est qu’elle est armée d’une longue série d’atouts. Œ 

– On voit à Varsovie bon nombre de pays en voie de développement, qui n’ont pas dépassé le sentiment négatif de l’ère coloniale, et se sentent une solidarité de passé avec Pékin.
– Cette communauté de destin est renforcée par les projets titanesques promis, voire réalisés par la Chine, dans le cadre de son expansion d’industrie et d’infrastructures à travers les 5 continents. L’Afrique vient de se voir assurer de « 1000 milliards $ d’investissements en 12 ans ». L’Europe, à l’inverse, n’a pas ces moyens. Ž 
- Au COP 19, Australie, Canada et Japon ont reculé sur leurs promesses passées, donnant un mauvais exemple. Invoquant Fukushima, Tokyo renonce à réduire ses émissions de 25%, et ne vise plus qu’une mitigation de +3% d’ici 2020. 
– Le dramatique typhon Haiyan sur les Philippines est présenté – à tort, disent les scientifiques – comme « un effet du train de vie des pays riches ». Aussi, même la grève de la faim du délégué philippin, joue en faveur de la campagne chinoise, bien que Manille soit ces jours-ci loin d’être en bons termes avec Pékin. 
– Enfin, il faut bien le reconnaître, la Chine est en matière d’environnement le pays qui va le plus loin et le plus vite, surtout après son 3ème Plénum : elle va ouvrir, d’ici fin décembre, 7 bourses carbone à travers son territoire, elle va renforcer le rôle du marché dans la distribution de l’énergie et de l’eau. Elle annonce aussi l’abandon du principe d’une course aveugle à la hausse du PIB.

Enfin, ce COP 19 confirme que tous ces pays jouent – sans négocier vraiment. Entre divers pays pauvres et délégués écologiques, on discuta beaucoup, mais le vrai débat était ailleurs, en coulisse, entre ces économies majeures comme Etats-Unis et Chine, qui jouent la montre pour retarder le plus longtemps possible les coupes contraignantes de leurs émissions. Les concessions auront lieu –si jamais– au COP 21 à Paris, en 2015. D’ici là, rien ne bouge…

Légende photo : les débats au COP 19, illustrés par un observateur désabusé : « it’s agreed we launch in-depth negociations to set in train fresh talks progressing the agenda for a new summit to agree to launch  in-depth negociations to set in train fresh talks progressing… »


Politique : 3ème Plenum : vol au-dessus d’un nid de réformes

Les jours suivant le 3ème Plenum du Comité Central, la majorité des observateurs (à quelques exceptions, dont Le Vent de la Chine)
exprimaient leur déception face à des résultats qui semblaient en deçà des espérances. 

Puis 3 jours après, le 15 novembre, parut le plan de réforme complet en 60 points, qui changea la donne, présentant certaines avancées, et permettant surtout d’évaluer leurs implications d’ici 2022… En voici les points essentiels.

Retrouvez notre analyse complète sur ce crucial 3ème Plenum dans notre prochain supplément de l’étude « Xi Jinping, la nouvelle ère ». Commandez dès à présent !

3eme PlenumXi Jinping assume tranquillement la paternité du plan de réforme : il affirme sa capacité à négocier le tournant d’une gouvernance nouvelle, en reprenant une partie des pouvoirs des institutions-tours d’ivoire en place (NDRC, CMC, SASAC…). 

Hier, Xi se présentait en héritier de Mao Zedong, le voici sacré « fils de Deng Xiaoping », qui obtient auprès de l’opinion un second état de grâce : par l’espoir de rééquilibrage social et de relance économique d’ici 2022.
28 très hauts cadres iront dans les provinces, hérauts du paquet de réformes, pour l’expliquer, écouter les critiques et ainsi, isoler les adversaires. 

Le Comité National de Sécurité : Il faudra suivre de près ce futur organe suprême, qui aura le dernier mot sur la conduite du Parti, de l’APL, de la justice, police et sécurité d’Etat – sur tout en fait, sauf sur l’économie. 
Il devra :  coordonner les corps de l’Etat – faire passer la réforme contre les intérêts lobbyistes; ‚ prévenir les dérapages internationaux (mer de Chine, Sud-Est du Tibet) ou intérieurs (émeutes ethniques, manifestations anti-pollution, corruption, scandales alimentaires, faillites et licenciements massifs); ƒ prévenir d’éventuelles menaces sur la légalité constitutionnelle (récemment, un homme tout-puissant, Zhou Yongkang, aurait pu lancer 1,5 million de policiers en armes pour installer Bo Xilai à la tête du régime). Tout cela revient à recréer un exécutif fort, aux mains de Xi Jinping. 

Finance : la clé de voute de la réforme boursière, sera le passage de valeurs « approuvées » à des valeurs « enregistrées ».
Sans besoin de piston, toute firme candidate pourra lancer ses titres, une fois le cahier des charges respecté. Autrement dit, la bourse chinoise quitte un système manipulé (empire de délits d’initiés), pour les normes internationales. Ce qui suppose des amendements de loi, et bien des résistances d’intérêts cachés, hostiles au désengagement du Parti dans la bourse. 

Ce tournant était en fait préparé depuis 2012, par le blocage de toute nouvelle introduction pour forcer les candidats et la tutelle à réévaluer l’exactitude des données soumises.
Xi Jinping promet aussi d’en finir avec l’intervention sur le cours du yuan, et la fixation d’un plafond aux taux d’intérêt des banques (à des dates et selon des étapes non précisées). D’ici fin 2014, il mettra les statistiques aux normes mondiales. Ceci aidera à réévaluer le logement privé (en vue de l’introduction d’une taxe foncière, destinée à compenser les provinces pour leur abandon des expropriations comme levier budgétaire), le revenu paysan, et les stock-options.
Au bénéfice des zones franches, une base de données des emprunts individuels verra le jour, complétant celle existante sur l’endettement des entreprises.

Tian An Men

Sur les entreprises d’Etat, la réforme est modeste, mais significative.
Celles-ci sauvent leur statut de pilier stratégique (accès au crédit, aux terrains, impôts quasi nuls, monopole sur leur marché). Mais elles devront s’entrouvrir au privé et à l’étranger – même dans la finance, les télécoms, l’énergie. Surtout, elles devront fonctionner à égalité d’accès en bourse, accès au même taux d’intérêt, aux mêmes lots de terrain et, pour leurs employés, l’octroi des mêmes stock-options.
Ce cadre nouveau change instantanément les décisions d’affaires : la banque de développement (CDB) ajourne le lancement d’une obligation de routine, destinée à financer ses prêts aux provinces – la rémunération trop généreuse qu’elle devrait offrir, lui aurait fait risquer des pertes. 

Dans au moins un cas, les grands gagnants de la réforme sont les consortia pétroliers. Pour les aider à tenir les délais de passage aux carburants propres (de 2014 à 2018 pour l’essence et le diesel, du standard III aux standards IV et V), le Conseil d’Etat a toléré (23/09) des hausses de tarifs très supérieures aux surcoûts de raffinage. 

Planning familial : après 40 ans, le principe d’« un enfant par couple » voit le début de la fin.
Si un des deux parents est fils unique (ce qui est presque toujours le cas en ville), ils peuvent avoir un deuxième enfant, une fois le système validé par la province. A Canton, deux-tiers des parents seraient intéressés, mais une fraction d’entre eux avouent devoir renoncer vu le coût de la scolarité et le déficit déjà criant en crèches. L’influx de naissances attendu représente 1 million par an nationalement, dont 100.000 dans le Guangdong, et risque d’augmenter les frais pour les parents, à un niveau insoutenable. 

Judiciaire : Xi Jinping ouvre une brèche dans ce fief imprenable du Parti.
Concession apparente, il confie au niveau provincial les budgets des 3.500 tribunaux et les nominations des 200.000 juges, renforçant ainsi le pouvoir local. Mais c’est pour mieux réaffirmer le principe d’indépendance des juges, et pour limiter le champ d’action du « comité d’adjudication » : le juge seul responsable, doit préparer seul son verdict.
En outre, comme promis en janvier par Meng Jiangzhu, chef de la Sécurité publique, les camps de rééducation par le travail (劳改所, láogǎi suǒ) sont abolis – mais rien n’est dit sur ce qui leur succédera.
Enfin, concernant la prévention de la corruption, le Comité Central propose aux cadres des logements de fonction durant leur mandat, et la constitution d’un fichier national des biens privés – y compris donc, ceux des apparatchiks.
Enfin, dans l’ensemble, le climat d’ouverture est tel que Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix, ose réclamer depuis sa prison une révision de sa condamnation à 11 ans pour « subversion ». 

Des zones d’ombre : parmi les objections au plan de réformes du Plenum, l’une se distingue par sa pertinence.
Succédant à des décennies de sevrage du crédit aux PME, une ouverture massive ne va-t-elle pas faire plus de mal que de bien ?
Parmi les 42 millions de PME assurant 69% du PIB et 80% de l’emploi, bon nombre sont en très mauvais état, antiques, polluantes, dangereuses, à un niveau très bas de formation et de technologie propre. D’autres PME, propriétés des communes, ont un peu plus de savoir-faire, mais leurs secteurs sont en telle surproduction (solaire, acier, chantiers navals), que l’Etat va devoir la résorber, causant de lourdes pertes d’emplois pour permettre aux survivantes de renouer avec le profit. Injecter du crédit à telles firmes, ne fera rien pour assainir le secteur. 

Autre souci : la bulle immobilière, dont même de grands groupes fonciers se mettent à redouter l’éclatement, du fait de la multiplication de bâtiments neufs et déserts à travers le pays. 

D’où la question de l’économiste Andy Xie : dès lors que le crédit cesse d’irriguer les conglomérats et les infrastructures qui tiraient traditionnellement la croissance, l’économie peut-elle éviter un atterrissage brutal ? Le tandem Xi jinping – Li Keqiang aura bien besoin de doigté pour éviter l’accident de parcours, en cette mer agitée.


Investissements : Zones Franches – après Shanghai, au tour de Canton

La zone franche est un outil majeur, politique autant qu’économique, de la réforme de Xi Jinping et Li Keqiang, destinée à démontrer aux sceptiques qu’une gouvernance inclusive (l’abandon de l’ingérence du Parti dans les affaires) apporte un plus en terme de croissance. Shanghai (cf photo) a obtenu ce statut en éclaireur le 29 septembre 2013, et croyait pouvoir en garder le monopole trois ans. 

Mais Canton se démène, sous l’action de son jeune secrétaire Hu Chunhua (50 ans, cf portrait dans notre étude), un des successeurs pressenti de Xi Jinping en 2022. Lou Jiwei, ministre des Finances, vient d’annoncer que les baisses d’impôt ne feraient pas partie de la pa-noplie des incitatifs à l’investissement dans les zones franches. 

Dans sa future zone franche à Qianhai, Hu Chunhua recherche une approche jamais vue en Chine : la création d’un « environnement d’affaires souriant à l’étranger». Dans cet espace confiné régnerait une loi inspirée de celle de Hong Kong et de Macao – que la zone engloberait en partie (cf Vent de la Chine n°30). La province doit en outre recevoir 672 milliards de ¥ d’ici 2018 en zones industrielles et cités satellites. 

Pour commencer, 55 projets sont annoncés le 21/11, proposés à l’investissement privé : quartiers résidentiels, retraitement des eaux, écoles, énergies renouvelables, y compris une liaison ferrée entre port et aéroport, à travers la zone de Nansha – pour un total de 140 milliards de ¥ d’investissements privés attendus.

La zone de Canton serait déjà « verbalement » approuvée par Pékin. Derrière, sur les starting blocs, piaffent Tianjin et Xiamen !


Aviation : Décollage imminent pour jets privés…

Jet Privé Falcon 20Par un simple communiqué conjoint du 21/11, APL (l’armée chinoise) et CAAC (l’Administration civile chinoise) montrent que l’esprit du 3ème Plenum agit jusque dans les airs. 

A compter du 1er décembre 2013, l’armée de l’air renonce purement et simplement à contrôler l’espace aérien pour les vols civils (hors vols de lignes et charters réguliers). 

Un lourd carcan disparaît, qui inhibait le développement de l’aviation privée depuis 1949. Pour les compagnies d’avions-taxis et les magnats possédant leur propre appareil, il fallait déposer un plan de vol auprès des autorités militaires, qui répondaient quand elles le souhaitaient, dans l’arbitraire le plus total. Les formalités étaient lourdes, et sans garantie de réussite.
Désormais, disent les professionnels, 70% de la paperasserie disparaît, et avec cette libéralisation, le nombre d’appareils civils, de 1.200 aujourd’hui, devrait atteindre 10.000 d’ici 2020 – contre 220.000 aux USA.

Certes, des limites importantes demeurent : la libération ne s’étend pas aux vols vers l’étranger, vers Hong Kong, vers toute « zone sensible » et pour des pilotes étrangers.
De même, cette règle va bientôt se heurter à des contraintes techniques : pas assez d’aéroports, de balises VOR, de contrôleurs aériens…

Aussi, pour bénéficier de cette liberté, les pilotes devront disposer d’une carte des routes aériennes réellement disponibles, et d’une loi du transport aérien qui leur permette de se défendre face à une armée habituée à régner. 

Mais même ainsi, c’est une étape historique, dans la dérégulation de l’espace aérien chinois.


Petit Peuple : Kunming – Gong Kangyi et les tigres volants

Un beau dimanche de 1999, voulant offrir à ses parents un cadeau du temps de leur jeunesse, Gong Kangyi, 23 ans, flânait aux puces de Zhangguanying (Kunming) quand il tomba sur un tas de vieux machins kakis américains. Comment ces reliques de la seconde guerre mondiale pouvaient-elles se trouver là – qu’est-ce que l’US Army pouvait bien avoir à faire au Yunnan ?

Il tomba en arrêt devant une gamelle en inox cabossée, estampée « US-1943 ». Il l’étudia sous toutes les coutures et l’acquit pour 100¥ : il était déjà pris par le virus de l’histoire, nouveau sens de sa vie. Dorénavant, chaque jour, il en découvrirait un peu plus sur la présence à Kunming des « Tigres Volants », escadrilles du Général Claire Lee Chennault, venues défendre la Chine contre l’invasion japonaise. 

Dès 1940, pour protéger l’allié sans agresser de front le Mikado (n’étant alors pas en état de guerre), Roosevelt finançait secrètement cent pilotes, entre Kunming et la Birmanie. Bientôt, ils allaient être célèbres, à bord de leurs chasseurs P-40 aux museaux décorés de dents de tigres. En deux années d’existence, avant d’être refondues dans l’US Air Force, leurs 3 escadrilles de mercenaires auraient descendu plus d’une centaine d’appareils nippons. Pour diriger ce corps, Chennault était l’homme idéal, ayant servi, dès 1937, de conseiller militaire à Chiang Kaicheck, et ayant ouvert en 1940 à Kunming une école d’aviation de combat devant servir de base logisti-que aux opérations des Tigres. 

En 2000, Kangyi dut interrompre son enquête pour faire trois ans de service militaire. 

A peine libéré, une fois recruté comme technicien à la CCTV locale, il se plongea de plus belle dans sa passion, hantant les marchés, les antiquaires pour acheter à tout va, tout ce qu’il trouvait sur cette tranche d’histoire, sur les routes aériennes et la route terrestre Hump entre Chine et Asie du Sud-Est.
Il était si passionné que même en vacances, il fréquentait les sites révolutionnaires et de lutte antinippone, occasion d’aller chiner d’autres reliques de cette époque troublée. 

Déjà un peu fouillis, son appartement regorgeait d’objets. Dans cet espace de 140m² une collection hétéroclite de vieilleries rouillées s’accumule, appareils photos, émetteurs radio, ancêtres de magnétophones, revolvers et bazookas, mortiers et holsters, casques, le fameux bonnet de cuir des aviateurs, des dizaines de blousons (dont celui de Charles Senior, un des as des Tigres Volants), des bannières d’escadrons comme celui des Hell’s Angels, des cartes d’aviation, des photos… Sa pièce maitresse est l’uniforme de Chennault en personne. Pour l’acquérir, à 12 000$ au bas mot, il a dû faire des heures supplémentaires. 

Au total, ce sont 20.000 objets qu’entre ses malles, vitrines et armoires, Kangyi empile contre ses murs et dans sa chambrette, convertie en QG de place forte aérienne des années 1940 en temps de guerre. 

Côté financier, Kangyi était plutôt bien loti avec un bon salaire et une famille aisée. Mais avec ses emplettes déraisonnables, il vit presque chichement, ayant en 10 ans dépensé un million de yuans, vendu un appartement et emprunté à ses parents. 

Pourquoi tout cela ? Comme il l’avoue lui-même, « je collectionne la guerre, pour faire la paix. Quand je touche du doigt ces témoignages grippés de rouille du passé, cela me fait frissonner. J’ai l’impression de prendre le pouls du temps, et mon âme est saisie par la main de l’histoire »…
Cette année à 37 ans, cédant enfin à la prière des parents, Gong Kangyi a fini par se marier – sans grande conviction. 

Ces derniers temps, dit-on, il aurait un grand rêve. Depuis 1942, au fond du lac Dianchi à Kunming, repose un chasseur P-40 presque complet, protégé de l’érosion par 2,5m de boue. C’est un parmi les 30 appareils qui s’abîmèrent en ce lac, sous les shrapnels de la DCA ennemie. Des fouilles en 2005 ont permis de constater que le chasseur était en assez bon état – assez sans doute pour être réparé, voire même pour reprendre l’air… Kangyi rêverait d’en être !

En attendant, son objectif est beaucoup plus concret : créer dans sa ville un musée privé de la résistance. Pour arracher aux limbes de l’oubli le souvenir des chevaliers du ciel, venus du bout du monde libérer son pays et ne redoutant rien, « ni franchir l’eau bouillante, ni traverser le feu » (赴汤蹈火,fùtāng dǎohuǒ).


Chiffres de la semaine : 16.999 sanctions, 26 à Pékin et 19 à Shanghai…

16.999 : c’est le nombre de fonctionnaires sanctionnés depuis la mise en marche de la campagne anti-corruption de Xi Jinping, lancée en décembre 2012.

26 à Pékin, 19 à Shanghai, et 16 à Shenzhen : c’est le nombre de milliardaires en $, installés dans chaque ville. La Chine héberge 157 milliardaires sur son sol, soit 10 de plus qu’en 2012, et est la seconde terre d’accueil après les Etats-Unis. 

Notons que 90% des milliardaires en Chine sont des entrepreneurs, et qu’ils sont plus jeunes que la moyenne mondiale. Par contre, leurs secteurs de prédilections sont tout ce qu’il y a de plus « banal » : les nouvelles technologies et la finance…

En photo, à gauche, Wang Jianlin classé n°1 national (14,1 milliards de $ – Dalian Wanda), à droite, Jack Ma, n°8 (7,1 milliards de $ – Alibaba).


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 25 novembre au 8 décembre 2013
Rendez-vous de la semaine du 25 novembre au 8 décembre 2013

20-22 novembre : Shanghai: Salon des matières isolantes et d’économie d’énérgie

22-24 novembre : Shanghai : Money Fair International Expo

26-28 novembre : Shanghai : China International Building hardware Fair

2-6 décembre, Pékin : Water Expo, Salon de l’Eau

3-6 décembre, Shanghai : Marintech China, Salon et conférence de l’industrie maritime

3-6 décembre, Shanghai : Label Expo Asia

9-12 décembre, Pékin : Intersolar Asia, Salon sur les énergies photovoltaïques et thermiques