Le Vent de la Chine Numéro 9

du 14 au 20 mars 2011

Editorial : Pour une place au soleil, entrechats au Plenum

Dernièrement, en marge du Plenum de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) se succèdent des incidents en mer de Chine.

Le 29/02, Hanoi dénonce des exercices navals chinois tenus 5 jours plus tôt. Le 03/03, deux avions «Y-8» chinois de reconnaissance frôlent les îles Senkaku (Japon), revendiquées par Pékin sous le nom de Diaoyu—record historique de proximité à 55km. Le 02/03 dans les Spratley, 2 garde-côtes chinois stoppent un bateau d’exploration pétrolière affrété par les Philippines, ainsi contraintes d’annuler la mission. Enfin le 7/03, le destroyer japonais Samidare est survolé par un hélicoptère de l’APL à 70m. Enfin Tokyo déplore la mise en exploitation par la CNOOC d’un puits pétrolier en zone Chunxiao, qu’il conteste. Suite à ces incidents, Pékin n’a qu’une réponse : le rappel de ses “droits indiscutables” sur les zones concernées.

Pourtant, l’on voit mal ce que ces incidents peuvent rapporter à la Chine face à ses voisins, surtout de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) dont elle recherche constamment la confiance, par expression de son «soft power». Avec l’ASEAN, le climat fut dégradé en 2010 par d’autres actions de force, ayant renforcé l’effort de réarmement chez les riverains et un rapprochement avec les Etats-Unis revenus dans la région après 10 ans de léthargie. Que se passe-t-il? Se succédant lors du «renda» (Plenum), ces incidents sibyllins semblent «à usage interne», avec multiples traductions possibles :

– l’Armée populaire de libération (APL) furieuse d’un budget de 2011 plus bas que celui de la sécurité civile?

– Une mouvance au Parti communiste chinois voulant démontrer sa fermeté, pour obtenir plus de sièges dans le prochain pouvoir?

Pour restaurer la relation avec le Japon, se tiendra à Kyoto le V. sommet sino-nippo-coréen des affaires étrangères entre les ministres Yang Jiechi, Kim Sung-Hwan et Takeaki Hatsumoto. Il aura lieu les 19-20/03, malgré le séisme de Sendai (force 8,9, 11/03). Peut-être le drame du 11/03 dans l’archipel nippon, par sa simultanéité avec celui du Yunnan (Yingjiang, 10/03 force 5,8) inspirera-t-il des progrès inédits depuis des ans par regain de solidarité?

Pendant ce temps, au Plénum, se multiplient les manoeuvres de préparatifs de la future équipe au pouvoir.

En 48h, Xi Jinping, futur n°1, aux délégués hongkongais, il leur reproche (5/03) d’inverser, dans leurs priorités politiques, les termes de l’équation «un pays, deux systèmes» mais il les félicite ensuite (7/03) de leurs succès et les invite à saisir l’occasion du XII. Plan pour s’enrichir plus encore en renforçant leur contribution à l’économie nationale.

Bo Xilai, le «prince» de Chongqing cultive son ascension murmurée au Comité Permanent, sans perdre une occasion de multiplier les professions de foi révolutionnaires : il appelle ses collègues élus «camarades», et déplore la dérive morale des jeunes d’aujourd’hui «à qui un séjour en usine ou en ferme d’Etat ne ferait aucun mal». C’est donc à une inversion d’image que Bo se livre par rapport à 15 ans plus tôt où il cultivait son air jeune et philo-Occidental !

L’heure est aux grandes déclarations de principe : le président de l’ANP Wu Bangguo rappelle que «jamais» la Chine n’adoptera une réforme politique à l’occidentale au risque de sombrer dans les désordres associés à ce type de démocratie. Dans les détails pourtant, suivent plus de nuances: Zhang Chunxian, gouverneur du Xinjiang réhabilite les compatriotes ouighours, «bons citoyens» et affirme vouloir retenir la leçon de la révolution du jasmin : assurer l’emploi et tenir en laisse les prix alimentaires et la corruption.

Suit enfin un débat populiste, constante de tous ces Plénum. Sur la question épineuse de la fin du hukou, permis de résidence discriminatoire, à la CCPPC, Chi Fulin préconise que les villes petites et moyennes aient trois ans pour fournir obligatoirement leur hukou aux nouveaux arrivants. Seul handicap à ce généreux programme : les 80.000 à 100.000¥ à investir sur tout nouveau citadin pour lui conférer les droits des autres, ne figurent pas sur la photo. L’ANP démontrant ainsi qu’elle partage avec tous les parlements du monde le charmant péché d’être irréconciliée avec les chiffres !

 

 


A la loupe : Les vieillards chinois entre Moyen-âge et science-fiction

Sujet obligé pour les 2987 députés : la vieillesse. A quelques semaines des résultats du dernier recensement, Le Vent de la Chine vous propose cette fiche « troisième âge », 1ère d’une série, sur les différentes tranches de cette société.

En 2009, les sexagénaires étaient 167M. En 2015, ils seront 216M, et en 2050, plus de 450M. Le matin et le soir, ils aiment se retrouver pour chanter et danser dans les parcs. Tradition charmante, mais qui cache la précarité de beaucoup d’entre eux, attendant une place en foyer, dont la Chine ne compte que 38.000 et 2,4M de lits -assez pour 2% de la demande. 

Problème de qualité : seuls 40% de ces maisons de retraite ont un médecin, 25% de nurses spécialisées -le pays compte que 30.000 de ces personnels, il en faudrait 10M.

Parmi les chinois âgés, la dépendance est une bombe à retardement. Ils sont 33M soit 19% des personnes âgées, Alzheimer, aveugles ou dépendants nécessitant une surveillance 24h/24. Ils seraient 90M en 2050. Faute de moyens, la plupart des homes les refusent, et d’autres les traitent mal, en dépit d’un coût de 1000 à 5000¥ / mois.

Mais avec la croissance effrénée du pays, la situation change sous nos yeux – l’espoir renaît. Un comité national de l’âge est créé pour concevoir les politiques de demain, suite à l’étude des assurances-vieillesse et du cadre réglementaire à l’étranger — fort de son expérience, le modèle français est admiré et pourrait y jouer un fort rôle.

Surtout, sur un marché intérieur étriqué, le groupe des personnes âgées est extrêmement porteur.

Pour l’agence Ogilvy, les dépenses des seniors atteindront 4112$/an d’ici 2015 – une hausse de 150% comparé à 10 ans plus tôt – de quoi accroître significativement les marchés des équipements (médicaux, de transport etc.) et des services spécifiques en plus des besoins normaux de la vie. Un autre secteur émerge, celui des compléments et autres produits alimentaires, gage d’une vie en bonne santé. Une étude menée par le China News Weekly dévoile que 60% des personnes âgées achètent ces préparations conçues pour eux. Ainsi Fonterra, le géant laitier australien, prévoit de lancer dans les prochaines années toute une gamme de produits.

C’est assez pour inspirer également la construction de «villes  d’argent » (double allusion à la rentabilité, et à la couleur des cheveux) pour seniors, avec appartements à louer tels les 12.000m² bâtis à Pékin – Fangshan par Vanke, 1er groupe immobilier du pays. Précurseur de ce type de projet, le Japon est présent, organisant les services, gym, psychologues, arts, et tous métiers égayant l’automne de la vie.  Discrètement, le français Sodexo est en train de se tailler un empire, en organisant les cantines — celles des personnes âgées comme celles d’autres collectivités… 

Cette formule en train d’émerger ranime l’espoir pour le 3ème âge en Chine. Il modifiera peut-être les métiers de ce secteur ailleurs, par le bouleversement qu’il y apporte. La question ultime étant : « qui pourra se l’offrir » !

 

 


A la loupe : XII. Plan « vert » : Et s’ébranla le char à bas carbone

Un débat passionné se poursuit à l’Assemblée Nationale Populaire sur l’avenir de l’environnement chinois, nourri de flamboyantes prises de position d’experts tel le ministre Zhou Shengxian. Le XII. Plan met la priorité sur l’environnement pour juguler une pollution confinant l’inacceptable, aggravée par un changement climatique vient frapper le pays -au nord, par les sécheresses d’hiver, au sud, par les crues d’été…

Ce Plan aspire à une rupture, pour forcer stratégiquement le tournant vers un style de vie à bas carbone — sans compromettre le doublement du PIB entre 2000 et 2020. Pourtant, la Chine n’a jamais tant consommé de charbon (3,25MMt). Aux réserves de 500MMt viennent de s’en rajouter 600Mt-Pékin vient d’annoncer un moratoire sur l’exploration, pour ne pas aggraver la montagne des excédents (400Mt)… Aussi, le Plan introduit quatre outils parfois inédits, qui resteront d’actualité pour des décennies :

[1] D’ici 2016, sept industries nouvelles, de l’énergie à l’IT et à l’environnement (isolation thermique, voitures électriques etc.) recevront primes, taxes allégées et aides technologiques. Sur 5 ans, 600MM$ seraient voués à ces secteurs.

[2] Un plafond national d’intensité énergétique (par % de PIB) est fixé de 16% en baisse globale et de 17% pour le charbon. Ce plafond déçoit par manque d’ambition, signe de la nécessité pour le niveau central, de composer avec les provinces, à moins de prêcher dans le désert. Mais l’effort «ordinaire» proposé, devrait aboutir à une baisse d’intensité de 40% en 2020 et non 45% comme visé au départ.

[3]Pour leurs promotions, les cadres à tous niveaux seront jugés sur leurs succès en coupe d’énergie et de polluants.

[4] Apparaît le système (expérimental) «bas carbone» de quotas d’émission de CO² et de bourses d’échanges des reliquats. 13 provinces ou villes volontaires (Hebei, Sichuan, Canton , Jiangxi…) s’y lanceront.

En même temps, se prépare une taxe de pollution, et les prix de l’eau et de l’énergie seront renchéris. D’où un défi sans précédent pour l’agriculture, 1ère gaspilleuse et 1er pollueur de l’eau. Mais selon A. Yang de Greenpeace Chine, «les détails seront plus intéressants que les objectifs». Des 10% de coupes en CO² du XI. Plan, dit Zhou, 2/3 furent atteints par progrès technologiques, 26% en fermant des usines dépassées, et seulement 8% en recyclage : on voit là la montée en puissance possible à l’avenir, en retraitement des eaux et des fumées de cheminées !

De même d’ici 2015, Zhou veut avoir parachevé le réseau d’alerte climatologique (stations au sol, satellites), pour intégrer leurs données au XII. Plan en temps réel, afin de renforcer son efficacité face aux intempéries.

Idem, après 10 ans de pratique environnementale, le régime semble prêt à se distancier d’un style politique autoritaire -par simple constat de son inefficacité. Ainsi, commentant ses « brownouts » sauvages de fin 2010, imposés sous 24h (méthode-gendarme) pour tenir le plan de 20% de baisse d’intensité, il promet d’éviter l’«erreur» à l’avenir, et encourage les provinces à passer aux «mécanismes de marché». Ou encore, dans son projet de tri des déchets, Pékin (-ville) renonce à son système d’amendes, et suivant les usagers, lui préfère des primes, et la concertation…

Restent les palabres mondiales de combat du changement climatique. La Chine campe pour l’heure sur sa ligne dure, refusant de bouger avant les USA, et quoique 1er pollueur, revendique la liberté de pollution illimitée sous un protocole de Kyoto renouvelé. Ce qui est inacceptable aux pays et groupes s’imposant des coupes contraignantes. Mais l’essentiel est ailleurs : dans la volonté chinoise démontrée de changer de modèle de croissance. Et Durban, site du forum mondial en décembre 2011, est encore loin…


Argent : Le TGV freine, sans marquer l’arrêt

Le dernier scandale de corruption fait des vibrations. Liu Zhijun, ex-ministre des chemins de fer depuis 2003, père du programme chinois des TGV est accusé de manquements graves, notamment d’avoir prélevé 2,5 à 4% de commissions pour un total de 122M$. Le fait d’avoir placé sa famille aux USA, et une 10aine d’amantes putatives ne font rien pour améliorer son sort : un politologue hongkongais soupçonne Pékin d’avoir délibérément sacrifié son ministre, depuis des ans sous enquête administrative, afin de démontrer symboliquement son sérieux dans la lutte anti-corruption, et dissiper les tensions internes suite au « Printemps du jasmin » dans le monde arabe.

Au reste, les 16.000km de TGV en construction d’ici 2016 demeurent, et le taux d’endettement du ministère, à 56% des actifs et 274MM$, reste « gérable » : dont acte !

 

 


Temps fort : PLENUMS – Grands dossiers et bruits de couloir

Tantôt insolites voire cocasses, tantôt compassés et ultra-sérieux, les débats aux deux assemblées, CCPPC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois) et ANP(Assemblée nationale populaire) sont pratiquement la seule occasion dans l’année de prendre le pouls de la nation, avec des informations et arguments moins reformatés par la censure. Voici quelques sujets parmi les plus parlants de la semaine passée :

Cause paysanne : à la CCPPC, Wang Ping le curateur du Musée ethnique, aime tant les paysans qu’il espère leur barrer la route à l’université. Sa raison : ce meilleur espoir du monde rural va déserter pour la ville, en pure perte pour tout le monde, puisqu’il ne fera que gonfler les rangs des chômeurs en col blanc. D’autres bien sûr, s’inscrivent en faux, le traitant d’élitaire.

Mais Zhang Yuanfu (CCPPC) démontre que ces jeunes n’ont pas le choix, surtout si leur famille a été abusivement dépouillée de sa terre, comme 40M d’entre elles chassées par le chef du village au nom d’un projet «bidon» d’intérêt commun. Un sondage sur 7000 de ces « jean-sans-terre » montre les effets : 60% des victimes voient leur vie brisée. 25% montent à la ville, 27% tentent de créer une PME au village (négoce, mécano de moto…), 25% tentent de cultiver ce qui leur reste et 20% tombent au chômage, vivotant aux crochets de leurs proches. D’autant, confesse Hu Xiaoyi, vice-ministre de la sécurité sociale que seuls 143M sont couverts par l’assurance médicale, contre 757M encore à nu. Et encore, à 55¥, cette couverture trop légère, change peu de choses dans les vies des bénéficiaires.

Femme : A l’ANP, Zhang Xiaomei se préoccupe de la condition féminine et milite pour l’octroi d’un congé payé national de maternité -aujourd’hui encore bien lointain. Mais la démarche prouve une prise de conscience. D’autres comme Choi Suet-Wah, Président du réseau des Chinoises au Travail (HK) dénonce la « triple pression » sur les migrantes, qui assurent 60% des ouvriers du Guangdong : la pression du travail à la chaîne, du paternalisme , et du «hukou» (permis de résidence). En Chine, à travail identique, les filles touchent toujours moins que les hommes, et à la campagne, 75% des villages redistribuent les terres des filles ayant fui à la ville… aux hommes qui restent ! Par contre, à l’actif du beau sexe, la Chine fait apparaître un étrange record, abondamment commenté dans les travées : publié par Grant Thornton Int’l, c’est celui du nombre de femmes PDG en Chine, à la tête de 19% de ses firmes. C’est le second rang mondial, la moyenne des pays étant 8%. Peut-être un signe chez la femme chinoise d’une capacité accrue de se prendre en main, sachant qu’elle ne peut compter que sur elle-même !

Dalai Lama : Une grande nouvelle de la semaine, fut l’annonce par le Dalai Lama qu’il comptait rendre ses mandats politiques à son parlement élu et à son cabinet. Histoire de «laisser le peuple tibétain » (surtout les 120.000 exilés) « se concevoir un avenir sans lui », à 76 ans. Le débat avait débuté par la prestation du jeune Panchen lama (sous contrôle chinois) affirmant que « les Tibétains n’avaient jamais été si libres ». La réaction du pouvoir fut dans la droite ligne de son attitude constante de rejet du pontife lamaïste : elle qualifia l’annonce de «ruse politique ».

Quoiqu’aucun débat n’entoure l’annonce du prochain ambassadeur des USA, les commentaires allaient bon train. J. Hunstman, l’ambassadeur sortant avait annoncé son départ pour avril, croyant avoir une chance aux présidentielles de 2012. Le choix par Obama de Gary Locke a pris la Chine par – bonne – surprise : Locke est fils d’immigré chinois de Hong Kong, et un des concepteurs de la politique économique d’Obama.

Hygiène alimentaire : Animé par Liu Peizhi, n°2 à la Commission nat’le de sécurité alimentaire, un débat amer concerne la qualité des aliments, affectant la confiance des masses en l’Etat. En lait, les imports de Nouvelle Zélande ont quintuplé depuis 2008 atteignant 353.000t, suite au scandale du lait à la mélamine qui frappait 300.000 nourrissons. Les prix ont augmenté de 41%, imposant le gel par Fonterra, N°1 mondial. Pékin sait que ce problème sera l’un de ses défis à résoudre : de même que Hu Jintao avait du doter la Chine d’un réseau d’épidémiologie de classe mondiale, Xi Jinping devra réformer le système de certification et de contrôle de l’hygiène des aliments.

Le logement, bien sûr, ne peut laisser indifférent l’assemblée de la République populaire, surtout après l’annonce de la construction de 11,5M d’appartements sociaux cette année, et à terme en 2016, de 36M d’unités. Mais l’Etat, même chinois, ne peut à lui seul assumer une telle dépense. Shanghai se distingue par un plan pilote innovant, pour ouvrir l’accès aux assurances à ce programme de HLM, en profitant du siècle d’expérience européenne.

Le plan offrira aux assurances, sur des décennies, des recettes stables et garanties. Mais ici, on entend la fausse note de COLI, le groupe hongkongais de l’immobilier, filiale du ministère chinois de la construction : COLI prépare un fonds d’investissements de 300 à 500M$ destiné à la construction de luxe, pariant sur le fait que les mesures nationales contre l’immobilier de luxe, ne parviendra pas à étouffer la demande !

Santé mentale : En matière de santé, Xin Chunying , administratrice à l’ANP dévoila le 10/03 une importante loi de la santé mentale, qui sera soumise au vote cette année, dans le but de définir et mieux protéger les 100M de malades mentaux de ce pays, dont 16M gravement atteints. Ceci permettra ainsi d’éviter les abus et maltraitances qui sont légion dans cette face cachée de la société chinoise. Et ce faisant, de libérer les investissements et initiatives en ce domaine, de renforcer les moyens de ce secteur médical, et d’améliorer le sort des 7% de Chinois victimes.

 

 


Petit Peuple : Chongqing : enragé de charité

Le métier de policier, en Occident, n’a nulle connotation vertueuse -il n’est «ni bien ni mal». En Chine par contre, il s’associe à un curieux vernis de vertu incarnée, de devoir moral envers son prochain. Du Juge Bao médiéval à Lei Feng, le maoïste soldat qui mourut au service du peuple (为人民服, wei renmin fuwu), l’image du policier altruiste a la peau dure, jalousement entretenue par le régime.

C’est ainsi qu’en janvier, la mairie de Chongqing, en pleine fièvre révolutionnaire anachronique, invita ses agents à «soutenir les familles dans le besoin» -que chacun donne son temps, son énergie à un foyer nécessiteux.

Suite à l’annonce publique, on eût pu s’attendre à une sourde oreille générale du corps des gardiens de la loi: gaspiller ses rares loisirs, sa maigre paie en coûteuses «B.A» pour plaire aux chefs n’étant pas un plaisir inné pour tout le monde. Contre toute attente, la campagne reçut le soutien de 33.000 agents, prêts à changer la vie de moins heureux que soi. Parmi ceux-ci Luo Kesheng, chef de la circulation du quartier de Jiulongpo vient de se voir tiré de l’ombre, arraché à l’anonymat par une lettre de remerciement. Signée Feng Lin, lycéenne de 15 ans, elle s’adressait à Bo Xilai, le flamboyant secrétaire du Parti pour la métropole méridionale, faute de pouvoir parler à son sauveur resté obstinément dans l’ombre. La mairie n’eut aucune peine à remonter au discret mécène, et à livrer à la presse son exemple héroïque, pour l’édification des masses.

Quand la campagne fut ouverte, Luo avait déjà toute une longue liste de charité à satisfaire. Il ne s’inscrivit pas moins sur la liste des volontaires, et se vit confier la maison de Feng Lin, à Bafu en banlieue. Il s’y rendit, pour découvrir un tableau digne de Dickens. Le père était mort mi 2009, d’un cancer. Fragile, la mère ne pouvait exercer un emploi constant -quoiqu’elle ait à charge en plus de sa fille, les 2 grands-mères. Elles vivaient à 4 dans un galetas, chantier abandonné à la mort du père, avec 10.000¥ de dettes.

Le policier ouït sans piper mot, puis disparut—crurent-elles-pour toujours. Mais ce fut pour revenir 3 heures plus tard avec une fourgonnette chargée à bloc, un matelas et une couette pour chacune, une bouteille de 2 litres d’huile, une paire de chaussures… A peine ce bric-à-brac déchargé, Luo repartit au pas de course acheter des vitres à fenêtres, des sacs de ciment pour réparer les marches d’accès à la maison.

Courant février, ce Papa Noël en bleu-nuit livra encore des livres, des meubles une lampe, des vivres et de l’argent (dont 500¥ pour aider à l’opération de calculs rénaux de la mère). Après tant de bienfaits, la fête du printemps fut pour Feng Lin la plus belle de sa vie.

Suite au sensationnel «reality-show» reproduit par tous les media de ce géant Landernau, les proches et collègues de Luo purent le redécouvrir sous un aspect inconnu. Depuis 21 ans, en secret, l’agent de 45 ans pratiquait la bonté à toute heure. Même sa femme ignorait qu’au total, il avait gaspillé 60.000¥ de sa paie entre 100 bénéficiaires, de l’asile de vieux aux jeunes leucémiques. Sur le pourquoi de sa vocation de bon samaritain, Luo cite l’antécédent de son père laissé pour mort après avoir été fusillé par les Japonais, mais qui fut secouru par ses voisins, puis épousé par son infirmière, avant de mettre le reste de sa vie à aider toute détresse. Au fils Luo aussi, depuis lors, il n’était infortune qui n’apparaisse un scandale, l’arrachant à son chemin pour prêter assistance.

L’honnêteté nous force à ajouter que histoire vertueuse arrive juste au bon moment pour faire oublier d’autres affaires de policiers, cités ces derniers mois pour des cas de collusion avec la mafia, et d’actes de violence sous l’influence de la boisson. Le proverbe illustrant cette aventure est très chinois, dans sa stricte observance de la vertu anonyme : 大爱无声 dà aì wú shéng « le plus grand amour, garde le silence » !

 

 


Rendez-vous : A Shanghai, Salons des énergies solaire et photovoltaïque

15-17 mars, Shanghai : Intersolar Asia / Solarcon : Salon de l’énergie solaire / Salon de l’énergie photovoltaïque

15-17 mars, Shanghai : Semicon China – Salon des semi-conducteurs

16-17 mars, Pékin : Premier Vision China – Salon du textile européen

18-21 mars, Canton : Hometextile / Home Furniture – Salons du tissu intérieur et de la décoration