Le Vent de la Chine Numéro 25

du 12 juillet au 29 août 2009

Editorial : Urumqi—l’incroyable dérapage

Dimanche 5/07, Urumqi vécut le pire dérapage en Chine en 20 ans, conflit ethnique ayant fait 187 morts, aux trois quart Han. Des violences ont opposé la police à 1000 Ouïghours, acharnés sur leurs voisins Hans: revers consternant pour le régime, à 10 semaines du 60ème anniversaire du Parti communiste chinois.

Vers 18h, une manifestation rarissime se tenait dans le Bazar de la ville : l’ethnie locale voulait se plaindre de violences subies fin juin par ses travailleurs immigrés à Shaoguan (Canton), injustement accusés d’avoir violé deux jeunes filles Han, ils auraient souffert deux morts, au moins. Il y aurait eu une marche, la queue de leur cortège aurait été prise à partie, les affrontements auraient alors débuté. La police a-t-elle tiré, comme l’affirment les Ouïghours de l’exil, qui avancent (sans l’ombre d’une preuve) « 600 à 800 morts » dans leurs rang ?  En tout cas, tout de suite, ce fut la rage, des deux bords. Le désir de tuerie, de part et d’autre, mais les Ouïghours plus forts, et plus prêts. matraquage, poignardage,  lapidation, bus retournés, boutiques torchées. Dans les hôpitaux, les blessés Han affluent, que le personnel Ouïghour feint ne pas voir… On compte alors un millier de blessés, et 1500 arrestations.

Une fois la ville investie par les forces anti-émeutes – qui étaient prêtes, à l’avance, venues en renfort de différentes régions-, toute la nuit, des personnels évacuèrent les débris et véhicules calcinés, pour rendre à Urumqi un semblant de normalité qu’elle ne retrouvera pas avant longtemps.

Dès le lendemain cependant, les 1,9M de Hans d’Urumqi s’éveillait avec l’idée fixe de la vengeance. Armées de bâtons, pelles et machettes, Des milices arpentaient les rues aux accents de l’hymne national et de slogans comme «exterminez les Ouïghours», ou «l’union fait la force». Brandissant le drapeau rouge, ils coursaient les turkmènes, que des forces anti-émeute parvenaient de justesse, par deux fois, à sauver et à mener en sécurité.

Le pic de la tension intervint le mardi 6 au soir et le lendemain. Toute la question était de savoir si la police (han) accepterait de tirer sur d’autres Hans, afin de protéger les Ouïghours, repliés dans leur  quartier au centre ville, au sud de l’Av du Peuple. Car s’ils ne le faisaient pas, un massacre risquait de se produire. Heureusement, les incidents  demeurèrent limités.       

Le dérapage ethnique

De jeunes soldats, en camion, quadrillaient la ville, hurlant des slogans de stabilité et de solidarité interethnique. Des hélicoptères distribuaient des pamphlets du même effet, et Li Zhi, secrétaire municipal du Parti, annonça sobrement que quiconque pris à assassiner, serait exécuté.

Après ces violences, la Chine entière est en état de choc. Certes, le Xinjiang avait connu des incidents en juillet dernier, à la veille des JO. Mais après des années de surveillance et tracasseries depuis le 11 septembre 2001, toute velléité intégriste ou séparatiste semblait bien brisée -d’autant que l’Islam des Ouïghours est sunnite et modéré, loin d’Al Qaeda.

A vrai dire, la communauté ouïghoure vient de donner sans équivoque l’expression de son désespoir. Signe lié à la récession, mais pas seulement : sans doute joue aussi l’écart de richesse au profit des Hans, leur sentiment de supériorité, la méfiance publique subie par les Turkmènes…

 Le drame aurait peut-être pu être évité, si Canton avait publié à temps les 15 arrestations de Hans, suite à l’incident de juin à  Shaoguan : alors, les Ouïghours auraient su que leurs agresseurs avaient été punis, et gardé confiance dans la justice de leur pays… Fait remarquable, le Président Hu Jintao a interrompu sa tournée européenne (Italie, Portugal) et renoncé à participer au sommet G8, montrant l’extrême inquiétude des autorités, face à cette blessure sociale intervenant 16 mois après celle de Lhassa. Quoique les deux ethnies soient séparées par 3000 à 4000km et leurs confessions, leurs dérapages ont mis l’accent sur un même malaise.  

 C’est un cauchemar pour Pékin. A Urumqi comme à Lhassa, son pari de développer sans regarder au prix, mais en bridant les identités au nom de la nation, mène à l’impasse. Comment rallier ces minorités sans rien céder du monopole du pouvoir (dogme non négociable) ?

La formule autoritaire marche partout en Chine, sauf sur cet Ouest. Au Xinjiang comme au Tibet, Pékin dénonce la main de l’étranger. Dalai Lama pour Lhassa, Rebiya Khader, exilée indépendantiste, pour Urumqi. Mais l’explication peut elle suffire ? Que Tibet et Xinjiang, aux cultures sans rien de commun, arrivent aux mêmes réponses extrêmes, devrait faire réfléchir, sur les limites de 50 ans d’intégration pleine de bonne volonté, mais à sens unique.

 

 


A la loupe : Société : Mal aimés, les Chengguan / Stressée, la jeunesse chinoise

SOCIETE 

Mal aimés, nécessaires—les Chengguan

Combien sont-ils les 城管(chengguan), ces «agents municipaux» qui ressemblent tant à la police, sans en faire partie ? Des millions sans doute, opérant par escouades dans les villes en uniformes roseau ou noir et blanc, selon les goûts locaux. Un corps moins formé, moins payé que la police et moins prestigieux, ce qui explique en partie ses rapports moins bons avec la population -surtout en temps de crise. En avril, deux incidents graves ont eu lieu à Shenzhen. Venu avec ses hommes déloger des petits marchands de fruits, les chengguan trouvent une résistance déterminée : dans les échauffourées, un officier décède. En janvier 2008 à Tianmen (Hubei), les agents passaient à tabac des paysans pour en confisquer la terre, quand un petit patron local osa filmer la scène avec son téléphone portable : ils l’aperçurent, se ruèrent sur lui et le tuèrent, causant la colère du pays entier. La sanction, pour autant, ne sera pas très lourde : 3 à 6 ans de prison. 

On l’a compris, les agents municipaux servent surtout de bras armé des mairies. Leur mission principale consiste à maintenir sous contrôle les métiers ambulants : les réparateurs de vélos, vendeurs de fruits, de fleurs, voire de fritures dans les espaces définis, sous la licence prévue. Partout, les chengguan ne connaissent qu’un châtiment aux contrevenants : la destruction de la marchandise, la confiscation des paniers, outils, tricycle. On site même le cas d’un agent brûlant gravement la marchande de beignets, dans l’acte de verser son huile bouillante à terre. En fait, le Chengguan, interrogé, avoue n’avoir pas le choix : tout « bon coeur » vis-à-vis d’un ambulant, lui vaudrait une amende ou le renvoi, c’est l’éternel sort des maltraités au service d’un maître pour en maltraiter d’autres…

L’aspect nouveau des dernières années est la rébellion toujours plus organisée des forains, le dos au mur, n’ayant rien à perdre (eux non plus, n’ont pas de « plan B » pour gagner leur subsistance). Des incidents récents ont dégénéré en rixe où les chengguan ont eu le dessous, comme à Yantai en mai dernier, où la police a du intervenir pour rétablir l’ordre. Le 2 juin au Jiangsu, c’est le site internet des chengguan qui a été hacké, divers internautes y déposant des lazzis en souvenir.

Conscientes de la colère montante, des villes cherchent des solutions : discipline non violente à Wuhan, code de conduite (contestable d’ailleurs) à Pékin. D’autres voix apparaissent, réclamant une réhabilitation des forains, au nom de leur service bon marché et du « folklore » entourant leur existence, ressentie comme bénéfique à la ville. Les mentalités changent -les mairies subissent la pression d’une demande, en plus de tolérance.  

 

Stressée, la jeunesse chinoise

Avant de recevoir son diplôme, Chen, étudiant à Shanghai s’est fait refaire le nez en clinique, pour 5000¥, un an de ses frais scolaires. Il le fait, pour trouver du boulot : sur les 6M de la promo de 2008, 15% reste au chômage. «J’investis», dit  Chen, «aujourd’hui, on ne recrute que les ‘plus belles gueules » (sic).

Paradoxe: alors que le pays depuis 20 ans ne fait que s’enrichir,  cette jeunesse chinoise semble vouée à un stress permanent. En  marge de leur programme draconien, les écoles primaires ont inventé ce système «facultatif» que tous les élèves suivent: les «maths olympiques», où les théorèmes les moins utiles, les exercices les plus retors sont enseignés pour endurcir les jeunes. Une « médaille d’or » y garantit au jeune la chance d’une meilleure école, sans devoir payer le « don volontaire », pas de porte illégal, pouvant atteindre 20.000¥. Si jamais l’enfant a encore du temps libre, entre 6 h du matin et 23h le soir, il s’entraîne encore au piano ou violon. Tout cela se paie, en terme de santé : 30% des jeunes souffrent de myopie, autant de dépression, et une majorité d’entre eux nourrit une colère rentrée contre leurs parents, leurs professeurs, la société entière.

‘    Plus tard, sagement, le mariage intervient quand on y est prêt (emploi, appart assuré). Avec accord, et financement du clan. Il est loin, le temps de Mao, où la fille attendait du mari qu’il apporte les «4 précieux» (radio, vélo, machine à coudre, appareil photo) : Guihua et Lanfen, pour leurs noces ont reçu des 130 invités des présents, mais surtout 110.000¥, plus agréables à leurs yeux. Car cette jeunesse, plus matérialiste, apprécie le pouvoir de l’argent.      » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » »    ‘ Mais, surprise, alors que 10 ans plus tôt, un sondage montrait 9 jeunes citadins sur 10 préférant vivre loin des parents, aujourd’hui, la tendance inverse prévaut : comme 70% des personnes âgées n’ont pas de pension, leurs enfants, souvent fils uniques, les prennent chez eux, mènent de front leur entretien et l’entrée dans la carrière. 70% d’entre eux trouvent la tâche trop lourde mais n’ont pas le choix. Pourtant cette cause de stress ne fera que s’alourdir, alors que les 110M de seniors de 2008, auront plus que triplé (350M) en 2050 : casse-tête financier d’avenir, qui risque de retarder l’étape où ces jeunes Chinois, suivant leurs frères d’Europe ou d’Amérique, oubliant le stress, rechercheront plus les joies de l’existence !

 

 


Joint-venture : Total, CNPC – chasse en tandem

       Enfinity, roi du soleil

Qui disait que la Chine, en temps de crise, n’en a que pour ses firmes nationales? Enfinity, compagnie belge flamande remporte un contrat de la NDRC de 27M² pour la 1èrecentrale solaire du pays, de 10MW près de Dunhuang ,1ère d’une série devant atteindre 500MW en 3 ans. Enfinity était à la tête d’un consortium de firmes locales, dont CGNPC et LDK. Son expertise n’est pas dans l’équipement, mais la coordination des firmes et la gestion du réseau. La PME de Waregem a remporté l’appel d’offres international sur 12 dossiers concurrents, quoiqu’elle soit l’unique candidate non chinoise. Bâti selon la structure du BOT, le projet est financé à 100% par les contractants, qui se remboursent en 25 ans, au prix de 1,09¥/Kw/h garanti par le distributeur State Grid. Dunhuang (Gansu) est une des places les plus ensoleillées du pays, promettant un rendement maximal. Equipée en panneaux solaires « traqueurs », la centrale fonctionnera sous 18 mois.

       Total, CNPC, chasse en tandem

Ce n’est peut-être pas un hasard si, une semaine après avoir échoué à un appel d’offres irakien aux prix irréalistes (VdlC n°24), Total et CNPC doublent leur mise au Vénézuela. Sur 7 blocs offerts en région du Carabobo (Orénoque) ils soumissionnaient pour un: ils en veulent désormais deux. Ce choix d’ouverture peut-être aussi dû au fait que la compagnie d’Etat vénézuélienne est étranglée par les projets sociaux qu’elle finance pour le compte d’Hugo Chavez : incapable depuis 1 an de payer les prospecteurs étrangers, les nouveaux forages s’immobilisent un à un. Aussi, pour garder son indépendance face aux USA tout en poursuivant l’ouverture d’autres puits, le pays doit rabattre sur ses exigences. Les deux blocs nécessitent un investissement lourd, 7 à 10MM$ rien que pour l’un, en comptant l’unité de séparation du pétrole et de la boue d’extraction. Le prix de la concession de 25 ans, est 60% du pétrole extrait, plus 0,5$ /baril. Dernière originalité de ce contrat franco-chinois. Signe d’avenir, les partenaires partagent les coûts et la recette : chacun s’en va avec son brut, libre de tout, sauf de le vendre  sur les marchés spot (interdit par Caracas)!

   Relent de roussi pour Rio Tinto

Il y a quelques semaines, le groupe Anglo-australien Rio Tinto causait à la Chine l’indisposition de la saison, reniant l’accord qui eût fait du chinois Chinalco son 1er actionnaire. Même si, comme on comprit plus tard, les aciéries chinoises avaient forgé leur propre malheur en important du minerai  «à boulets rouges», permettant ainsi à leur fournisseur de renflouer ses caisses. Puis Rio enfonça encore le clou, forçant ces sidérurgies à accepter le prix de référence mondial annuel (-33% sur 2008) qu’il combattait depuis janvier. Hasard ? Dimanche 5/07 à Shanghai, la Chine fait embastiller Stern Hu, chef des ventes de Rio en Chine ainsi que trois de ses hommes. Stern aurait espionné, récoltant des secrets de l’Etat chinois. «Nous avons des preuves», ajoute un porte-parole tout en priant les observateurs de «ne pas politiser l’affaire… dans l’intérêt de l’Australie». Steven Smith, le ministre australien semble plutôt d’accord: «aucune matière à spéculer là dedans». L’affaire se réglera plus tard dans la discrétion – les quatre hommes sont passibles de la prison à vie.

 

 


A la loupe : Reprise d’OPEL: BAIC, l’outsider

BAIC (Beijing Automotive Industry Corp), le constructeur auto («Beijing Jeep») arrive t’il après la bataille pour Opel, ou bien au contraire, encore juste à temps ? Il y a un mois, une déclaration d’intention semblait faire tomber le fleuron de Rüsselsheim dans l’escarcelle de l’alliance canado-russe Magna, mais voilà que l’offre de BAIC, dit-on, commence à «titiller» furieusement le gouvernement Merkel, en charge d’Opel en faillite. Et pour cause : elle est la meilleure !

Meilleur business-plan : avec les licences des Corsa et autres Astra, BAIC (qui n’a pas parmi sa gamme, de modèles de cette maturité) achète des valeurs sûres, pour prendre sa part du marché chinois, le 1er mondial et en croissance – alors que Magna mise sur un marché russe bien plus aléatoire. Mieux encore, Baic veut prendre le «train suivant» de l’automobile chinoise, le véhicule électrique, en incluant au deal l’accès à toutes les technologies General Motors (GM) de moteurs à hydrogène et hybrides. En deux ans, BAIC importerait 60.000 Opel d’Europe, le temps de construire son usine locale à 2,25MM$ qui atteindrait sa vitesse de croisière en 2015, à 500.000 véhicules/an. GM aurait bien sûr un risque de concurrence entre OPEL/BAIC et ses propres modèles shanghaiens: même moteur, même châssis. Mais tout bien considéré, il possèderait  50% de sa JV avec SAIC (Shanghai Automotive Industry Corp), et 49% de celle avec BAIC… Ce serait donc tout bénéfice ! Quant à l’autre risque, celui de la solidité du repreneur, BAIC, filiale de la mairie de Pékin, semble plus crédible que l’alliance russo-canadienne.

Magna «casserait» 10.000 jobs européens (sur 54000), et BAIC 7600, dont 3000 en Allemagne – Anvers (Belgique) fermerait.

Pour ce deal enfin, BAIC coûterait au gouvernement allemand 2,64MM² de prêts bancaires, et il paierait 660M² à GM, c’est 1,86MM² de moins que l’offre Magna. Le repreneur russe cependant a deux atouts à faire valoir : il a « presque achevé » ses négociations, et jusqu’à hier, la faveur du gouvernement allemand, au nom de la parole donnée. Le « Land » de Thuringe, qui perdrait des emplois sous pavillon BAIC, y est fort hostile… Cependant, le gouvernement berlinois reçoit les négociateurs chinois, et il  s’agit pour lui, au fond, de voter pour quel partenaire d’avenir—Moscou, ou Pékin… Tout se jouera dans un mouchoir !

 

 


Argent : Lait Mengniu, manoeuvre en plein grain

Mengniu, manoeuvre en plein grain

Comment restaurer la confiance du public chinois dans le secteur laitier après le scandale de la mélamine, et en attendant, offrir à ce dernier les fonds pour traverser les années de vaches maigres ? Pékin a probablement trouvé un début de solution en assistant la vente de 20% de Mengniu, n°1 national des produits laitiers, pour 780M$ à Cofco, consortium d’Etat des produits alimentaires et Hopu, fonds de 2,5 MM$ soutenu par Goldman Sachs et Temasek (bras financier de Singapour). Placement raisonnable pour tout le monde, pour les investisseurs, c’est une valeur sure, qui a connu sa propre crise un an avant celle de la Chine et du monde et qui, ayant entamé sa convalescence plus tôt, est plus proche que d’autres du retour en santé. Pour Cofco, expert en boissons (thé, vin, jus, limonades), le lait, créneau manquant jusqu’alors, permettra bien des synergies (emballage, conservation, etc).

Au géant mongol, l’argent frais permettra bien sûr de se désendetter (rattraper le miliard ¥ de pertes de 2008) – mais aussi d’aller de l’avant : racheter fermes, laiteries, investir dans la R&D (nouveaux arômes, nouvelles présentations), le marketing etc. Le nouveau groupe restera présidé par Niu Gensheng, fondateur de la marque. Avec ce remaniement, chez ces trois groupes, on observe que la frontière entre firme publique, privée et étrangère se fait toujours plus trouble.

Passe financière pour Yaoming

Yao Ming, le pied endommagé depuis près d’un an et proche de la retraite, semble vouloir se recycler comme propriétaire d’équipe. Le centre des Houston Rockets négocie la reprise de sa maison d’origine, les Requins shanghaiens, et négocie avec Shanghai Media Group, principal actionnaire, sous l’oeil vigilant du Bureau local des sports. Pour les Requins, ce serait un sauvetage in extremis de la noyade, car en temps de crise, les Chinois vont moins au stade ou aux salles omnisports. La China Basket Association a fait savoir que vu les pertes subies par la ligue nationale, 16M$ en juin, Shanghai faisait partie des clubs menacés de faillite. Prix demandé : 2,9M$. Belle somme, même pour un millionnaire aussi « coeur sur la main » que Yao Ming. Mais d’aucuns soupçonnent que Yao se soit prêté au jeu du lévrier, afin de rabattre d’autres capitalistes vers le sauvetage de ce club qui le lança en 2002 vers la gloire du NBA. Le truc semble marcher : sous réserve d’inventaire, bien d’autres candidats se tâtent, pour la reprise.

 

 


Pol : France-Chine : sous la canicule, le gel

         France-Chine : sous la canicule, le gel

Quand B. Delanoë, maire de Paris, conféra au Dalai Lama la citoyenneté d’honneur de sa ville (9/06), Pékin annonça que les relations s’ en ressentiraient : parole tenue ! En janvier, Wen Jiabao le 1er ministre avait déjà  franchi l’Europe avec ses industriels à saute-mouton autour de la France: Royaume-Uni, Allemagne, Suisse, Espagne, l’Europe à Bruxelles (mais non la Belgique, aussi boudée). Puis plusieurs visites réconciliatoires avaient suivi, dont celle de JP Raffarin, ex 1er ministre, qui croyait avoir obtenu, de son entreprise, « une tournée des Chinois cet été en France, rien que pour nous ». Que nenni ! La visite européenne que vient d’interrompre le Président Hu, pour cause de crise ouighoure était dessinée pour éviter tout aussi studieusement l’Hexagone, et limitait ses étapes à l’Italie, au G8 et au Portugal. Ainsi, les deux dernières visites chinoises au sommet en Europe, dessinent une carte de France complète, en creux. Pire : la visite du 1er ministre français Fr. Fillon prévue fin août, serait annulée: «le climat est trop mauvais», dit-on.

NB : au noeud de cette crise, le Dalai est il la seule pomme de discorde? Quid de la filière nucléaire civile, et du jeu de pouvoir en cours entre France, USA et Chine ? Areva est leader mondial, Westinghouse l’outsider. Mais la Chine a le 1er marché porteur et l’ambition, sous 20 ans, d’exporter cette technologie. Et la semaine prochaine à Paris, de grandes décisions sont sous roche ! 

 

   G8 : le soleil de Hu, au Zénith—en son absence

Au sommet G17 d’Aquila (Italie, 6-9/07), il fallait entériner des engagements de baisse d’émissions  de  gaz à effet de serre, (GES) de 50% d’ici 2050. Le G17 échoua sur le refus de deux gros pollueurs, Chine et Inde. Mais dans ce veto qui fit tout capoter, les deux pays avaient leurs raisons. Car au G17, les riches ne votèrent pas un fonds de 400M$ pour aider les pauvres à maîtriser les technologies futures d’une économie à bas carbone.  Au G8, en parallèle, ces mêmes riches votèrent une coupe de GES de 80% en 2050 et l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 2°C, mais ne s’entendirent pas sur l’essentiel, les efforts d’ici 2020. Dans ces conditions, les pays émergents ne voyaient pas pourquoi s’engager avant les pays 1ers responsables. C’est-à-dire les USA. B. Obama ne peut aller trop vite, faute de voir son Sénat se rebeller, comme ce fut le cas pour B. Clinton, 12 ans en arrière. Aussi ce que Delhi et Pékin viennent de faire, est moins «lâcher» le monde dans un intérêt égoïste, que de prier les riches, pas assez audacieux, de réviser leur copie : après tout, avec Copenhague dans 5 mois, il n’est pas (encore) trop tard.

Dans ces deux «G», le départ précipité de Hu fut préjudiciable: sans lui, l’accord au G8 n’était plus à portée, Obama ne pouvant plus jouer d’une concession à l’aube, et d’un sourire pour rallier tout le monde. Comme disait le magnat George Soros, « la Chine est mieux placée pour combattre cette crise… A mon avis, les Chinois vont gagner en pouvoir et en influence, à un degré dont les gens n’ont aujourd’hui pas idée » !

 

 


Temps fort : Aviation—le temps des grands remèdes

En phase de repli du trafic, un baril à 30 dollars, pour les compagnies aériennes chinoises, est un moindre mal. S’il remonte à 70$, sous le même climat de ventes, cela deviendra  insupportable. C’est le moment pour les transporteurs de penser à sauver l’avenir. Comme Spring, 1er low cost chinois, qui réclame, via son Président Wang Zhenhua, la licence pour vendre des voyages debout (sur tabouret de bar, avec ceinture!). Sur ses 23 routes, Spring gagnerait 20% en coût, et 40% en voyageurs. Formule déconseillée pour des longs courriers Chine-Europe ou Canada !

Plus ambitieuse est la stratégie de Hainan Airlines, qui refond en juin son Grand China Express en Tianjin Airlines. Sa flotte de 20 appareils et 2000 employés passera sous 3 ans à 4000 hommes et 53 appareils, si une commande de 30 Airbus se concrétise. Dès juin, la mairie de Tianjin acquérait pour 200M¥ 15,4% des parts, le reste demeurant à Hainan Airlines et à sa compagnie parente, HNA-Group.

Basée à Kunming (Yunnan), Lucky Air, autre filiale de Hainan Airlines reçut de la province à même époque  290M¥ et des parcelles de terrain, en échange de 32% de ses parts. L’argent l’aidera à tripler sa flotte, à 30 avions d’ici 2011.

Enfin, Hainan Airlines elle-même s’apprête à  recevoir 3MM¥ de HNA-Group et de la province de Hainan (50/50%) contre actions privées, pour réduire son endettement.

Autre grand «coup»: la reprise de Shanghai Airlines par China Eastern. L’une et l’autre basée dans la tête du dragon, la 1ère dépendait de la ville, l’autre de l’Etat. Ensemble, elles fractionnaient le marché local, celle-ci en tenant 15%, celle là 35%. La ruine de chacune (1,2 et 15,3MM¥ de dettes cette année), permettait à Air China, (à savoir Pékin) de rêver de prendre pied à Shanghai, en rachetant le petit transporteur. Shanghai donc, bat de vitesse Air China, et fusionne ses deux « carriers », avec consentement de l’Etat. Ce dernier qui avait déjà injecté 9MM à China Eastern, lui offre 8MM de plus pour l’aider à payer la fusion. Mais une forte « clear air turbulence » se prépare. Le nouveau groupe compte 50.000 employés pour 306 avions, double de la moyenne, et promet pourtant de ne pas débaucher. Comment faire ? Ce sera la quadrature du cercle. La différence de management apparaît vive, entre cette firme d’Etat et Hainan Airlines, groupe où participe George Soros, le flamboyant financier américain.

 


Petit Peuple : Sanction du ciel pour tricheur invétéré

Le problème de Qian Li, brillant jeune médecin de médecine traditionnelle à Jiujiang (Jiangxi) n’était pas sa compétence (indiscutable), mais son goût invétéré de la fraude. Dès 1999, après un an seulement d’exercice, il avait été renvoyé de son hôpital pour avoir palpé le bakchich d’un patron cimentier. Au chômage depuis six mois, il avait été bien heureux  par la suite, d’obtenir un job de secrétaire à la clinique privée de maître Jiang Daquan: planche de salut inespérée.  Car ce cabinet familial était très coté, par ses quatre siècles d’existence sans interruption, et par ses remèdes secrets miraculeux. Qian aurait pu remercier le ciel, tenter de mériter sa chance… Mais le vice le tenaillait toujours : il n’attendait qu’une occasion pour se sauver, avec dans ses poches, les formules magiques !

Un jour que Jiang Daquan était sorti à la pharmacie, le jeune escroc fouilla les coffres où le maître serrait ses manuscrits. D’un d’eux, il extrait une cassette d’argent. Il y trouva 3 piécettes datant de l’ère Kangxi et ce texte calligraphié au pinceau sur un feuillet volant : «Piqûres d’abeilles, frelons et guêpes. Décoction d’herbe «gōutóu» appliquée en compresse chaude -douleurs et enflures disparaissent en 24h. Attention Danger : à n’utiliser que par l’héritier ! »

Qian réfléchit. A son souvenir, Elymus nutans Griseb, graminée, émettait naturellement une enzyme anti-oxydante qui détruisait le venin en réduisant l’oxygène autour de la piqûre. Ca devait marcher, et cette fois, sa fortune était faite, ou il ne s’appelait pas Qian Li!

Il commença par rappeler le cimentier, l’ancien client qui lui avait valu son peu glorieux renvoi. Ce dernier, ravi, l’invita à dîner chez lui en tête à tête. Au cours du repas, fort arrosé de bière, Qian tira parti du temps où le nabab partait se soulager, pour poser sur sa chaise une punaise enduite de venin d’abeille, reliée à sa chaussure par un fil. A son retour, le patron ne manqua pas de se piquer, se releva en hurlant, donnant à Qian un instant pour écarter le traquenard d’une discrète traction du pied. Dix minutes après, l’hôte commença à se plaindre d’élancements insoutenables, tant la fesse enflait fort : Qian avait mis la dose. Mais justement quelle chance, Qian avait chez lui par le plus grand des hasards le remède miracle. Plus tard, ayant reçu au fondement l’emplâtre salvateur, le riche repartait éperdu de reconnaissance, soulagé de 5000¥ (« tout ce qu’il avait sur lui ») et d’une promesse de le recruter comme son médecin privé…

L’ennui, c’est que deux jours après, le richard était de retour au cabinet, pitoyable, la fesse plus tuméfiée que jamais. Très ennuyé, le jeune docteur n’eut d’autre choix que d’alerter maître Jiang. Ce dernier observa la grosseur, entendit Qian raconter son diagnostic, le soin apporté. Sans commentaire, il prépara son onguent, l’appliqua sur la région enflammée. Après 30 minutes, le malade soulagé rentra chez lui : le maître lui certifiait que cette fois, ses ennuis étaient finis.

Une fois la porte du cabinet fermée, les 2 hommes se regardèrent. Sans crier gare, maître Jiang décocha à l’assistant une gifle à décorner un boeuf, l’avertissant : soit il «corrigeait fondamentalement son penchant au délit » (痛改前非 tòng gǎi qián fēi), soit lui, Jiang prévenait la police. Démasqué, Qian tomba à genoux, avoua son forfait, promit de s’amender.

Alors, le maître se radoucit abattit ses cartes: il l’avait engagé en fait, pour faire de lui son héritier. Aucun de ses fils ne voulait lui succéder dans ce métier vieux jeu. Qian était très doué en médecine, c’était seulement son penchant à la triche dont il fallait le guérir et lui, Jiang, savait le faire : tout, dans l’homme, se soignait, corps et  âme. Pour peu qu’il reste dans le droit chemin, Jiang le formerait à prendre sa relève…

Il en fut ainsi. Durant des ans, il lui apprit toutes ses formules, sauf celle des piqûres, qu’il avait tenté de lui chiper. Puis en mars, le vieux eut une attaque. Sachant ses jours comptés, il finit par lui donner le secret. Alors, Qian put sourire de sa propre bêtise, étant passé, le jour de son vol, si près de la solution, sans la voir. Car les trois sapèques faisaient partie de la formule. Plaquées d’un alliage spécial, elles dégageaient dans la décoction un sel prévenant les effets secondaires de la plante. Ainsi, quatre siècles plus tard, le remède fonctionnait encore dans les deux sens : guérissant le malade, piégeant l’apprenti sorcier!

 

Li Tian, l’embrouilleur virtuel

Programmateurs électroniques, spécialistes du design des jeux en trois dimensions, Li Tian et son amie Liu Fang avaient étudié deux ans en fac à Dalian, puis trois Juseong en Corée du Sud, la Mecque de cet art. Rentrés à Pékin en 2006, ils n’eurent aucun mal à se faire recruter chez Gamefans, une des meilleures maisons pour ce type de logiciels. Après quelques mois, Wang, le patron leur confia le projet de concevoir un jeu de football mettant en scène les stars et les équipes alignées aux JO de Pékin ’08.

Ils se mirent donc au travail. Ils progressaient déjà, quand arriva le 1erincident. Liu trouva un matin le bureau de son ami rangé au carré, d’une propreté atypique. Sur sa console à elle, elle trouva ce message insensé: débauché par les Coréens, il était passé à la concurrence étrangère. Il lui demandait cependant de lui rester fidèle. Le plus bizarre, dans l’affaire fut la réaction du patron Wang : étrangement bonasse, il n’exprimait nul choc, et disait à Liu de continuer, la nommant, elle, chef unique du projet.

Des semaines plus tard, 2d coup de théâtre, tout s’éclaire! Par mail, Li Tian avoue qu’ il est en mission pour le compte de Wang, chargé d’espionner ses Coréens.  Aussi, il faut qu’elle l’aide, en le tenant en  au courant de lurs propres progrès.

Donc comme avant, Li Tian et Liu Fang échangent tout, et savent ensemble du projet « foot », côté chinois et côté Coréen. Avec l’aide de Li, Liu, chez Gamefans, progresse à double vitesse!

Arrive le 12 juin, jour du salon, Gotha du joystick. Les caméras n’en ont que pour leur jeu de balle sur tapis vert. Vite pourtant chez Gamefans, on sent le coup fourré: ce sont surtout les Coréens qui attirent les foules, avec sur leur stand un Li Tian gominé qui présente un logiciel miroir du leur, et même un peu meilleur: Wang et Liu découvrent que Li Tian a retourné sa veste !

Ayant terminé sa manip, Li Tian nullement gêné s’approche pour s’expliquer : il a trahi pour l’argent, car quitte à espionner, autant le faire pour ceux qui paient le mieux – le décuple, en l’occurrence! Et puis c’est le jeu. Les coups de Jarnac, ce n’est pas fait que pour les jeux sur console -ils viennent de la vie réelle, et maintenant, ils y retournent… 

Wang dégoûté s’apprête à battre en retraite quand Liu l’arrête, le regard dur : « un instant, patron, regardez un peu ». Face à l’assistance médusée, elle commence sa propre démonstration, et soudain surprend tout le monde par sa résolution très nette, ses costumes plus réalistes, ses pubs déroulantes en bordure de terrain : ovation, et les acheteurs, en masse, changent d’avis… 

Li Tian, éberlué n’y comprend plus rien : « c’est toi qui m’as grugé ? »

Non, répond-elle sans sourire, c’est une phase du logiciel que je viens de développer, et que même le patron ignorait, on l’a mis au point ces derniers jours… Je voulais vous en faire la surprise…

Résultat du match : sur place et en public, Liu Fang a rompu avec Li Tian, lequel s’est aussi retrouvé chassé séance tenante par ses Coréens, n’appréciant ni de perdre le marché, ni de se retrouver au coeur d’une affaire d’espionnage industriel. Un Li Tian effondré réalisait -mais un peu tard- qu’il avait « tissé son cocon pour s’y enfermer » (作茧自缚 zuò jiǎn zì fù) – qu’il avait forgé l’instrument de sa propre disgrâce !

 

 

 

 

 


Rendez-vous : Qingdao, Salon de l’automatisation et de la transmission

20-22 août, Pékin : Salon des technologies ferroviaires

20-23 août, Qingdao: Salons pour la transmission et contrôle, et sur l’automatisation et interventions industrielles

25-27 août, Shanghai: Salon Intertextile

27-29 août, Chengdu : Salon de l’électronique