Le Vent de la Chine Numéro 14

du 25 avril au 10 mai 2009

Editorial : Le nouveau patriotisme chinois, et l’étranger

«La Chine est mécontente»: depuis décembre 2008, ce best-seller s’est vendu à 500.000 exemplaires, voire des millions, en comptant les versions pirates. Par ces recettes de vente, les cinq auteurs auront trouvé de quoi calmer leur mécontentement. China Daily, qui fait preuve pour l’occasion d’une rare liberté de parole, qualifie les auteurs de « nouveaux gauchistes extrémistes ».

A tout le moins, ce livre propage des thèses anti-étrangères, comme celle d’un «divorce conditionnel» avec l’Ouest, l’Amérique accusée de complot pour «enfoncer la Chine», mais aussi Paris qui lui manque de respect : elle devrait «réduire» les relations avec elle. Dans les émeutes de Lhassa de l’an passé, il voit la preuve d’une «stratégie d’encerclement» des «diables étrangers». La Chine ne devrait plus laisser «les USA kidnapper le monde». L’armée devrait «servir les intérêts fondamentaux du pays» (appel discret à une conquête des îles Spratley ou Diaoyu). Il faut aussi «étouffer les vents décadents», «construire la nation l’épée à la main»: rejeter l’influence de l’Ouest! Et comme aux années noires de la Révolution, nos auteurs taxent de trahison et de défaitisme tous ceux qui ne pensent comme eux et qui réclament la démocratie.

Si le régime n’a pas censuré ce livre, c’est qu’il reflète son aile conservatrice -même s’il le gêne par endroits. Mais son succès est dû au fait qu’il reflète fidèlement les angoisses de la Chine profonde, quand à l’avenir : les déficiences de la santé publique, la pollution, le krach boursier (qui a réduit en cendre des millions de pensions), l’emploi : autant de ratages de l’Etat, que ce dernier -et nos auteurs-occultent en tirant le rideau de l’étranger.

Cependant, l’Occident ne peut être tenu entièrement innocent du malaise chinois. La jeunesse doit apprendre à vivre dans le stress et la concurrence venus de l’Ouest : ses parents ne les connaissaient pas, pas plus que la mélamine ou fraudes boursières. De larges tranches de la société se sentent trahies par les critiques européennes contre leur pays, les manifs anti-chinoises de l’an dernier sur le passage de la torche olympique, dans lesquels elles voient un rejet malveillant d’une Chine qui réussit trop bien.

Une bonne nouvelle cependant : après la sortie du livre cocardier, des voix s’élèvent en Chine pour défendre l’étranger et leurs propres valeurs (cf notre blog du 9/03, « la France aime la Chine, et ne l’aime pas », http://www.leventdelachine.com/blog.php?page=2). Elles accusent les auteurs de jouer les bons apôtres et de s’enrichir sans dépanner la maison Chine. Ainsi, c’est à une étape de croissance de la nation chinoise que l’on assiste : moment tumultueux où tout arrive en même temps, les démocrates et les xénophobes !

NB : Pékin vient de se réconcilier avec la France de N. Sarkozy (cf p.4). Avec le Japon, il s’était réconcilié en 2006, suite à des années de mauvais climat sur fond de visites du 1er ministre Koizumi au sanctuaire de Yasukuni. Or, le 23/04, le cauchemar reprend : la Chine proteste car Taro Aso, le 1er ministre du moment vient de «faire une rechute» en offrant un arbre au même mémorial négationniste. Le même jour, il avertit aussi Barak Obama de dommages aux relations, au cas où il recevrait le Dalai en octobre. Avec la France, le Japon, l’Amérique, la brouille menace tour à tour, comme si le régime avait toujours besoin d’un bouc-émissaire, en partie pour contenter cette opinion qu’il a engendré, et ne contrôle plus.

 

 

 


A la loupe : Automobile : Le Salon de Shanghai montre le nouveau nord

«Le centre de gravité de l’automobile se déplace vers l’Est», déclare Dieter Zesche, PDG de Daimler. Le monde entier fait ce constat au Salon de Shanghai (20-28-04), au coeur du seul pays où les ventes progressent encore. Aidées par les subventions et réductions de taxes, elles y ont cru de 5% en mars à 1,1M de véhicules, tandis qu’elles s’effondraient de 32% au Japon, et 30% aux USA, faisant vaciller les colosses des Grands Lacs. La récession bien sûr, s’y fait sentir (45% des candidats acheteurs, ont provisoirement renoncé, et 25% d’autres, ont choisi moins cher), mais moins qu’ailleurs, partant des taux de croissance fous des années passées.

Nissan ne s’y est pas trompé, qui a renoncé au Salon de Detroit et s’apprête à oublier Francfort pour tout miser sur Shanghai, surfant sur la vague de ses succès de l’an dernier et ses +36% de ventes en mars. L’allié de Renault espère «au moins» 570.000 ventes dans l’année (+5%), et prépare la relève—15 nouveaux modèles d’ici 2012.

Aussi enthousiastes, les autres Japonais visent 5 à 10% de progression, jouant de leur image de fiabilité et de fortes gammes dans les créneaux porteurs : la faible cylindrée, le luxe (ventes nationales doublées en mars), et les «non pétrolières», où Toyota a une longueur d’avance. Honda espère 520.000 ventes, Mazda 170.000, et Toyota le n°1 mondial, une « progression légère ».

Côté chinois, c’est l’offensive tous azimuts. «Plus la crise dure», dit Xu Liuping, Président de Chang’an, «plus les Occidentaux risquent la chute, plus pour nous, c’est la chance de percer». La récession aiguise leurs atouts naturels comme la demande locale en low-cost. D’autre part, 85% des acheteurs en sont à leur 1er véhicule: la fiabilité pour eux n’entre pas encore en ligne de compte, ni l’idée de revente -d’autant moins forte, que le marché de l’occasion est encore dans les langes. Enfin, le piratage fait baisser les coûts. La M6 de BYD clone l’Estima/Previa de Toyota, la Haima2 de FAW est soeur (illégitime) de la Mazda2, et la Geely GE ressemble tant à une Rolls, que la firme britannique étudie la possibilité de porter plainte… Tout cela a permis aux marques chinoises de conquérir 25% du marché en 10 ans, ce qui fait très sérieusement grincer les dents des groupes globaux: «il est temps», dit ce directeur commercial nippon, « que les Chinois cessent de couper leurs virages et assument leurs responsabilités d’acteurs mondiaux ». Au salon, les firmes chinoises multiplient les nouveaux modèles (22 chez Geely), et se risquent déjà dans le luxe (Emgrand chez Geely, Riich G6 chez Chery). BYD vise le doublement des ventes avec 400.000 unités cette année. Avec Chery, SAIC et d’autres, puissamment soutenus par un programme public de subventions et de recherche, BYD veut occuper à l’avenir le premier rang dans la voiture de l’après-pétrole.

Deux autres nations jouent des biceps à Shanghai :

l’Allemagne, sur tous les créneaux. Longtemps n°1 chinois, VW frise les 7MM² d’investissements locaux et prétend d’ici 9 ans doubler le nombre de ses distributeurs et ses ventes à 2M de véhicules. Porsche présente sa Tanamera très attendue. Daimler, qui a doublé ses ventes en mars (5100), présente sa S400 hybride (essence-batterie) et sa Smart, introduite dans 17 villes pour commencer. « L’urbaine idéale », vantent ses auteurs (toute petite voiture, peu gourmande et facile à garer) : elle aurait déjà suscité 1,2M millions de demandes de dossiers…

– Les USA, Ford, Chrysler et surtout GM jouent leur va-tout. Avec 363.000 ventes ce trimestre, GM présente 37 modèles et prétend doubler ses ventes à 2M/an d’ici 2013.

Côté France, avec son partenaire Dongfeng (Wuhan), PSA voit ses ventes remonter. Peugeot et Citroën ont vendu 189.000 véhicules. Peugeot pré-sente 14 modèles, et Citroën sort des versions sini-sées de la C4 et de la C5, entrant avec cette dernière sur le marché haut de gamme. Ensemble, les deux fi-liales occupent une part modeste du parc (3,7%), mais se créent une image de personnalité et de fiabilité, base solide pour l’avenir.

 

 


Joint-venture : L’Union Européenne tance Pékin

L’Union Européenne tance Pékin

Il n’est pas courant de voir l’Union Européenne critiquer si vertement l’administration chinoise. Elle le fait sans prendre de gants (21/04), après avoir épluché son palmarès 2008 des faux produits saisis grâce au système Rapex d’alerte rapide de produits de consommation dangereux non alimentaires. En 2008, 1866 interdictions furent émises aux 27 Etats membres : 16% de plus qu’un an avant. 59% d’entre elles provenaient de Chine, contre 52% en 2007 et 49% en 2006. La courbe parle d’elle-même, et l’inquiétude de la commissaire Maglena Kuneva est exacerbée par le fait que dans 50% de ces cas, l’origine du lot n’était pas retraçable -probablement suite à un brouillage volontaire des pistes.

A travers le monde, près d’un tiers de ces produits interdits étaient des jouets, suivis de l’électroménager (11%), des voitures (10%) et des vêtements (9%). Bruxelles en déduit le besoin de renforcer la coopération, pour éradiquer la malfaçon à la base.

Ce qui pourrait s’avérer plus facile avec la concentration des secteurs, sous l’effet de la crise : dès janvier 2009, 4000 firmes de jouets— 50% du métier—avaient fermé leurs portes !

France/Chine – cap réconciliation

Après quatre mois de fâcherie, la réconciliation franco-chinoise se fait à étapes forcées… des élus français. Troisième du genre en un mois, la semaine passée vit en Chine le retour après 27 ans d’une délégation du Parlement -son Président B. Accoyer, ses membres M. Herbillon (UMP) et B. Leroux (PS). Honneur significatif, le Président Hu Jintao les reçut afin de parler, «au-delà du Président Sarkozy, à la France entière». Il accepta de se rendre en France à l’automne, et invita Fr. Fillon, le 1er ministre «fin août», pour poser la 1ère pierre du réacteur nucléaire EPR. Sur le traces des élus, suit J. Chirac (28-29/04) en visite privée, et le bal des ministres, dans les deux sens, pour relancer les coopérations (énergie, droit, médecine, environnement)…

Les liens sont donc rétablis. Mais on le note: finies, les demandes de droits de l’homme à la Chine, la soumission de listes de prisonniers politiques. Et bien sûr, le soutien, même officieux au Dalai Lama. Contrairement à la thèse d’Accoyer pour qui «on retourne aux fondamentaux de cette relation bilatérale unique, vieille de 45 ans», la relation a pris un tournant, avec une Chine qui n’hésite plus à s’imposer. Hu voit cette relation basée sur «l’écoute, la sincérité et le dialogue». Mais l’est-elle encore sur « l’égalité » ?

 

 

 


A la loupe : La marine chinoise se lance vers la haute mer

Splendide, et rarissime, cette fête de la marine militaire chinoise, le 23 avril à Qingdao (Shandong) ! Pour son 60 ième anniversaire (le 23-04-1949, quand 9 frégates et 17 petits cargos de la flotte nationaliste étaient passés dans le camp de Mao Zedong), la marine de la RP de Chine invitait ses soeurs de 14 pays à une régate à Qingdao, sa base nordique. C’était la 4ème parade depuis sa naissance, après celles de 1957 (Dalian), de 1995 (en présence du Président Jiang Zemin), et de 2005, au Shandong, suite à des exercices sino-russes.

Pour l’occasion, démontrant sa confiance en soi, la marine chinoise déployait ses trésors cachés : – Ses sous-marins nucléaires de classe Jin et Shang, presque au plus haut niveau mondial. Le Grande Muraille 218 fut visité par de rares invités, dont le contre-amiral américain Bird, qui se dit impressionné par… sa propreté. – Les frégates lance-missiles Wenzhou et Mianyang, – Les destroyers Guangzhou et Haikou (flotte sud), Harbin (flotte nord).

– Le navire hôpital Daishan, dit « l’arche de paix ».

21 bateaux étrangers étaient de la parade. Le plus admiré était le coréen Dokdo, porte-hélicoptères d’assaut de 18800t, lancé en 2007. Le plus sympathique était le voilier école mexicain Cuauhtemoc, arrivant à quai avec 80 élèves officiers perchés dans la mâture, saluant la foule. Ainsi que la frégate légère française Vendémiaire (2.600t) où les visiteurs peu habitués, furent surpris de voir un équipage multiethnique et une femme officier. On peut encore citer l’impressionnant croiseur lance-missiles russe Varyag (11.370t), le ravitailleur canadien Protecteur, (24.000t), et le destroyer USS Fitzgerald (8.800t).

Mais parmi tous ces pavillons, l’un manquait ostensiblement, faute d’avoir été invité : le japonais – partiellement compensé par l’invitation du Contre-amiral Kato. L’omission n’était pas anodine, pas plus que le rendez-vous de Qingdao : à 150km du site d’une fameuse bataille navale où l’escadre nippone, plus petite mais mieux organisée, avait écrasé en quelques heures celle des Qing en 1895, dite l’orgueil des mers… « ceci est un message (au Japon) », dit cette source anonyme de la marine chinoise, « la Chine ne laissera plus jamais sa flotte se laisser battre si aisément ».

Cette marine militaire chinoise a fait des progrès considérables depuis 10 ans, grâce à ses budgets annuels en milliards de US$. C’est ce même signal que donnait le 21/04 Wu Shengli, commodore de la marine, annonçant de futurs équipements de nouvelle génération, et le changement de cap d’une mission côtière, vers la conquête des océans. Même si cette flotte chinoise reste encore encombrée de centaines de rafiots hétérogènes, le tournant est évident. Engagée depuis 20 ans, la course au porte-avions pourrait aboutir d’ici 2020. A Qingdao, se murmurait à bord des navires étrangers un plan pour six de ces navires, plus petits qu’un USS Nimitz de 100.000t, mais plus réalistes pour un 1er pas, et permettant de maîtriser plus vite cet ensemble de savoir-faire très complexe…

La Chine ne fait pas mystère de ses objectifs: protéger ses routes maritimes, ses 98% d’export convoyées par mer, ses 95% d’import de pétrole : « on ne peut pas confier nos ambitions de puissance émergente au bon vouloir de l’étranger, entendez, l’Amérique », dit cet expert chinois.

Pas par hasard, d’autres missions d’avenir pour la marine chinoise, visent aussi la 7ème flotte américaine, basée au Japon (et dont provenait l’USS Fitzgerald!). Selon un rapport du Congrès, daté de novembre 2008, il s’agirait dès 2010 d’empêcher les USA, par sa puissance de feu de défendre Taiwan, puis de les «encourager» à se retirer du Pacifique. Une autre mission «urgente» serait de soutenir les revendications chinoises sur la mer de Chine, les archipels Diaoyu, Paracelses et Spratley aux riches dépôts pétroliers et contrôlant les routes d’accès au monde.

Enfin, Pékin commence aussi à guigner du côté de l’Océan Indien, loin de ses bases, mais où il compte des alliés comme le Bengladesh ou le Pakistan : histoire de rivaliser avec l’Inde…

On ne peut conclure ce survol de cette flotte émergente, sans évoquer son appel à négocier avec toutes ces puissances maritimes : la Chine demande aux partenaires de coopérer plus contre la piraterie maritime, «sous l’égide de l’ONU ». Et pour commencer, de donner à la Somalie de quoi financer sa police des mers, et son développement, pour supprimer la cause structurelle de l’émergence des nouveaux forbans : « jamais nous n’utiliserons notre flotte pour autre chose que notre défense », affirmait le Président Hu Jintao, présent à la parade !

 

 


Argent : Le lait chinois cherche à sortir de l’enfer

La récession en Chine n’a rien arrangé aux malheurs du lait chinois, frappé du scandale de la mélamine. En avril, l’Association laitière de Chine alerte : 250.000t de poudre sont en stock, suite au boycott de facto des fabricants. Shanxi, Hebei, Xinjiang, Ningxia sont les 1ers touchés. Les paysans abattent leurs bêtes: déjà 10.000 …

La raison est la rupture de confiance des consommateurs, qui se reportent sur la marchandise de Nouvelle Zélande, plus sure, et moins chère -suite à dévaluation en début de récession. Son lait en poudre se vend 2235$/t le 20/04 -imbattable. Pour ce 1er semestre, Fonterra, n°1 mondial veut tripler ses ventes chinoises à 160.000t. D’où la demande à l’Etat, début avril, par l’Association Nationale des industries laitières de racheter jusqu’à un tiers du stock, voire de bloquer les importations. Mais Pékin ne bouge pas—peut-être gêné à la veille de la reprise des palabres de l’OMC (ronde de Doha) où il milite pour la libéralisation des échanges agricoles. Aspect dérangeant dans cette affaire : avant le scandale de la mélamine, Fonterra, actionnaire à 43% de Sanlu le principal fauteur, n’a rien fait pour enrayer sa pratique. Aujourd’hui, il tente de racheter les derniers actifs de Sanlu en faillite, ceux que le pékinois Sanyuan n’a pas acquis aux enchères début mars.

Paysans et petits producteurs souffrent. Mais les gros ont déjà remonté la pente. Yili a récupéré 80% de son marché, Mengniu 100% au nord, 60% au sud. Ce n°1 national a perdu 950M¥ dans la tempête (pas de dividendes pour l’année 2008!), mais il a su limiter les dégâts en s’appuyant sur le produit que l’étranger n’importe pas: le lait liquide, d’où venaient 21MM¥ de ses revenus en 2008 (88%), surtout UHT (65%). Et Mengniu se lance à la reconquête, en s’attaquant à la racine du mal de l’an passé, l’insuffisance de l’offre. Le groupe mongol veut investir dans les super-fermes de 10.000 vaches (les seuls centres qui resteront agréés d’ici 3 ans). Des sept qu’il possède, il veut passer à 20, par rachat ou par création.

Question : comment un groupe ayant tant perdu, garde-t-il les reins assez solides pour investir en masse?

Réponse: par le soutien des banques publiques. L’endettement de Mengniu a sextuplé en un an, de 183M¥ à 1,2MM. Pour réconcilier qualité, volume et la sauvegarde cruciale de l’emploi paysan, l’Etat n’a que les grandes entreprises, auxquelles il est bien obligé de pardonner les fredaines passées !

 

 


Pol : Mauvais délit, au mauvais moment

Mauvais délit, au mauvais moment

A Changchun (Jilin), où il avait été transféré afin de ne pas risquer de faire pression sur le juge, Wang Weigong, ex-Secrétaire au Bureau Général du Conseil d’Etat, reçoit la peine de mort avec 2 ans de sursis pour avoir empoché 1,9M$ sur une dizaine d’années, notamment en lien avec le célèbre détournement du fonds de pension de Shanghai en 2006. A Jinhua (Zhejiang) Wu Ying, qui avait 26 ans, en 2007 lors de son arrestation, voit son procès débuter (16/04), pour fraude financière, aussi passible de la peine capitale. Fille de paysan, déterminée à s’arracher à la misère, Wu Ying avait d’abord monté son salon de coiffure en 1997. Neuf ans après, elle était créditée d’une fortune de 3,6MM¥, 6ème femme plus riche de Chine. Selon l’acte d’accusation, 11 personnes lui ont prêté 390M¥ pour les faire fructifier, qu’elle a dilapidés. Ce qui transpire de ces deux cas, est l’hypersensibilité de l’Etat sur la fraude, faisant suite à 30 ans de laxisme. Pékin a aujourd’hui besoin de châtiments exemplaires, surtout pour priver la base, souvent victime d’indélicatesses des puissants, d’un prétexte pour s’embraser.

 

 


Temps fort : Firmes étrangères—sorts variés

Comment les firmes étrangères réagissent-elles à la crise? Comme les chinoises, selon leur secteur d’activité.

Certaines ne sentent pas passer la récession, comme le secteur des glaces : le client (la cliente) s’octroie une compensation psychologique au stress: cela s’appelle «l’effet rouge à lèvres». En profitent surtout les glaciers étrangers : Dairy Queen, Baskin Robbins, Häagen-Dazs annoncent chacun des dizaines de surfaces supplémentaires à travers le pays en 2009. Sur le même registre, McDonald’s veut créer 10.000 emplois, pour des centaines de restaurants et une seconde Hamburger University (après celle de Hong Kong). KFC en annonce plus de 400.

Huiyuan, 1er presseur de jus de fruits du pays, se remet fort bien du veto par l’Etat de son rachat par Coca-Cola: des discussions sont en cours avec plusieurs autres groupes, dont… Coca-cola, préparant une nouvelle offre plus limitée.

En pharmacie, les grands groupes mondiaux se positionnent pour obtenir leur part du marché nouveau, généré par la refonte de la santé chinoise. Le français Sanofi, n°4 mondial annonce par la voix de son PDG Chr. Viehbacher 100M² dans l’expansion d’une production anti-diabétique à Pékin, et le transfert à Pékin d’une usine de Hangzhou (remèdes du cancer et des troubles cardiovasculaires). Il s’agit d’un changement de concept global : s’affranchir de la dépendance à une poignée de produits phares, et passer aux génériques en pays émergents. Donc : passer d’une médecine de riches, à une de pauvres.

Novartis fait un choix similaire, et veut créer dans l’année des centaines d’emplois (en plus des 3500 actuels), intensifier ses tests cliniques en Chine, la R&D et la production locale de six molécules nouvelles.

D’autres groupes semblent tentés d’utiliser la crise pour régler un problème interne : tel Wal-Mart, le distributeur qui tentait d’imposer (15/04) le «déplacement» de 1400 cadres intermédiaires, sur ses 50.000 actifs chinois. Ils devaient accepter un poste dans une des 147 grandes surfaces, ou souffrir une baisse de salaire, ou le licenciement. Puis après six jours, Wal-Mart cède: «après accord avec le syndicat» (sic), Wal-Mart renonce à sanctionner ces personnels (sans doute, les syndicalistes) qui refusaient de se faire déloger. Fin provisoire d’un vieux duel entre la firme américaine et le syndicat unique

Une autre partie serrée se joue entre aciéries chinoises, Pékin et groupes miniers australiens, Canberra, sur la ruée des Chinoises riches, vers les Australiennes en mauvaise posture. L’aciérie Anshan veut renforcer son contrôle de la mine Gildalbie pour 113M$-mais Canberra, sans dire non, lui ordonne de revoir sa copie. Ici, le conflit est patent entre le cabinet du sinophile Kevin Rudd, et l’opinion «aussie» hostile à laisser cet étranger prendre le contrôle de ses richesses.

 

 


Petit Peuple : Kaoshan—brigand de bois, bras de bois

Kaoshan—brigand de bois, bras de bois

Cet après midi de janvier 2006, Chang Wei, trésorier du village de Kaoshan (Shanxi), sexagénaire bien conservé hormis une calvitie avancée, retournait de Taiyuan avec 3000¥ retirés de la banque pour sa mairie. Le destin voulut que le bus tombe en panne. Le temps que le chauffeur répare, nettoie le cambouis, reparte, ils débarquèrent à 22h : il lui restait encore 5km à pied, de chemin risqué-où nul en se bon sens ne s’aventurait à cette heure-là.

Ce qui devait arriver arriva : entre craquements d’arbres sous le vent et bruits de bestioles détalant à son approche, Chang Wei vit sous un pâle réverbère, un grand escogriffe sortir voilé de derrière un arbre, escopette au poing, lui dire sobrement : « pas un geste de travers – le fric ou je te refroidis»!

Si Chang Wei fut terrorisé, il n’en laissa rien paraître. Il attendit tout au plus quelques secondes avant de geindre sa réponse : « Pitié ! J’te donne tout ce que j’ai, mais épargne moi! » Il sortit les 3000¥, jouant la tremblote.

Dès lors, sûr de son coup, souriant avec suffisance, le détrousseur poursuivit d’une voix de stentor: ‘Pose ton larfeuille à terre -voilà. Maintenant recule, tourne toi, fais cinq pas!‘ Tout ce cinéma donnait à Chang Wei le temps d’observer le brigand, de chercher le point faible. Il le trouva vite : l’arme, pétoire à moineaux chargée de petits plombs pas assez puissants pour tuer. De plus, d’allure remontant à l’époque des Trois Royaumes, il ne tirait qu’un coup, et il lui fallait 30 secondes bien comptées pour recharger, avant de pouvoir tirer le prochain .

Le malandrin prenait les 3000¥, s’éclipsait déjà quand Chang Wei hurla :

– Pas si vite ! Si j’rentre au village les mains vides, les aut’-y vont dire que c’est moi qu’ai piqué l’oseille. Faut qu’ tu me couvres, j’veux une preuve qu’tu m’as volé.

– C’est çà, s’esclaffa l’autre, tu m’prends pour une pomme ? Quand les flics verront le papier, y’r’montront à moi par la signature – allez calte maintenant, ou je te bute.

Mais Chang Wei poursuivait, pas découragé : « mais non, pas un papier… simplement, si tu me tires dans le bras, à un endroit pas grave, ça suffira à m’éviter la taule. S’il te plait, tire moi dans l’lard—en plus, comme ça, j’aurai un congé de maladie».

Le brigand était mort de rire, au point que son foulard lui tombait du nez : «Alors celle-là, on me l’avait jamais faite! Mais t’es un vrai branquignole ! Mais bon, j’avais envie de te trouer, alors si t’insistes, voilà! » Et comme le caissier tendait le bras pour montrer où tirer, « bang », le malfrat lui troua le biceps.

Voilà Chang Wei à terre, pleurnichant. Le truand l’observe avec mépris, se détourne pour partir, quand sans crier gare, il se retrouve plaqué au sol : à son tour de geindre, l’épaule démise par une clé de kungfu, tandis que le caissier récupère sa liasse, un large sourire aux lèvres.

Une fois passé le temps de réaliser son désastre, «mais comment qu’ t’as fait ?»… le bandit demande.

– ben j’tavais pas dit -tu m’as pas d’mandé non plus- mais j’ai fait 10 ans de commando.

– Mais quoi, halète le gars, j’t’ avais crevé l’bras – c’est d’la diablerie, çà… »

– « Souvenir of Vietnam », réplique Chang Wei, impérial, tout en relevant sa manche pour lui brandir sa prothèse criblée de plomb.

Tandis que le caissier le conduisait vers Kaoshan, pour y passer sa 1ère nuit de derrière des barreaux, le malandrin tête basse, se disait que cette soirée, « il ne l’oublierait pas, même quand il n’aurait plus de dents » : 没齿不忘 chǐ bú wàng !

 

Quanzhou : la passion de Chen Heping

Quand il y a 10 ans Chen Heping, sexagénaire de Quanzhou (Fujian) s’en alla voir des amis de Jinjiang, la ville d’à côté, il ne se doutait pas que la visite changerait le cours de sa vie. Feuilletant chez eux l’histoire de leur famille, il tomba en arrêt sur une référence aux 18 «combattants de cuivre», créés sous les Qing par quelque artisan de génie pour le monastère local. Aujourd’hui disparus, ces robots servaient à la formation guerrière des moines du Kungfu, les forçaient à parer leurs féroces coups de pied et manchettes. Face à ces statues, une armée se serait même trouvée en mauvaise posture, aussi incapable de les dominer que de les détruire.

Menuisier de son état, Chen gagnait sa vie en construisant des ruches. Son grand regret, sur la fin de ses jours, était de n’avoir pas laissé une oeuvre qui lui survive, reflétant sa personnalité. C’est fréquent en ce pays, où dès le stade de l’école, puis dans la vie adulte l’individualité est parfois écrasée au profit du groupe. Alors, lisant ces lignes, un éclair le traversa : « et si je reconstruisais les soldats de cuivre» ?

Il dut d’abord apprendre les rudiments du Kungfu, en décomposer les gestes, devenant lui-même élève de cet art -sur le tard, au prix de bleus et tours de rein. La nuit, il se réveillait en sursaut pour noter tel lancer de bras ou jet de pied, à faire reproduire par son robot. A son atelier, il commença à assembler des êtres grossiers, aux gestes improbables.

Il passa ainsi dix ans à bricoler et à maîtriser des instruments modernes, des techniques inconnues comme la forge, la soudure au chalumeau, la perceuse électrique. Travaillant seul, sans argent, il sentit souvent la fatigue – jamais le découragement. Il rejeta les suggestions des proches de laisser tomber. Désormais, Chen avait un but dans la vie : il irait jusqu’au bout.

En janvier, Chen a sorti son premier automate, à la carcasse de bois et de fer vêtue d’une vareuse gris-bleu à la Sun Yat-sen, et d’un pantalon bleu roi. La tête est cylindrique. Les poignets sont des sphères de roseau tressées semi-souples afin d’amortir les chocs. Derrière lui, un jeu de poulies et de câbles chargés de contre-poids forment le mécanisme lui permettant d’exécuter quelques passes : jeter le bras en avant, lancer la jambe, à des vitesses réglables à volonté. Atteint d’une manchette, il émet un genre de cri de kungfu -pour signaler à l’athlète qu’il a gagné le point.

Invités à découvrir son oeuvre, les frères combattants se sont déclarés enchantés, et l’ont adopté : désormais, l’homme de cuivre habite au monastère, chez eux, au lieu de son incarnation première.

Quant à Chen Heping, sans se laisser éblouir par son triomphe, il passe à la vitesse supérieure : il prétend bâtir à présent les 17 humanoïdes manquants. Leur donner à chacun des gestes personnalisés et mouvements de combat distincts. But avoué: permettre le remake futur de la fameuse bataille antique, humains contre mutants. « maintenant que j’ai appris, ca va aller vite», dit notre menuisier tout fier du bon tour joué au destin : à l’âge où la plupart s’assoient et se résignent, lui, seul et sans maître, a inventé une technique unique au monde : 无师自通 wú shī zì tōng ! (« il a inventé ça tout seul »)

 

 

 

 


Rendez-vous : A Shanghai, les Salons de retraitement de l’eau, et de l’environnement

27-29 avril, Pékin : Foodnews juice Asia, en Asie et dans le monde

28-29 avril, Tianjin : Le 8.ième Forum Euro chinois

28-30 avril, Shanghai : China Water Show – retraitement de l’eau

21-24 avril, Shanghai : Chine EPTEE Show, technologies de protection de l’environnement, eau, air, déchets, énergie, recyclage

4-7 mai, Shanghai : China Cycle : vélo et moto