Le Vent de la Chine Numéro 8 (2016)

du 7 au 13 mars 2016

Editorial : Le mot « impossible » n’est pas chinois !

Le 5 mars à Pékin, en ouverture du Plenum de l’ANP (Assemblée Nationale Populaire), le Premier ministre Li Keqiang fit son traditionnel rapport 2015 et programme 2016. Surprise, le chef de l’exécutif ne défendit que mollement les thèmes chers au Président Xi Jinping : il s’étendit peu sur la campagne anti-corruption, peu sur l’obligation de loyauté des cadres envers le chef de l’Etat, mais glissa de discrets appels à la démocratie, tel celui-ci : « notre gouvernance devrait toujours être guidée par les vœux du peuple », ce qui n’est pas exactement au programme de Xi, à cheval sur le monopole du Parti. L’incident explicite un malaise palpable. Xi Jinping vient de faire un nouveau pas autoritaire en intimant à la presse de se conformer strictement aux directives, renonçant à tout libre arbitre. La distance de Li Keqiang peut ainsi refléter un désaccord – Li et Xi, sans se contredire mutuellement, suivent des priorités différentes ! Dans la salle en tout cas, les 2880 édiles, dont les réactions sont toujours sous contrôle, ont accueilli le discours avec réserve, moins de bravos, et moins forts que de coutume. 

La priorité alla à l’économie : Li fit ce constat inévitable d’une croissance qui cale. Dans le cadre du 13ème Plan (2016-2020), Li promit pour 2016 une croissance en léger recul, de « +6,5 à 7% », et des mesures de relance en matière de finance, taxation ou droit des affaires. Peut-être pour prévenir toute critique de ses adversaires, le Premier ministre se vota un satisfecit pour l’an 2015 : «  les objectifs ont été remplis ». Certes, la croissance n’a atteint que +6,9%, manquant le but de 7%, mais en termes de pouvoir d’achat, du fait de la stabilité des prix, elle équivaut à +7,4%. Et surtout, pour la première fois, la part des services dans ce PIB dépasse 50%, et ce PIB est généré à 66% par la consommation, et non plus comme hier, par les grands projets de l’Etat, ce qui est le but le plus profond de toute cette transition, d’un fer de lance industriel étatique porté à bout de bras par ses monopoles et subventions, vers un système privé-public plus autonome, créatif et durable. En 2016, Li Keqiang prétend parachever l’introduction universelle de la TVA, plus équitable que l’actuelle « taxe d’affaires ». Il veut aussi relancer la consommation en effaçant pour 70 milliards d’euros de taxes. Il prépare la suppression de jusqu’à 6 millions d’emplois dans des entreprises « zombies », et promet de relaxer « significativement » l’accès au privé et à l’étranger aux secteurs jusqu’alors chasse gardée de l’énergie, des télécoms, des transports. 

D’ici 2020, 300 millions de citoyens défavorisés changeront d’habitat et/ou de statut : un tiers, émigrés dans les grandes villes, recevront le permis de résidence (hukou), ouvrant à eux et leur famille, le droit aux écoles et à une couverture sociale ; un tiers sera relogé sur place, au village ou dans les banlieues pauvres ; et les derniers 100 millions iront dans des villes nouvelles au Centre et à l’Ouest du pays. L’immense programme d’équipements va se poursuivre, avec 300 milliards d’euros rien que dans les voies rapides (30.000km) et les lignes TGV (11.000km), sans compter les programmes de centrales nucléaires, de barrages… La recherche doit d’ici 5 ans, recevoir 2,5% de la ressource nationale, et générer 60% de la croissance par les brevets et techniques ainsi mis au point. L’environnement va aussi recevoir sa part, pour réduire sous 5 ans de 23% la dépense en eau, 15% de l’énergie, et 18% des émissions de CO2. Li résume ainsi l’état d’esprit nouveau : «  depuis l’origine, la Chine se développe en gagnant ses paris—il n’est point de difficulté dont elle ne puisse venir à bout » !


Les Deux Assemblées, la fibre patriotique
Les Deux Assemblées, la fibre patriotique

Depuis 27 ans, les deux Assemblées (CCPPC et ANP) ne s’étaient plus ouvertes dans une atmosphère aussi pesante, entre campagne anti-corruption (qui entre dans sa 4ème année), grèves et manifestations à foison (contre licenciements, faillites et coupes salariales), et drames sociaux incessants, tel l’assassinat d’une juge, le 26 février en banlieue de Pékin, par un homme mécontent des modalités de son divorce.

En de tels moments, la censure ne suffit plus : place aux nouvelles souriantes dans la presse, pour rendre le moral au peuple, et aux édiles la chance de débats dans un climat serein.

Il y a la loi sur la violence au foyer votée en décembre, en vigueur depuis le 1er mars. Depuis lors, quand un conjoint battu appelle le commissariat, celui-ci est tenu d’envoyer une patrouille, sans plus se retrancher derrière l’excuse qu’il s’agirait d’une « affaire de famille ». En cas de violence avérée, la police doit « avertir » le coupable et prévenir le juge, qui peut sous 72h, voire 24h (selon gravité), lui interdire l’accès au foyer, sans préjudice d’autres poursuites. L’avertissement est aussi transmis à l’employeur, mettant ainsi de facto les collègues au courant – et compromettant l’honneur et la carrière du conjoint violent, l’incitant ainsi à réfléchir à son comportement. De cette loi, la justice attend une forte baisse d’un fléau qui sévit sur 25% des foyers chinois (taux comparable au taux à celui de l’UE), jusqu’à 200 millions de femmes, mais aussi 30 millions d’hommes. ANP et CCPPC pourront affiner les détails de la loi concernant la formation des policiers face aux scènes de ménage, ou la multiplication des foyers d’accueil…

L’âge de la retraite va être repoussé à 65 ans. Il est aujourd’hui de 60 ans pour les hommes, et 50 à 55 ans pour les femmes—ce qui explique le faible montant des pensions, surtout pour les femmes. Ce déficit en heures prestées par ces travailleurs, cause aux fonds de pension un risque, désormais proche, de défaut de paiement. Mais les années prestées à l’avenir permettront aux fonds de pension de se recapitaliser et d’investir : les seuls avoirs en bourse des fonds privés (hors secteur public) doivent selon les sources, franchir 600 milliards de $ en 2020. Le nouvel âge de la retraite pour tous, de 65 ans, n’adviendra que graduellement, d’ici 2045 – délai imprescriptible pour chaque tranche d’âge, pour allonger sa vie active dans l’équité, équilibrant durée et prestations supplémentaires. 

Autre expression patriotique, le pays prépare pour novembre le 150ème anniversaire de la naissance de Sun Yat-sen, père de la Chine moderne, qui enterra la dynastie Qing en 1911. Xiu Fujin, édile à la CCPPC et vice-président du CRKC (Comité révolutionnaire du Kuo-Min-Tang chinois, un des 8 mini-partis non communistes tolérés par le régime), propose que le costume « Mao », en réalité popularisé par Sun Yat-sen, soit élevé à la dignité de « tenue nationale ».

Face à l’instabilité qui hante le Xinjiang, ayant causé des dizaines d’attentats et centaines de morts depuis 10 ans, Pékin émet une initiative inattendue : combattre couteaux et bombes artisanales par… lefolklore ! Armée et police resteront en pointe de la lutte antiterroriste, avocats et cadres du Parti viendront animer discours et causeries aux villages, mais « les masses de toutes ethnies » seront aussi invitées à se joindre à des concerts, bals et pièces de théâtre de rue. Un « rôle moteur » doit être « dévolu à la culture… en des activités de propagande culturelle … pour divertir les foules, et les instruire en même temps ». Récente, la directive ne précise pas l’agenda des festivités. 

Toutes ces initiatives s’inscrivent clairement dans une perspective de crise, avec en filigrane, un risque de fin d’état de grâce pour le Président Xi Jinping. Pour la combattre, la presse recense précieusement les situations où le Président fut vu versant des larmes, démontrant ainsi sa capacité émotive. Depuis les années ‘60, il l’aurait fait au moins quatre fois…

Apparaissent aussi sur les ondes une vague de nouvelles chansons, peu spontanées, soulignant les mérites du chef de l’Etat. Hu Xiaoming, chanteur, et Tang Jianyun, auteur-compositeur (obscurs jusqu’à hier) n’y vont pas par quatre chemins : « si tu te maries, prends quelqu’un comme Xi Dada (oncle Xi), un homme décidé dans ses actes et sérieux à la tâche », qui « pourfend les Mouches autant que les Tigres et ne lâche jamais prise, plein d’héroïsme et d’esprit indomptable, qui sans peur de l’inconnu et des difficultés, insiste toujours et va de l’avant ». Un autre groupe, sous le nom de scène des « Vieux ados », va plus loin : « Xi Dada, idole des hommes, mari idéal des femmes… Nous t’aimons, t’aimons, jusqu’à la fin des temps ». 

Avec cette vague de chants et de poèmes, les thuriféraires du chef de l’Etat franchissent une limite qui n’avait plus été atteinte depuis l’ère de Mao. Jiang Zemin, Président de 1989 à 2002, avait fait l’objet d’odes citées par notre confrère du South China Morning Post, le dépeignant en « leader héritier du passé et éclaireur de l’avenir », mais sans citer son nom, et sans ce degré d’attachement passionné. L’avenir dira si la rue chinoise est aujourd’hui prête à se plier à l’engouement qu’avaient reçu les campagnes de culte du Grand Timonier, 50 ans en arrière.


Economie : Relance et crédit…

Esquissé la semaine passée au Vent de la Chine n°7, le plan de relance de l’économie promet d’être au cœur des débats de la CCPPC et de l’ANP, d’autant qu’il se conjugue avec le tout jeune 13ème Plan quinquennal (2016-2020). 

À peine le G20 terminé, où les autorités chinoises avaient rassuré le monde vis-à-vis de tout risque de stimulus solution de facilité qui aurait exporté « sa » crise à l’étranger – voici que Li Keqiang dévoile au secrétaire d’Etat au Trésor américain Jack Lew son intention de permettre une croissance monétaire de 13% pour 2016. Cet argent frais ira aux « réformes structurelles du secteur de l’offre ». Le 1er mars aussi, la Banque Centrale coupait de 0,5% le taux des réserves obligatoires des banques (à 17% du capital), libérant 100 milliards de $ pour les prêts. 

Cette bouffée d’oxygène aiderait aussi les provinces à éliminer leurs usines et mines en surcapacité, comme ces 1000 mines de charbon devant fermer en 2016, rayant de l’inventaire 60 millions de tonnes de houille inutile. Ce choix de la Banque Centrale exprime une sensibilité qui évolue : Pékin ne s’inquiète plus du risque de chute et d’hémorragie du yuan vers l’étranger, mais veut consolider sa bourse. Il suggère aussi que l’Etat ne vise plus une dévaluation lente, mais le maintien d’un Yuan fort—bon pour les achats d’actifs hors frontières, et pour le niveau des dettes en devises.

Mais cette relaxe de la ceinture du crédit dans les banques n’est pas forcément rassurante. A l’origine, la crise financière chinoise est due à l’accès discriminatoire au crédit, en faveur des provinces et des conglomérats. Or ce système étant toujours d’active, ne pourra qu’entraîner les mêmes effets : des projets de qualité douteuse, et le refinancement des dettes d’entreprises « zombies », au lieu de financer leur fermeture. 

A ce propos, à la veille de l’ouverture du Plenum, l’Etat dévoilait une donnée capitale : le nombre d’emplois à supprimer sous deux à trois ans serait de « 5 à 6 millions », dont le tiers dans la houille et l’aciérie où 23 milliards de $ seraient réservés pour soutenir les chômeurs (formation, création d’ emplois). S’agissant de 150.000 firmes publiques à travers le territoire, dont la majorité endettées ou à faibles profits, cette évaluation est forcément un euphémisme. Mais le seul fait pour les autorités d’en faire état, traduit un tournant dans l’histoire d’un pays où jusqu’alors industrie rimait avec ouvriérisme.

Un autre pan de cet assainissement de l’économie est la réforme des retraites. Aujourd’hui, seuls 6% des 3200 milliards de $ placés en Chine, viennent des fonds de pensions. Mais les choses vont changer. Dès 2014, suite aux exemptions de taxes octroyées aux cotisants (4% du salaire annuel pour l’employé et 8,3% pour la part patronale), la masse d’argent placée dans les fonds de pension augmentait de 9,3%. Résultat, selon China Business News, le fonds public devrait d’ici 2020 placer 310 milliards de $, et les fonds privés le double, faisant progresser la capitalisation en bourse de Shanghai des 3500 milliards de $ actuels à 4500 milliards à cette échéance. 

Un autre chantier de modernisation de la finance chinoise, crucial mais à l’évidence peu près d’aboutir, est la réforme des organismes de tutelle, CBRC (pour la banque), CSRC (pour la bourse) et CIRC(pour l’assurance). Ce que l’Etat n’avait pas imaginé en créant ces mastodontes il y a 15 ans, est que chaque groupe financier allait se muer en conglomérat diversifié avec un pied dans chaque activité : la banque vend des assurances, l’assurance vend de la gestion de fortunes (en bourse)… En jouant sur les failles de chaque set de règlements sectoriels, ces groupes échappaient aux contrôles. Cette gouvernance fractionnée, pour beaucoup, est cause des deux dévissages boursiers de 2015, des scandales financiers à répétition, et de l’échec d’un « court-circuit » introduit en janvier par la CSRC en bourse de Shanghai, qui disparut après 4 jours, vu l’instabilité qu’il aggravait au lieu de la prévenir, entraînant dans sa chute Xiao Gang, Président de cette tutelle… 

Ces cloisons aujourd’hui montrées du doigt se sont longtemps maintenues sous l’effet du lobbysme de ces maisons soucieuses de préserver leurs prés carrés. Mais à présent, par quoi la remplacer ? Un super-organe, risquerait de truster trop de pouvoir et de rater l’objectif d’un rôle accru pour le marché. Rassembler ces compétences sous l’ombrelle de la Banque Centrale serait l’alternative, mais après la récente glissade du yuan et la nervosité des marchés, « il est urgent d’attendre », selon Frank Song, professeur de finances à l’Université de Hong Kong… Le Plenum de l’ANP permettra peut-être d’y voir plus clair sur les intentions des décideurs au sommet, Li Keqiang, voire Xi Jinping en personne. 

Autre volet de la réforme : d’ici 2017, les firmes publiques recevront toutes un label, « commercial » ou « service public ». Les premières jouiront de plus d’autonomie et de meilleurs salaires, mais les secondes, de plus de crédits bonifiés et protections étatiques. D’où les grandes manœuvres en cours en coulisses, pour obtenir tel ou tel statut.

Enfin, Moody’s, l’agence de notation financière, vient de rétrograder la perspective de la dette chinoise de « stable » à « négative », au vu de l’immobilisme des réformes et des 762 milliards de $ jetés en 18 mois dans le tonneau sans fond du soutien du yuan. Néanmoins, elle conserve sa note « Aa3 », mais se réserve d’y revenir, si Pékin retardait davantage les « réformes nécessaires à une croissance soutenable ».
A bon entendeur, salut !


Corées : Kim Jong-un, le splendide isolement

Le 2 mars à New York, de rares sanctions ont été votées par le Conseil de Sécurité de l’ONU, contre la Corée du Nord et son dictateur Kim Jong-un

Plus rare encore, l’initiative était cosignée des Etats-Unis et de la Chine—cette dernière renonçant alors à la protection éternelle du petit allié. 

Ces punitions au Pays du matin calme font suite au test nucléaire en Corée du Nord le 6 janvier, et au tir le 7 février d’une fusée intégrant des technologies potentiellement offensives.

Désormais, toute marine militaire même chinoise, devra arraisonner les navires nord-coréens pour vérifier leur cargaison. Tout matériel militaire est prohibé, même le matériel « assimilé », comme des camions. Même tous les articles de luxe, pouvant être revendus et obtenir des devises, sont sous blocus : montres suisses, cristal… Lematériel de sport d’hiver sera saisi pour priver Pyongyang de recettes du touris-me étranger. 31 navires nord-coréens, 12 administrations, 16 apparatchiks sont « non grata » hors frontières. 

Selon Samantha Power, l’ambassadeur américaine à l’ONU, le but est d’appauvrir un pays qui affecte « virtuellement toutes ses rentrées en devises à son programme nucléaire militaire ». De même source, ces sanctions sont plus dures que celles hier appliquées à l’Iran, qui l’avait conduit à renoncer à la bombe. Le blocus est complété par la fermeture de la zone industrielle de Kaesong, qui privera Pyongyang de dizaines de millions de $ de rentrées. 

Mais pourquoi la Chine a-t-elle lâché son petit allié ? La raison première voire unique, semble être la menace d’installation d’une rampe de missiles antimissiles américains THAAD en Corée du Sud, aux portes de la Chine, qui y est très opposée. On ignore depuis cet accord-sino-US, si l’arrivée de cette rampe se matérialisera. 

Après le vote de la résolution, Chine et Russie ont appellé Kim Jong-un à retourner à la table de négociation. Le fera-t-il ? Certainement pas tout de suite : question d’honneur fanatique et de tradition en ce pays, au nom de son idéologie « Juche », de préférer la famine à des concessions. Lancera-t-il des rétorsions ? Peut-être, lors d’exercices conjoints entre l’US-Navy et la marine sud-coréenne, la semaine prochaine. Son armée a déjà tiré six missiles en mer, signe futile d’irritation.

Une raison à la crise a été révélée par le Pentagone le 22 février : Pyongyang venait de proposer aux USA, en secret un traité de paix, lesquels avaient refusé, Pyongyang excluant dans ces palabres tout désarmement nucléaire. 

Une dernière question est de savoir comment la Chine interprétera l’embargo – strictement, ou souplement. Le succès du blocus, dépend évidemment d’une application sans état d’âme. D’ici décembre au plus tard, sous embargo, la Corée du Nord aura ses greniers vides. Mais nul ne sait quel sera alors son sentiment : vers des négociations et la raison, ou vers la fuite en avant du désespoir ?


Politique : Xi et Wang, pas de deux…

Une scène rare marqua le 1er jour du Plenum de la CCPPC, l’enceinte nationale consultative : Xi Jinping ne parlant à personne, fut rejoint en hâte par Wang Qishan le chef de la CCID (police du Parti) qui lui glissa quelques mots à l’oreille. 

Banal en soi, l’ incident prenait du relief, suite à la parution sur le site de la CCID, d’un article qui avertissait contre trop d’intolérance envers les critiques.  Cette position dénonçait une directive d’octobre, qui interdisait aux membres du Parti, tous « commentaires futiles » contre le leadership, sous peine de sanction. 

Dans son texte, Wang défendait que « nous (leaders) devrions moins craindre la critique négative, que l’absence totale de critique… Dans le passé, c’est souvent la tolérance ou l’intolérance aux opinions et suggestions qui a déterminé la survie ou la chute des dynasties ». 

Cette vue, surprenante de la part du patron de l’anticorruption, vient soutenir Ren Zhiqiang , le blogueur millionnaire, en péril pour avoir osé critiquer la campagne de Xi de recadrage de la presse : « payés par le peuple, écrivait Ren, les media devraient servir le peuple, plutôt que le Parti ». Ren est un vieil ami de Wang Qishan, ce qui peut expliquer sa montée au créneau pour le défendre. Mais Wang s’est aussi profilé, tout au long de sa carrière, comme un cadre de haute stature, ayant toujours su combiner fidélité, lucidité et pragmatisme au service de la nation.

D’autres personnalités sont venues ces jours derniers au secours de Ren, ou plus généralement de la justice. Zhu Zhengfu, vice-président de l’Association des avocats, et membre de la CCPPC, dénonce la pratique –courante ces mois derniers – d’exhiber des suspects à la TV pour leur faire confesser des délits. 

Pour Zhu, cette pratique «  ne prouve en rien leur culpabilité (s’agissant de confessions forcées), et ne fait rien pour renforcer le système juridique ». Elle devrait donc être abandonnée. 

Ces démarches sont inattendues, et démontrent un grand courage. Elles sont un marqueur de l’évolution de cette société, près de 70 ans après la révolution, et des résistances qui s’élèvent à présent dans différentes couches sociales (à la base, et dans la bourgeoise naissante) face aux crispations autoritaires et aux tentations de retour aux méthodes révolues.


Petit Peuple : Wuning – l’inoubliable Saint Valentin de Liu Beihong (1ère Partie)

A Wuning dans le Jiangxi, Liu Beihong n’est pas prêt d’oublier sa Saint-Valentin de 2016 : la fête des amoureux devait, sinon changer profondément le cours de sa vie, au moins lui donner une leçon mémorable.

Sans être à proprement parler un mauvais garçon, Liu était un joueur, et un homme incapable de résister à ses envies, quelles qu’elles soient – résultat d’une situation de fils unique trop couvé par la mère et les grands-parents, tandis que le père pâle, subissant l’autorité de son épouse, passait le plus clair de son temps hors du foyer.
De la sorte, depuis sa petite enfance, le garçon-roi n’avait jamais fait que ce qu’il entendait, et s’était fait pardonner tous ses insolences et incartades. La réussite à l’école est le seul domaine où sa mère ne pouvait pas transiger, sachant bien que l’avenir de son fils dépendrait directement de cette aptitude aux études. 

Liu Beihong cependant, était indifférent à ces défis. Lui, l’enfant du miracle détestait l’école, les maîtres et les devoirs.
Une autre chose l’appelait d’un chant bien trop ensorcelant : la rivière Xiuhe qui traversait sa ville d’Est en Ouest avec ses vaguelettes, ses forêts de roseaux et ses canards, et le lac Xihai, à deux jets de pierre de sa maison. À l’orée de la ville, débutait une luxuriante forêt : autant de thèmes d’escapades, de baignades, sorties en barque et autres expéditions dans les bois pour dénicher les œufs des oiseaux. 

Puis à 14 ans, une autre tentation vint s’offrir à Liu Beihong, quand un copain d’école buissonnière lui fit découvrir la salle de jeux d’arcade, qui fut pour lui un véritable coup de foudre.
Autant dire qu’à 18 ans, en 1996, Liu avait obtenu de petites notes au bac, ne lui permettant pas d’aller à l’université. Il ne s’en soucia guère : ses parents, membres du Parti, surent le placer par protection dans une officine publique.
Puis à 25 ans, en 2003, quoiqu’il n’ait jamais renoncé à ses nuits de bamboche, entre beuveries, inlassables parties de « pái Chángchéng » (sobriquet du mah-jong), ils trouvèrent à le marier avec une fille aimable et travailleuse, nantie d’un métier rémunérateur comme employée de banque. 

Avec ce vaurien, Baohua, cette pauvre fille, n’avait pas vraiment décroché le gros lot ! De longues années, elle patienta, dans l’attente qu’il lui déclare un emploi présentable, et puis qu’elle puisse arrêter de travailler une petite année, le temps de faire leur enfant, au moins un.
Hélas pour elle, cet espoir fut toujours remis aux Calendes grecques, (遥遥无期, yáoyáo wú qī, « à une date indéfinie »). 

Beihong continua imperturbablement sa vie de bâton de chaise, sans se soucier des reproches et avertissements qu’elle pouvait lui adresser.
Dès le lendemain de leurs noces, son employeur téléphonait aux parents pour notifier son absence au bureau. Après deux autres abandons de poste, il recevait sa lettre de licenciement, nouvelle qu’il prit avec une indifférence royale : il trouverait bien autre chose, et puis il n’y avait pas à s’inquiéter pour l’heure, le salaire de Baohua suffisait bien pour eux deux, pas vrai ?
Le soir même, il était reparti : des semaines, des mois, il restait invisible, se contentant de téléphoner de temps en temps à Baohua, depuis une ligne fixe ou d’un portable inconnu. Au bout du fil, elle entendait des rires de femmes, des tintements de verres, un brouhaha de tripot.

Baohua explosa le 13 février 2016, en pleine semaine de congés du Nouvel An chinois. Tard dans la soirée, Beihong venait de rentrer, la tirant du lit. Il retournait de deux mois d’errance, mal lavé, ses vêtements défraîchis, à demi-ivre, réclamant à manger.
Sans dire un mot, en épouse dévouée, elle mit de l’eau à bouillir pour lui préparer ses nouilles instantanées tandis qu’il restait vautré dans le sofa de velours et acier nickelé. Intérieurement toutefois, elle bouillait d’indignation, « la fumée lui sortant des 7 orifices du visage » (qīqiào shēngyān, 七窍生烟), et lui tendant son bol, elle ne put se contenir davantage : « nous rapportes-tu de l’argent, cette fois ? ». Mais Beihong, aspirant ses pâtes à grands traits bruyants, garda le silence. Quand il eut fini, il lui déclara, grand seigneur : « femme, je te donnerai demain mon argent. Maintenant, je suis fatigué, laisse-moi en paix ». Puis il se dirigea vers le lit, et s’y jeta comme une masse, sans prendre la peine de se déshabiller – fût-ce des chaussures.
Baohua passa la nuit sans dormir, à ressasser le passé et se rejouer le film de leur décevante union tandis qu’à ses côtés, son homme ronflait comme une scierie. 

Quand l’aube pointa à l’horizon, faisant percer ses rais de lumière par les fentes des rideaux mal fermés, Beihong dormait encore. 

Baohua fit les poches de son pantalon, trouva son portefeuille, l’ouvrit : il ne contenait que 23 yuans en billets graisseux. Furieuse, elle le frappa de ses petits poings fermés, sur sa poitrine : « Pendant ces deux mois de goguette, qu’as-tu gagné ? T’as tout dépensé, tu me ramènes rien ? Qu’ est-ce que tu fais de notre couple ? A 38 ans, ne deviendras-tu jamais adulte ? Et cet enfant, quand comptes-tu me le faire ? Cette fois – c’en est trop – je vais à la police ».
Ahuri, redressé sur le lit, il se frottait les yeux sans répondre. D’ordinaire, dans ces crises, elle se calmait. Il n’avait qu’à attendre, croyait-il. 

Mais il se trompait gravement, comme on le verra la semaine prochaine !


Rendez-vous : Semaine du 7 au 13 mars 2016
Semaine du 7 au 13 mars 2016

9-11 mars, Canton : China KTV& Disco & Bar, Theatre & Cinema, Salons pour le matériel et les fournitures pour KTV, bars, théâtre, cinéma

9-11 mars, Canton : CIAE, Salon international de l’industrie des jeux et des jouets

9-11 mars, Shanghai : CAC Show, Salon et Conférence dédié à l’agrochimie et aux technologies de protection des récoltes

9-11 mars, Shanghai : IFAIR : Salon des solutions audiovisuelles et multimédia et des terminaux intelligents

F Show9-11 mars, Shanghai : FSHOW, IRRISHOW : Salons internationaux dédiés aux fertilisants et aux équipements dédiés à la fertilisation et à l’irrigation en Chine

9-11 mars, Shanghai : SEED Trade Show, Salon des semences en Chine

9-12 mars, Shanghai : DESIGN China, Salon international de la décoration et de l’architecture intérieure

9-12 mars, Shanghai : HD Screen and Digital Signage Expo, Advertising and Sign Expo, Salons de l’affichage numérique et des équipements de publicité 

9-12 mars, Shanghai : SILE-Led, Salon international de l’éclairage et des technologies industrielles des LED

9-12 mars, Tianjin : CIRE, CIAI China, Salons de la robotique industrielle et de l’automation industrielle

9-12 mars, Tianjin : IEME, ITME, Salons de l’automation, de la robotique et de la machine-outil