Le Vent de la Chine Numéro 4 (2023)
Après trois ans de restrictions sanitaires, les fêtes du Nouvel An chinois ont eu une saveur particulière cette année. Beaucoup avaient religieusement suivi les consignes officielles du gouvernement ou de leurs employeurs les Chunjie précédents, de peur de se retrouver confinés. Aussi, c’était la première fois qu’ils se retrouvaient en famille depuis bien longtemps. Autour de la table, le Covid était de toutes les conversations : « as-tu testé positif ? » (« 你阳了吗 ? »), à la suite de quoi chacun partageait son expérience de la maladie et son soulagement de voir les mesures sanitaires enfin abolies.
Malgré la déferlante de décès liés au Covid-19 à travers le pays, le Président Xi Jinping a préféré inaugurer la nouvelle année lunaire sur une note optimiste. « Les défis demeurent, mais le bout du tunnel est devant nous », a-t-il déclaré lors de ses vœux à la nation. Prudent, le dirigeant a néanmoins renoncé à sa traditionnelle visite en zone rurale, craignant de contracter le virus. Ce changement de programme en dit long sur la sévérité de la vague d’infections qui a balayé le pays, quoi qu’en dise le gouvernement qui ne reconnaît qu’à peine plus de 80 000 décès. C’est au moins dix fois plus, affirment certains experts étrangers.
Si le gouvernement est avide de clore ce chapitre épidémique sur un satisfecit, la levée précipitée des restrictions sanitaires annoncée par Pékin le 7 décembre mérite que l’on s’y attarde.
Qu’est-ce qui a bien pu pousser Xi Jinping à soudainement changer d’avis, lui qui soutenait encore quelques semaines plus tôt que la stratégie « zéro Covid » était « la plus adaptée » aux conditions de son pays ? Comment peut-on ainsi passer d’un extrême à l’autre ? Même au sein de l’appareil, les cadres ont été surpris par cette volte-face…
De nombreux débats ont eu lieu concernant le rôle joué par les manifestations contre la politique sanitaire de la fin du mois de novembre dans les grandes villes chinoises. Le décès de l’ancien président Jiang Zemin le 30 novembre, rappelant les évènements qui ont conduit au printemps de Pékin en 1989, exacerbait alors la nervosité du leadership. Mais ce soulèvement populaire n’apparaît pas comme la principale raison de ce virage à 180 degrés.
Certains experts avancent que Xi aurait finalement pris conscience que sa politique « zéro Covid » devenait intenable face à une situation sanitaire hors contrôle. Il aurait ainsi décidé d’ouvrir grand les vannes afin d’atteindre une immunité collective de manière à accélérer la reprise économique.
En parallèle, différents hommes d’affaires et politiciens seraient intervenus auprès du chef de l’Etat pour plaider la fin du « zéro Covid ».
Ce serait le cas de Terry Gou, le patron de Foxconn, le principal assembleur d’iPhones qui a vu des heurts éclater sur son campus de Zhengzhou au mois de novembre. D’après le WSJ, le patron aurait adressé une lettre au gouvernement, affirmant que si cette politique sanitaire était maintenue, cela nuirait à la position du pays sur la chaîne d’approvisionnement mondiale.
Selon le journaliste chevronné Wang Xiangwei, Huang Kunming, l’ancien patron de la propagande et proche de Xi, aurait également plaidé pour un changement de stratégie auprès du Secrétaire général du Parti après une visite de terrain dans le Guangdong, première province exportatrice du pays où il venait d’être muté. Ce n’est pas un hasard si Canton, la capitale provinciale, a été la première ville à abandonner les mesures sanitaires en vigueur, en avance de quelques jours sur le reste de la Chine. Il est clair que Huang n’aurait pas osé prendre cette décision sans avoir obtenu le consentement de Xi au préalable.
Sentant la pression augmenter sur tous les fronts, Xi aurait finalement décidé de mettre un terme à cette fuite en avant.
Ce qui est plus étonnant pour un régime réputé pour sa capacité à planifier, c’est que Pékin a fait tomber ses barrières sanitaires tout en sachant pertinemment que les préparatifs nécessaires pour atténuer les effets d’une vague de contaminations étaient insuffisants.
De fait, durant trois ans, il n’y a pas eu d’effort de vaccination chez les plus vulnérables (c’est pourtant par là que de nombreux pays ont commencé), ni de renforcement des capacités hospitalières… Le gouvernement a également toujours refusé d’importer ou de produire sur place des vaccins étrangers pourtant réputés plus efficaces.
Par contre, des milliards de yuans ont été dépensés en tests PCR et en centres de quarantaines (aujourd’hui reconvertis en dortoirs pour travailleurs migrants ou auberges de jeunesse) dans l’espoir d’empêcher le virus de percer la grande muraille sanitaire chinoise. Un combat perdu d’avance face à Omicron.
Cette sortie de crise ratée affaiblira-t-elle le pouvoir de Xi, lui qui a lié sa légitimité au « zéro Covid » ? Rien ne l’indique pour le moment… D’ailleurs, la grande majorité du peuple ne blâme pas le gouvernement pour ces dizaines de milliers de morts, mais le virus en lui-même.
Toutefois, chez certains, la crédibilité du leadership en a pris un coup. Le terme de « désillusion » revient souvent dans les témoignages. En effet, cette levée précipitée des restrictions leur a fait réaliser que cette politique n’était pas fondamentalement motivée par des intérêts de santé publique, mais bien par les ambitions politiques d’un seul homme…
C’est un signe qui ne trompe pas. Alors qu’il était censé partir à la retraite à l’âge de 68 ans, Han Zheng, vice-premier ministre exécutif pour encore quelques semaines, a été élu représentant de la province du Shandong à l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) le 18 janvier. Il est ainsi le seul membre sortant du Comité permanent à conserver sa place à l’ANP. À quelles fins ? Les analystes le voient bien prendre la suite de Wang Qishan (74 ans) à la vice-présidence de la République Populaire de Chine. L’heureux élu sera officiellement intronisé lors de la prochaine session du Parlement en mars prochain.
Né à Shanghai en 1954, Han est devenu maire de sa ville natale à l’âge de 49 ans, le plus jeune en un demi-siècle. Dix ans plus tard, il est promu secrétaire du Parti de la « Perle d’Orient ». A l’origine membre du « gang de Shanghai » de l’ancien président Jiang Zemin, Han Zheng a réussi à se rendre acceptable aux yeux de Xi Jinping, lorsqu’il fut son adjoint à la tête de Shanghai pendant sept mois en 2007. Cela explique son entrée au Comité permanent en 2017 en tant que vice-premier ministre exécutif chargé entre autres des affaires hongkongaises, de la promotion de l’initiative « Belt & Road » (BRI) ou encore du développement de la région du Delta du Yangtsé. Xi Jinping lui aurait également confié le dossier brûlant de la taxe foncière, maintes fois repoussé.
Malgré ce pedigree quasi-impeccable, Han Zheng ne partait pas nécessairement favori pour endosser le rôle de vice-président. D’après Alex Payette, PDG du groupe Cercius, il aurait damé le pion à Li Zhanshu, fidèle allié du chef de l’Etat, à la faveur des erreurs de gouvernance commises par Xi, son abandon brutal de la stratégie « zéro Covid » en premier lieu. « Le prestige du leader en a pris un coup, commente l’analyste canadien. Sous pression, Xi pourrait être amené à céder et à former une sorte d’équilibre entre les différentes factions politiques au sommet du pouvoir ».
Il n’est pas non plus exclu que Xi ait accepté de confier à Han cette mission de représentation à l’international en échange de concessions de la part de ses opposants lors du XXème Congrès du Parti.
Quoi qu’il en soit, Han pourra faire valoir sa riche expérience au contact des communautés d’affaires étrangères à Shanghai ainsi que son expertise économique dans son nouveau poste. Des atouts non négligeables si Xi souhaite redorer le blason de son pays à l’international.
Partout au monde, la culture des OGM est un sujet hautement sensible. Par excès de précaution, l’Europe a par exemple rendu leur production sur son territoire extrêmement difficile alors même qu’elle importe du soja transgénique pour nourrir ses élevages. La Chine pour sa part, tout en interdisant la culture des maïs et soja transgéniques, permet aussi depuis 10 ans leur consommation indirecte par ses élevages: elle en importe, principalement d’Amérique du Sud, des volumes colossaux. En 2021, elle faisait venir 100 millions de tonnes de soja et 27 millions de tonnes de maïs, dont plus des trois quarts étaient génétiquement modifiés. La Chine détiendrait, selon la revue CLAL News, 36% des stocks mondiaux de soja et 68% de ceux de maïs.
Or voilà qu’en 2022, après 10 ans d’évaluation n’ayant pas permis de déceler d’effet négatif sur l’environnement et la biodiversité, Pékin s’est décidé à sauter le pas en autorisant la culture de ces deux céréales génétiquement modifiées sur son territoire.
Cette décision séminale avait eu un précédent dans le domaine du coton : pour lutter contre l’armigère (Helicoverpa armigera), papillon de nuit dont les chenilles consomment les parties aériennes de diverses plantes cultivées, la Chine avait déjà sauvé cette industrie en autorisant la culture de cotonniers génétiquement modifiés sur son territoire. Mais la grosse différence est que le coton OGM s’utilise sans ingestion de graines par l’organisme, contrairement au maïs et au soja OGM, qu’elle se sent désormais assez en confiance pour commencer à produire sur son sol.
En adoptant ces nouvelles variétés, la Chine espère augmenter ses rendements moyens dans ces deux espèces, jusqu’à 50% de plus, tout en réduisant ses importations. La Chine se félicite simultanément de l’introduction de maïs génétiquement modifiés pour résister à la pyrale (Ostrinia nubilalis), autre lépidoptère qui cause sur le maïs classique une cassure des tiges, une forte verse et donc une chute ravageuse du rendement, notamment dans le nord-est, grenier à maïs du pays. L’introduction de ces souches hybrides OGM permet de diminuer drastiquement les quantités d’insecticides, pour une avancée environnementale et écologique indéniable.
De cette décision, on peut attendre trois effets bénéfiques :
– Affranchie en partie de l’impératif d’importer, la sécurité alimentaire en Chine sera renforcée;
– D’après un important semencier chinois que nous avons contacté, entre gain de rendement et économie de charges, le revenu des agriculteurs chinois du maïs ou du soja transgéniques sera amélioré en moyenne de 800 CNY/ha (environ 112 €/ha), ce qui est loin d’être négligeable;
– A moyen terme, d’autres zones planétaires tels les pays africains subsahariens aux liens étroits avec la Chine devraient suivre cette mesure, augmentant la part « OGM » de ces plantes, déployant plus largement leur effet bénéfique dans la lutte contre la faim dans le monde.
Dans ce village sous le vaste ciel de l’Empire du Milieu, la légende dit que Mudan, que tout un chacun se serait accordé à trouver charmante si le sort ne s’était sottement acharné sur elle en la privant d’un œil, désespérait de trouver mari. Il se trouve qu’au hameau voisin, Dama, fringant cavalier, se morfondait aussi : nulle fille ne voulait de lui, du fait de son pied-bot.
En principe donc, leur sort était scellé : ils devraient vivre seuls, faute de voir accepter leurs handicaps. Toutefois, une entremetteuse, gagnant sa vie au nombre de couples qu’elle assemblait, osa relever le défi – les marier – pari aux chances fort minimes. Pour la capitale séance de la 定亲 (dìngqīn, 1ère rencontre et choix du partenaire), cette femme de ressource les présenta l’un à l’autre en une pose particulière : lui sur sa monture, elle portant un chignon tressé vers l’avant à la mode Tang, un petit bouquet d’azalées et de capucines qui retombait sur le front, cachant l’œil éteint. Ainsi chacun montra à l’autre le charme irradiant de sa jeunesse, et non sa tare. Et chacun exprima, au-delà de la pudeur d’usage, un vif intérêt pour l’autre.
Moyennant ce petit stratagème, l’affaire fut vite conclue. Tambour battant, on les maria. Ce ne fut que dans la chambre nuptiale qu’ils constatèrent leurs handicaps. Heureux de ce bonheur forcé, et de ce bon tour qu’on leur jouait, ils se gardèrent de protester. Ils préférèrent sourire de la ruse de l’entremetteuse et faire beaucoup d’enfants.
Sans le savoir, ils avaient créé un des plus beaux proverbes de la langue chinoise : « Voir la fleur du haut du cheval », (zǒumǎ guānhuā, 走马观花) – expression qui depuis, a pris le sens de « regarder l’essentiel sans s’arrêter aux détails ».
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Si nous contons cette anecdote, c’est que du Shaanxi profond nous vient une autre histoire, attestée celle-là, qui semble lui faire miroir – un remake en quelque sorte.
En 1957 à 8 ans, Li Quancheng, de Caotang (Province de Zhejiang) avait commencé à perdre l’ouïe. Par misère, ou tout simplement faute d’y penser (ce genre de chose, à l’époque, ne se faisait pas), ses parents n’avaient pas consulté le médecin du dispensaire voisin, avec pour résultat que quelques mois plus tard, l’enfant était devenu sourd comme un pot.
Deux ans après à Hanzhong, la ville du coin, la petite Long Zhiying, 8 ans de même, contractait une maladie diarrhéique qui, pas davantage soignée, avait abouti à la perte de la vue. Mêmes causes, mêmes effets : 10 ans après, la porte du mariage leur semblait désespérément fermée, jusqu’à ce qu’une entremetteuse maligne prenne l’affaire en main, trouve d’abord l’un puis l’autre, les présente (ni cheval, ni bouquet cette fois—nous sommes en Chine moderne), pour parvenir à les faire convoler. Et ce fut une jolie histoire, romantique à souhait.
Au début à la ferme, Li-le-sourd fit tout : la charrue et la soupe, la moisson et le balai. Long- l’aveugle se contentait, elle, de laver et ravauder le linge. Sa cécité les empêchait même de faire du feu l’hiver : marchant un jour sur les tisons, par inadvertance, elle s’était
cruellement brûlée.
Pour faire courte une longue histoire, ils eurent trois enfants et passèrent leur vie à se dorloter et protéger l’un l’autre. A force de persévérance, elle avait appris à faire la cuisine, laver le riz, découper les légumes et la viande, réduisant ainsi sa charge de travail à lui, de retour le soir. Pour téléphoner à Juling leur fille, une fois mariée, c’était Li qui composait le numéro, puis Long lui répète l’échange en criant – curieusement, certains sons à elle, et elle seule, franchissait le tympan de l’homme dur de la feuille.
Clairement, pour ces deux êtres, l’amour a été une stratégie de survie. L’attention portée l’un à l’autre, c’était la manière de résister à deux, dans un monde où au départ, ils étaient moins bienvenus que d’autres. Il s’agissait de concentrer ses forces pour ne pas se perdre. Et en fin de compte, tout en blaguant sur ce « mon petit vieux » (« xiao-laotou ») qu’elle lui hurle à toute heure du matin ou du soir, le village les envie pour cette harmonie conquise de haute lutte, si improbable qu’elle ait semblé au départ.
Cet article a été publié pour la première fois le 22 décembre 2013 dans le Vent de la Chine – Numéro de Noël (2013)
6 – 9 février, Shenzhen : LEAP EXPO, exposition industrielle axée sur la fabrication électronique, l’automatisation industrielle et l’industrie laser. REPORTE du 30 octobre au 1er novembre
10 – 12 février, Pékin : ISPO BEIJING, Salon professionnel international des sports, de la mode et des marques de vêtements
11 – 14 février, Pékin : CIAACE, Salon chinois international des accessoires automobiles
15 – 17 février, Canton : PCHI, Salon des soins personnels et des cosmétiques
17 – 18 février, Pékin : CHINA EDUCATION EXPO, Salon international de l’éducation et des formations supérieures
22 – 24 février, Shenzhen : ALLFOOD EXPO, Salon chinois international de la confiserie, des snacks et des glaces
24 – 26 février, Canton : DPES SIGN & LED EXPO, Salon chinois international des équipements de publicité
22 – 24 février, Pékin : CIBE – China International Beauty Expo, Salon international de l’industrie du bien-être et de la beauté
23 – 26 février, Pékin : CPE – China Pet Expo, Salon international spécialisé dans l’alimentation et les produits pour animaux de compagnie
27 fév. – 2 mars, Shenzhen : DESIGN SHENZHEN, Salon international de la décoration et de l’architecture intérieures
1 – 3 mars, Shanghai : ANALYTICA, Salon international de l’analyse, des biotechnologies, du diagnostic et des technologies de laboratoire. REPORTE du 11 au 13 juillet
1 – 3 mars, Canton : SIAF GUANGZHOU, Salon international pour l’automatisation des procédés
2 – 4 mars, Canton : PACKINNO, Salon international de l’emballage et du packaging
3 – 5 mars, Shenzhen : AAITF – Automotive Aftermarket Industry & Tuning Trade Fair, Salon international du marché de l’occasion automobile, des pièces détachées et du tuning
7 – 10 mars, Shenzhen : HOMETEX, Salon de l’ameublement
9 – 11 mars, Canton : Inter Airport China, Salon international des équipements pour aéroports, technologies et services
9 – 11 mars, Canton : China Lab, Salon international et conférence sur les appareils de laboratoire et d’analyse en Chine
9 – 12 mars, Jinan : Jinan International Industrial Automation, Salon chinois international des technologies d’automation industrielle et de contrôle
10 – 12 mars, Canton : CIBE – China International Beauty Expo, Salon international de l’industrie du bien-être et de la beauté
10 – 12 mars, Wenzhou : WIE – Wenzhou Industry Expo, Foire industrielle internationale de Wenzhou