Le Vent de la Chine Numéro 37 (2017)

du 20 au 26 novembre 2017

Editorial : Kaléidoscope pré-hivernal

Trois nouvelles dessinent l’air pré-hivernal :

1) A peine Trump a-t-il quitté la Chine, où il était venu échanger mille promesses d’amitié avec Xi Jinping, le Département américain du Commerce établissait le 13 novembre que la Chine exporte aux USA du contreplaqué sous dumping avec 195% de subventions. Il porte donc à 195% sa taxe compensatoire, qui oscillait auparavant entre 0% et 8% – tarif qui condamne ce produit à disparaître des USA. C’est conforme aux menaces de « tolérance zéro » de Trump en matière d’échanges.
Dès le 14 novembre, Pékin protestait contre la lourdeur d’une sanction sur un si petit marché (1,1 milliard de $/an, 0,25% des échanges). Trump répondait dans un tweet : « après mon voyage asiatique, tous nos partenaires commerciaux doivent savoir que les règles ont changé – nos déficits commerciaux massifs doivent disparaître – et vite ! » De son côté, le Congrès américain accélère les préparatifs d’adoption en 2018 d’une loi faite pour limiter les achats « étrangers » de firmes à  technologies avancées — produisant fusées, capteurs sensoriels, électronique appliquée aux satellites et drones… Pour respecter l’OMC, la loi se garde d’évoquer la Chine et se borne à défendre le droit à la « défense du territoire ».

2°) Le futur marché carbone national est en vue. Depuis 2015, le pays compte 7 bourses locales, où les firmes énergivores qui ne peuvent pas tenir leurs quotas d’émission de CO2, peuvent racheter des crédits carbone à celles qui en ont en reste. Or, Xie Zhenhua, « Mr. Environnement », annonce (14 novembre) que la bourse unifiée est « prête à fonctionner ». Xie toutefois refuse de donner une date (début 2018 selon la rumeur) et avertit contre les intérêts financiers qui voudraient spéculer sur les crédits carbone. Seuls les émetteurs réels pourront être présents sur cette place boursière. Et dans un premier temps, les étrangers en seront bannis, tout comme la pratique des marchés à terme. En effet, le danger est  là : sans précautions, les gros pollueurs pourraient acheter assez de crédits pour couvrir toutes leurs émissions sans avoir à les réduire – crédits d’origine douteuse qui auraient été générés par les financiers. L’Etat ne peut pas se permettre un tel risque ! 

3°) Incident au Népal : après avoir offert en juin au groupe chinois Gezhouba le chantier de barrage de Budhi Gandaki (80km de Katmandou) à 2,5 milliards de $, destiné à la génération électrique (1200MW) et à la fourniture d’eau potable, le Conseil des ministres népalais rejette le contrat, qu’il dit grevé de « lourdes failles ». Pourtant l’Etat himalayen, un des plus pauvres sur Terre, dépend désespérément de la Chine, laquelle est elle-même avide de prouver sa capacité à assister ses partenaires dans leur croissance—ce barrage aurait été son 4ème au Népal… La presse indienne suggère comme raison à ce rejet, un « conseil » de New Delhi d’éviter un contrat aux conditions trop draconiennes, faisant risquer à la nation entière un « piège de la dette », comme il advint au Sri Lanka, en faillite en 2015 après réalisation par des groupes chinois de deux mégaports à Colombo et Hambantota. Suite à quoi le consortium chinois devint propriétaire pour un siècle de 90% des deux projets. Un autre cas est celui du barrage de Myitsone à 3,6 milliards, dénoncé en 2011 par la junte birmane.
Est-ce encouragé par la « fronde » népalaise que Islamabad au Pakistan, rejetait à son tour le 16 novembre le projet de barrage de Diamer-Bhasha à 14 milliards de $, pour une capacité de 4500MW : « les conditions de financement hyper strictes sont intenables et contraires à nos intérêts », déclare M. Hussain, président de l’autorité de l’eau et de l’énergie. En tout cas, cette série de ratés dans la coopération entre la Chine et les pays frères, suggère un problème de concertation du modèle d’aide chinoise au développement et de son initiative « une ceinture, une route » (BRI). 


Investissements : Deux fissures dans la carapace protectionniste chinoise

A la suite du 19ème Congrès, des fissures se forment dans la carapace protectionniste chinoise avec des bribes de dérégulation dans les secteurs automobile et financier. Cela répond à des motivations fortes et diverses :

– la vieille promesse réitérée par Xi Jinping dans son discours-programme lors du 19ème Congrès d’ouvrir à l’étranger le marché intérieur ;

– la notion d’urgence : les dirigeants savent qu’à défaut de progrès vers la réciprocité de conditions, Union Européenne comme USA finiraient par vouloir « punir » le partenaire protectionniste – c’est ce que vient de faire Trump en taxant le contreplaqué chinois accusé de dumping ;

– un besoin aigu de relance du flux étranger en capitaux et technologies, pour atteindre les objectifs en dépit du ralentissement de croissance ;

– l’idée que provinces et consortia, assoupis par des décennies de monopole, auraient besoin de stimulants rivaux étrangers pour les tirer de leur léthargie.

En automobile, le 9 novembre, le ministère des Affaires étrangères annonça aux constructeurs étrangers l’abolition partielle de leur obligation de fonctionner en joint-venture (JV), plafonnée à 49% dans le cadre d’un plan-pilote d’ici juin 2018. Cette annonce majeure marque la fin de 40 ans de mariages forcés, avec obligation de partager technologies et profits avec des groupes locaux pourtant non impliqués dans la production. Désormais, certains constructeurs étrangers pourront conserver 100% de leur capital et de leurs profits.

Cela dit, trois restrictions écornent sérieusement le champ d’action de ce changement, à court terme en tout cas :

– la mesure ne s’applique qu’à la branche énergies nouvelles (NEV) -les véhicules à motorisation classique resteront sous JV;

– elle ne vaut que pour les véhicules produits dans des zones franches (FTZ) ;

– enfin, le gouvernement se réserve le droit de n’octroyer la propriété à 100% qu’à certains constructeurs, et selon des critères non spécifiés -probablement selon le montant de l’investissement étranger.

L’annonce fin octobre de l’implantation de Tesla dans la FTZ de Pudong (Shanghai), sans partenaire chinois, était annonciatrice de cet assouplissement.

VW également, annonçait le 15 novembre un investissement de 10 milliards d’€ dans les NEV, avec ses partenaires SAIC et FAW, afin de sortir 40 modèles d’ici 2025. Toutefois, vu la durée nécessaire de négociation pour s’installer dans les zones franches avant juin 2018, seuls les groupes déjà engagés dans cette démarche seront dans les temps.

Cela dit, en NEV, le planificateur rencontre des difficultés. Son dernier cadre réglementaire imposera à tout constructeur en Chine, local comme étranger, un système de plafonnement et d’échanges (« cap-and-trade ») avec un quota de crédits carbone sur ses voitures NEV. Dès 2019, pour rester dans son quota, le groupe devra assurer 10% de la production en catégorie NEV – puis 12% en 2020. Faute de parvenir à assurer ce pourcentage, il devra en racheter des crédits aux constructeurs champions de l’auto « NEV », tels BYD ou Geely, ou payer une amende. Or, dès aujourd’hui, les experts savent que des groupes chinois tels Great Wall et Chang’an seront dans ce cas.

Dans les conditions actuelles, le parc de NEV à vendre en 2018 ne sera pas atteint. Sauf si l’Etat affine dès maintenant les règles, pour donner aux étrangers une pincée de marché supplémentaire, mais pas trop… ce qu’il a fait !

 

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Concernant l’ouverture du marché financier, Zhu Guangyao, vice-ministre des Finances, annonçait le 10 novembre le passage des parts étrangères de 49% à 51% dans les joint-ventures de marché à terme, de produits financiers et de marchés fiduciaires, mesure applicable dès que les décrets d’application auront été publiés.

Ceci signifie, comme dans le cas de la construction automobile, que la partie étrangère pourra prendre la majorité de la JV et la diriger : c’est un tournant. L’annonce aura-t-elle une portée concrète ? Sur cette question, les avis sont partagés. Pour K. Pogson d’Ernst & Young, l’offre a goût de « trop peu, trop tard ». Ce que les banques étrangères attendent, dit-il, est moins de « gagner beaucoup d’argent en Chine », que bâtir leur réseau chinois, comme un maillon de son réseau global. De fait, mises à part des banques hongkongaises comme HSBC qui peuvent établir un réseau sous leur statut de filiales et non de JV, les banques étrangères restent à la portion congrue, font leur profit en prêtant aux banques commerciales nationales. D’autres experts croient voir dans cette fenêtre entre ouverte, l’espoir d’attirer du capital afin de « diluer » dans la masse du crédit chinois le poids des mauvaises dettes—officiellement limitées à 1,72% du patrimoine des banques.

Cette mesure constitue un pas vers l’ouverture aux étrangers du marché chinois des services financiers d’un volume de milliers de milliards de dollars. Les Européens recherchent en Chine une croissance organique de leurs investissements bancaires, et réclament depuis longtemps l’accès au marché de la dette obligataire et des capitaux : « toujours bonne à prendre », conclut un expert étranger, « cette mesure reflète sans doute l’opinion que ce marché trop longtemps renfermé, a besoin d’un peu d’air frais ». Toutefois, une semaine après l’introduction de cette concession, la CBRC, tutelle bancaire, retoque son offre : tout rachat « individuel ou de groupe » de plus de 5% d’une banque commerciale, sera soumis à son propre feu vert ! Ce qui, pour Iris Pang, économiste à la banque ING, est un moyen comme un autre pour cette administration, d’écarter un investisseur étranger qui lui déplaît, en reprenant de la main droite, ce qu’elle a cédé de la main gauche…


Diplomatie : L’ASEAN à Manille – Pékin gagne, mais pas tout…

Le 31ème Sommet de l’ASEAN se déroula à Manille (13-14 novembre), avec comme hôte Rodrigo Duterte, Président des Philippines, qui a acquis une rapide célébrité mondiale par une campagne sanglante encore en cours contre les trafiquants de drogue, et par cinq mois de guerre gagnée contre les séparatistes islamiques à Marawi sur l’île de Mindanao.

Le Sommet n’a pas enrayé, loin de là, le recul de l’influence américaine, ni l’avancée chinoise. En 48h, il rassembla les dix membres de l’organisation d’Asie du Sud Est, avec tous leurs partenaires mondiaux : les USA, la Chine, le Japon, la Corée, l’Inde, la Russie, sans compter l’Union Européenne qui fêtait avec l’ASEAN ses 40 ans de coopération. Mais le centre de toutes les attentions était bien sûr la Chine, représentée par le Premier ministre Li Keqiang

Duterte s’est montré ami de la Chine, l’aidant à faire accepter à l’ASEAN ses sept îlots renfloués dans l’archipel des Spratley, depuis équipés d’aéroports et sérieusement armés. Avec Li Keqiang, il a consenti au principe de règlements bilatéraux sur tous conflits de souveraineté maritime – le contraire de ce que réclamait son prédécesseur Benigno Aquino III, le Vietnam et les Etats-Unis, qui souhaitaient organiser un front commun contre le géant chinois. Duterte a également accepté de suspendre (pour l’heure) le verdict de la Cour Internationale arbitrale de La Haye de 2016, qui était favorable à son pays et récusait à la Chine le droit d’occuper des îles philippines. Enfin, il a repoussé poliment mais fermement l’offre de Donald Trump qui proposait sa médiation, s’auto-déclarant «excellent arbitre ». Sur ce dernier point il n’a pas été le seul. Le Vietnam aussi a rejeté la proposition, se défiant des revirements de Trump, et redoutant de lui confier le sort de ses revendications sur ses propres eaux territoriales.

L’attitude de Duterte a été donc conciliante—et en décalage par rapport à son discours à ses électeurs la semaine précédente, où il se disait plein d’ardeur patriote et prêt à demander publiquement à Xi Jinping  de « préciser ses intentions » sur les eaux occupées. À l’évidence, il s’est refréné. En remerciement de sa bonne attitude, Li Keqiang promettait au fantasque leader de poursuivre la coopération tous azimuts avec son pays, et offrait 22 millions de $ en guise de participation chinoise, pour tirer Marawi des ruines où l’a laissée cette guerre de rue.

A Manille, les négociateurs chinois marquaient aussi des points face à un Vietnam en apparence fort désireux de ne pas laisser entraver ses chances de développement par un envenimement de la querelle maritime. Xi Jinping avait été déjà reçu avec tous les honneurs à Danang lors du sommet de l’APEC (11-14 novembre), et en fin de sa visite d’Etat, avait signé avec Tran Dai Quang son homologue, 12 accords de coopération et 83 contrats pour 1,94 milliard de $, surtout en livraison de produits textiles et agricoles vietnamiens. 

A propos du sujet principal—la mer de Chine du Sud, et la conclusion d’un code de conduite légal et contraignant entre les 10 Etats de l’ASEAN et la Chine, les participants du Sommet s’en sont frileusement tenus à une vague promesse de négocier le texte—promesse régulièrement réitérée depuis 2002, ce qui n’a pas empêché Pékin depuis lors, de créer sa grappe d’îlots fortifiés.

En marge du sommet de Manille, un des six autres meetings internationaux à l’agenda, sous l’égide de la Chine, était la reprise du dialogue dit « Regional Comprehensive Economic Partnership » (RCEP), projet conçu par Pékin au cours des années Obama pour faire échec à la tentative d’accord économique transpacifique (TPP) à l’initiative du Président américain, à 12 pays sans la Chine. Ce projet avait failli aboutir, signé par tous les membres, avant de capoter en janvier dernier à cause du retrait unilatéral des Etats-Unis imposé par le successeur d’Obama, D. Trump. Dès lors, le TPP, tronqué de son partenaire principal, semblait condamné à mort face à un RCEP à 16 pays qui incluait en outre la Russie et l’Inde.

Or, la principale nouvelle du Sommet de Manille tient à la résurgence du TPP et aux négociations du RCEP qui font du sur-place, en une  20ème session sans avancée. Les débats achoppaient sur le type de zone de libre-échange à créer, les listes de produits à inclure ou exclure, et l’étendue des concessions mutuelles. En même temps, les 11 pays rescapés du TPP réitéraient leur demande de ressusciter cet agrément transpacifique, sous l’acronyme CPTPP (Comprehensive Progressive TPP).

La nouvelle pose évident problème à Pékin : les sept pays présents dans les deux rondes de négociation, préfèrent aujourd’hui retourner à l’ancien accord américain. Question d’intérêts géopolitiques et de la capacité des membres à standardiser leurs normes. En 2016, une équipe de chercheurs à l’université Nankai de Tianjin affirmait qu’une conclusion positive du RCEP apporterait à la Chine 88 milliards de $ de PIB supplémentaire. A l’inverse, une « victoire » du CPTPP lui coûterait 22 milliards. En cas de signature des deux traités, la Chine gagnerait 72 milliards de $…

Autant dire qu’il serait utile à la Chine de changer sa vision du monde, au moment de partir à sa conquête économique. En apprenant à partager et à ne pas imposer à ses « petits partenaires » ses manières de faire, elle ne peut qu’y gagner, même si l’effort sera énorme, et même si elle n’y est manifestement pas prête, du fait de sa grille de lecture idéologique encore très présente, héritage du passé. 


Monde de l'entreprise : L’épicerie « phygitale » de demain
L’épicerie « phygitale » de demain

Cet été à Yangpu (Shanghai), ouvrait le kiosque de la startup chinoise BingBox, relevant plus de la science-fiction que de la vie réelle. Il offre sur 18m² quelques 500 produits  courants 24h/24 7j/7. Du déjà vu donc, sauf que ce magasin en collaboration avec Auchan n’a aucun personnel – on y entre en s’identifiant via son smartphone en scannant un code QR puis on paie par WeChat ou Alipay. C’était une première en Chine. Depuis, ce prototype a fermé—officiellement suite à un désaccord entre les deux partenaires. D’autres soupçonnent un manque de rentabilité du système.
Depuis, Auchan récidive avec  un autre partenaire technologique, Hisense. Les deux groupes prétendent installer à travers la Chine des centaines de leurs boutiques autonomes, Auchan Minute. Et à travers la Chine, d’autres groupes ou start-ups s’agitent, tels le groupe de décoration d’intérieur Easyhome ou encore les supermarchés Yonghui.
Alibaba également, est de la partie, avec sa dizaine d’épiceries Hema : non robotisée, elle offre au client un service fort digitalisé et une sélection de produits raffinés importés, à consommer sur place ou à emporter, ou à se faire livrer.
D’autres outils de la distribution de demain font l’objet d’un grand effort  de R&D chez JD.com, qui grignote ainsi l’avance prise par Alibaba—dans le secteur « ventes aux particuliers », il détient désormais 37% contre 50% à Alibaba. JD.com donc, teste son robot livreur autonome (genre de quad électrique sans chauffeur), son entrepôt dans le noir géré à 100% par un système robotisé, et 8 modèles de drones, dont un susceptible de transporter une tonne. Autre option envisagée par différents acteurs, est le paiement par reconnaissance faciale.
Toutes ces tentatives de distribution robotisée-digitalisée, laissent en suspens certaines questions éthiques ou techniques :
– celle du contrôle d’hygiène, en l’absence de personnel humain ;
– celle de la sécurité  ;
– celle de l’exploitation par le groupe des données privées ;
– celle de la viabilité d’un commerce qui « se nourrit » du consommateur, sans lui donner d’emploi.
Enfin, cette agitation de tous les groupes du secteur traditionnel ou d’e-commerce, traduit la quête du même Graal : un magasin « phygital », intégrant les avantages du magasin physique (avec frigos et rayonnages), et celui digital (avec ses capacités robotiques et virtuelles). Cela confirme aussi une tendance déjà claire : le désamour croissant des consommateurs pour les super- et hypermarchés…


Société : La migration se tarit

L’exode rural entame son déclin. Aux années 2000, la migration des de paysans vers les villes atteignaient 10 millions par an, pour un total de 230 millions en 2011. C’était le pic -la redescente pouvait débuter. 
2015 connut la 1ère chute en 30 ans, reculant de 5,68 millions sur 12 mois, à 247 millions. Selon la Commission de la Santé et du Planning familial, 2016 accuse une autre baisse de 1,7 million en 1 an – le total des migrants a rechuté à 245 millions.

Les trajets ont aussi évolué. Depuis 2011, la proportion de trans provinciaux (passant d’une province à l’autre, vers la côte) est passée de 70% à 64%. À l’inverse, les migrants restant dans leur province d’origine, par exemple en montant à la capitale provinciale, a augmenté de 25% en 2011 à 27% en 2016. La tendance est de partir moins loin.
 En six années, l’âge moyen du migrant a augmenté de deux ans et 5 mois, le portant à 29,8 ans. C’est le symptôme d’une belle mort pour le « dividende démographique » : après s’être vidés de leurs jeunes de 25 ans, les villages voient partir les moins jeunes – au risque de se vider de façon irrémédiable.
Toujours entre 2011 et 2016, le salaire du migrant a augmenté de 15%. Ici, c’est l’indice que les patrons d’usines ou de chantiers, pour trouver assez d’employés, se résignent à payer plus. D’après les pronostics démographiques les plus récents, la population active qui faisait 784 millions d’actifs en 2011, s’éclaircira de 20% d’ici 2050, à 700 millions…

Sous quelles forces cette inversion de l’exode rural s’est elle faite ? D’abord, par le recul de la natalité, imposé par le planning familial. Puis les métropoles comme Pékin (23 millions), engorgées et incapables d’offrir aux migrants leurs services sociaux garantis à leurs résidents, ont  fixé un numerus clausus, et découragent par tous les moyens les derniers arrivants. Dès 2011, Shanghai s’attelant très tôt au problème, faisait fermer manu militari une école privée de 2000 enfants de migrants.
Une dernière ouverture a été créée par la réforme du hukou (le permis de résidence). Les paysans peuvent s’installer dans des villes de l’intérieur. Typiquement, les conditions pour en obtenir la résidence et les services sociaux attachés, sont d’y trouver un emploi et un domicile fixe, et de payer ses taxes locales durant 5 ans.
Enfin, le passage vers une sécurité sociale nationale (la transmission des droits santé et retraite d’une province à l’autre) marquera aussi un progrès.


Petit Peuple : Pékin – L’édifiante vie de Lu Enguang (2ème partie)

Résumé de la 1ère Partie : Inventeur dans le Shandong, devenu politicien, Lu Enguang grimpe les échelons jusqu’à Pékin, au ministère de la Justice—la consécration ! Mais les apparences sont parfois trompeuses…

À l’apogée de sa carrière, le drame secret de Lu Enguang était que son apparence n’avait nul rapport avec la vérité : « le yin était absent, le yang sonnait faux » (yīnchā yángcuò 阴差阳错).

Bon élève… oui, il aurait pu l’être grâce à sa bonne mémoire. A peine prononcés par le maître, ses cours étaient mémorisés ! Mais faute de les avoir révisés et fait ses devoirs, il avait de mauvaises notes à ses contrôles… C’est ce qui lui fit, à 18 ans rater son bac, à deux reprises.

Inventeur, oui mais… Il l’avait été à sa manière, mais bien meilleur en démontage de vieilles mécaniques qu’en recomposition de machines utiles. Invariablement, il plantait là un tas de pièces et refusait d’admettre la cause de son échec : l’insuffisance de son bagage technique.

Il créa bien ce gadget, pompeusement baptisé « outil de dessin géométrique » – un compas mâtiné d’une équerre. Au plan technique, il n’y avait aucun progrès. Mais avec son bagout, il sut en vendre assez pour convaincre ses collègues et la mairie de financer son usine. 

La verrerie qu’il créa à 27 ans en 1992 pour les enfants de l’école, lui donna de la face. C’était pour faire travailler les mômes à son service (produisant des babioles qu’il revendait) et pour engranger la reconnaissance des parents d’élèves, qui soi-disant, l’avaient fait élire vice-maire et entrer au Parti. Mais voilà le 1er mensonge de Lu ! Il n’avait jamais été « élu par gratitude » mais avait acheté la charge de n°2 du village, en plus de sa carte du Parti.

En remettant ses premières enveloppes rouges aux cadres corruptibles, Lu découvrit chez eux le désir de s’enrichir, mais aussi une peur de se faire attraper. Assez vite, Lu mit au point une stratégie pour les priver de l’option de refuser. Pour sceller le contrat secret avec le fonctionnaire dont dépendait sa promotion, il attendait le moment de l’aborder seul à seul. Puis il fondait sur sa proie, lui déclarait le poste qu’il convoitait—cela ne lui prenait quelques secondes. Puis il lui fourrait dans une poche la ou les liasses (selon la position réclamée) de billets roses, 10.000 à 40.000¥. Puis sans attendre les protestations, il se sauvait rapide comme l’éclair, laissant à sa situation le personnage éberlué.

En 1993, il était muté à Jinan la capitale provinciale, fonctionnaire à la mairie, un poste payé une fortune. Il était passé devant des vieux cadres honnêtes, ayant 20 ans d’ancienneté…Mais qu’importe ! Une fois dans la maison, il put faire inscrire son « outil de dessin géométrique » au programme de fournitures aux écoles et se remboursa en un rien de temps.

Après un dernier poste local en mai 1999 comme vice-directeur technologique, il achetait en 2001 son ticket pour Pékin, rédacteur en chef d’un China Times, quotidien financier. Cette phase éclaire une face cachée du personnage : Lu Enguang révéla alors des propensions à la mélancolie, à la dépression. Un reporter se rappelle ce chef fantôme aux yeux tristes, au sourire vague, aux phrases prudentes et sibyllines, celles d’un homme anxieux de ne pas se trahir.

En 2004, ressentant le besoin de changer d’air, il se fait catapulter à Suining (Sichuan), vice-secrétaire du Parti. Le séjour est atypiquement court. En 2006, le voilà de retour à Pékin, un an à la tête du bureau national des handicapés, avant de nouveau de passer à autre chose… Lu n’a jamais passé plus de 2 ou 3 ans à un même poste, ni jamais poursuivi en un même secteur. En vérité, il n’a jamais eu l’occasion d’exercer un métier. Mieux valait ne rien faire, plutôt que de risquer de voir un collègue percer sa carapace, dévoiler sa carrière d’affabulateur.

Même sa femme et ses enfants étaient formés à mentir pour le couvrir : ses 5 enfants hors quota (sur 7), enregistrés comme ses « neveux » et « nièces », devaient l’appeler « tonton » ! 

En 2007, on se le rappelle, Lu soutenait sa thèse de doctorat . Mais nul ne s’étonnera d’apprendre qu’elle n’était pas de lui, mais piratée à partir des six mémoires sur le même thème, déposés au cours des deux dernières années…

Bancale ou pas, cette thèse lui vaut sa dernière promotion en 2009, au ministère de la Justice. Ancienneté oblige, il est vice-directeur de la police et de la politique. Il est au dernier bien avec son ministre. En effet, chaque week-end, il se rend chez lui les bras lourds de victuailles, fruits et légumes, et lui mitonne de bons petits plats… Lu finit alors par décrocher sa promotion en novembre 2015, directeur de la politique, au rang de vice-ministre.

Pour certains, c’en était trop ! Suite à une dénonciation anonyme, un inspecteur éplucha son dossier et trouva la faille au niveau de sa demande d’admission au Parti en 1992. Sur son dossier, Lu l’avait faite rétrospectivement antidater à 1990. Mais le Comité d’Inspection de la Discipline (CCID) trouva dans sa lettre une mention du fameux voyage au Sud de Deng Xiaoping… de 1992 ! C’était la preuve du mensonge… Voilà le vice-ministre révoqué, limogé, incarcéré, entraînant dans sa chute 20 hauts cadres, livides.

Une fois Lu derrière les barreaux, la CCID en fit un exemple à ne pas suivre, en lui consacrant un épisode de sa série « La lame tranchante des tournées d’inspection » (cf photo). Devant les caméras, Lu n’eut que ses yeux pour pleurer sa folie : « contemplant mes 20 dernières années, je me vois errant dans un rêve sans voir que c’est un cauchemar ! ». Comme sortie théâtrale, ce n’était pas si mal. De plus, elle renouait avec la réalité et réglait ses comptes avec la vie…


Rendez-vous : Semaine du 20 au 26 novembre 2017
Semaine du 20 au 26 novembre 2017

21 novembre, Pékin, Ecole Canadienne (20h30) : Conférence suite au 19ème Congrès d’Eric Meyer, rédacteur en chef du Vent de la Chine – en partenariat avec Fenêtre sur Chine.

25 novembre, Pékin , Sofitel Wanda : GALA annuel de la Chambre de Commerce et d’industrie française, pour les 25 ans de la CCI !

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20-22 novembre, Shanghai : China Lighting Expo, Salon international de l’éclairage et des technologies LED

20-22 novembre, Shanghai : China Paper Chem + Tech, Salon international du papier, de la chimie et des équipements de production du papier

20-22 novembre, Shanghai : China Smart Community & Smart Home Expo, Salon international de la construction et de la domotique

20-22 novembre, Shanghai : Electrical Shanghai, Salon international des équipements électriques

20-22 novembre, Shanghai : WaterChem + Tech, Salon international des technologies de traitement de l’eau

20-22 novembre, Shanghai : EP / EPA China, Salon international pour la production et la distribution électrique

20-22 novembre, Shanghai : MTM, Salon international des tuyaux et tubes

20-23 novembre, Shanghai : Metro China, Salon et Conférence sur le transport par rail urbain et régional

24-26 novembre, Shanghai : CAFEX, Salon international du thé, du café et des boissons en Chine