Le Vent de la Chine Numéro 35 (2017)

du 30 octobre au 12 novembre 2017

Editorial : La gloire du Président—et du Parti

Le 25 octobre, le nouveau Comité Central (204 membres), son Bureau Politique (Politburo, de 25 membres), et son Comité Permanent (7 membres) émergèrent des votes du XIX Congrès. Comparées à la législature précédente, les nominations laissent entrevoir les priorités et rapports de force, sous Xi Jinping, l’homme fort.

Au Comité Permanent survit la faction de Hu Jintao, avec Li Keqiang (1er ministre) et Wang Yang, futur président de la CCPPC. Survit aussi celle Jiang Zemin, avec Han Zheng, pressenti vice-Premier exécutif. Toutefois, le Président Xi Jinping obtient une majorité avec 4 voix sur 7. Cela marque une grosse différence par rapport au quinquennat précédent, où Xi avait dû composer avec une majorité acquise à Jiang Zemin, ce qui l’avait forcé à délaisser les réformes économiques pour n’œuvrer que sur sa réforme de l’armée, l’anticorruption et l’expansion mondiale du pays.
Dans les coulisses du Congrès, Xi a donc fait de multiples compromis. Pourtant, la « guerre de succession » est bel et bien lancée. Brisant la règle de succession instaurée par Deng Xiaoping, aucun prétendant à la succession en 2022 n’a été désigné. Pourtant, deux candidats de « 6ème génération » (quinquagénaires) étaient sur les rangs : Hu Chunhua, l’homme de Hu Jintao, et Chen Min’er, poulain de Xi. Cette absence d’héritier pourrait permettre à Xi de se succéder à lui-même pour un 3ème mandat (chose pourtant interdite par la charte du PCC), ou bien pour instaurer un mode de désignation inédit, basé sur le mérite.
Autre surprise, la sociologie du Comité Permanent change. En 2007, il comptait 8 technocrates (ingénieurs ou scientifiques) sur 9 membres. En 2012, il n’en comptait plus qu’un, et celui de 2017 est composé de deux politologues et de cinq experts en management, philosophie et droit. Précisant la nouvelle ligne de conduite, l’agence Xinhua annonce le 26 octobre qu’à compter de 2021, le gouvernement ne voudra plus se fixer pour objectif de doubler le PIB en 10 ans, comme il l’avait fait en 2010.

Au Politburo de même, on voit la diplomatie faire son retour—écartée depuis 2002, soupçonnée à l’époque de sympathies démocratiques et/ou étrangères. Yang Jiechi, conseiller d’Etat et super-ministre des Affaires étrangères y accède donc, pour aider ses membres à mieux comprendre le fonctionnement du monde et ce faisant, accélérer la reconnaissance de la Chine à travers les cinq continents. Pas par hasard, le 27 octobre, Xinhua prédit : « la Chine va regagner sa puissance et remonter au sommet du monde » – la faiblesse de D. Trump, dont la visite à Pékin s’approche (8-10 novembre), encourage ce type de prophétie…

Côté militaire, les deux généraux au Politburo, proches de Xi Jinping, sont en fin de carrière. Les « jeunes » officiers récemment promus, ne sont pas mûrs pour représenter l’armée au sommet. De même, le Politburo n’admet en son sein qu’une femme, en fin de carrière, contre deux il y a cinq ans.

Un autre point inattendu concerne le Comité Central : les cinq dirigeants de consortia publics qui y siégeaient jusqu’à présent, ont tous disparu. Par contre, les 10 suppléants issus de leur cohorte, sont passés à 16. Tout cela traduit un affaiblissement de leur poids politique, en lien avec la volonté de réduire leur lobbysme, et d’accélérer leur réforme vers un profil de marché. De même, pour faciliter la grande réforme de la finances et du redéploiement industriel sur l’étranger (Belt & Road Initiatives), pas moins de 10 membres du Comité Central sont des technocrates de la Banque Centrale, des ministères du Commerce et de la Finance, ou de la NDRC.

C’est ainsi que s’esquisse le « squelette » du nouveau pouvoir chinois, avec ses deux objectifs : booster l’expansion mondiale chinoise, et le contrôle sur chaque citoyen, sur les 1,3 milliard d’êtres de sa population, renforcés par les nouvelles technologies et les big data !


Politique : Qu’est-ce que la « pensée de Xi Jinping » ?

Sans surprise, le XIX Congrès a enchâssé en sa charte la « pensée » du Président Xi Jinping. À vrai dire, depuis sa création en 1921, cette constitution interne du Parti a subi des retouches à chaque Congrès. Même Hu et Jiang ses prédécesseurs y ont fait inscrire leur « pensée » —mais pas sous leur nom. C’est une victoire, qui lui permet de supprimer la collégialité au Politburo. Plus question pour Xi d’être l’égal des autres membres, et lui qui était depuis 2016 « noyau » du Parti, se hisse au niveau d’un Mao Zedong ou d’un Deng Xiaoping.

Mais quelles sont la direction, l’objectif de cette pensée ? On pourrait lui reprocher de manquer de fond, contrairement à la pensée de Mao. Son socle théorique place le Parti en gardien des idéaux révolutionnaires de Mao, et de la fierté nationale au vu des traditions antiques. Elle développe des concepts, souvent en contrepied de ses prédécesseurs.

En politique, Xi rejette l’« erreur de Gorbatchev » – cause en 1991 du naufrage du régime par trop de concessions à la démocratie. En contrepartie, Xi veut moraliser la vie politique : « mettre la corruption en cage » pour la rendre impossible. Dès 2020, un système de « crédit social » s’appliquera aux cadres et aux citoyens en leur octroyant une note morale, calculée par un logiciel, en fonction de leur comportement relevé par les multiples sources des big data.

Au plan militaire, Xi veut transformer l’APL en « une des meilleures armées au monde » à force d’équipements, de R&D et d’engagements aux frontières et en mer. Il veut mettre fin à l’enrichissement illicite des officiers. Surtout, il veut « assurer le contrôle absolu du Parti sur la classe militaire », ce qui laisse transparaître une méfiance du chef de l’Etat vis-à-vis de « notre nouvelle grande Muraille ». Quelques jours avant son arrestation et sa radiation du Parti en 2012, Bo Xilai, son rival, avait rendu une visite suspecte au 14ème corps d’armée dans le Yunnan, celui de son père Bo Yibo. Cet acte pouvait s’apparenter à une tentative de sédition, avec appui de l’APL.

Concernant le Parti, Xi veut « améliorer sa gouvernance et son efficacité » par un « effort d’intégration et d’institutionnalisation », « renforcer les liens avec le niveau de base ». Il s’agit de multiplier les cellules dans les bourgades et les campagnes, pour renforcer à la fois la lutte contre la pauvreté et le contrôle des masses.

En recul constant depuis Deng, l’idéologie doit reprendre vigueur et couleur, en élargissant son éventail : devenue nationale, elle intègre Mao (la révolution), Deng (le libéralisme) et Confucius, Mencius et d’autres penseurs antiques. Dans un effort de patriotisme décomplexé,  Xi veut « promouvoir le nationalisme et l’exception chinoise », au nom de ses 5000 ans d’histoire.
Dans la « pensée de Xi pour le socialisme aux caractéristiques spéciales chinoises de la nouvelle ère », la priorité va aux deux derniers mots, « nouvelle ère » : Xi prétend, du passé (re-)faire table rase.
Parmi la masse de slogans forgés pour populariser cette pensée, l’un retient notre attention, celui des « 4 confiances en soi » : Xi Jinping attend de ses compatriotes une foi renouvelée dans le système, la voie, la théorie et la culture. Autant de concepts extrêmement détachés des préoccupations et du quotidien de la rue…

Deux campagnes sont à l’avant-garde —celles contre la pauvreté et la pollution. La première passe par le monde rural et ce qui compte pour le paysan—le droit du sol. Dès novembre, le Parlement pourrait amender la loi des contrats fonciers ruraux, pour assurer le renouvellement des droits d’usage pour 30 ans au-delà de leur expiration vers 2027.

Concernant la réforme des conglomérats, Xi promet des objectifs contradictoires. Il veut renforcer des pôles stratégiques sous contrôle de l’Etat. Mais il prétend aussi les réconcilier avec la rentabilité et un management de type privé, tout en éliminant leurs surcapacités – vaste programme.

Dans les secteurs non stratégiques, Xi fait mine de vouloir promouvoir le privé et de réduire le rôle de l’Etat à celui de simple arbitre. L’investisseur étranger serait traité sur un même pied d’égalité avec les intérêts chinois, pour l’accès aux licences, aux crédits, aux marchés publics. De vieilles promesses, pour l’instant restées vaines…
La technologie joue un grand rôle dans la pensée de Xi, à travers son programme « Made in China 2025 », qui prétend en 10 ans rattraper le retard technologique sur l’étranger.

Un dernier pan du programme est dédié à la mondialisation. Au plan financier, c’est l’intégration au FMI et la progression du yuan comme rival du dollar. Industriellement, c’est l’exportation des filières chinoises, chantiers, chemins de fer, bientôt auto électriques et centrales nucléaires, via le plan « BRI » (Belt & Road Initiatives). Au plan culturel, c’est la diffusion du « soft power », à travers le vecteur des instituts Confucius implantés sur les cinq continents.

Au plan institutionnel, Xi Jinping annonce la création de quatre nouveaux organes, sans grand détail. Un « groupe central directeur » devra  « promouvoir la gouvernance de l’Etat en vertu de la loi ». C’est de l’Etat de droit « à la chinoise » qu’il s’agit : l’organe devra « renforcer en toute institution la gouvernance et la démocratie socialiste ».
Une administration de régulation des ressources naturelles devra réorienter mines et forêts vers une « civilisation écologique ».
Une commission centrale veillera sur les pensions des vétérans. C’est une concession à l’armée, en compensation du contrôle accru exercé sur elle.
Enfin et surtout, à chaque échelon administratif du pays (province, district, village…), des comités d’inspection disciplinaire « exerceront une stricte gouvernance sur la capacité du pays à diriger ». Cette sévère super-institution partagera à Pékin ses locaux et son personnel avec la CCID, et aura tout pouvoir en matière de lutte anti-corruption—même sur le Conseil d’Etat. Par cette agence en préparation depuis 18 mois, Xi Jinping veut faire savoir que son projet de « mettre en cage » la corruption du Parti, n’est pas un vain mot.


Spatial : Chine et France, main dans la main dans l’espace

Au centre de test de Huairou, à 50 km de Pékin, le satellite présenté est une fleur tardive d’une amitié entre Présidents. En effet, en 2005, Jacques Chirac et Jiang Zemin signaient une coopération qui s’avérerait être une première mondiale : le CNES français et la CNSA chinoise allaient créer deux satellites de pointe, le CFOSAT d’étude des océans et le SVOM, d’astrophysique. La Chine fournirait le lanceur et la plateforme d’électronique, de communication avec ses tuyères de positionnement. Chaque pays apporterait ses systèmes d’observation.

Or, le premier de ces chantiers entre en phase finale. Sur le CFOSAT, la Chine apporte le radar d’étude des vents, et la France, celui d’observation des vagues, construit  par Thales et livré en août à la Chine.

Quel est le coût du projet pour la Chine ? « C’est pour nous sans intérêt, confie le chef de projet côté CNES, chaque partie livre sa part selon le contrat ». Sous 9 mois, une fusée Longue Marche-5 s’élancera, portant le CFOSAT sur orbite basse à 500km de la Terre, d’où il s’élancera, décrivant chaque 13 jours la même trajectoire.

Avant de découvrir le CFOSAT, un rituel est de rigueur, d’habillage d’une combinaison et de passage en sas de ventilation contre la poussière. Puis l’on découvre l’engin sur son châssis : doté d’une soucoupe d’émission du signal radar et du spectromètre d’analyse des données, il est plaqué d’un isolant brillant, couleur or, fait pour réfléchir les rayons solaires. Dans la cuve sous vide de 7m par 12m, le satellite est soumis à des phases de 100 minutes, entre +150°C et –190°C, simulant les conditions spatiales.

Un des intérêts du programme est de partager les frais d’une mission inédite, très ambitieuse. Durant trois ans, CFOSAT mesurera hauteur et direction des vagues, force et direction des vents. Livrées en direct, d’énormes masses de données seront analysées par de puissants processeurs, que les équipes finalisent en ce moment même.

La chef scientifique, Danielle Hauser confie : « notre engin ne pourra pas faire de pointage sur une cible, mais scrutera les mers à intervalles réguliers. La comparaison permettra d’améliorer les modèles de prévision des dépressions, tsunamis, et cyclones tropicaux ».

 La partie chinoise pourrait-elle être tentée de s’approprier illégalement le capteur français de technologie avancée, profitant du fait qu’il se trouve en ses murs ? L’hypothèse a bel et bien été envisagée, mais l’équipe française exclut tout risque : « tout piratage est impossible, nous avons pris nos précautions – et puis, nous sommes sur place en permanence ». De fait, sur 40 membres du CNES travaillant sur le projet, une dizaine se trouve à Huairou autour du satellite en cours d’assemblage, constamment relayés par leurs collègues de Toulouse. Au total, l’équipe franco-chinoise compte une centaine de personnes : « ils seront bien plus, précise Mme Hauser, une fois le satellite sur orbite et les transmissions entamées, qu’il s’agira de capter, et d’en interpréter les données ».

Le site de Huairou avait été construit en 1960 par des ingénieurs soviétiques, dans le cadre d’un projet de centrale thermique, puis abandonné après la mésentente soudaine entre partis-frères. En 1970, dans le cadre d’un programme spatial ambitieux lancé par Mao, le centre reçut sa 1ère salle de chauffe sous vide et sa salle hors-poussière, suivie d’autres installations permettant de traiter à présent jusqu’à 6 satellites par an.

Côté chinois comme français, les scientifiques apparaissent clairement enthousiastes de pouvoir partager cette aventure. Ils communiquent en trois langues –l’anglais sert de trait d’union : « nous échangeons surtout en langage scientifique, commente Céline Tison, océanologue, la mission partagée nous permet de mettre en arrière plan nos différences culturelles ».

La coopération se poursuivra donc jusqu’en 2024, fin de la durée de vie du second satellite, le SVOM, et au delà : « en fonction des résultats acquis », conclut Mme Hauser.

De fait, ce projet arrive à point, pour servir une autre coopération franco-chinoise, celle contre le réchauffement climatique. Il permettra d’en améliorer la compréhension, et de mieux cibler les stratégies de réponse à ce danger pour la planète. Autrement dit, ce n’est que le début d’une grande aventure !


Education : Réforme des écoles : de bac et de rouge

En marge du XIX. Congrès, Chen Baosheng, ministre de l’Education, a déclaré au monde des écoles que leur programme allait subir l’ultime modernisation : l’inclusion de la pensée de Xi Jinping. Manuels et modules pédagogiques sont en cours de rédaction pour rendre la pensée-phare du Président, intelligible aux jeunes, de Lhassa (Tibet) à Sanya (Hainan). Dès la 5ème classe ainsi qu’en université, on apprendra à jongler avec des concepts tels la « réjuvénation de la nation », le « rêve de Chine » ou la « réforme du côté de l’offre », et à étouffer les pensées de type « occidental », le « négationnisme historique », le « populisme » ou l’« extrême-libéralisme ».

En tout état de cause, l’enseignement du socialisme dans les écoles ne date pas d’hier. Il a été renforcé après juin 1989, dans un effort d’enrayer la mort de la conscience de classe. Cet effort continuera, remis au goût du jour.

Le ministre Chen annonce aussi la réforme complète du concours du Gaokao, le bac chinois. Ainsi, le programme du Gaokao serait découpé en différentes sections. Puis chaque année, en octobre et avril, les élèves de 1ère et de terminale pourront passer des examens anticipés, sur ces sections de programme.

Déjà testé à Shanghai et au Zhejiang, le mécanisme va être élargi à 4 autres provinces en 2018-2019, puis à la nation en 2020. Les réformateurs en espèrent une sélection plus rationnelle et équitable, et la disparition de la terreur face au Gaokao actuel, qui détermine en trois jours et six sujets l’avenir du jeune.

Le nouveau plan a forcément du bon. Le lycéen obtenant une note qu’il juge satisfaisante à son examen anticipé, n’aura pas à le repasser plus tard.  De plus, le nouveau système offre une base d’évaluation plus large sur le niveau de l’élève et offre une meilleure orientation : sur leur vœux d’études futures, les candidats peuvent inscrire jusqu’à 80 facultés et filières à travers la nation.

Mais il a aussi ses faiblesses, restant basé sur un système d’examens et sur la performance. De ce fait, le lycéen n’obtenant pas une bonne note à son examen anticipé d’octobre, devra le repasser en avril.

Ainsi, le nombre d’examens est doublé et étalé dans le temps, au lieu d’être concentré sur trois jours. Une pression s’exerce alors sur ces jeunes en permanence durant les deux dernières années scolaires, ce qui fait que bon nombre de jeunes et de parents en viennent à espérer passer leur Gaokao, ancien système !


Automobile : Une usine ouvre, une ferme

En 2014 PSA-Chine, avec ses marques Peugeot, Citroën et DS, réalisait 750.000 ventes. En 2017, la capacité de production était portée à 1 million de véhicules par an.

Mais voilà que Carlos Tavares le PDG, se résout soudain à liquider l’usine de Wuhan n°2 que le groupe avait ouvert en 2009 avec le partenaire Dongfeng (220.000 berlines sorties en 2015). La raison est la saignée constante des ventes, malgré les efforts pour redresser la barre. Ailleurs à l’étranger, PSA  se porte comme un charme, profitant du rachat d’Opel et des fruits d’une vigoureuse chasse aux coûts. Mais en Chine, de janvier à septembre, PSA n’a écoulé que 242.000 voitures, –43% du score de 2016. Seule conclusion possible : il y a surcapacité, et PSA paie cher un mauvais pari sur les berlines, et de n’avoir su prévoir l’engouement chinois pour les SUV, ces 4 x 4 urbains imposants et sportifs. Quant à son entrée tardive sur le créneau du luxe avec sa marque DS, le groupe ne peut pas encore faire la différence après si peu d’années d’existence.

Certes, selon Tavares, « on voit depuis l’été des signes de rebond, qui restent à confirmer ». Mais Wuhan n°2 devra quand même être vendue ou louée – à Honda, autre partenaire de Dongfeng, ou « à d’autres constructeurs intéressés »…

Une usine ferme, une autre ouvre : Tesla, constructeur de véhicules électriques (EV) de haut vol, signe avec la mairie de Shanghai pour l’implantation d’une usine dans la zone franche. Et il l’ouvre sans JV— c’est une première en Chine. Sous réserve du feu vert de Pékin, il sera exempt de taxes. Par contre, ses EV paieront la taxe d’importation de 25%, ce qui grèvera sa compétitivité par rapport au marché local.

Pourquoi ce choix de production sans JV ? C’est, croit-on, faute de partenaire. Tesla n’est pas encore profitable. En 2016, ses modèles ne représentaient que 3% du marché EV chinois, et Tesla ne peut, comme d’autres, se financer par des ventes de modèles à combustion. Une autre raison plausible, est le refus de partager sa technologie.

Toujours est-il qu’en entrant sur ce marché sans partenaire, Tesla prend des risques, étant notoirement désargenté, tandis que cette production délocalisée coûtera des milliards de $. Comment Elon Musk, son propriétaire, pourra-t-il payer ? Le succès, s’il arrive, viendra de partenaires chinois : en partageant sa technologie qui intéresse, et/ou en délocalisant la production de l’une ou l’autre des 10.000 pièces entrant dans la composition de chaque Tesla. 


Petit Peuple : Nanling (Anhui) – Le châtiment de Liu Yongbiao (3ème Partie)

Résumé de la 2ème partie :  suite à son quadruple meurtre de novembre 1995, Liu Yongbiao se terre à Nanling (Anhui), écrivant des livres pour échapper à sa conscience et occuper ses nuits blanches.

Sans le savoir, Liu Yongbiao, avec son complice Wang Ming, avaient eu beaucoup de chance : aucun des innombrables indices laissés dans cette auberge, n’avait permis de remonter à eux. Chaussures, mégots de cigarettes Huangshan, biscuits locaux avaient permis aux policiers de déduire une origine probable des tueurs dans l’Anhui.

Mais ensuite, l’enquête avait vu les pistes s’évaporer les unes après les autres. Décidé à mettre les grands moyens sur cette affaire affreuse et insolite, le ministère de la Sécurité publique avait lancé sur 10 provinces des centaines d’inspecteurs : en vain, tous rentraient bredouilles, faute d’être partis sur la bonne piste. Ils recherchaient un lien qui n’existait pas, entre ces tueurs de l’Anhui, ce commis-voyageur du Shandong, et les patrons de l’hôtel du Zhejiang, ces morts assassinés à coups de marteau la nuit tragique. Comme l’inspecteur chef se le remémorerait, ils n’arrivaient pas à « remonter le calebassier jusqu’à la calebasse » ! En désespoir de cause, Pékin avait fini par classer l’affaire, non sans stocker précieusement, à tout hasard, les pièces à conviction.

Autre chance pour Liu Yongbiao : au fil du temps, son travail colossal, expiatoire d’écrivain commença à porter ses fruits. Soutenus par un style clair et vigoureux, ses livres se vendaient bien. Son statut d’« écrivain paysan » le faisait bien voir. 2005 fut l’année de sa percée, quand parurent aux Editions des écrivains (maison pékinoise très cotée) son recueil de nouvelles sous le titre « Un film », bientôt primées par l’Académie de l’Anhui. Yongbiao fut alors courtisé, invité. Il tentait pourtant de se tenir à l’écart. Avec Meilin et les enfants – car en plus de leur fille, un garçon était né – il restait fidèle à Nanling. La presse, les notables croyaient que c’était par humilité.

La réalité était toute autre : l’auteur restait taraudé par le remords, et la hantise de se faire attraper. Il se trouvait ligoté au nœud gordien de désirs inconciliables, se sauver et se faire prendre. Parfois par lassitude, il rêvait de se rendre : d’aller tout expliquer à la police. Tout ça n’était bien sûr que velléité – qui donc  aurait eu le cran d’un tel acte, qui l’eût fait marcher vers une condamnation à mort assurée ? Dans le secret de son cabinet de travail, il rêvassait à d’improbables alternatives. En 2010, en préface de son premier roman (« Le secret coupable ») il annonçait que l’héroïne du second roman, « Elle, écrivaine », serait une tueuse en série (tiens, tiens!), qui ne se ferait pas prendre… C’était un appel transparent aux sbires pour les mettre sur sa piste… Mais c’était peine perdue, plus il en faisait, moins on y croyait. Trop célèbre, il était au-delà de tout soupçon. En 2013, il entra à l’Association nationale des écrivains, puis au Parti. En 2014, son second roman fut porté à l’écran en 50 épisodes : c’était la gloire !

Finalement, c’est en 2017 que Liu Yongbiao vit sa cavale s’interrompre de façon abrupte, due aux progrès de la science criminelle. Après 22 ans, un policier zélé eut l’idée de ressortir les indices et de les soumettre à des tests ADN, technologie nouvelle. Or les biologistes déclarèrent les traces de salive séchée sur les mégots de Huangshan recevables, suffisantes pour établir un profil génétique fiable des tueurs, tous deux fumeurs. Dès lors, il suffisait d’aller à Nanling, d’y collecter une goutte de salive de tout individu adulte ayant résidé 22 ans plus tôt dans la zone circonscrite. Des centaines d’échantillons furent prélevés mi-juin. Alors, s’arrachant pesamment à leur décennies de sommeil, s’ébranlèrent les lentes meules de la justice.

Le 11 août, quatre policiers sonnèrent à la porte de l’écrivain, qu’ils emmenèrent menotté. Wang Ming, son complice l’avait précédé en captivité de quelques jours.

On peut se demander pour quelles raisons, quand un agent vint effectuer un test salivaire, Yongbiao n’avait pas tenté de quitter le pays coûte que coûte. Il savait pourtant bien que le test ADN établirait la « preuve irréfutable de sa culpabilité » (zhēn zāng shí fàn—真赃实犯). Pourtant, il ne bougea pas… Estimait-il trop faibles ses chances de pouvoir franchir la frontière, avec son argent ? Crut-il que se présenter à la banque, ou tenter de franchir la frontière avec un pactole, pourrait être vu comme un aveu implicite ? Pensa-t-il qu’une vie solitaire hors du pays, sans femme et enfants, sous un faux nom, ne valait pas la peine d’être vécue ?

À ce qui nous semble, la cause réelle de cette forme de suicide par la passivité, dut être sa conscience : usé de se juger à longueur de nuits, de se laver sans cesse les mains d’un sang qui revenait à l’aube, Yongbiao était mûr pour payer sa dette.

Quand il ouvrit la porte aux policiers, ce n’est point un cri d’effroi qu’il poussa, mais un soupir de soulagement, suivi des simples mots « je vous attendais depuis longtemps ». Avant de les suivre, il pria de lui laisser quelques minutes, le temps d’une lettre à sa femme qu’il avait faite partir chez sa mère pour lui éviter la scène humiliante. Il lui présentait ses excuses pour son crime caché, ses décennies de mensonge, et lui réitérait son amour. « Malgré ma célébrité, écrivait-il, ces années ne m’ont apporté que souffrance… me voici libéré ».

On note le paradoxe : c’est en perdant sa liberté que Liu Yongbiao la (re-)gagne. Hélas pour cet homme, envers qui on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine sympathie, il n’a d’autre perspective à la peine de mort – la loi chinoise n’offre aucun échappatoire. À l’instant fatal, peut-être aura-t-il –on le lui souhaite– le sentiment d’avoir lavé son crime par vingt années d’écriture ? C’est tout ce qu’on lui souhaite.


Rendez-vous : Semaines du 30 octobre au 12 novembre 2017
Semaines du 30 octobre au 12 novembre 2017

29 octobre -1er novembre, Shenzhen : CPSE, Salon international de la sécurité du territoire

 29 octobre -1er novembre, Kunming : CMEF / ICMD, China Medical Equipment Fair

 

30 octobre – 1er novembre, Shanghai : BIC China, Salon international de l’ingénierie du bâtiment

 31 octobre – 3 novembre, Pékin : APEX China, Salon international de plateforme d’accès : ascenseurs industriels, plateforme de travail élévatrices mobiles

 31 octobre – 3 novembre, Shanghai : CEMAT Asia, Salon international des matériels de manutention, des techniques d’automatisation, de transport et de logistique

 31 octobre – 3 novembre, Shanghai : COMVAC Asia, Salon de l’air comprimé et du vide

 31 octobre – 3 novembre, Shanghai : PTC Asia, Salon de la transmission et du contrôle de puissance, de l’hydraulique et de la pneumatique

 1er novembre, Pékin / 3 novembre à Shanghai : World Leading Wines Beijing, Rencontres d’affaires des plus renommés importateurs et distributeurs de vins de qualité

 

1-3 novembre, Shanghai : OI, Oceanology International China, Forum international de l’offshore et des industries maritimes

 1-3 novembre, Shanghai : Seatrade Cruise Asia Pacific, Salon asiatique de l’industrie de la croisière

 2-5 novembre, Shanghai : Shanghai ART FAIR

 3-5 novembre, Shenzhen : WCO, WORLD OCEAN Congress

 4-7 novembre, Wuhan : CCVS, China Commercial Vehicles Show, Salon des véhicules commerciaux en Chine

 7-8 novembre, Chengdu : IOT China, Salon de l’internet des objets connectés

 7-9 novembre, Shanghai : PROWINE, Salon des vins et des spiritueux 

7-10 novembre, Shanghai : CHINA-PHARM

 7-10 novembre, Shanghai : SWOP, Salon de l’agro-alimentaire et de l’emballage

 7-11 novembre, Shanghai : CIIF, Shanghai International Industry Fair, Foire industrielle internationale de Shanghai

 

7-11 novembre, Shanghai : IAS, Industrial Automation Show, Salon international de l’automatisation des procédés