Le Vent de la Chine Numéro 34 (2023)

C’est l’image que l’on retiendra de ce 3ème forum des Routes de la Soie. Des portes dorées qui s’ouvrent et, au premier plan, s’avançant, le président russe Vladimir Poutine, aux côtés du président chinois Xi Jinping.
Vladimir Poutine, ce même dirigeant contre lequel la Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt le 17 mars 2023 pour crimes de guerre, impliquant non seulement les victimes civiles du conflit en cours en Ukraine (9 000 civils, dont plus de 500 enfants) mais également les déportations de force d’enfants ukrainiens.
C’est pourtant bien ce même Poutine auquel emboîtent le pas les dirigeants de l’Argentine, du Cambodge, du Chili, de la République du Congo, de l’Egypte, de l’Ethiopie, de la Hongrie, de l’Indonésie, du Kazakhstan, du Kenya, du Laos, de la Mongolie, du Mozambique, du Nigéria, de l’Ouzbékistan, du Pakistan, de la Papouasie Nouvelle Guinée, de la Serbie, du Sri Lanka, de la Thaïlande, du Turkménistan et du Vietnam (au total, 24 chefs d’Etat et de gouvernement présents, contre 29 en 2017 et 37 en 2019).
Par-là, la Chine de Xi Jinping émet un signal fort au monde que celui-ci semble pourtant lent et réticent à vouloir décoder. Avant cela, quelques rappels s’imposent.
Ce « 3e Forum de la Ceinture et de la Route pour la coopération internationale » qui s’est tenu les 17 et 18 octobre 2023 à Pékin a marqué le 10e anniversaire de l’initiative « la Ceinture et la Route », une stratégie mondiale de développement des infrastructures. Ces projets d’infrastructure comprennent ports, chemins de fer, autoroutes, centrales électriques, aviation et télécommunications. Xi a initialement annoncé cette stratégie lors d’une visite au Kazakhstan en septembre 2013. Le terme « Ceinture » fait référence aux itinéraires terrestres proposés pour le transport routier et ferroviaire à travers l’Asie centrale tandis que le terme « Route » fait référence aux routes maritimes indo-pacifiques de l’Asie du Sud-Est à l’Afrique. L’initiative a été incorporée dans la Constitution du Parti communiste chinois en 2017. Les principaux bénéficiaires en termes d’investissement sont le Pakistan, le Nigéria, le Bangladesh, l’Indonésie et la Malaisie. Selon des estimations de la Banque mondiale en 2022, le projet aurait contribué à accroître le PIB des pays en développement d’Asie de l’Est et du Pacifique de 2,6 à 3,9 % en moyenne. Sans doute, l’aspect le plus important est que les investissements de la BRI (Belt & Road Initiative) furent largement déterminés en termes énergétiques.
Or, la majeure partie des investissements chinois dans le secteur des énergies est destinée à des énergies non renouvelables. Entre 2014 et 2017, 91 % des prêts au secteur énergétique accordés par six grandes banques chinoises aux pays de la BRI étaient destinés à des projets de combustibles fossiles. En 2018, 40 % des prêts au secteur de l’énergie ont été consacrés à des projets liés au charbon. Rien qu’en 2016, trois ans après son lancement, la Chine était impliquée dans 240 centrales à charbon dans les pays de la BRI. En 2020, les énergies renouvelables non hydroélectriques ne représentaient que 11 % de la capacité des centrales électriques chinoises à l’étranger, contre 40 % pour le charbon.
Mais le coût environnemental n’est pas le seul à avoir altéré la crédibilité du projet. Une étude réalisée par un institut de recherche américain, Aiddata, après examen de plus de 13 000 projets de la BRI a révélé que 35 % d’entre eux présentaient des problèmes de mise en œuvre en termes de corruption, droits du travail, dégâts environnementaux ou contestation civile – du fait de normes moins strictes que pour des projets financés par les Etats-Unis ou l’Europe.
C’est aussi le poids financier pour les pays receveurs qui a fait l’objet de nombreux commentaires négatifs. En effet, les projets consentis se font sur la base de prêts dépassant souvent les finances d’un pays. Du Sri Lanka et des Maldives au Laos et au Kenya, de nombreux pays du « Sud Global » sont aux prises avec la dette de la BRI.
C’est ainsi qu’a vu le jour la critique du BRI comme une « diplomatie du piège de la dette » : incitant les pays les plus pauvres à s’engager dans des projets coûteux afin que Pékin puisse éventuellement prendre le contrôle des actifs présentés en garantie – comme ce fut le cas pour le port de Hambantota au Sri Lanka. Pour autant, certains chercheurs ont montré que définir le BRI comme une aide à l’investissement ayant pour but de créer de la dette donnant une influence politique n’est pas exact. Une étude de mars 2018 a montré qu’entre 2001 et 2017, la Chine a restructuré le remboursement des prêts de 51 pays débiteurs sans saisir les actifs de l’État.
Toutefois, pour nuancer cette analyse, si l’on peut critiquer l’idée d’une stratégie volontaire du piège à la dette, le poids de la dette reste lui bien réel. La Chine a certes restructuré les prêts de la BRI, prolongé les délais et déboursé environ 240 milliards de $ pour aider les emprunteurs à effectuer leurs paiements à temps, mais aussi refusé d’annuler les dettes. En outre, la crise structurelle de l’économie chinoise rend moins justifiables les investissements pharaoniques. La Chine a donc réduit ses financements et imposé des limites aux prêts des banques chinoises : les investissements sont désormais inférieurs de près de 50 % à ce qu’ils étaient il y a cinq ans. De fait, la population chinoise comprend de moins en moins ces dépenses d’aide au développement qui semblent vainement dispendieuses à l’heure où les ménages ne peuvent plus payer leurs emprunts.
Ce troisième forum ne peut se réduire cependant à des chiffres économiques ou des projets d’infrastructure. Le véritable coût pour le monde en même temps que le véritable bénéfice pour la Chine se situe au niveau géopolitique. La Chine a créé avec la BRI une puissante machine à influence permettant de « provincialiser » l’Europe et l’Occident. Si les penseurs post-coloniaux des années 1970 faisaient de la provincialisation de l’Europe la condition d’émergence d’un monde plus égal et juste, le fait est qu’aujourd’hui (dans un monde plus inégalitaire et moins écologique) sa véritable manifestation est celle-ci : un chef d’Etat, condamné par la Cour Pénale Internationale (innovation fondamentale en matière de droits de l’Homme), peut être accueilli à bras ouverts par la deuxième puissance mondiale.
Cela montre le tournant géopolitique de la BRI : celle-ci est devenue le bras infrastructurel du projet chinois de « désoccidentalisation » du monde. La BRI n’est plus ce projet permettant de jeter des ponts au propre et au figuré entre Occident et Orient, entre Europe et Asie ; elle est en passe de devenir le « club des routes anti-occidentales ». C’est pourquoi les États-Unis, le Japon et l’Australie avaient lancé une contre-initiative, le Blue Dot Network en 2019, suivie de l’initiative Build Back Better World du G7 en 2021 et le Global Gateway de l’Union Européenne (dont le premier forum aura lieu cette semaine), et, enfin, celle du « Corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe » du G20 en 2023. Plus que jamais la guerre économique est une continuation de la géopolitique par d’autres moyens.

Un géant oublié est mort le jeudi 26 octobre : Li Keqiang, le Premier ministre chinois jusqu’en mars dernier, fauché à 68 ans par un arrêt cardiaque à Shanghai, en séance de nage dans la résidence d’Etat de Dongjiao. A peine la nouvelle connue, les messages se sont amassés par dizaines de millions entre Weibo et WeChat : 700 millions d’internautes tapaient son nom sur les moteurs de recherche, en quête de détails sur son décès et d’adresse où déposer leurs condoléances. Car Li Keqiang, en Chine, était perçu comme l’homme du peuple incarnant le progrès dans l’équité.
Depuis le tournant du siècle, s’était profilée la course au pouvoir suprême entre Li Keqiang, Bo Xilai et Xi Jinping : un combat d’hommes, avec alliés et factions, mais aussi une affaire de lignes idéologiques, Bo et surtout Xi défendant un retour aux valeurs de Mao Zedong.
Hu Jintao, le Président de la République et Secrétaire du Parti de 2003 à 2012, avait noté l’intelligence et la force de travail de Li, et l’avait fait nommer à la tête de la Ligue de la jeunesse. Mais en 2012, c’était Xi Jinping et non Li Keqiang qui héritait des rênes du pouvoir. Dès lors, la Ligue allait devenir la mal aimée du régime et Li allait voir rogner ses prérogatives de Premier ministre, par un président Xi anxieux de concentrer tous les pouvoirs pour réaliser son « Rêve de Chine ».
Dans son programme de modernisation, Li Keqiang misait sur la fin des distributions d’argent gratuit aux consortia publics, la réduction du rôle du Parti dans la vie des entreprises, et de profondes réformes telles celles du crédit ou du droit du sol. Xi emprunta plus ou moins la voie opposée, accélérant la concentration des firmes d’Etat, l’emprise du Parti sur l’économie, et frappant les empires privés qui s’étaient constitués depuis 20 ans dans l’orbite de l’internet.
Malgré leurs divergences, Li Keqiang a maintenu une loyauté sans faille envers le chef de l’Etat. Sans pour autant tomber dans la langue de bois : en 2021, alors que Xi proclamait la victoire sur la pauvreté, Li tempérait son discours en rappelant que 600 millions de Chinois vivaient toujours avec moins de 1 000 yuans par mois, rendant improbable leur accès à une vie décente en ville.
Le petit peuple le regrettera, mais aussi l’étranger. Et pas seulement pour sa faconde en langue anglaise ou son éternelle jovialité : Li Keqiang était un authentique défenseur de l’ouverture de la Chine au monde, de la coopération avec l’Afrique, l’Europe ou les Amériques. Durant ses 10 ans à la tête du gouvernement, discrètement mais efficacement, il s’était investi dans la défense de cette ligne. En août 2022, en tournée dans le sud du pays, Li Keqiang lançait encore ce message flamboyant : « la politique d’ouverture ne peut plus faire demi-tour, pas plus que le Yangtze et le Fleuve Jaune ne peuvent remonter leurs cours » !
De ce décès, qu’en pense l’Etat ? A l’évidence, il est embarrassé. Dès l’aube du vendredi, le corps de Li repartait vers Pékin par la voie des airs, dans l’attente d’un éloge du défunt qui tardait à venir, et se contentait de citer sobrement la « grande perte pour le Parti et la Nation » – beaucoup moins élogieux que les adieux officiels à Li Peng, autre Premier ministre à sa disparition en 2019.
Le régime peut craindre la douleur des masses à la disparition de cet homme le plus populaire du régime. On se rappelle encore des réactions à Pékin puis dans toute la Chine, en avril 1989, suite au décès d’un autre homme populaire, Hu Yaobang.
Depuis mars, Li avait commencé à payer pour ses 40 ans de labeur acharné au service du Parti. Il avait subi deux opérations cardiaques, avant la crise qui vient de l’emporter. Selon Wang Xiangwei, ancien rédacteur en chef du South China Morning Post de Hong Kong, c’était un homme au cœur brisé par la conscience de la ruine de ses espoirs pour son pays. A peine sortie de la pandémie du Covid, la Chine de 2023 s’enfonçait dans la crise du chômage des jeunes, les libertés s’étaient réduites en peau de chagrin et l’économie calait. En un certain sens, le décès de Li Keqiang marque aussi la fin d’une époque, celle d’un rêve de croissance du niveau de vie en même temps que des libertés.
Sous cette perspective, le régime va devoir rapidement trancher entre l’option d’un « service minimum » sur la disparition d’un éternel rival, et celle de lui accorder les funérailles nationales qu’il mérite. A vrai dire, aucune des options ne permet d’éviter à coup sûr un risque de décharge émotionnelle des nostalgiques de l’homme et de sa ligne.
D’ailleurs, une dernière nouvelle est peut-être significative : réuni le 27 octobre, le Bureau Politique n’a pas donné de date pour le 3ème Plenum du Comité central, traditionnellement tenu au mois d’octobre ou de novembre. Ceci peut porter deux significations : soit le Plenum est annulé, notamment pour cause de tumulte politique interne en lien avec la destitution de deux conseillers d’Etat (Qin Gang et Li Shangfu, respectivement ministres des Affaires étrangères et de la Défense) ainsi que la purge de bon nombre de dirigeants de l’armée chinoise ; soit il pourrait se tenir un peu plus tard, et aborder des propositions de réformes radicales, en rupture avec la gouvernance des 11 dernières années. Le choix entre les deux, revenant au président en exercice, Xi Jinping.
Par Eric Meyer

C’était peut-être l’événement diplomatique organisé par la Chine le plus marquant des dernières années. Le 17-18 octobre s’est tenu dans la capitale chinoise le 3ème forum sur la “Belt and Road Initiative” (BRI), dix ans après son lancement officiel. Les estimations varient mais, au total, la Chine aurait investi entre 331 et 1 000 milliards […]

« Le Hamas est encore trop doux. Israël est une version juive du nazisme et du militarisme ». Ce sont en ces termes que s’est exprimée une influenceuse chinoise reconnue, Su Lin (ancienne animatrice de Green China Network Television et ayant reçu en 2019 le prix « Excellent Host Award » du programme de « bien-être public » de la télévision […]

63% des Chinois considèrent que la « fête des célibataires », festival de e-commerce lancé par Alibaba en 2009, a perdu de son attrait initial. Seuls 19% d’entre eux attendent avec impatience le « 11.11 » pour faire des stocks… Ce sont les résultats d’un mini-sondage sur Weibo titré « est-ce que le « double 11 » doit toujours exister ? » (双十一还有必要存在吗?). Cette question a suscité de nombreux commentaires de la part des internautes, qui étaient nombreux à qualifier le « shuāng shíyī » de « gigantesque opération marketing » plutôt que d’une période où l’on peut véritablement faire de bonnes affaires… « Certains produits sont même plus chers que d’habitude », explique un internaute. La complexité des règles pour pouvoir bénéficier d’une réduction (prépaiement, rabais entre boutiques partenaires, prix exclusif à telle heure…) est une autre critique récurrente des consommateurs.
Depuis quelques années déjà, la croissance du volume de ventes ne cesse de ralentir (seulement +12,22% en 2022 contre +43,33% en 2021…), la faute au ralentissement économique, à la pandémie, à la baisse des salaires… Dans ce contexte, les leaders du e-commerce (Alibaba, JD.com et Pinduoduo) se sont lancés dans une guerre des prix sans merci et distribuent pour des milliards de yuans de coupons de réductions pour inciter les consommateurs à la dépense. Mais attention, comme dans d’autres secteurs (récemment, les voitures électriques), une guerre des prix trop poussée peut conduire certaines marques à leur perte, voire fragiliser toute une industrie.
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9,56 millions : c’est le nombre de bébés qui sont nés en Chine en 2022, soit une baisse de 10% par rapport à 2021, d’après la Commission Nationale de Santé. C’est la première fois que ce chiffre tombe en dessous de la barre des 10 millions de naissances par an. Que ce soit le nombre de premiers enfants (45% des accouchements), de seconds (40%) ou de troisièmes (15%), tous ont baissé par rapport à 2021, ce qui reflète un déclin du nombre de femmes en âge de procréer (4 millions en moins chaque année) et un taux de fertilité à la baisse (1,09). Certains démographes prédisent que ce chiffre pourrait tomber à 8 millions en 2023. Pour ne rien arranger, le nombre de mariages n’a été que de 6,83 millions l’an passé (le chiffre le plus bas depuis 1980), contre 7,63 millions en 2021 et 13 millions en 2013.
Ce lot de mauvaises nouvelles intervient alors que l’Etat espère bien relancer la natalité du pays en adoptant différentes mesures au niveau local : allongement de la durée du congé parental, allocations à la naissance, subventions à l’achat d’un appartement, abattements fiscaux, voire possibilité de déclarer son enfant pour les couples non-mariés…. Tous les moyens sont bons ! Pour rappel, Pékin avait autorisé les couples à avoir un 2nd enfant en 2016, puis un 3ème en 2021. Mais, trop tard, il semble que l’envie des jeunes d’avoir plusieurs enfants (ou même un seul) leur est passée… Le coût de l’éducation, la morosité économique, le frein à la carrière professionnelle sont autant de raisons invoquées par les jeunes couples pour expliquer leur choix. Certains y voient également un moyen indirect de se rebeller face aux attentes de la société.

推广, tuīguǎng (HSK 5) : promotion (d’un produit) 质疑, zhìyí : remettre en question, questionner 实际, shíjì (HSK 4) : réel, réalité 体量, tǐliàng : envergure 缩减, suōjiǎn : réduire 可持续, kěchíxù : durable 科技, kējì : technologie 电子商务, diànzǐ shāngwù : e-commerce 数字金融, shùzì jīnróng : finance numérique 人工智能, réngōng zhìnéng : intelligence artificielle […]

En ces temps de guerres et d’horreurs, voici une histoire de rien du tout, comme il en existe des millions, des gouttes invisibles et silencieuses pour étancher un peu notre soif d’une humanité digne de ce nom. Il était une fois, dans la ville de Huanggang, à l’est de la province du Hubei, un homme […]

15 octobre – 4 novembre, Canton (En ligne : 16 sept – 15 mars 2024) : Canton Fair, Foire internationale où s’exposent électronique grand public & électroménager, pièces détachées automobile, machines, outils, matériaux de construction, produits chimiques, cadeaux, décoration, textile et habillement, cuir… 24 – 27 octobre, Shanghai : CEMAT Asia, Salon des matériels de manutention, des techniques […]
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