Le Vent de la Chine Numéro 32 (2017)

du 24 septembre au 14 octobre 2017

Editorial : Deux chants du cygne

Depuis quelques temps, la Ligue de la Jeunesse (« tuanpai » 团派), l’ex-base de pouvoir de Hu Jintao (le prédécesseur de Xi Jinping) est en chute libre. Son secrétaire général Qin Yizhi vient d’être « promu » à un poste inférieur. De plus, la Ligue est accusée d’« élitisme », faute qui ne pardonne pas. Début septembre, elle créait deux comptes Twitter, portail social  bloqué en Chine—tout comme le Quotidien du Peuple qui ne craint pas de s’y trouver. En deux semaines, les comptes de la Ligue furent suivis par 2000 abonnés chacun, republiant des articles de la presse chinoise. Et puis soudain, la Ligue dénonça leur existence, réclamant leur fermeture : ils étaient « faux ». Que faut-il en penser ? Soit l’organisation mourante a ouvert ces comptes pour se battre, soit d’autres factions les ont ouverts pour mieux l’enterrer. Dans les deux cas, c’est un chant du cygne, annonçant sa disparition prochaine.

Autre probable chant du cygne, celui de Wang Qishan, maître de la police du Parti (CCID). Wang, à 69 ans, devrait se retirer lors du XIX Congrès d’octobre—la rumeur l’affirme.
Le 20 septembre, Wang recevait la  visite de Lee Hsien Loong, 1er ministre de Singapour (cf photo), venu à Pékin pour réconcilier les deux pays après six mois de bisbille. Or, Wang se laissa aller à une confidence insolite,  se plaignant que « s’opérer soi-même d’une maladie, est un acte de difficulté mondiale ». On peut l’interpréter comme une référence à la campagne anti-corruption et à la difficulté pour le Parti de chasser seul ses brebis galeuses, sans une justice indépendante pour les condamner, ni une presse libre pour les dénoncer. Wang aurait ainsi fait un genre de testament politique, critiquant implicitement le Parti. Très rare, ce type d’acte intervient toujours à la veille de la retraite. Dans les années ‘90, Qiao Shi en avait fait un à quelques mois de sa retraite de Président de l’Assemblée : il avait alors livré un plaidoyer pour le renforcement des pouvoirs du Parlement…

La rumeur prête déjà un successeur à  Wang : Li Zhanshu, 67 ans, directeur du secrétariat général du PCC, et le très discret bras droit de Xi Jinping qui l’accompagne lors de ses déplacements à l’étranger.

À moins d’un mois du XIX Congrès, les préparatifs se hâtent lentement, distillés jour après jour par la presse : la Constitution du Parti Communiste va enchâsser la pensée de Xi Jinping, comme elle l’a fait à chaque fin de 1er quinquennat de chaque dirigeant. Pour Jiang Zemin, c’était la théorie (absconde) des « trois représentativités ». Pour Hu Jintao, c’était celle (peu claire) du « développement social scientifique ». Pour Xi Jinping, elle s’appellera la « sinisation du marxisme et la nouvelle gouvernance ». La question sera de savoir si l’inclusion se fera sous son nom. Si tel est le cas, Xi Jinping rejoindrait Mao Zedong et Deng Xiaoping en leur Panthéon, ce que Jiang et Hu n’ont pas pu faire.

Derrière ces subtilités sémantiques se cache la guerre de succession. L’enjeu pour Xi est d’obtenir après 2022 un 3ème quinquennat, ce que la Constitution interdit et ce dont les hautes sphères se méfient, craignant le retour au culte de la personnalité qui avait failli renverser le régime dans les années ‘60.

De source nippone généralement bien informée, le plan de Xi consisterait en  un nouveau système d’élection des secrétaires du Parti des provinces, plus ouvert, avec plusieurs candidats. Si le système fait ses preuves, il serait appliqué dès 2022 au niveau national : les candidats seraient alors automatiquement les membres du Comité Permanent, qui n’auraient plus de rangs de préséance, tous égaux, et que le meilleur gagne… Bien sûr, Xi compterait sur son talent, et surtout sur tous les organes et les hommes lui ayant juré loyauté, pour emporter la mise, le jour venu.


Finance : Bitcoin — demi-tour, droite !

Jusqu’à hier, la Chine était le premier marché mondial du Bitcoin (BTC). Son appétit pour cette cryptomonnaie a fait tripler sa valeur cette année, atteignant jusqu’à 5000 $ par BTC. Le Bitcoin est échangé sur internet via des plateformes décentralisées, hors contrôle direct de la Banque Centrale (BPdC). Mais en un formidable demi-tour, le 12 septembre, la BPdC et la NIFA (Association de la finance sur internet) ordonnaient la fin d’activité de toutes les plateformes chinoises d’ici le 30 septembre – le temps de rendre aux clients leurs actifs reconvertis en yuans ou bien les aider à exporter leur cryptomonnaie. Cette annonce faisait tomber le cours mondial du bitcoin de 20% à 40%

Raison alléguée : depuis janvier, les plateformes avaient émis 65 ICOs (Initial Coins Offerings), levées de fonds de type boursier, en cryptomonnaies comme le BTC ou Ethereum, pour 2,62 milliards de yuans, sans cadre légal. Début septembre, les plateformes espéraient encore sauver leur peau en sacrifiant les ICOs. Mais quelques jours après, elles déchantaient : c’était tout échange en bitcoins et autres cryptomonnaies que Pékin rendait illégales, en tant que rivales du RMB.

Car les raisons de la mise au ban dépassent la pratique des ICOs. Anonyme, le bitcoin permet de financer des activités combattues par le régime : banditisme, blanchiment, drogue, et même séparatisme… Il alimente aussi la fuite des capitaux.

En éradiquant le bitcoin pourtant, l’Etat se prive d’alléchants outils internationaux d’avenir. Le bitcoin pouvait devenir l’épine dorsale financière de ses « nouvelles routes de la soie » (OBOR), de ses consortia sur les cinq continents. Leurs millions d’usagers futurs, en Afrique comme en Europe, pourraient payer leurs services d’un simple clic, sans frais de change, ni intermédiaires, réalisant ainsi de fortes économies. Malgré tout, l’Etat semble avoir décidé que la somme des risques dépassait celle des avantages.

Pour quelles raisons ? Les problèmes décrits plus haut (l’usage du bitcoin comme sanctuaire d’activités criminelles) n’expliquent pas tout le problème—les bandits ne sont qu’une fraction minime des usagers. John McAfee, inventeur de l’anti-virus éponyme et acteur du BTC, explique que par son anonymat, le bitcoin crée une opportunité d’échapper à la taxation, pour les personnes physiques comme morales. Le danger est grand, pour l’Etat, de voir s’évanouir une part majeur de ses recettes fiscales. Loin de se limiter à la Chine, l’écueil menace tous les Etats souverains. Aussi, Pékin ne devrait pas être le seul à bannir les paiements par blockchain (la technologie du bitcoin)– à moins que les Etats ne renforcent la coopération multilatérale pour contrôler ces flux, et prélever leur part.

Plus radical, Jamie Dimon, Président de la banque JPMorgan, qualifiait à New York le 12 septembre le bitcoin de « fausse monnaie, appelée à exploser un jour ». Cette déclaration entraina une chute momentanée du cours du bitcoin, mais les internautes ne tardèrent pas à relever que juste après, JPMorgan, profitant de la baisse, achetait pour 3 millions d’euros en dérivatifs du bitcoin. Mais c’était « comme simple intermédiaire », se justifia la banque. En parallèle, JPMorgan a déjà investi 7,7 milliards d’€ en divers projets d’utilisation de la blockchain pour réduire ses coûts.

Le camp des « geeks » supportant le bitcoin voit dans cette attitude de JPMorgan, partagé par la plupart des autres maisons financières, une stratégie opportuniste et d’attente. Tant que les Etats n’ont pas créé de cadre légal (licence, contrôle, taxation) aux cryptomonnaies, elles ne peuvent y investir, et ne pourront le faire,  qu’une fois les lois en place. En attendant, elles s’efforcent de ralentir leur valorisation, avant leur propre entrée sur le marché, laquelle devrait alors propulser le bitcoin vers son niveau définitif.

Et la Chine ? Elle pourrait elle aussi être sensible à cette perspective et cette stratégie d’attente : ce serait une autre raison à son interdiction d’échange du bitcoin. Après tout, Pékin, même en extirpant le bitcoin de son sol, ne pourra pas « tuer » ce marché atteignant déjà 150 milliards de $. Elle ne peut même pas stopper l’export massif des bitcoins « chinois » vers les plateformes du Japon et de Corée du Sud, nations plus avancées dans la constitution d’un cadre légal des cryptomonnaies. Le Japon a légalisé son usage en avril, et aux Etats-Unis, le Chicago Board of Exchange réclame le feu vert pour des produits dérivés des cryptomonnaies (attendu début 2018).

Il est connu que la Banque Centrale chinoise travaille depuis 2015 à son propre « yuan virtuel », basé sur la technologie des blockchains. Début 2017, celle-ci déclarait les tests « achevés », et certains bruits lui prêtaient l’intention de la lancer en 2018.

Signe symbolique du divorce en cours entre Chine et bitcoin : le Blockchain Global Summit, conférence internationale, a été annulée à la veille de son ouverture à Pékin le 10 septembre, puis reportée au 20 septembre à Hong Kong.

Pékin va également devoir décider du sort de l’activité de mine—de création des bitcoins. Au niveau mondial, plus de 80% des bitcoins sont créés par des batteries de centaines ou milliers d’ordinateurs au Gansu, Tibet ou Xinjiang.

Dernier point, un peu inattendu : suite à la mise au ban du bitcoin en Chine, la plupart des opérateurs, même chinois, applaudissent à deux mains, comme Charlie Lee, président de la compagnie Litecoin. Pour eux, « la Chine se prive désormais de toute latitude pour manipuler le marché, comme depuis 2013 ». Mais est-ce bien vrai, et définitif ? Vus les enjeux mondiaux et la marche constante de la Chine vers son intégration dans les marchés financiers des cinq continents, il est permis d’en douter.


Environnement : « Eaux vives, monts verts, montagnes d’or et d’argent »

Antilles et sud des Etats-Unis ne sont pas les seules victimes du dérèglement climatique (ouragans…). En Chine, le réchauffement global frappe au Tibet, menaçant de répercussions sur l’Asie entière. Ce haut plateau à plus de 4000m d’altitude est le berceau de trois fleuves (Yangtzé, Fleuve Jaune et Mékong), et de dizaines de milliers de glaciers, appelé de ce fait le 3ème pôle de la planète. Une étude récente de l’Institut de physique atmosphérique de l’Académie des Sciences établit qu’en 2013 au Tibet, la fonte des neiges intervint 8 jours plus tôt qu’en 1960, et que le phénomène s’accélère : depuis 2003, elle a avancé de 8 jours.

Par conséquent, le pergélisol (le permafrost en anglais), en dégelant, inonde le plateau tibétain, noyant les champs. La photosynthèse change aussi : les plantes à cycle rapide vont éliminer celles à cycle lent, au risque de priver la faune de leur diète, voire les 40 millions de brebis d’élevage, les 14 millions de bœufs et yaks. À moindre altitude, à travers la Chine et six pays riverains du Mékong, des centaines de millions d’habitants vont devoir s’adapter à une mousson différente, entraînant un cycle néfaste de crues et de sécheresses.

Se combinant à la dégradation de l’environnement, le réchauffement climatique a convaincu le Président Xi Jinping de saisir le taureau par les cornes. Aux murs des usines et dans la presse, le vieux slogan de Deng Xiaoping « le travail concret agrandit la nation » laisse place à celui de Xi, « eaux vives et montagnes vertes sont des monts d’or et d’argent ».

Les fonctionnaires sabotant les règles de l’environnement, sont désormais montrés du doigt à la télévision. Xi vient aussi d’institutionnaliser le système des « chefs de rivières », cadres personnellement responsables de la propreté d’une section de cours d’eau. Ils sont 200.000 désormais, aux noms placardés avec leur numéro de portable, sur les berges de « leur » rivière. Grâce à ce système au Jiangsu, la part d’eau « consommable », qui était de 35,5% en 2011, est passée à 63,9% en 2016.

Cette gouvernance innovante est combinée à d’autres mesures : 8000 chantiers de nettoyage de cours d’eau ont lieu en 2017, visant la réhabilitation de 325 nappes aquifères. 2100 sections ont été classées « noires et puantes » – 44% ont déjà reçu filtres et centrales d’épuration.

Depuis janvier, cinq missions d’inspection ont été lancées à travers le pays, traquant les émissions illégales d’effluents. La dernière date du 15 septembre, lancée sur 8 provinces, avec 102 experts des normes environnementales, connaissant toutes les ficelles de la fraude.

Ces missions rencontrent tous les types d’accueils. Certaines délégations du ministère de l’Environnement se voient dénier l’accès aux mines ou aux usines, dont certaines refusent froidement de s’équiper de filtres, ou de les enclancher, afin de limiter leur facture d’électricité. Elles préfèrent payer l’amende et reprendre leurs fumées nocives, sûres que les enquêteurs ne reviendront plus d’ici un an. Les pires sont les industries lourdes, aciéries du Hebei qui émettent le plus – encouragées par la flambée des prix de cet été, et en prévision de fermetures en octobre pour cause de XIX. Congrès. 

D’autres inspecteurs par contre, sont moins accommodants : ce sont les hommes de la CCID, police du Parti, et du département central de l’Organisation, en charge des promotions. L’administration de base les craint tant qu’elle préfère fermer leurs usines les plus polluantes, avant même leur arrivée.

Bilan : depuis janvier, 39.500 infractions ont été détectées,12.000 cadres punis, 132 millions de $ d’amendes prélevées. C’est du jamais vu ! 

Pour la région « Jing-jin-ji » (Pékin-Tianjin-Hebei), l’objectif est de réduire de 15% les microparticules de 2,5µ dans l’air, et de 15% le nombre des jours très pollués de novembre à mars. A Pékin, tout chantier sera arrêté durant cette période. D’ailleurs au plan national, les régions seront classées entre zones « vertes » et « rouges » selon leur degré de pollution : les rouges verront les firmes coupables taxées ou fermées, et tout projet (usine, infrastructure…) bloqué. Les vertes auront droit à des primes.

Une autre source de pollution rentrant dans le « radar » public, est l’agriculture. Il se trouve que 12% des cultures (celles des légumes hors serre, cf photo) sont couverts en hiver de film plastique noir conservant chaleur et humidité, mais impossible à recycler après récolte (trop fins) et non-biodégradable (ce qui les rendrait trop cher). Hélas, pas de solution en vue, étant donné l’obsession de l’Etat de favoriser une production suffisante et à bas prix.

L’élevage lui, génère chaque année 4 milliards de tonnes de lisier pour la plupart non recyclé, polluant pour des décennies le réseau aquatique. Ici, le ministère de l’Agriculture encourage la création de centres de retraitement dans 200 districts « gros éleveurs » (sur 586 à travers le pays). L’aide prendra la forme de subventions, de prêts bonifiés, d’allègement de taxes et d’énergie à bas prix. Les centres de retraitement produiront un engrais sec naturel, destiné à remplacer l’engrais chimique. Car en même temps, le monde rural chinois, par manque de formation, enfume excessivement ses champs, comptant pour 33% des engrais chimiques et des pesticides de la planète, dont l’excédent va lui aussi se déverser dans les rivières, causant le phénomène d’eutrophisation. Ici enfin, le pays s’est donné un objectif : enrayer la croissance d’usage de ces deux produits, d’ici 2020.

C’est ainsi que pour la première fois dans son histoire, la Chine change de paradigme. Désormais, la croissance ne sera tolérée que si elle respecte l’environnement.

 

 


Santé : La jeunesse en petite forme

Dans les écoles du Liaoning, les résultats sportifs des élèves de 10 à 18 ans se dégradent – comme en attestent les records du 800m dames et du 110m haies hommes, qui n’ont plus été battus depuis 40 ans.

À Canton, le bureau de l’éducation publie des chiffres accablants sur la condition physique des collégiens : juste 2,6% ont une santé « excellente ». 16,2% sont de santé « médiocre », 20,5% échouent au test de capacité thoracique et 49,8% sont bigleux. Le constat est le même dans toutes les provinces : des jeunes toujours plus gros, moins musclés, plus vite essoufflés. La surcharge pondérale monte en flèche : de 34 millions en 2014, les obèses franchiront la barre des 50 millions en 2030, si rien n’est fait.

Selon Wang Zongping, directeur de recherches à l’Université des Sciences & Technologies de Nankin, le début de l’effondrement des courbes des performances sportives et de santé, remonte au milieu des années ‘80. Suite à la pression des parents, les écoles ont commencé à rogner sur les heures d’éducation physique, au profit d’heures supplémentaires de maths ou d’anglais.

La dégradation s’est stabilisée en 2013, quand le gouvernement finit par entendre les alarmes des éducateurs. Depuis, la condition physique des jeunes stagne.

Pour faire face, l’Université de Nankai (Tianjin), prenait en juin des mesures, en imposant à 1206 étudiants deux épreuves sportives au minimum, comme condition pour recevoir leur diplôme. Le message est clair : « lâchez internet, sortez du dortoir, et rendez-vous au gymnase » !

Sans mystère, la tendance se retrouve lors du recrutement à l’armée : en août, dans une ville non nommée, un centre de conscription recalait 56,9% des candidats, leur recommandant de faire davantage d’exercice physique, de boire moins d’alcool et de boissons gazeuses, de limiter les jeux vidéos et la masturbation… Dès 2014 pourtant, l’APL avait assoupli ses conditions, acceptant chez les garçons comme chez les filles, deux cm de moins en taille, deux de plus en tour de taille, une à deux dioptries de myopie en plus, et même des tatouages, hier bannis. En 2017, le journal de l’Armée alertait sur les dégâts des jeux mobiles comme « Honneur des rois » : les recrues venant d’y jouer, ne parvenaient plus à retrouver leurs esprits pour effectuer la mission !


Diplomatie : Chine/Birmanie — L’embellie opportuniste

En 2011, la junte birmane interrompait la construction d’un barrage chinois géant à Myitsone. Il s’agissait alors de prendre ses distances de Pékin, se rapprocher de l’Occident et se réconcilier avec Aung Saan Su Kyi, prix Nobel de la paix. Pour Pékin, c’était un coup dur.

Six ans plus tard, jamais les temps n’ont été si favorables à la Chine, pour tenter son retour en grâce. Un drame local l’y a aidé.

Depuis des années, l’armée birmane chasse les membres de la communauté Rohingya hors de leur sanctuaire dans l’Etat de Rakhine. La raison de fond : la région regorge de gaz naturel, bois et autres précieuses ressources, dont l’exploitation sera plus aisée sans la présence de cette ethnie musulmane très pauvre. 400.000 Rohingyas ont été chassés vers le Bangladesh, provoquant les critiques de l’Occident – surtout contre Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix. Or la Birmanie s’indigne de cette mise au ban.

Hong Liang, ambassadeur de Chine dans le pays, intervient : « la contre-attaque des forces birmanes contre les terroristes extrémistes (…) est fortement appréciée », et l’affaire est « du ressort intérieur ». Comme aux temps de la junte militaire, Pékin reprend son rôle de protecteur de la Birmanie contre toute sanction à l’ONU pour cause de droits de l’Homme.

Pour renforcer ce soutien, la Chine déplace son ambassade de Rangoon vers Naypyidaw la capitale depuis 2006 – un geste que très peu de nations se sont astreintes à faire.

La Chine a d’autres raisons d’être tolérante envers la répression des Rohingyas : il faut pacifier l’Etat de Rakhine, pour sécuriser les infrastructures qu’elle y a implantées. En avril entraient en fonction l’oléo-gazoduc Shwe-Kunming et le port maritime de Kiaukpyu à 2,5 milliards de $. Or, comme le note Fang Hongwei, de l’Université de Xiamen, « sans stabilité dans cette région, nos investissements au service des deux pays, n’ont pas d’avenir ».

Pour accélérer cette réconciliation, Pékin faisait dès cet été une concession majeure, en enterrant l’impopulaire projet de barrage de Myitsone, moyennant davantage de parts dans le port de Kiaukpyu. Ce faisant, il a démontré envers son petit voisin, une souplesse pragmatique et un redoutable talent de négociation.

Il se trouve que l’Inde aussi guigne du côté de la Birmanie—ses hydrocarbures et son marché de 70 millions d’âmes et de gros chantiers en perspective. La Birmanie est aussi une porte stratégique sur l’Océan indien. Avec de tels atouts, aucun des deux géants, en rivalité, ne peut rien avoir à refuser à Nypyidaw.


Petit Peuple : Hangzhou (Zhejiang) – la longue marche amoureuse de Lin Fen (2ème Partie)

Résumé de la 1ère partie : en 2014 à Hangzhou, Ma Ping, meilleure amie de Lin Fen (une commerçante divorcée de 43 ans) lui présenta Gao Peng, PDG d’une usine électronique. Depuis, Lin et Gao entretiennent une relation platonique par téléphone.

Trois mois après leur rencontre,  Gao Peng l’industriel appela Lin Fen au téléphone, le ton bien embarrassé : il avait une échéance criante, une commande pas livrée à temps… pouvait-elle lui prêter 100.000¥ ? Elle le tirerait d’un sérieux ennui ! 

Lin Fen acquiesça sans hésiter : n’était-il pas l’homme de sa vie ? Si sûre en était-elle, que quand vint le jour du remboursement, elle n’osa même pas le lui rappeler. C’est seulement trois mois après, étant elle-même à court d’argent, qu’elle osa le lui demander. A sa grande surprise, Gao s’excusa de ne pouvoir lui rendre ses sous, et alla même jusqu’à lui en réclamer davantage. En effet, à l’usine, une chaîne était en panne, qu’il fallait remettre en route, pour un coût démentiel ! En plus, un employé congédié s’était plaint, quoique Gao l’eût si bien traité… Depuis, le syndicat et le fisc le poursuivaient sans relâche. S’il ne trouvait pas d’ici quelques jours 250.000¥ pour régler le problème, il serait saisi.

Lin Fen fut émue de voir son homme, si droit en affaires, victime de magouilles. Justement, elle avait économisé pour changer sa voiture : elle lui donnerait donc cet argent, et s’exécuta. Le soir même, un Gao Peng, très gentleman, lui fit livrer un bouquet de pivoines, ses fleurs préférées ! Lin Fen était aux anges, voyant se rapprocher la vie de couple.

Et la vie continua cahin-caha… Ils continuèrent à échanger des messages sur WeChat. Il lui promettait de l’épouser, dès que l’usine tournerait. Alors, main dans la main, ils construiraient ensemble le foyer de leurs rêves. Ivre d’espoir, elle l’aimait chaque jour davantage.

En attendant, Gao Peng n’était pas sorti de l’auberge. En janvier 2017 : un test médical de routine lui détecta une tumeur. Le traitement coûtait 500.000¥, et sauf de s’y astreindre, c’en était fini de lui ! Le cœur gros, Lin dut hypothéquer la boutique… Après  l’opération, l’amant promit de  la rembourser pour la Saint Valentin, le 14 février 2017. Ils se verraient alors pour la première fois, au restaurant. Ce soir-là, il lui offrirait une bague, « elle pouvait deviner laquelle » !

Lin Fen resta étourdie de cette quasi-déclaration, si vague qu’elle fût. La réalité n’avait dès lors plus prise sur elle. Elle était comme emportée par une transe permanente, sur une autre planète.

Ses parents, à qui elle racontait tout, tentaient de la mettre en garde : après tout, cet inconnu qu’elle n’avait pas vu une fois en 4 ans de relation, avait réussi à lui soutirer un million et demi de yuans… Ca sentait le roussi ! Mais la quadragénaire refusait de voir les choses en face : avec l’énergie du désespoir, elle défendait son homme, son ultime amour.

Ce n’est que le 14 février, la journée déjà bien écornée après de longues heures où son smartphone était resté obstinément muet, que Lin comprit que Gao s’apprêtait à lui poser son énième lapin. Alors, baissant les bras, elle laissa ses parents la traîner au commissariat pour expliquer toute son histoire aux policiers. Et là, en quelques heures d’enquête-éclair, ils découvrirent le pot aux roses : Gao Peng n’avait jamais existé. Depuis le 1er jour, Lin Fen ne parlait pas à un homme mais à une femme, qu’elle ne connaissait que trop…c’était sa fidèle amie, Ma Ping !

Amenée manu militari, Ma Ping passa vite aux aveux. « Depuis qu’on se connait, dit-elle, tu as toujours été trop gentille envers moi, trop emplie d’une insupportable volonté d’aider… En plus, tout te réussissait, alors que moi, avec mon salaire de misère, j’avais du mal à joindre les deux bouts. Quand tu m’as raconté ton histoire de divorce, c’était exaspérant de simplicité : comment n’avais-tu pas pu voir que ton mari te trompait avec tant de femmes, faisant jaser tout le quartier ? Je me demandais jusqu’où irait ton aveuglement. C’est pourquoi je t’inventai cet ersatz de petit copain, pour voir si tu avalerais la supercherie. Mais tu étais tellement naïve, que je n’ai même pas eu besoin de déguiser ma voix au téléphone : « en entendant le vent, tu pensais qu’il allait pleuvoir » (tīngfēng jiùshìyǔ 听风就是雨). Je me disais qu’à un moment, tu commencerais à te méfier et me dirais ‘ Allez Ma Ping, je t’ai reconnue, arrête ton char’ ! Mais non, tu as tout gobé… Plus c’était gros, plus ça passait. Quand j’ai été sûre que tu tombais amoureuse, j’ai commencé à aller plus loin, à te soutirer d’abord des petites sommes, puis de plus en plus grosses. Je célébrais ça dans les karaokés avec une ribambelle de joyeux fêtards, à tes frais : magnum de Champagne, montagnes de fruits, massages, et autres services VIP. J’attendais toujours le moment où tes yeux se décilleraient. On dirait bien que ce jour est venu mais je ne regrette rien, tu étais une cible si facile… »

Entendant la confession méprisante de celle qu’elle avait cru son amie de cœur, Lin Fen était dans tous ses états. Son visage reflétait horreur, dégoût, incrédulité, pour finir sur un sourire dubitatif. Quand  Ma Ping eut fini, elle laissa passer un silence avant de prendre la parole, en présence des policiers médusés : « bien, soit, tu m’as escroqué une petite fortune. Mais ne t’y trompe pas, c’est toi la véritable perdante, qui passera des années à l’ombre. Finalement, tu as même échoué à me faire te haïr, je te plains seulement ». Puis elle la planta pour aller dans la salle voisine, compléter sa plainte.

Depuis, dans sa cellule, Ma Ping attend. D’après l’article 266 du Code Pénal, elle risque lourd : trois à dix ans de prison, « voire la perpétuité… au cas où l’escroquerie est particulièrement grave, de par son volume, ou bien ses circonstances ».


Rendez-vous : Semaines du 25 septembre au 15 octobre 2017
Semaines du 25 septembre au 15 octobre 2017

21 septembre – 7 octobre, Beijing : Beijing Design Week

24-26 septembre, Tianjin : China Mining Congress & Expo, Salon et Congrès de l’industrie minière

25-27 septembre, Pékin : Chine OIL Salon international de l’huile d’olive et des huiles végétales

25-28 septembre, Pékin : CATF – China Agriculture Trade Fair – Salon de l’Agriculture

26-28 septembre, Pékin : Laundry Expo China, Salon international de l’industrie de la blanchisserie

28 septembre, Shanghai : Chine OIL Salon international de l’huile d’olive et des huiles végétales

28 septembre – 1er octobre, Beijing : CIGE – China International Gallery Exposition

9-11 octobre, Shanghai : World Mail & Express Asia Pacific, Salon et Conférence sur la poste et le courrier rapide

11-13 octobre, Pékin : ILOPE, Salon international de l’optoélectronique et de la photonique

11-13 octobre, Shanghai : CHIC, Salon international de la mode, de l’habillement et des accessoires

11-13 octobre, Shanghai : Milano Unica Cina, Salon international du textile italien haut de gamme

11-14 octobre, Shanghai : MUSIC China, Salon international des instruments de musique

12-14 octobre, Chengdu : AIFE, Salon international de l’agroalimentaire