Le Vent de la Chine Numéro 2 (2017)

du 16 au 22 janvier 2017

Editorial : Des vents en tous sens…

Face à l’immense vague de pollution qui vient de prendre la Chine à la gorge, la population, comme à son habitude, fait preuve d’un humour sarcastique en inventant un nouveau terme  pour le smog : « mayun » (马云)ou « nuage de chevaux » – le nuage de poussière des gangsters attaquant la ville à triple galop dans les westerns…
Mais pour l’Etat, c’est l’heure des excuses, quasi-quotidiennes. Le 12 janvier, l’Etat publie 720 arrestations pour fraude écologique. C’est le chiffre de 2016, et c’est peu de monde pour le pays le plus peuplé de la planète. Mais gageons que les semaines à venir seront fertiles en remises à jour.
Autre annonce apologétique : d’ici juin, cette fois c’est promis, toutes les aciéries non conformes aux standards, seraient fermées, démantelées, impossibles à rouvrir en catimini. Un engagement déjà maintes fois pris, et que la Chine prend avec scepticisme !

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L’intronisation de Donald Trump à la barre des Etats-Unis au 20 janvier, inquiète, en Chine comme ailleurs. Il faut bien le dire, dire, le fantasque bientôt Président ne fait rien pour rassurer : dans son équipe, le futur Secrétaire d’Etat R. Tillerson promet à Pékin rien moins que de lui « barrer l’accès » aux îlots artificiels qu’il vient de créer en mer de Chine du Sud. Si cela était suivi d’effet, remarque sobrement la chancellerie chinoise, cela marquerait un passage aux hostilités. Tillerson, il est vrai, tempère sa menace d’un vœu fort illogique : « ne pas laisser les désaccords… exclure des champs de partenariats productifs ».

Trump installe à la tête du Conseil national du Commerce (organe qu’il crée) Peter Navarro, autre faucon notoire, auteur de plusieurs livres antichinois dont un au titre inquiétant, « Les futures guerres avec la Chine, et comment les gagner ».

Mais Trump nomme au poste de Secrétaire au Commerce Wilbur Ross, milliardaire de 79 ans, sinophile. Ross a posé en 2014 pour le peintre chinois Liu Bolin, qui l’a fait « disparaître » (c’est sa marque de fabrique) dans une toile au nom prédestiné, « dollar ».

Face à ce mélange détonant, le Président Xi Jinping fait le gros dos, et tend la main. En Suisse, pour le sommet de Davos (17-20 janvier), il offre d’y rencontrer le représentant de Trump, histoire de séduire et accommoder le futur  Président. À ce World Economic Forum, Xi viendra avec une brochette de  grands patrons de groupes privés comme Alibaba, Wanda, Baidu, Huawei, ou publics comme China Telecom ou Poly—tous ceux que Trump accuse d’avoir « volé » des millions d’emplois américains, mais qui peuvent s’ils le veulent, élargir leurs réseaux de services jusqu’aux Etats-Unis et y créer du travail. Voilà de quoi, pour Trump, réfléchir et discuter !

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Enfin, le 10 janvier, la Chine inaugurait la ligne ferrée Djibouti—Addis Abeba (Ethiopie), 750km, ligne électrifiée de rames fret ou passagers qui feront le voyage en 10h à 120km/h au lieu de 3 jours comme avant. Réalisé par les groupes CRRC et CCEC, ce chantier à 4 milliards de $ a été financé à 70% par l’Exim Bank. L’ambition  est de poursuivre la ligne « sous 6 à 7 ans » jusqu’au golfe de Guinée, côté Atlantique, pour permettre (avec transbordement) un fantastique raccourci aux marchandises vers les Amériques, tout en donnant à l’Afrique de l’Ouest accès au canal de Suez.

À l’inauguration de la ligne, Aden Douale, haut fonctionnaire djiboutien déclarait : « les pays européens n’ont pas voulu aider les Africains à développer leurs infrastructures et économies – les Chinois l’ont fait. Maintenant, dommage pour les Européens, et bon pour la Chine, et bon pour l’Afrique ».. Une phrase sans doute excessive, mais qui fait réfléchir.


Economie : Une croissance brillante, mais sans profit ?

En ce début de 2017, l’économie chinoise offre un visage très différent suivant qu’on l’aborde sous l’angle financier ou productif. Dans le 1er cas, banque, bourse et leurs tutelles donnent des signes d’inquiétude. Mais côté industriel, tout va bien !

Au 1er janvier, l’autorité financière a limité le droit des citoyens à exporter par an jusqu’à 50.000$ (en devises). Ils ne pourront plus placer à l’étranger, ni en immobilier, ni en assurance-vie, actions ou obligations.

Au 1er juillet, les banques devront déclarer toute sortie de plus de 28.800$, et tout dépôt intérieur, retrait ou transfert de plus de 50.000¥ (7200$) « douteux ». Le 6 janvier, la Banque Populaire de Chine (BPdC) fixe un taux du yuan en hausse de 0,9% sur le billet vert. Régulièrement aussi, les consortia reçoivent l’ordre de rechanger en yuan une part de leurs devises. Enfin, très populaires en Chine, les centres de bitcoin sont mis sous surveillance — avec pour résultat une baisse de 10% de cette monnaie virtuelle sur le yuan.

Puis le coût interbancaire du yuan à Hong Kong monte de 61%, décourageant les opérateurs « short sellers » qui cessent de profiter de leur pari sur la baisse du yuan.

Tout cet arsenal est mis en branle contre la fuite des capitaux, évaluée  en 18 mois à 1100 milliards de $, y compris les 320 milliards dépensés par la BPdC (dont les réserves retombaient en décembre à 3000 milliards $) en maintien de la parité  yuan/dollar à 6,93/1. Egalement inclus les 190 milliards de $ d’investissements chinois directs à l’étranger (IDE), en hausse (par exemple)  de 77% en Europe. Cette fuite a contribué à déprécier le yuan de 7%, une tendance qui se poursuivra en 2017, croient les pronostiqueurs, pour atteindre -peut-être- 7,2% en fin d’année. La dévaluation lente peut aider à consolider les exportations. Mais elle augmente aussi la dette extérieure. Et surtout, cette fuite des capitaux signifie autant de fonds qui échappent à l’impôt, et qui ne financeront plus des projets intérieurs.

Le fond du problème, est le gel de facto de la réforme financière, suite à un mini-crash financier 12 mois en arrière. Xiao Gang, Président de la CSRC (tutelle de la bourse) avait introduit en bourse un effet « gâchette » pour suspendre toutes transactions après 7% de perte de valeur par jour. Mais l’effet avait été pervers, angoissant les porteurs : 5000 milliards de $ de valeur avaient été grillés et la gâchette avait disparu au bout de 4 jours. Xiao fut limogé. Depuis, toute réforme financière est au placard, telle l’ouverture des comptes capitaux permettant le libre-échange.

Fin décembre en présence du Président Xi Jinping, le sommet financier annuel prorogea la ligne : stabilité plutôt que réforme, le temps de mettre en place l’administration du  quinquennat 2017-2022. L’objectif est aussi une réduction de l’objectif de PIB—on parle de 0,5%, pour rendre plus durable l’effort de  croissance. On vise aussi le désendettement des provinces et des consortia. L’émission de crédit, devrait s’alléger.

Tout cela est fort bon, mais semble du bricolage plus qu’une refonte du cadre financier (taxation, crédit…), seule remède crédible. Sous la chape d’intervention de l’Etat et la dévaluation lente, comment écarter la tentation de protéger son patrimoine ? Ce risque étant renforcé par l’inconnue de l’arrivée de Donald Trump, le théâtral chantre de l’anti-Chine.

Nonobstant, à en croire les chiffres, l’économie « va bien ». L’objectif de PIB de 2016 (6,5%) a été dépassé, à 6,7%. Au passage, ce succès du Premier ministre Li Keqiang renforce ses chances de sauver son poste au prochain quinquennat.

Décembre a vu l’indice des prix à la consommation décélérer à +2,1%  (+2,3% en novembre), et celui des prix usines monter de 5,5% (3,3% en novembre). Et le « Chunjie » (Nouvel an lunaire, 28 janvier) promet un coup de fouet au commerce et aux industries.

Cependant, loin d’avoir été acté par le marché, ce bon climat a été voté au Comité Permanent, à coup de planche à billets. L’Etat finance les grands chantiers publics tels ces 800 milliards de yuans promis aux seuls chemins de fer en 2017. Les commandes d’acier, de béton et de verre font tourner les grands groupes, et vont irriguer en cascade les PME.

Puis le crédit bancaire est la seconde mamelle de la Chine : 180 milliards de $ en 2016, 13% de plus qu’en 2015 selon Zhou Hao (Commerzbank, Singapour), et pour le mois de décembre, 30% de plus qu’attendu. Ces prêts se sont déversés pour moitié sur l’immobilier (achats d’appartements), et pour 48% aux corporations – en refinancement, pour compenser leur absence de bénéfices. 

La presse annonce même, d’ici 5 ans, 415 milliards de $ de chiffre d’affaires dans les énergies renouvelables d’ici 2020 (grâce aux 361 milliards d’investissements promis dans le secteur), agrémenté de 28 millions d’emplois neufs.

D’autres mini-réformes tentent un nouveau départ. On cite la privatisation de 51% de la ligne ferroviaire Hangzhou-Taizhou. Mais ces ouvertures très timides risquent d’abord de ne pas trouver preneurs. Elles révèlent la réticence publique à céder le contrôle.

Toute la question est de savoir si la vapeur du crédit public suffira pour boucler l’année. McKinsey, dans sa dernière prédiction sur les performances chinoises en 2017, voit au second semestre, des « dépenses de consommation avancer à un pas inférieur au nécessaire pour atteindre la croissance. Alors, on assistera à un surcroît d’investissements d’infrastructures, d’immobilier, et au final, un semestre plus cahoteux ».

Un jugement critique, mais corroboré par cette dernière remarque de Zhou  Hao : la croissance du crédit en 2016 a été de 13%, mais celle du PIB de 6,7%. Signe ultime et indiscutable que cette « croissance » coûte toujours plus cher, et rapporte toujours moins.


Environnement : Après le smog, le temps de la réflexion

Le 9 janvier, l’« airpocalypse » qui couvrait la Chine du Nord depuis des semaines, s’est dissipé, offrant à la région une semaine de répit à tout le moins. Les plus riches s’en étaient prémunis en s’envolant vers des cieux plus bleus. Le Chinois moyen lui, avait cru tenir bon à renfort de tisanes, censées nettoyer l’organisme de ses impuretés – mais le corps médical mettait en garde contre ce remède de bonne femme.

Débute pour le gouvernement le temps du bilan, d’excuses et d’humilité. Le ministre de l’Environnement Chen Jining avoue n’avoir fait « aucun progrès cet hiver » dans la lutte pour l’air pur, et se sentir « coupable » envers la société. Mais sa contrition est altérée par une autre affirmation destinée à innocenter les pouvoirs publics : cette pollution provenait d’un accident de la météo mondiale, d’un effet el niño extrême, la Chine n’y pouvait rien…

Débute aussi, hors des sphères dirigeantes, une contestation de la stratégie nationale anti-pollution de l’air. Avec son équipe, le professeur Wang Yuesi, de l’Institut de physique atmosphérique (Académie des Sciences) déclare que le smog serait fort atténué sur Pékin, si l’alerte était donnée trois jours à l’avance. Issu d’industries lourdes au Sud de la capitale, dès que les vents du Nord disparaissent, le smog est porté vers la ville par des masses d’air chaud du plateau de lœss, puis aspiré vers le sol par la chaleur urbaine. D’après Wang, si usines et trafic étaient bridés dès l’annonce de l’accalmie des vents de Sibérie, la concentration d’effluents serait évitée…

La semaine du 2 janvier voyait aussi une pétition sur les réseaux sociaux, réclamant un filtrage de l’air dans les écoles. Soutenue par 500.000 internautes, elle a attiré 2700 commentaires en 24h. Équiper toutes les écoles de la capitale lui coûterait 1,45 milliard de $, selon Tao Guangyuan, du Centre sino-allemand de coopération en énergies renouvelables. Pékin a donc improvisé en quelques jours un plan expérimental. Sur le district de Haidian, 13 écoles et maternelles prises « au hasard », ont reçu des purificateurs d’air. Ailleurs, des parents ont financé l’achat et l’installation de ces coûteuses machines.

Toutefois, rappelle le ministre, la  cause première de cette pollution est l’industrie sale et le mauvais mix énergétique, c’est-à-dire la priorité faite à l’emploi et la production à tout prix, un choix très ancien et toujours ancré dans les mentalités des décideurs.

Ainsi dans le Hebei autour de Pékin, qui abrite plus de 10% des capacités sidérurgiques de la planète,  la coulée d’acier de 2016 (janvier-novembre) a encore progressé de 2,4% à 178 millions de tonnes, et pour 2017, elle prétend l’augmenter encore, tout en éliminant, pour satisfaire en apparence seulement les attentes du pouvoir central, ses aciéries obsolètes—en tout état de cause inactives de longue date…

Toujours dans son effort pour apparaître mobilisée contre le smog, la mairie de Pékin crée une police de l’environnement, qui traquera barbecues, incinération d’ordures et toute combustion de biomasse. Cette année, le volume de houille brûlée sur le territoire de la capitale doit reculer de 30%, en fermant 500 usines les plus sales, et mettant aux normes 2500 autres, tandis que 300.000 véhicules très polluants seront refoulés aux postes de contrôle entre 40km et 80km du centre.

Ce mois-ci, un standard de carburant aux normes européennes vient d’être adopté, réduisant de 80% la teneur en soufre. Ceci, selon les raffineurs coréens et japonais, devrait causer un report massif de ventes d’essence et diesel chinois vers la Malaisie et l’Indonésie, moins exigeantes…

Le Conseil d’Etat vient de promettre une réduction des émissions de dioxyde de soufre de 15% d’ici 2020, notamment en élevant à 30% la part des bus publics (alimentés en carburants propres) dans le transport urbain. Les « droits d’émissions » débutent aussi entre Pékin, Hebei, Tianjin. Les centrales thermiques et usines de papeterie recevront leur quota dès 2017, suivies de toutes les autres industries d’ici 2020. Avant la fin d’année, tout émetteur ayant épuisé ses droits, devra en acquérir en bourse (au prix du marché), pour pouvoir continuer à polluer—ou bien il perdra sa licence d’exploitation.

De même, les importations de GNL (gaz naturel liquéfié) vont s’envoler, vu la priorité octroyée à ce type de fuel non polluant, et la faible capacité nationale à faire face à la demande (+2,2% en 2016). En 2017, selon les groupes SCI International et North Blue Oak, les commandes de GNL augmenteront de 30%, pour assurer 40% de la demande nationale en 2020. D’ici 2020, calcule un analyste de BMI Research (Singapour), l’augmentation des commandes en GNL devrait se situer entre 9 et 11 millions de tonnes par an. Ce GNL comptait pour 6% du mix national l’an dernier. A l’issue du Plan quinquennal (2016-2020), il devra atteindre 10%. Le seul facteur capable d’enrayer son irrésistible avancée à l’importation, serait de spectaculaires avancées en production de gaz de schiste local – mais ce n’est pas gagné, le sous-sol chinois étant loin d’être aussi favorable à cette production que celui des Etats-Unis…

En somme conclut, philosophe, le ministre Chen : « la dépollution de l’air chinois est une bataille contre une forteresse puissamment gardée. Elle prendra beaucoup de temps et d’efforts »…


Diplomatie : Nouvelle équation – Trump, la Chine et Taiwan

La raison a prévalu chez D. Trump le Président-élu des USA, et Tsai Ing-wen son homologue taiwanaise. Ils choisirent de ne pas se rencontrer, alors que Tsai, en route vers ses pays alliés d’Amérique Latine le 7 janvier, passait par Houston (Texas).

C’était mieux ainsi ! En effet, la Chine, nerveuse, tenait des manœuvres avec son porte-avions à 200 km de l’île Formose, déployant ses chasseurs embarqués J15 et cinq bâtiments d’escadre. En guise de consolation, Tsai rencontra une poignée d’élus texans, ainsi que R. Schriver, officiel fédéral en retraite.

Le 10 janvier à Managua (Nicaragua), Tsai assistait à la cérémonie d’investiture de D. Ortega, le Président réélu sans cesse depuis 10 ans. Avec lui, elle échangea la promesse d’approfondir les liens.

Tout ceci n’éclaircit pas les intentions de Trump, après ses diatribes contre la Chine et les promesses de campagne de ramener au pays les emplois « volés ». Le Président-élu vient de rencontrer en sa tour « Trump » de New York, Jack Ma, le PDG d’Alibaba, et de communiquer avec lui devant la presse : « les liens sino-américains doivent être renforcés, améliorés et plus amicaux ».

Loin de taxer comme promis les produits chinois de 45%, Trump va laisser Ma investir aux USA : « Jack et moi allons faire de grandes choses ». En ouvrant son site web aux vendeurs américains, et la chance d’écouler des milliers de produits « made in USA » à travers l’Asie, Jack Ma se targue de pouvoir créer « un million d’emplois » – un chiffre très exagéré, aux dires des spécialistes.

Mais les affaires sont les affaires :  avant sa nomination (fort contestée au demeurant) comme conseiller spécial à la Maison Blanche, Jared Kushner, le gendre de Trump et promoteur immobilier, dînait  avec Wu Xiaohui, le président des assurances Anbang (un groupe évalué à 285 milliards de $). C’était pour lui offrir, assure-t-on, une participation au projet de redéveloppement de son QG sur la 5ème Avenue. Entre l’entourage du Président et le grand capital chinois, ce genre d’affaire pourrait facilement déraper en conflit d’intérêts.

Enfin, le nombre de contradictions entre les actes et les paroles du Président-élu, pour ou contre la Chine, est intriguant. Au fond, ce début de dialogue sino-américain avec Jack Ma et  Wu Xiaohui, nous éclaire peut-être sur la boussole de Trump, un homme d’affaires pragmatique, pour qui tous les coups sont permis, pourvu qu’ils créent des emplois. Comme souvent dans l’histoire humaine, la morale n’est invoquée que si elle est utile !


Investissements : Deux pays en malaise

Singapour s’impatiente : cinq semaines après leur saisie au port de Hong Kong, ses 8 véhicules transports de troupe ne sont toujours pas rendus. Le 7 janvier, Ng Eng Hen, ministre de la Défense écrivait à Hong Kong pour dénoncer la « prise en otage ». Dès le surlendemain, Pékin répliquait, suggérant à Singapour de « surveiller son langage et ses actions ». Ses chars lui reviendraient plus vite, si elle s’engageait à renoncer à toutes manœuvres militaires avec Taiwan, en respect du principe d’« une seule Chine ». Depuis lors, la disparition des véhicules (sans doute vers la Chine), ne fait rien pour alléger la tension…

Au Sri Lanka aussi, l’on s’échauffe : le 7 janvier à  Hambantota, (Sud de l’île), 1000 manifestants dont des moines bouddhistes (cf photo), tentaient d’arrêter les bulldozers d’une future zone industrielle de 6000 ha, propriété de 50 investisseurs chinois qui veulent y créer 100.000 emplois en 5 ans, moyennant l’injection de 5 milliards de $. Sur le port attenant, China Merchants s’apprête aussi à réinjecter 1,12 milliard de $, en échange de la session d’une partie du port—en sus des 4,8 milliards déjà dépensés depuis 2012.

Tout ce désordre provient de la décision de l’ancien Président Rajapaksa, natif de Hambantota, de moderniser ce Sri Lanka méridional, à l’aide de fonds chinois. A l’époque, Pékin avait accepté, enthousiaste : au large de l’Inde rivale, sur la route du Moyen-Orient, l’île offrait une base  logistique et une étape d’une nouvelle « route maritime de la soie ». 

Malheureusement, le port en eau profonde est resté désert, faute d’étude de marché. La région n’était qu’une jungle dépeuplée, sans tissu industriel. L’aéroport international en donne une cinglante démonstration : trois ans après son ouverture, il n’a que 2 vols/jour, qui doivent éviter au décollage ou à l’atterrissage les éléphants traversant la piste. Avec 58 milliards de $ de dettes, le nouveau Président Sirisena doit verser en intérêts 96% du budget de développement du pays ! Pour arracher son île à cette impasse –symptôme proche d’un Etat failli– il vient d’accepter ces cessions d’actifs (zone industrielle et une partie du port), contre un investissement supplémentaire et l’effacement partiel de sa dette chinoise.

A bien y regarder, cette stratégie est la seule plausible, pour espérer sauver le choix imprudent du prédécesseur. Si le pari réussit, ce sera « gagnant-gagnant », donnant de l’emploi aux locaux et une base logistique à la Chine. Mais la méfiance et l’absence de dialogue avec la population, rendent l’exécution délicate.


Petit Peuple : Yunhe : Les auberges espagnoles de Yao Nanshan (2ème Partie)

Résumé  1ère Partie : Yao Nanshan,  résident à Séville depuis 30 ans, retourne dans son Zhejiang natal, où il visite Yunhe, aux rizières enchanteresses. Manquant le dernier bus, il est coincé sur place. Mais l’ami qui l’a emmené connait une adresse, celle de Liu Lijuan, une veuve

La nuit tombait… pas d’autre choix pour Yao Nanshan que de cogner à l’huis de cette bicoque chaulée dont fumait la cheminée. Une fermette charmante au premier coup d’œil, accrochée aux crêtes crénelées où s’effilochait la brume. Tarabiscotée, faite de bouts et de morceaux, elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à la maison de son enfance.

Il fut aussi séduit par le charmant sourire de l’hôte, Liu Lijuan, l’invitant à s’asseoir à la table de bois massif patiné par les décennies. Le thé qu’elle leur servit, à lui et son ami était d’une fraicheur réparatrice et délicieuse. C’était, expliqua Liu, le « premier thé », cueilli sous la pleine lune du Qingming (début avril).

La question du logis fut vite réglée. Liu céderait sa chambrette et se replierait en celle qui appartenait à sa fille. Pas question d’argent –elle était toujours heureuse d’avoir de la visite, et on ne faisait pas payer les amis.

À la lanterne, sous un ciel brillant d’étoiles, elle cuisina au wok des mets frugaux mais pleins d’arômes, qui lui remémoraient sa jeunesse. Tout en mangeant, Liu et Yao devisèrent. D’un ton simple et honnête, elle évoqua sa vie. Elle en avait vécu des vertes et des pas mûres, depuis son mariage il y a 30 ans. À 19 ans, elle fut unie par ses parents à un jeune voisin. De cette union naquit une enfant hélas de santé fragile, au point de ne pouvoir suivre l’école. Des tests coûteux à l’hôpital permirent d’identifier la source de l’anémie : une leucémie, dont les soins épuisèrent les ressources du couple.

Le pire était à venir. Trois ans après, le mari décéda d’un cancer du colon, laissant une veuve criblée de dettes. Presque tous les jours, les voisins se mirent à venir, d’un ton toujours moins amène, réclamer leur dû !

Aucun de ces malheurs pourtant, n’avait entamé le moral de Lijuan, qui plaisantait chaque fois que ses visiteurs admiraient son courage. Elle espérait, leur dit-elle, sortir de ce guignon en créant dans la grange attenante, une pension pour retenir les touristes de passage.

Yao fut frappé de compassion, et d’un peu plus encore… L’échange lui évoquait ses propres années à la dure, où il rêvait de s’en sortir en ouvrant un restaurant, pourvu qu’il trouve l’argent. Il voyait aussi l’énergie et l’humour, l’allant et la bonté de cette femme bravant le destin, toutes les qualités qu’il souhaitait chez une future compagne… Avant de repartir le lendemain, il laissa en remerciement, cachés dans la boite à thé, une petite liasse de billets de 100 yuans roses à l’effigie de Mao.

Trente jours après, en avril 2013, il requitta Séville pour Yunhe. C’était clair depuis la 1ère seconde, Liu était la femme de sa vie, celle auprès de qui il voulait passer ses vieux jours. Pas question de l’attirer en Espagne : cette existence se vivrait sur la montagne aux rizières, à ses côtés. Mais quand il se déclara, la vivacité du refus le peina : « pas question de t’associer à ma déveine. Même ta chance ne résisterait pas à mon destin négatif. Restons amis…pour ton bien ». Il insista, parlant de sa fortune faite. « Mais c’est pire, fit-elle, « on me prendrait pour une gourgandine, courant après toi pour ton argent…» C’était la rebuffade ! Mais Yao n’était pas homme à s’en accommoder : il patienterait, et le lui dit. De retour à Séville, il se hâta de réaliser sa succession devant notaire, partageant ses biens entre ses enfants. Chaque jour par téléphone portable, il lui contait les petits riens de sa vie andalouse, s’appliquant à la faire rire, et inlassablement s’enquérant de son humeur, de sa santé.

Quand ils le virent pris de cette passion amoureuse, à son âge (76 ans sonnés), ses enfants le crurent fou, de vouloir jeter aux orties ce confort,  ces amis, ce fruit d’une vie d’efforts. Yao dut faire œuvre de patience : cette Chine qu’ils n’avaient jamais connue, était aussi la leur, et les racines du clan, la sève des rêves de Yao. Cette femme lui rendait son pays.

Liu prétendait toujours rester seule, et veuve. Mais elle changeait peu à peu. Les appels téléphonique de Yao, à l’évidence, étaient attendus. Une connivence s’installait.

En janvier 2015, elle décrocha en pleurs : elle venait d’être mise en demeure par un voisin qui avait racheté toutes ses dettes et s’apprêtait à faire saisir la grange. N’étant qu’une femme, sur cette montagne insensible à toute compassion, « sans nul pour me soutenir, je n’en peux plus », sanglotait-elle. « J’arrive, répliqua-t-il, raccrochant derechef. Et 48 heures après, il était là.

Alors enfin, elle l’accepta dans sa vie. L’année 2015, Yao la passa à dessiner l’auberge, la faire construire, avec des matériaux du pays de Cervantès, avec ses tuiles romaines, ses persiennes, sa terrasse panoramique. L’Hôtel de la terrasse ouvrit pour la fête nationale, affichant complet dès le premier jour. À la tête d’une escouade de 4 cuisiniers, Yao portait à présent la toque, jouant les maîtres-queue et gâte-sauces comme au bon vieux temps.

A l’Etat civil, Yao et Liu se sont mariés le 25 décembre dernier. Pour la fête bouddhiste, ils attendent un jour propice choisi par le maître de fengshui. Un jour surtout, où ses enfants puissent être présents pour partager leur « joie extrême sous la brise printanière » (chūn fēng dé yì, 春风得意)!


Rendez-vous : Semaine du 16 au 22 janvier 2017
Semaine du 16 au 22 janvier 2017

17-20 janvier, Davos, Word Economic Forum – 47ème Sommet de Davos, sur le thème :  « Responsive and Responsible Leadership »,  avec, pour la première fois, la participation d’un Président chinois – le Président Xi Jinping, le 17 janvier,  en ouverture du Sommet.

15-17 janvier, 1ère Visite d’Etat du Président chinois Xi Jinping en Suisse, et à Genève, auprès des Nations Unies, OMS,  et à Lausanne auprès du CIO 

18-20 janvier, Shanghai : China Coatings Summit, Sommet des revêtements industriels

 24-27 janvier, Pékin : HORTIFLOREXPO, IPM China, Salon international des plantes et des fleurs