Le Vent de la Chine Numéro 13 (2024)

du 14 au 20 avril 2024

Editorial : Quelles « surcapacités » ?
Quelles « surcapacités » ?

C’est le mot que l’on entend un peu partout en ce moment : « surcapacités » (产能过剩, chǎn néng guòshèng), chinoises en particulier.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, une petite clarification s’impose : en économie, la surcapacité désigne une situation où les équipements et les ressources humaines sont sous-utilisés parce qu’il y a trop de capacité productive par rapport à la demande effective. Cela peut être dû à une estimation excessive de la demande future, à une baisse soudaine de la demande, à une concurrence accrue entraînant une surproduction, voire à des subventions de l’État à ses industries. Les surcapacités peuvent avoir des conséquences économiques négatives, telles que la baisse des prix et la réduction des marges. Elles peuvent aussi mener à des licenciements, des fermetures d’usines et à une baisse générale de l’efficacité économique. Si la production excédentaire est exportée, cela peut provoquer des tensions commerciales et des accusations de dumping sur les marchés mondiaux.

Ce n’est pas la première fois que le sujet arrive sur le tapis. Il y a plus d’une décennie, la Chine avait déjà été accusée d’exporter ses surcapacités, notamment dans l’acier, l’aluminium et le ciment, ce qui avait décimé bon nombre de producteurs étrangers, incapables de s’aligner sur les prix chinois. Cette situation avait poussé les Etats-Unis et l’Union Européenne (UE) à déposer plainte à plusieurs reprises contre la Chine auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’accusant de pratiques commerciales déloyales, sans résultat probant.

Un peu plus tard, l’initiative « Belt & Road » (BRI) lancée par Pékin en 2013 remettait la thématique au goût du jour, l’un des objectifs du programme étant de mettre à profit ces surcapacités en les utilisant dans des projets d’infrastructure à l’étranger, aidant ainsi les entreprises chinoises (publiques comme privées) à trouver de nouveaux débouchés hors frontières.

L’histoire se répète aujourd’hui, sauf que le problème s’étend cette fois à des secteurs de pointe, tels que celui des énergies vertes et des véhicules électriques, appelés à devenir les nouveaux fers de lance de l’économie chinoise en relais de l’immobilier. Cette situation déplaît particulièrement aux Etats-Unis et à l’UE, qui seraient tous les deux prêts à imposer des tarifs douaniers pour protéger leurs marchés (Bruxelles doit rendre les résultats de son enquête d’ici quelques mois). La nouveauté est que certains pays émergents comme la Turquie, le Mexique, l’Argentine, le Brésil, l’Inde et l’Indonésie, ont eux aussi rejoint la cohorte des plaignants…

Si la Chine reconnaît que les surcapacités peuvent être un problème (surtout lorsqu’elles affectent son propre marché), elle nie farouchement que sa capacité manufacturière puisse représenter une menace pour les autres pays. Signe que Pékin ne fera pas marche arrière, la presse officielle a publié début avril, une série de commentaires qualifiant les plaintes au sujet de ses surcapacités industrielles d’ « exagérées » et d’ « hypocrites ». Cette importante couverture médiatique peut être interprétée comme le reflet de l’inquiétude quant aux dégâts que provoqueraient des mesures protectionnistes sur son économie. De manière plus concrète, la Chine a porté plainte auprès de l’OMC contre les subventions « discriminatoires » accordées aux véhicules à énergies nouvelles par le gouvernement américain.

Que disent les chiffres ? Selon une analyse de Bloomberg, la capacité d’utilisation chinoise varie considérablement en fonction des secteurs. Dans le cas des panneaux solaires, du ciment et des batteries, le taux est plutôt faible (autour de 30%), ce qui désigne un excès de capacité significatif. Par contre, dans le cas des véhicules électriques et des éoliennes, il indique une utilisation « normale » de l’outil de production (autour des 80%). Dans ce cas précis, il serait donc plus juste de parler de « compétitivité » plutôt que de surcapacités. La question étant de savoir si cet avantage compétitif est le fruit de généreuses subventions accordées par le gouvernement chinois ou de la capacité d’innovation de ses producteurs…

Quoi qu’elle en dise, régler le problème structurel de ses surcapacités industrielles permettrait à la Chine de ne pas se rendre trop dépendante de ses exportations et lui épargnerait bon nombre de conflits commerciaux. Le problème est que la Chine produit trop de tout, même à perte. Or, seules les entreprises privées font faillite, les entreprises d’Etat (SOEs) bénéficiant souvent de la protection et des subventions du gouvernement (local). La solution serait donc de réformer ces SOEs, ce qui impliquerait inévitablement des pertes d’emplois massives avec un risque accru d’instabilité sociale, la hantise de Pékin.

L’autre option serait bien sûr de stimuler le taux de consommation des ménages chinois qui n’est que de 38 %, soit 18 points en dessous de la moyenne mondiale. Y remédier nécessiterait d’améliorer la couverture sociale, voire de revoir le système de répartition des richesses.

Ni l’une ni l’autre des solutions évoquées n’est facile à mettre en œuvre et si Pékin décide un jour ou l’autre de s’atteler à la tâche, ce sera pour répondre à ses propres impératifs, pas pour les beaux yeux de Bruxelles ou Washington. 


Vocabulaire de la semaine : « Sommet trilatéral, dette, ressources publiques, notation »
« Sommet trilatéral, dette, ressources publiques, notation »
  1. 三边峰会, sānbiān fēnghuì: sommet trilatéral
  2. 南海, nánhǎi : Mer de Chine méridionale
  3. 胁迫, xiépò : pression, coercition
  4. 回应, huíyìng (HSK 6) : réponse
  5. 旨在, zhǐzài (HSK 7): avoir pour but de
  6. 明确, míngquè (HSK 3) : clair, précis
  7. 团结, tuánjié : Solidarité, union
  8. 紧张, jǐnzhāng (HSK 3) : tension
  9. 力度 , lìdù (HSK 7): intensité
  10. 阻止, zǔzhǐ (HSK 4) : empêcher

美国、日本和菲律宾之间的首次三边峰会是对中国在南海胁迫的直接回应旨在发出“明确”的团结信息。这次三边会议召开之际,南海紧张局势加剧,中国加大了水炮射击力度阻止菲律宾补给船向标志着马尼拉领土主张的军事前哨运送日常必需品.

Měiguó, rìběn hé fēilǜbīn zhī jiān de shǒucì sān biān fēnghuì shì duì zhōngguó zài nánhǎi xiépò de zhíjiē huíyīng, zhǐ zài fāchū “míngquè” de tuánjié xìnxī. Zhè cì sān biān huìyì zhàokāi zhī jì, nánhǎi jǐnzhāng júshì jiājù, zhōngguó jiā dàle shuǐ pào shèjí lìdù, zǔzhǐ fēilǜbīn bǔjǐ chuán xiàng biāozhìzhe mǎnílā lǐngtǔ zhǔzhāng de jūnshìqiánshào yùnsòng rìcháng bìxūpǐn.

Le premier sommet trilatéral entre les États-Unis, le Japon et les Philippines est une réponse directe à la coercition exercée par la Chine en mer de Chine méridionale et vise à envoyer un message « clair » d’unité. La réunion trilatérale intervient alors que les tensions montent en mer de Chine méridionale, la Chine intensifiant ses tirs de canons à eau pour empêcher les navires de ravitaillement philippins de livrer des produits de première nécessité aux avant-postes militaires marquant les revendications territoriales de Manille.

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  1. 衰退, shuāituì (HSK 7) : déclin
  2. 采取, cǎiqǔ (HSK 3) : prendre (mesures)
  3. 措施, cuòshī (HSK 4) : mesures
  4. 削减, xuējiǎn : réduire, diminuer
  5. 支出, zhīchū (HSK 5) : dépenses
  6. 新能源汽车 , xīn néngyuán qìchē : véhicules à énergie nouvelle
  7. 植物, zhíwù (HSK 4): plantes
  8. 减少, jiǎnshǎo (HSK 4) : réduire
  9. 茶叶, cháyè (HSK 4) : thé
  10. 购置, gòuzhì : achat

随着中国经济衰退,中国地方政府和党的机构正在采取措施削减支出。这些措施包括更多地使用新能源汽车、减少室内植物减少茶叶消费。陕西省要求新能源汽车占省级新购置和更换的公务用车比例不低于40%,而福建省则呼吁消除“公共资源个人使用”。

Suízhe zhōngguó jīngjì shuāituì, zhōngguó dìfāng zhèngfǔ hé dǎng de jīgòu zhèngzài cǎiqǔ cuòshī xuējiǎn zhīchū. Zhèxiē cuòshī bāokuò gèng duō dì shǐyòng xīn néngyuán qìchē, jiǎnshǎo shìnèi zhíwù hé jiǎnshǎo cháyèxiāofèi. Shǎnxī shěng yāoqiú xīn néngyuán qìchē zhàn shěng jí xīn gòuzhì hé gēnghuàn de gōngwù yòng chē bǐlìbù dī yú 40%, ér fújiàn shěng zé hūyù xiāochú “gōnggòng zīyuán gèrén shǐyòng”.

Alors que l’économie chinoise décline, les gouvernements locaux et les institutions du Parti communiste prennent des mesures pour réduire leurs dépenses. Ces mesures comprennent notamment une plus grande utilisation de véhicules à énergie nouvelle, la diminution des plantes d’intérieur et de la consommation de thé. La province du Shaanxi exige que les véhicules à énergies nouvelles représentent au moins 40 % des véhicules officiels achetés et remplacés au niveau provincial, tandis que la province du Fujian appelle à l’élimination de « l’utilisation personnelle des ressources publiques ».

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  1. 批评, pīpíng (HSK 3) : critiquer
  2. 评级, píngjí : notation
  3. 前景下调, qiánjǐng xiàtiáo : révision à la baisse des perspectives
  4. 负面, fùmiàn (HSK 7) : négatif
  5. 维持, wéichí : maintenir
  6. 债务, zhàiwù (HSK 7) : dette
  7. 房地产, fángdìchǎn : immobilier
  8. 赤字, chìzì (HSK 7) : déficit (finance)
  9. 比例, bǐlì (HSK 3) : proportion, ratio
  10. 中位数, zhōng wèishù : médiane

中国财政部批评惠誉国际评级公司将其前景下调负面维持 A+ 评级的决定。惠誉认为,随着中国试图解决不断增加的地方和地方政府债务并减少对房地产的依赖,中国的债务风险正在上升。该机构还指出,预计今年中国的赤字占GDP的比例将从2023年的5.8%升至7.1%,而A评级国家的中位数为3.0%。

Zhōngguó cáizhèng bù pīpíng huì yù guójì píngjí gōngsī jiāng qí qiánjǐng xiàtiáo zhì fùmiàn dàn wéichí A+ píngjíde juédìng. Huì yù rènwéi, suízhe zhōngguó shìtú jiějué bùduàn zēngjiā dì dìfāng hé dìfāng zhèngfǔ zhàiwù bìng jiǎnshǎo duì fángdìchǎn de yīlài, zhōngguó de zhàiwù fēngxiǎn zhèngzài shàngshēng. Gāi jīgòu hái zhǐchū, yùjìjīnnián zhōngguó de chìzì zhàn GDP de bǐlì jiāng cóng 2023 nián de 5.8%Shēng zhì 7.1%, Ér A píngjí guójiā de zhōng wèi shù wèi 3.0%.

Le ministère chinois des Finances a critiqué la décision de Fitch de réviser sa perspective à négative tout en maintenant sa note de crédit à A+ pour la Chine. Fitch estime que les risques liés à la dette de la Chine augmentent à mesure que la Chine tente de résoudre la dette croissante des collectivités locales et des gouvernements locaux et de réduire sa dépendance à l’égard de l’immobilier. L’agence a également noté que le déficit de la Chine devrait atteindre 7,1 % du PIB cette année, contre 5,8 % en 2023, tandis que la médiane des pays notés A est de 3,0 %.