Le Vent de la Chine Numéro 11 (2016)
La session 2016 de l’ANP s’acheva le 16 mars par le rapport d’activité du Premier ministre Li Keqiang qui venait d’être voté à la quasi-unanimité (avec 27 voix contre, sur 2857 élus présents). Par la suite, Li, souriant et décontracté passa deux heures face aux journalistes, à esquiver les questions. Il broda sur ses promesses pour 2016, la croissance de 6,5% « qui serait tenue », les retraites « qui seraient versées à 100% et à temps ». À l’évidence, l’objectif de cet exercice était le même que celui du G20 trois semaines plus tôt : rassurer.
Ce Plenum fut riche de contenu et parfois de surprises, à travers les groupes de travail permettant des débats croisés entre gouvernement central et élus locaux.
Ainsi Liu Yuanlong, vice-président de l’Association catholique patriotique, alerta les élus sur le déficit croissant en séminaristes pour assurer la relève d’un clergé vieillissant. Le catholicisme compte en Chine 3316 prêtres, pour « 6 millions » d’ouailles, mais n’en forme que quelques centaines par an. Même constat chez les protestants : Gao Feng, président du Conseil Chrétien de Chine, fait état de 5000 pasteurs et 190.000 chefs de groupes pour au moins 50 millions de croyants, soit un pasteur pour 10.000 fidèles !
Les élus se virent présenter trois vice-ministres issus d’un des huit mini-partis non communistes – ces promotions entrant dans le cadre de la tentative, largement symbolique, d’élargir la représentativité du régime.
Cao Weixing, de la Ligue démocratique, passe n°2 au ministère du Sol et des Ressources, Huang Runqiu de la « société San Jiu » va cogérer celui de l’Environnement, et Qin Boyong, de l’Association pour la construction de la nation, codirigera le Bureau national d’audit—un des outils majeurs de lutte contre la corruption.
On a pu assister à une (mini-)grogne des élus contre le ministre des Finances Lou Jiwei, qui souhaitait affaiblir la garantie d’emploi inscrite dans la loi du travail – après 10 ans, un salarié ne peut plus être licencié. Pour Lou, la rigidité du texte décourage le patron à recruter et fait perdre de la croissance « au détriment de la classe ouvrière que la loi est supposée protéger »… Ce débat prenait des accents curieusement similaires à ceux échangés en France à la même période, sur le même sujet.
Un débat réunit à la CCPPC les adeptes de la cuisine Halal, plaidant pour en renforcer les normes. Mu Kefa, vice-président de l’Association Musulmane Nationale, souhaitait une application plus stricte des principes Halal dans les restaurants « dans le respect des minorités ethniques ». Surtout, les industriels de l’agroalimentaire appelaient l’Etat à la création d’un label Halal chinois, pour mieux prendre leur part d’un marché mondial prévoyant d’atteindre 2600 milliards de $ en 2020, selon Thomson Reuters.
Une part importante des débats alla à la sécurité nationale, la lutte antiterroriste, et la censure. Les actes de paroles libres furent rares, mais d’autant plus remarqués, comme celui du professeur shanghaien Jiang Hong, édile à la CCPPC, qui parvint à défendre dans la presse nationale et étrangère le principe de pluralisme d’opinions, tout en précisant : « si une société n’écoute qu’une voix, des erreurs peuvent se produire ».
Tel est finalement l’esprit de ce cru parlementaire 2016 : le vote d’un 13ème Plan qui sera douloureux pour l’emploi dans les conglomérats, assorti d’un resserrement de vis notable des libertés, et parmi la base, des voix de résistance qui s’élèvent…
La crise explosa le 11 mars, à Shuangyashan (Heilongjiang), à la frontière sibérienne : les 80.000 gueules noires des mines Longmay apprenaient que sur 240.000 employés que comptait l’entreprise, elle en licencierait 100.000. C’était un drame insupportable, le gagne-pain de toute la ville qui coulait. On vit ce jour-là des milliers de mineurs bravant les ordres, arpenter les artères, brandissant à bout de bras des banderoles aux slogans forts : « nous voulons survivre », ou « le PCC nous doit de l’argent ! ».
À Pékin lors d’un débat à l’ANP, le gouverneur provincial Lu Hao n’avait rien fait pour apaiser la colère, en prétendant que « tous les salaires avaient été versés ». C’était faux, comme il le reconnaîtrait deux jours après. Des milliers d’employés attendaient leur chèque depuis 4 mois, et d’autres avaient reçu des paies amputées de 10% à 70%.
Les manifestations se poursuivirent trois jours. Le quatrième, les brigades d’intervention débarquèrent en masse, bloquant les axes. Les meneurs avaient été arrêtés dans la nuit, et des crédits étaient acheminés en catastrophe depuis Pékin pour payer des arriérés – à ce prix, le mouvement s’arrêta net. Mais bien sûr, rien n’était réglé, ni à Shuangyashan, ni ailleurs, car cette ville minière est loin d’être la seule en crise. Les jours précédents, les marches se multipliaient à Canton (Sud), au Shanxi (Centre), à Jilin (Nord-Est), dans des charbonnages, aciéries ou groupes chimiques.
La courbe des conflits s’élève dangereusement : 1300 manifs en 2014, 2700 en 2015, 500 rien qu’en janvier 2016. A ce train, l’année devrait connaître 6000 conflits sociaux, soit plus du quadruple d’il y a deux ans. Partout, c’est la même histoire de salaires tronqués de moitié, d’horaires rallongés, d’usines fermées…
Le cas de Longmay est typique d’une crise « à la chinoise », prévisible depuis des lustres. Après 40 ans d’exploitation, ses 42 mines sont en fin de cycle : pour extraire 1000 tonnes, il faut désormais 4,8 employés, le triple de la moyenne nationale. Pour les conglomérats, le problème est systémique, et insoluble, obligés de se concurrencer de province à province, de conserver des armées d’employés inactifs, et de se fournir les uns les autres à bas prix (acier, charbon, énergie)… Suivant ce modèle, ils dépendent pour survivre des subventions, et n’ont pas les moyens de se moderniser. Autre effet néfaste, ils produisent « à l’aveugle », beaucoup trop, cassant les cours : leurs 3700 milliards de tonnes de houille par an, suffiraient à la demande mondiale ! Ainsi, même si les mines n’étaient pas épuisées, elles seraient en quasi-faillite, ayant créé une surproduction fatale.
Le 14 mars encore, le Président Xi Jinping se renseigna sur l’état de la crise de Longmay, et recommanda à l’entreprise de « suivre le marché ». Désormais, l’ère des subventions en « tonneaux sans fond » est terminée, et les « canards boiteux » (les « groupes zombie ») doivent disparaître pour laisser les crédits publics aller aux industries nouvelles.
Le Premier ministre Li Keqiang, annonça son grand plan début mars : 1,8 million d’emplois devraient disparaître, « et la Chine avec son dynamisme, n’aurait aucune difficulté à les recaser ». Ceci est loin d’être admis par tous : l’expert Louis Kuijs, d’Oxford Analytica (Hong Kong) croit au contraire très difficile de recycler un métallo ou un mineur dans les taxis, ou pire encore, dans les services. Et surtout, le compte n’est pas juste : vu les 25.000 milliards d’euros de dettes des entreprises d’Etat, ce sont 60 millions d’emplois qu’il faudrait éliminer pour assainir le marché. Un tel nettoyage, si l’Etat veut éviter l’explosion sociale, doit s’étaler sur des décennies !
Pour l’heure, le sujet est censuré dans la presse : c’est que pour ce régime fier de sa tradition ouvrière, la vague de fermetures qui débute, signifie une sévère perte de légitimité auprès des travailleurs, normalement leur soutien le plus ferme. Dès maintenant à Canton, les grévistes chantent l’hymne national et retournent contre le régime la strophe révolutionnaire : « debout, debout, nous qui refusons l’esclavage » !
Aussi, un bras de fer démarre entre l’Etat, avec ses organisations de contrôle des masses, et le syndicalisme libre, interdit mais que Pékin ne peut plus empêcher. Dans les usines, des employés déterminés se forment seuls sur internet à défendre leurs droits. Les ouvriers ont tous un smartphone, et la plateforme sociale WeChat permet de véhiculer informations et mots d’ordre : des clips de grèves et de marches circulent. Longtemps tolérantes, les autorités locales exaspérées redoublent de fermeté : à Canton en décembre, Zeng Feiyang, un des syndicalistes les plus en vue a été arrêté, puis accusé de fréquenter des prostituées et d’être soutenu depuis l’étranger.
En désespoir de cause, l’Etat pense trouver la panacée, en regroupant ses consortia en super géants mondiaux. À l’ANP le 12 mars, Xiao Yaqing, président de la SASAC (tutelle des consortia) réitéra la nouvelle religion : « plus de fusions, c’est moins de faillites et moins de conflits commerciaux ».
Peut-être, mais probablement pas plus de succès commercial, si l’on en croit l’expérience de Longmay. Dix ans en arrière au Heilongjiang, le groupe naissait de la fusion de quatre mines publiques en difficulté. Aujourd’hui, cette concentration apparaît un échec manifeste. Le succès aurait pu être à portée, en écartant alors son surplus de salariés et en fermant les mines non rentables. Avec les milliards de yuans épargnés en 10 ans (ceux des salaires non versés, et ceux des subventions), le groupe aurait pu s’engager sur une nouvelle voie…
Louis Kuijs résume le défi à venir : « les provinces dépendantes de la mine et de l’industrie lourde… vont souffrir ». Et le PCC, lui, aura à faire face à des problèmes sociaux.
Le Plenum parlementaire qui vient de s’achever, précède de 18 mois le XIXème Congrès du Parti, qui renouvellera les cadres des organes dirigeants pour le second quinquennat de Xi Jinping. L’actuel Comité Permanent (7 membres) se caractérise par une majorité de vieux compagnons de Jiang Zemin. Le Congrès de 2017 les poussera à la retraite, laissant place à une relève de cadres plus jeunes.
Les premiers trois ans et demi de règne de Xi ont été marquées par un durcissement inédit de la gouvernance du Parti, en toutes directions. Les dissidents et les confessions religieuses, les média et l’enseignement, l’armée et le Parti, ont tous été l’objets de campagnes de rectification, souvent ponctuées d’arrestations. Sous le délit de corruption, 750.000 cadres de l’Etat ont été punis en trois ans, dont 280.000 rien qu’en 2015.
D’où la question : pourquoi un tel durcissement ? Et qui en définitive est Xi Jinping ? Que veut-il ? Est-il seul dans ces choix, ou bien soutenu par le sommet de l’appareil ? Trois interprétations se disputent la scène :
Une lutte pour sa survie politique
Contrairement à ses prédécesseurs, Xi est le premier leader arrivé à la tête du pays sans la légitimité historique d’un adoubement par Deng Xiaoping. Ceci peut expliquer le choix, à l’inverse de Hu Jintao et Jiang Zemin, de se créer une base de soutien composée principalement de ses amis et d’hommes rencontrés au long de sa carrière. Nous consacrerons une page la semaine prochaine à cette « garde rapprochée ».
Ce choix trahit l’impératif vécu comme vital par le chef de l’Etat (plus que pour ses prédécesseurs), de loyauté de ses lieutenants, et même de tous apparatchiks, à tous les niveaux de l’appareil. En mars, il vient de réitérer l’ordre d’obéir à ses directives sans délai ni dérive, et de préserver l’unité du Parti. En effet, en 2012, au moment d’accéder au poste auquel il était promu, Xi s’est retrouvé très sérieusement contesté par Bo Xilai et Zhou Yongkang, au point de risquer sa position dans les mois précédant son intronisation. Cet épisode peut avoir convaincu Xi de concentrer dès que possible tous les attributs du pouvoir (Etat, Parti et Armée) entre ses mains. Pour ce faire, il a créé des « Commissions centrales » mordant sur les pouvoirs du Comité Central et du Conseil d’Etat et placé ses hommes aux postes-clés des autres instances…
Le premier visage est donc celui d’un homme seul, luttant pour sa survie politique.
Une fidélité de classe
Une deuxième lecture part de la « hong erdai », la « seconde génération rouge » à laquelle Xi appartient. Enfants des grandes familles révolutionnaires, se connaissant tous depuis leur jeunesse derrière les « murs rouges » de Zhongnanhai, ces 1000 à 2000 cadres tous puissants défendent leurs intérêts en un club très fermé. Quoique parfois de sensibilités politiques différentes, ils sont unanimes dans la défense de leurs privilèges, et se positionnent contre toute atteinte au droit du crédit, au droit du sol, au protectionnisme industriel et aux monopoles militaires. Ainsi, le régime a fait arrêter de nombreux « tigres » (hauts cadres corrompus), mais aucun « hong erdai » !
Le second visage de Xi est donc celui d’un homme habité par une fidélité de classe, dans la défense de privilèges.
Un mandat du Parti
Kerry Brown, expert sinologue au King’s College de Londres, prend du recul pour voir les choses dans leur complexité.
L’apparence, sur laquelle se concentrent les média occidentaux, est celle d’un homme en train de conquérir tous les pouvoirs à des fins personnelles, et d’écarter ses ennemis sous prétexte de corruption.
Mais pour Brown, cette vision est trompeuse, car elle ignore la présence et la réaction des autres membres de ce pouvoir collégial : or, au Bureau Politique (25 membres), les collègues de Xi restent silencieux… Et pourtant, le scénario d’un autocrate forçant le pays à son propre culte, a déjà été joué avec Mao. Le Parti a failli disparaître à l’époque, et s’est juré de ne jamais retourner à telle catastrophe, mais de s’astreindre toujours à une gouvernance collective. Brown note aussi que « presque » toutes les prises de positions publiques de Xi Jinping se font au nom du Parti et en son intérêt.
Le dernier visage de Xi Jinping, selon cet analyste, est donc celui d’un homme en charge d’une mission pour le PCC, exécutant un mandat : soigner la corruption, la pollution et l’hyper libéralisme qui menacent le pays d’explosion, exécuter les grandes réformes sociétales préparées et annoncées de longue date par son n°2 Li Keqiang (taxation, propriété foncière, convertibilité, gestion des conglomérats, crédit « vert », accueil en ville et dotation de 200 millions de migrants…).
La conclusion est déroutante : ces trois visages sont tous plausibles. Mais, ce qui frappe le plus, en définitive, est que loin d’être contradictoires, ces trois visages pourraient s’avérer complémentaires.
« En mer de Chine du Sud, la Chine semble renoncer au droit international en place depuis 70 ans », déplora (16 mars) l’amiral Scott Swift, commodore de l’US Navy au Pacifique. Elle suivrait désormais le principe dit « force fait droit ». Le 8 mars à Pékin, Wang Yi, ministre des Affaires étrangères, déclarait de son côté que « la Chine fut la première à découvrir, nommer, et développer les îles de mer de Chine du Sud. L’histoire démontrera dans cette zone, qui est l’invité et qui est l’hôte ». Pékin semble donc se fonder sur un droit de « retour » et de « premier entrant ». Sa conception s’inscrit en faux contre la Convention de l’ONU du droit de la mer, signée mais non ratifiée par elle, qui partage les droits souverains selon l’usage et la proximité.
Durant tout le temps d’occupation et d’équipement de 5 atolls des Spratley, les Etats-Unis ont pratiqué l’attentisme. A présent, ils veulent reprendre la main. Début mars, après l’installation de rampes de missiles sur une île des Paracels, ils lancèrent un porte-avions, une flottille à proximité. Le 16 mars, ils annoncèrent leur propre installation de « dépôts militaires » entre Vietnam, Cambodge voire Philippines. Ces « dépôts » ou plutôt équipements sont désarmés, à usage civil, genre hôpitaux. Mais le message est clair : Washington veut aider les pays riverains à résister.
Le Pentagone prépare des exercices navals avec Inde et Japon. Manille ne s’y joindra pas, quoiqu’ils doivent se tenir dans ses eaux territoriales. De plus, l’Inde décline l’invitation de patrouilles navales avec les Etats-Unis, en soutien de la liberté de navigation.
Ces derniers temps voient aussi apparaître des signes d’inquiétudes et d’exaspération des nations (alors que, selon Washington, la Chine s’apprêterait à équiper un nouvel îlot pris en 2012 aux Philippines) :
– Shinzo Abe le Premier ministre nippon, se dit « prêt » (16 mars) à porter plainte à son tour, après les Philippines, auprès d’une Cour d’arbitrage internationale, contre des forages chinois dans des zones revendiquées par l’Empire du Soleil Levant.
– Sortant de sa réserve, l’Indonésie démarche l’Australie pour qu’elle l’aide à « dissuader » la Chine de s’emparer de ses îles Natuna.
– Insolite, un incident grave ternit les relations avec l’Argentine, à l’autre bout du globe : en Atlantique Sud le 16 mars, un chalutier du Shandong (cf photo) est surpris par un garde-côte argentin dans ses eaux territoriales, en infraction. Des heures durant, il résiste à l’arraisonnement et tente d’enfoncer sa coque… suite à quoi le garde-côte le coule – les 32 marins chinois sont sauvés, le capitaine aux arrêts…
Autant de signes d’une crise montante entre Chine et autres nations, à propos du partage de la planète bleue, sur fond de rejet chinois des usages maritimes en vigueur.
Le temps n’est pas si loin (2005) où le Congrès américain pouvait bloquer le rachat d’une des « sept sœurs » pétrolières (Unocal) par son concurrent chinois (Sinopec). Mais les choses changent : Anbang, assurance automobile fondée en 2004 avec 60 millions de $ d’actifs, put racheter en 2015 (2 milliards de $) le Waldorf Astoria de New York, sans que nul n’y trouve à redire. En mars 2016, Anbang récidive, rachetant à Blackstone (6,5 milliards) ses Strategic Hotels & Resorts, 16 maisons de luxe d’Amérique du Nord. Le 14 mars, il contre (à 12,8 milliards) l’offre de Mariott pour le rachat de Starwoods, navire amiral de l’hôtellerie du Nouveau Monde ( Sheraton, Westin, St Regis, Ritz Carlton…)
Le 16 mars, il reçoit encore le feu vert pour reprendre pour 1,6 milliard de $, les assurances Fidelity & Garanty et US Annuities. Pour tous ces deals conclus ou sur la table, il aura dépensé 20 milliards de $.Son immense fortune est estimée à 123 milliards de $. Il possède en Corée du Sud Tongyang Life, des tours à Toronto et Vancouver, d’autres intérêts en Belgique, et en Chine, des parts dans China Merchants, ICBC et Mincheng Bank, 6 assureurs, 2 gestionnaires de fortune, un groupe de leasing, un développeur foncier… Son intérêt pour les hôtels haut de gamme s’explique facilement : à l’heure où la Chine voit son économie ralentir, les Chinois huppés voyagent de plus en plus à l’étranger. Le moment est donc idéal pour Anbang pour sécuriser ses fonds à l’étranger, dans un secteur en pleine expansion.
Wu Xiaohui, le deus-ex-machina d’Anbang, est un personnage typique du capitalisme chinois : époux d’une petite-fille de Deng Xiaoping, il a aussi des liens familiaux avec Chen Yi, co-fondateur de l’Armée populaire de Libération, ainsi qu’avec Zhu Rongji, l’ex-Premier ministre. Il est donc la quintessence de la « hong erdai », « seconde génération rouge ». Ainsi, le Gotha du capital socialiste se bat pour le privilège d’investir dans Anbang. Parmi ses partenaires figurent SAIC (les automobiles shanghaiennes), Fosun, Sinochem. En retour, il leur offre des participations dans ses achats hors frontières. En « chevalier d’industrie », il négocie lui-même ses contrats, à la tête de ses troupes—c’est le style de son pays.
Cette stratégie rappelle celle développée par Jack Ma (patron d’Alibaba) avec ses amis milliardaires pour l’achat de châteaux bordelais. Chaque château donne à l’acquéreur une « touche française », bonne pour son image, mais aussi des perspectives inaccessibles aux châtelains français : les 30 châteaux qu’ils veulent acquérir en 18 mois auront leur vin vinifié en commun, exporté vers la Chine et vendu au prix fort sous leur label.
À Chengdu (Sichuan) en 1985 naquit Chen Gang, d’une famille bourgeoise. Fils unique, il passa une enfance heureuse—mais ne brilla jamais aux études, malgré les efforts répétés de ses parents qui se relayaient pour l’aider à ses devoirs, mais rien à faire, Chen avait un poil dans la main et était plus intéressé par son apparence que par ses leçons.
Ainsi, il avait eu tôt fait de prendre de mauvaises habitudes. Chaque matin était un véritable rituel : il passait des heures devant le miroir à faire sa toilette, se coiffer, enfiler son uniforme bien repassé, lacer soigneusement ses brodequins de sport en cuir, qu’il avait longuement ciré et briqué… Invariablement, il arrivait en retard en classe, et de ce fait, ne manquait jamais de se faire remarquer en entrant dans la salle, sous les remontrances du professeur. Mais son audace et son sourire, en traversant l’espace pour gagner sa place, mettait les rieurs de son côté. Il était devenu la mascotte de sa classe !
Le week-end était synonyme de liberté pour Chen qui prenait alors plaisir à composer sa tenue selon son humeur, les saisons… Il assortissait pantalon, blazer, chemise, parfois un foulard qui lui donnait un air « langman », romantique. Il atteignait toujours le but visé : dans la rue, les filles se retournaient sur son passage et les garçons ricanaient.
En 2003, il obtint un score passable au gaokao (bac), et fit ensuite une licence de sciences éco dans une université de Chengdu, pour ressortir en 2006 diplômé sans gloire, rejoignant les cohortes de jeunes chômeurs.
En attendant qu’il trouve un emploi, ses parents et sa famille lui versaient un petit pécule – somme qu’il dépensait… en vêtements ! Ainsi, Chen, en toutes circonstances, restait l’arbitre des élégances et son style classique, légèrement bobo, lui ouvrait les portes des cercles huppés. Il menait donc vie nocturne joyeuse, négligeant de hanter les foires à l’emploi comme ses amis, et se ronger les sangs à écrire et émettre des masses de courriels avec CV sur internet…
Un soir de janvier 2010, sirotant un cocktail dans un bar à la mode, tuant le temps avec des amis, il sentit un regard insistant, de la table voisine. Lui jetant un coup d’œil courroucé, il fut étonné de la voir répondre par un sourire de miel, et plus encore, quand elle se leva pour venir le rejoindre, se présenter avec charme léger, s’asseoir à sa table sans faire le moindre cas des copains médusés.
Un peu désarçonné, Chen fut tenté de la remettre à sa place. Mais quelque chose dans son style le retint. D’une manière ou d’une autre, cette fille portait en elle un mystère… il se radoucit, et écouta Xiaohua – tel était le prénom auquel répondait la donzelle. Bientôt les copains, un rien sarcastiques, se levèrent, le laissant bavarder…
Originaire d’un hameau du Yunnan, elle devait retourner chez ses parents pour le Chunjie, nouvel an lunaire qui passait sous le signe du Tigre. A 25 ans, elle adorait son existence dans les métiers du cinéma – elle assistait aux tournages pour une maison de production de séries TV. Sa vie était un rêve, payée à imaginer des prises de vue, à réécrire à tout moment des bouts de scénario. Plus d’une fois, elle avait remplacé des actrices au pied levé, pour un bout de rôle qu’elle apprenait sur le tas.
Cette Bohème l’enchantait : pas de mari à nourrir, ni d’enfants à élever, ni de patron ni d’horaires fixes… Mais un bon salaire, et des collègues qui étaient aussi copains, et amants parfois. Elle n’avait pas encore rencontré l’homme de sa vie et ne s’en souciait guère. Xiaohua ne s’envisageait pas d’autre avenir, ne souhaitant que garder son éternel présent.
Mais voilà que ses parents, au village, se fâchaient à la longue, la sommaient de se marier !
Quand eux-mêmes s’étaient mariés, ils n’avaient eu droit qu’à une seule enfant – Xiaohua, sur laquelle ils avaient reporté toute leur affection et tous leurs espoirs. Désormais vieux, ils attendaient son soutien matériel. Et surtout, ils exigeaient un petit-fils ! C’était non-négociable, pour leur permettre d’accepter la perspective de leur disparition inéluctable : elle avait le devoir d’éviter que la fin de leur vie, et de la sienne propre, marque également la fin de la lignée.
Cela faisait trois « Chunjie » qu’ils l’assommaient de leur requête discrète, puis nerveuse, et finalement comminatoire : « ne reviens plus sans fiancé ! ». À la dernière rencontre, par lassitude, elle avait fini par promettre de se conformer à leur désir. Pire, par téléphone, elle s’était enferrée à plusieurs reprises, donnant des nouvelles d’un flirt imaginé. Or le départ, c’était pour dans 15 jours et Xiaohua était au pied du mur…
Déjà 3h du matin, le bar allait fermer ! Chen, intrigué par la personnalité de Xiaohua, s’attendait à ce que cette dernière lui propose de la raccompagner chez elle…Il tomba des nues lorsqu’elle lui dévoila la véritable raison de sa démarche : elle avait abordé Chen avec une idée derrière la tête (醉翁之意不在酒, zuìwēng zhīyì bù zài jiǔ, « celui qui boit, ne le fait pas toujours par amour de l’alcool »).
Quelle proposition allait-elle faire à Chen, qui aller changer son destin de chômeur oisif ? On le saura la semaine prochaine !
22-25 mars, Boao (Hainan), Boao Forum for Asia, Conférence annuelle : « Nouvel avenir pour l’Asie : nouvelle dynamique, nouvelle vision »
20-23 mars, Chengdu, VINITALY China, Salon du vin et des spiritueux
22-24 mars, Shanghai : DOMOTEX, CHINAFLOOR, Salon international du revêtement du sol pour Asie Pacifique et la Chine
22-24 mars, Shanghai : R + T Asia, Salon des volets déroulants, portes et portails
22-24 mars, Shanghai : INTERMODAL Asia, Salon et Conférence sur le transport naval et la logistique portuaire
23-25 mars, Pékin : CIOOE, Salon international du pétrole et du gaz offshore
23-25 mars, Pékin : CISGE, Salon international des technologies et équipements liés à l’exploitation des gaz de schiste
23-26 mars, Shanghai : IBCTF, Salon international du bâtiment et de la construction