Le Vent de la Chine Numéro 36 (XX)

du 1 au 7 novembre 2015

Editorial : Un Plenum à hue et à dia

A l’hôtel Jingxi, complexe militaire à l’Ouest de la capitale, se tenait du 26 au 29 octobre, le 5ème Plenum du Comité Central du XVIII. Congrès – un meeting lourd de conséquences devant simultanément approuver les lignes du 13ème Plan (2016-2020) (cf photo du clip vidéo en anglais au style décalé, à l’initiative de la propagande chinoise) et présélectionner les membres de chaque organe dirigeant (Comité Central, Polituburo, Comité Permanent) en 2017, pour le second quinquennat du Président Xi Jinping.

Au chapitre des promotions pressenties, on peut citer les noms de Liu Xiaokai, cadre du Guizhou, de Chen Zhirong (Hainan), Jin Zhenji (Jilin) – tous trois d’ethnies non-Han. Han Zheng, Secrétaire du Parti de Shanghai pourrait être appelé à d’autres fonctions, tout comme Huang Qifan, maire de Chongqing, suite au succès économique de sa ville. Chen Yulu, à 49 ans, passe vice-gouverneur de la Banque Centrale, Fang Xinghai, diplômé de Stanford (USA), passe n°2 à la CSRC, pour remettre en ordre la bourse, après le sévère dévissage de l’été dernier. Concernant les directions retenues d’ici 2020, on voit sans surprise une continuité avec la politique de Xi Jinping et du 1er ministre Li Keqiang depuis leur arrivée au pouvoir en 2012 : la confirmation du changement de modèle économique, du « PIB à tout prix » au durable. Priorité au maintien d’une croissance « moyenne-haute », la hausse des créations d’emplois, du revenu par habitant, l’élargissement à toute la société de la sécurité sociale et l’amélioration de la qualité alimentaire. Et ceci, malgré la crise. Chi Fulin, un des rédacteurs du plan pense que « ce quinquennat devra « faire preuve de plus de volonté pour craquer l’os de la réforme structurelle » – combattre les lobbies tel celui des « hong’er’dai », seconde génération de leaders rouges accrochés à leurs privilèges. Un but essentiel est le transfert des ressources (travail, capital, terre, technologie et management) des conglomérats d’Etat et ministères, « tours d’ivoire », vers les PME et les migrants. Un transfert qui doit se faire par le désengagement de l’Etat au profit des forces du marché. Ce but est ancien, souvent cité mais non réalisé.
Une des clés pour y parvenir, sera le développement des services, finance, éducation ou santé. Une autre sera l’environnement : le communiqué réaffirme son importance dans l’urbanisation, la nouvelle agriculture (connectée et verte), la marche vers un système national de crédits carbone, et une réorganisation des conditions d’octroi de l’eau et de l’énergie. Une évolution intéressante tient à l’affaiblissement de concepts-clés, tel celui du taux de croissance. Le Plenum a –probablement– adopté un chiffre, mais sans le publier. Néanmoins, le 23 octobre, Li Keqiang aurait cité devant l’Ecole du Parti le taux de 6,53%. C’est en dessous des 7% de l’objectif actuel, mais au-dessus des 5 à 6% souhaités par certains administrateurs, afin de mieux quitter la course au PIB pour se tourner vers celle du « nouveau normal » et du durable. Et c’est là qu’on discerne un souci de cohérence lors de l’établissement des priorités. D’ici 2020, le Parti veut à la fois calmer l’économie pour lui permettre de monter à l’échelle de valeurs, et avoir doublé le PIB de 2010 et le revenu par habitant—objectif inaccessible en cas de taux de croissance inférieur à 6,5%. 

On voit là deux lignes –une « politique traditionnelle », une plus moderne, qui ont été artificiellement fondues, au nom de l’obligatoire consensus. Elles semblent incompatibles : laquelle prévaudra ? Et si derrière chacune se trouvait un homme (Xi et Li, par exemple), lequel gagnerait ?


Défense : Mer de Chine du Sud – coup de semonce de l’US Navy

Le 13 octobre, le secrétaire à la Défense Ash Carter revendiquait de faire « naviguer l’US Navy partout où le permet la loi internationale » même en mer de Chine du Sud. Le 26 octobre, le destroyer USS Lassen réalisait cette promesse en naviguant autour de l’atoll Subi, au mépris des 12 milles d’espace exclusif revendiqué par Pékin. L’atoll est artificiel, renfloué par la Chine sans l’accord du pays riverain, les Philippines.
A peine le destroyer ressorti de la zone, le ministère chinois des Affaires étrangères déclara la traversée « illégale », et admonesta les Etats-Unis de « corriger immédiatement leur erreur ». Il avertit aussi qu’en cas de récidive, il prendrait les mesures « appropriées pour préserver sa souveraineté ». On était toutefois loin des menaces chinoises des jours passés, de « rétorsions ».
Washington répondit que cette opération servait la défense de la liberté de navigation, et ne serait pas la dernière. Comme d’autres pays, il estime que toute revendication sur la mer de Chine du Sud, doit s’appuyer sur la Convention UNCLOS des Nations Unies du droit de la mer—que la Chine refuse de reconnaître. 

Aussi, Pékin se retrouve soudain sous pression, pouvant craindre que son pari de bases sur des atolls à 2000km de ses côtes, ne soit pas reconnu par l’étranger.
Obama a bien choisi son moment pour lancer l’opération : pendant le Plenum du PCC, avec les leaders civils et militaires engagés en palabres de politique intérieure, indisponibles pour des décisions urgentes sur ce théâtre périphérique. 

En outre, tout a été fait pour doser la provocation : l’USS Lassen était seul (à l’exception peut-être de sous-marins et d’un avion en escorte), de taille « moyenne » (pas un porte-avions), et sa mission n’a duré que quelques heures.
Un autre paramètre ayant pu intervenir dans la décision d’Obama, a été le passage d’une flotte militaire chinoise début octobre en Alaska , à quelques kilomètres des côtes américaines. Cette croisière audacieuse avait fait froncer les sourcils à l’état-major de la US Navy.
Enfin, les jours suivants permirent de constater que l’irritation chinoise n’était pas trop profonde : dès le 29 octobre, les amiraux John Richardson et Wu Shengli s’expliquaient par vidéoconférence, et une visite amicale de l’amiral H. Harris à Pékin était annoncée pour cette semaine. Indice qu’entre les deux puissances, coups surprises et « coups de gueule », n’empêchent ni entente, ni coopération.


Transports : Vers l’Europe, deux nouvelles routes d’avenir

Progrès technologique et réchauffement climatique se combinent pour promettre à l’ Europe et à la Chine deux futures routes d’échanges

– Premier transporteur maritime chinois, COSCO annonce (27 octobre) une ligne régulière vers l’Europe via l’Arctique, par le passage Nord-Ouest.
L’annonce suit l’aller/ retour de son cargo Yong Sheng sur cette route en 55 jours, soit 9 jours (et 4000 km) de moins— perspective tentante. 

– Le groupe néerlandais Rabobank prédit un rebrassage des cartes pour les transports alimentaires, grâce à la ligne ferroviaire Yu’Xin’Ou, Chongqing-Duisburg (Allemagne).
Par rapport à la route maritime, cette liaison économise les deux tiers du temps—le trajet par train ne prend que 12 jours (fin 2015). 

De 2011 à 2014, 233 convois ont empruntés cette route, soit 5,4 milliards de tonnes de marchandises (jouets, ordinateurs…), pour une valeur de 6,8 milliards de $, voyageant surtout vers l’Ouest, et retournant souvent à vide.
Pourtant bon an mal an, la Chine importe d’Europe 6-7 milliards de $ de produits frais (porc, laitages, fruits, fruits de mer), volume qui augmentera de 50% sous 5 ans.
Pour l’heure, Yu’Xin’Ou coûte le double du bateau et 60% de moins que l’avion, mais baisse de 45% depuis 2011, à 0,55$/t/km. Avec de tels atouts, il devrait pouvoir reprendre une partie des 10 millions de tonnes du trafic de périssables convoyés par bateau. 

Gare Triage

Cependant, aucune de ces deux routes n’est opérationnelle. En Arctique, une étude de l’université d’York de 2015 le confirme : hormis 3 mois d’été, le passage Nord-Ouest, restera, pour des décennies encore, impraticable pour cause de gel trop élevé (2m à 4m de glace). Et de son côté, Yu’Xin’Ou ne sera ouvrable à l’alimentaire, qu’une fois équipé sur tout son parcours d’un réseau d’ entrepôts frigorifiques

Résultat, pour cause de trop de froid d’un côté, et pas assez de l’autre, ces deux routes restent pour l’instant un mirage. Notons que dans les deux cas, la partie chinoise est la plus impliquée : pas par hasard, mais en raison de son programme à long terme de redéploiement industriel mondial, dit des «  Routes de la soie ».


Diplomatie : Merkel en Chine, l’ami européen

Que la chancelière allemande et le 1er ministre chinois s’apprécient, ne fait aucun doute : pour le 8ème voyage d’ Angela Merkel en Chine, Li Keqiang l’accompagnait dans l’Anhui (sa province natale) à Hefei le 30 octobre, second jour de sa visite. Mais c’est aussi une amitié obligée : l’Allemagne est le 1er partenaire européen de la Chine, trustant 33% des échanges communautaires. 

Li conclua avec la chancelière une des plus grosses commandes pour Airbus (lesquelles se signent tantôt avec Berlin, tantôt avec Paris) : 130 appareils (100 A-320 et 30 A-330) d’une valeur catalogue de 17 milliards de $, livrables d’ici 2018. 

Sa puissance commerciale de Berlin lui permet de parler franchement avec son partenaire chinois, même sur les questions qui fâchent : Merkel n’hésita pas à aborder le litige autour du partage des droits sur la mer de Chine du Sud, conseillant à Pékin d’accepter l’arbitrage d’une Cour internationale. 

Entre les leaders, un thème s’imposa de manière inattendue : la guerre en Syrie et au Proche-Orient. Li s’avoue « préoccupé » par l’exode de réfugiés vers l’Europe et surtout l’Allemagne (un million attendus cette année). Une Europe déchirée ne servirait en rien les intérêts chinois. Merkel suggère à la Chine d’assumer sa part dans l’accueil des réfugiés—c’est une première. La presse chinoise n’en fait pas mystère, la Chine n’est pas prête à un influx de réfugiés sur son sol. Mais Pékin veut éviter à l’allié allemand une crise intérieure, pour cause d’un nombre excessif de réfugiés accueillis. Li croit à la « capacité de l’Europe » de faire face, moyennant un effort « concerté ». Il promet aux pays touchés par la guerre une « aide humanitaire pour combattre la misère et d’autres causes d’exode ». Il assure son soutien à une solution politique négociée en un « dialogue égalitaire, ouvert et inclusif » avec le dictateur Bachar Al-Assad, solution désagréable pour Berlin. La question est d’autant plus brûlante, que s’ouvrent à Vienne des palabres sur le sort de Bachar entre Etats-Unis, Russie et Iran… 

À l’Europe, Li réitère sa vieille demande d’accord de libre-échange : quelques jours après la conclusion du TPP, accord du même type entre 18 pays de la zone Pacifique, USA en tête, ce TPP excluant la Chine.
Quelques jours après, Pékin s’empressait de déclarer son souhait d’entrer au TPP, mais aussi à la Banque européenne de reconstruction et développement (BERD). C’est que ce camouflet venu d’Amérique lui fait réaliser son intérêt bien compris à l’avenir : ne pas mettre tous ses œufs dans un seul panier américain.


Politique : 5ème Plenum – Quatre réformes de fond

Le 5ème Plenum du XVIII. Congrès a été le temps d’un vaste débat interne. Xi Jinping semble vouloir réorienter la société dans les domaines les plus divers. En voici quatre : 

Une vague de réarmement moral

Une vague que He Huaihong, philosophe à l’université Beida, explique par ce paradoxe : « nos moyens matériels et militaires n’ont jamais été si forts, mais les liens spirituels et culturels entre nous, n’ont jamais été si faibles ». Dès le 12 octobre, deux directives du Politburo prétendent réintroduire la frugalité dans le quotidien des 88 millions de membres du Parti. 

Wang Qishan, chef de la campagne anticorruption le rappelle, les membres doivent s’inspirer des « vertus de la Chine antique », sous peine de risquer l’exclusion. 

Dès le 1er janvier 2016, ils doivent cesser toute critique de l’action publique ; renoncer à tout passeport ou résidence étrangers ; s’abstenir de fréquenter clubs de quartier, association d’anciens élèves, amicales de régiment et autres « cliques ». 

Haro aussi sur tout privilège de complaisance, banquets luxurieux, relations sexuelles inappropriées, cartes d’achat prépayées, de clubs privés, de golf même…

C’est un Comité Central de 205 membres, renouvelé de plus de moitié qui a siégé, suite aux frappes de la campagne anticorruption, dont 7 exclus, 16 rétrogradés et 81 promus. 

C’est dire que ce thème des « mains propres » prend une importance capitale dans la vie des cadres, capable de briser leur carrière voire leur liberté. Au total, depuis 2012, 18 membres ont été limogés, sur les 376 membres et suppléants. 

Wang Qishan a fait connaître le prochain secteur ciblé : la 31 des plus grosses maisons financières, banques, compagnies d’investissement, commissions tutélaires ou maisons de courtage. Après le quasi-crash de l’été, et la ruine encourue de millions de petits agioteurs, c’était à prévoir. Déjà Zhang Yujun, vice-président de la CSRC, est sous enquête, et Chen Hongqiao, président des courtages Guosen (Shenzhen), qui était inquiété, vient d’être retrouvé chez lui, pendu. 

Une autre initiative est l’achèvement pour 2020 du système de crédit social. D’ici là, chacun recevra en fonction de son comportement, une « note morale » qui pourrait conditionner bien des choses dans sa vie financière comme sociale. 

Pauvreté, urbanisation, hukou…

D’ici 2020, la pauvreté doit être éradiquée. Elle concerne encore 70 millions de Chinois, vivant avec moins de 2300¥/an. Un des moyens envisagé est l’urbanisation (100 millions de migrants doivent s’installer en ville, soit 7,6% de la population), assortie de l’élimination du hukou (户口), permis de résidence discriminatoire. 

Suite à une ordonnance nationale tout juste publiée, les villes seront tenues d’ouvrir aux enfants des migrants leurs écoles, et à leurs familles, leurs hôpitaux aux mêmes conditions que les citadins. 

Une dizaine de prestations sociales seront accessibles après un certain temps de résidence (tel six mois), aux migrants justifiant d’un emploi, d’une adresse et du paiement des impôts locaux. Plus la ville est grande, plus les conditions seront strictes—l’Etat voulant plafonner la croissance des métropoles. 

Vus les coûts énormes impliqués par l’intégration de centaines de millions de migrants, ce retrait du hukou risque de prendra plus que les 5 ans espérées par le Conseil d’Etat d’ici 2020. Mais le profit à en attendre, en emplois créés et en consommation, représenterait 2% du PIB ce qui, par ces temps de récession, vaut tous les sacrifices, argumente le sociologue shanghaïen Qu Xiaobo. 

La réforme de l’armée

Vu la liaison fusionnelle entre Parti et Armée, la réforme de la défense ne pouvait qu’occuper une place forte au Plenum. Elle est la plus concrète, mais aussi la plus secrète des changements programmés. 

Xi Jinping déclarait le mois dernier que le régime avait à présent « une rare fenêtre d’opportunité » pour cette réforme, après avoir fait destituer deux grands patrons de l’état-major et 50 généraux, rétablissant ainsi l’autorité du pouvoir civil. Le plan vise un commandement unifié « à l’américaine », supprimant le cloisonnement entre états-majors (terre-air-mer et balistique), et intégrant tous les services de guerre cybernétique (télécoms, hacking…) Il réduirait à quatre les sept actuelles régions militaires. Il libérera 300.000 soldats, dont 70% de sous-officiers. 

Cette armée modernisée, dotée de moyens d’intervention rapide, viserait la capacité de reprendre Taiwan d’ici 2020, tout en dissuadant les Etats-Unis de venir au secours de leur allié. 

Question essentielle : qui sera le général en chef de cette armée modernisée de 2 millions d’hommes, au poste de vice-Président de la CMC en 2017, pour la seconde législature de Xi Jinping ? Liu Yuan, fils de Liu Shaoqi semblait bien parti, distingué par son travail de purge anticorruption. Mais finalement, Zhang Youxia, patron du département de l’armement, est pressenti pour emporter le poste, avec la confiance de l’homme fort du pays.

L’agonie du Planning familial

Famille Deux EnfantsLa décision phare de ce Plenum, aura été sans aucun doute celle de mettre fin à la politique de l’enfant unique, après 35 ans. Désormais, le quota passe à 2 héritiers par couple—marié bien sûr. Le but est d’éviter que la proportion de sexagénaires, aujourd’hui de 10% de la population, ne passe à plus de 30% d’ici 2050, mettant un frein brutal à la croissance, chaque jeune actif devant financer la retraite de quatre vieillards. 

La nouvelle est bien accueillie tant par l’opinion que par les fabricants de jouets, couches, lait maternisé… Néanmoins, elle a un goût d’amertume pour les quelques millions de parents ayant perdu leur enfant unique, mais trop âgés pour en concevoir un autre. Et pour la pyramide des âges, le mal est déjà fait.

D’autres notent que le planning familial est (encore une fois) assoupli mais toujours non abrogé. Se posera entre autres le problème de la réaffectation des 6 millions de cadres qui assuraient la « police des berceaux ». Autre souci en perspective, le manque à gagner pour ces milliers de bourgades qui vivaient de la taxe sur les enfants illégaux -10 milliards de $ cette année. 

Au fait, y aura-t-il une « revanche des berceaux » suite à l’assouplissement de la loi ? La presse officielle calcule « 8 millions de naissances de plus  en 5 ans ». Mais un démographe fixe plus raisonnablement le bilan à 2,1 millions, du fait qu’en ville, le 2ème enfant n’a plus la cote pour des raisons financières, auprès des enfants uniques devenus parents. En somme, la décision du Comité Central ne devrait pas changer grand-chose au tableau économique et démographique d’avenir chinois. 

Autre résultat du planning que la nouvelle règle ne changera pas : le déficit en filles, suite aux avortements sélectifs. D’ici 2020, il en manquerait 30 millions, condamnant autant de garçons au célibat forcé. Ces « branches mortes » (光棍, guānggùn) ont même leur fête en Chine, le 11 novembre. À leur attention, l’économiste Xie Zuoshi imagine d’autoriser dans les régions pauvres, un « mariage à trois », deux hommes pour une épouse. La proposition a suscité des passions sur internet. Elle témoigne du ferment agitant cette société en pleine ébullition, prête à prendre des risques d’innovation dans ses manières de vivre, au nom de son mieux-être.


Petit Peuple : Guandu (Yunnan) – l’argent perdu de la jeune Xu (1ère partie)

Sous une brise de février 1953, en tenue coquette mais discrète, Xu Zhanhua (nom d’emprunt), paysanne de 24 ans se rendait à Guandu (Yunnan), chef-lieu du district, près de Kunming. En son cabas, elle apportait 5 douzaines de taëls, monnaie d’argent massif de l’ancien régime dotée d’un carré évidé en son centre.

Ce magot dormait dans la famille depuis des générations. Ses ancêtres l’avaient toujours cachée sans rien dire, pour des jours de disette.
Une telle prudence à présent portait ses fruits : en vivant simplement du lait de ses chèvres, de ses légumes et riz, la famille avait évité les persécutions réservées aux riches. En effet, ils n’étaient pas propriétaires terriens, pourchassés par la révolution qui déferlait en quête de fortunes à débusquer.
Classés « paysans pauvres », Zhanhua et les siens n’avaient été ni dépossédés, ni livrés à la vindicte des masses comme « ennemis du peuple ».
Zhanhua soutenait la révolution, qui demain apporterait équité et prospérité à la nation. Aussi participait-elle ardemment à tous les rassemblements, dans l’attente de recevoir l’honneur de sa vie : la carte de membre du Parti. 

Aujourd’hui, Zhanhua se rendait donc à la banque populaire. C’était sur le conseil du secrétaire du Parti, qu’elle était venue voir un soir à la permanence, avec un lourd secret à lui confier, et un précieux conseil à demander. C’était un peu risqué, mais l’homme était notoirement honnête, et d’une famille alliée de longue date à la sienne—donc l’homme idéal pour l’aider.
La question était simple : en cette période dangereuse, en pleine transition vers une société sans classe ni argent, que fallait-il faire de l’héritage secret ? 

Spontanément, elle avait proposé de le remettre au peuple en réunion publique… « Surtout pas ! », s’était écrié le secrétaire, « la Révolution ne dépouille pas le peuple ».
Puis discrètement, il lui avait fait comprendre que cette idée eût pu les perdre, elle et les siens : si quelque quidam s’avisait alors d’insinuer que l’argent avait été gagné de façon malhonnête, capitaliste, c’en était fait d’eux ! Zhanhua sentit de suite la justesse du propos…
Mais il était d’autant plus urgent de se débarrasser du trésor qui brûlait au fond de son coffre : imaginez, si elle était dénoncée et si la milice populaire découvrait le magot planqué, ils finiraient dépossédés, ou pire ! Alors, le secrétaire avait trouvé une solution élégante : aller trouver le directeur de la banque, qu’il connaissait bien, et déposer le pécule, selon les lois du socialisme. Ainsi, l’argent fructifierait en sécurité, et sa famille en tirerait la discrète réputation d’ardents défenseurs de la révolution. 

C’est pourquoi Zhanhua se rendait à présent à la Banque de Guandu – humble édifice crépi de blanc délavé, dont seul le porche avec ses deux petites colonnes de style grec, apportait la légitimité sérieuse d’un temple du numéraire. Au bureau directorial, le secrétaire du Parti et le chef de l’agence la félicitèrent pour sa décision. 

Sortant un peu plus tard, le cabas vide, Zhanhua était titulaire d’un titre festonné, tamponné de rouge par l’autorité financière, à son nom, annonçant le dépôt de 50.000 ¥.
A dire vrai, les pièces de métal précieux qu’elle avait extraites du sac de soie aux broderies fanées, et faites tinter sur le bureau, valaient bien plus que ça. Mais il n’avait pas été question de taux de change : le banquier ne pouvait pas donner plus que cette obligation, celle au montant maximal autorisé.
« Au fond, se dit Xu, c’était un bon compromis ». Au taux d’intérêt inscrit de 0,6%, elle et les siens toucheraient quand même 300 yuans par an, de quoi vivre très largement, à l’époque. 

Ce qu’aucun des trois (sauf le banquier peut-être) ne pouvait prévoir, était le résultat financier inévitable d’une époque folle, où les militants passaient plus de temps en meetings qu’au travail, et où le profit privé était devenu le pire péché de la Terre. Percluse de gaspillage, dirigée par des zélotes « rouges » plutôt que par des « experts », la finance publique courait à l’hyperinflation incontrôlable.

De la sorte, deux ans après son dépôt, Zhanhua et son mari (car elle s’était mariée entretemps) livraient leur grain à la commune contre des brouettées de billets de banque plus lourdes que le riz-même. Et une belle nuit de 1955, la banque nationale dévalua de 10.000 contre un. Le lendemain matin au guichet, Zhanhua put constater que son titre si précieusement imprimé, valait désormais 5 « monnaies du peuple » (5 RMB). 

Cela aurait pu être vécu comme un drame. La jeune Xu pourtant, ne fit qu’en rire : elle avait 26 ans, elle était belle, et la révolution restait une merveilleuse aventure. La vie était faite pour être vécue, pas pour thésauriser.
Au fond, dit le proverbe, « toute fortune cache du désastre, et vice versa » (祸兮福所倚,福兮祸所伏—huò xī fú suǒ yǐ,fú xī huò suǒ fú ).
Certainement à l’avenir, le cours du renminbi allait remonter, c’était le camarade banquier qui le disait. Aussi, c’est sans état d’âme que Zhanhua conserva dans la malle de famille, son joli titre de propriété.

Comment va se poursuivre la vie de la jeune fermière, et qu’adviendra-t-il de son patrimoine ? Attendez un numéro, pour le savoir !


Rendez-vous : Semaine du 2 au 8 novembre 2015
Semaine du 2 au 8 novembre 2015

3-5 novembre, Shanghai : OI, Oceanology International China, Forum international de l’offshore et des industries maritimes

3-7 novembre, Shanghai : CIIF, Foire industrielle internationale de Shanghai

3-7 novembre, Shanghai : Factory Automation Asia, IAS, Salon de l’automatisation des usines et des procédés

3-7 novembre, Shanghai : Salon de la machine-outil

Angva4-6 novembre, Chengdu : ANGVA, Exposition et Conférence consacrées au gaz naturel pour véhicules

4-6 novembre, Shanghai : BIL, Salon des nouveaux matériaux pour la construction

4-6 novembre, Shanghai : GBC, Green building China, Salon de la construction durable

4-6 novembre, Shanghai : TIM Expo Shanghai, Salon de l’isolation thermique et technologies liées à l’économie d’énergie

Upad4-6 novembre, Shanghai : UPAD, Salon mondial de l’architecture et de l’urbanisme

Wco World Ocean Congress

6-8 novembre, Qingdao : WCO, Salon mondial et Congrès des ressources des océans

6-8 novembre, Shanghai : Shanghai Int’l Money Fair, Rendez-vous annuel de l’industrie chinoise de la finance 

6-9 novembre, Pékin : Best Wine China, Salon international de l’industrie du vin

7-11 novembre, Fuzhou : CATF, Salon chinois de l’agriculture


Rendez-vous : Programme de la 2ème visite du Président François Hollande (2 & 3 novembre 2015)
Programme de la 2ème visite du Président François Hollande (2 & 3 novembre 2015)

Francois Hollande Xi JinpingLundi 2 novembre 2015

Arrivée à Chongqing 

Visite de l’entreprise franco-chinoise de Tangjiaoto de traitement des eaux usées, accompagné de M. Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement, et de M. Li Zuwei, président de Chongqing Water Asset management.

Entretien de François Hollande, avec Sun Zhengcai, Secrétaire du Parti de Chongqing et membre du Bureau Politique.

Arrivée à Pékin 

Accueil par le Président Xi Jinping, au Grand Palais du peuple, suivi d’un entretien et de la cérémonie de signature d’accords.

Banquet officiel offert au Grand Palais du peuple.

Mardi 3 novembre 2015

Petit-déjeuner avec les membres du China Entrepreneur Club.

Sommet franco-chinois Economie & Climat organisé par le Comité France Chine avec le NCSC de la Commission du développement national et de la réforme, à la résidence d’Etat de Diaoyutai, et conclusions suivies d’un discours du 1er Ministre Li Keqiang, et de François Hollande.

Entretien de François Hollande,avec Zhang Dejiang, Président de l’Assemblée Nationale Populaire au Grand Palais du peuple.

Réception offerte par François Hollande, à la communauté française de Pékin à la résidence de l’Ambassade de France. 

Départ pour Séoul (Corée du Sud)