Le Vent de la Chine Numéro 22 (XX)
Le 1er juin à 21h31, sur le Yangtzé, l’Étoile de l’Est (Dongfengzhixing), chavira à Jianli (Hubei) avec 456 personnes, dont bon nombre de retraités : par tempête, il cherchait la moindre prise au vent, quand une rafale à 120km/h le retourna en deux minutes, sans lui laisser même le temps d’émettre de SOS.
Hélas durant les 3 jours suivants, craignant de causer la mort de centaines de naufragés réfugiés dans des « bulles » d’air derrière la coque, les sauveteurs se montrèrent attentistes, en dépit de puissants moyens (15 navires, 3200 marins et plongeurs)… Ce n’est que le 4 juin au soir que Xi Jinping choqué par l’immobilisme, fit donner l’ordre que les responsables attendaient : éventrer la coque, la redresser à l’aide de grues (cf photo). Mais c’était bien trop tard, après que tout oxygène eût été épuisé, toute vie éteinte : il n’y eut donc que 14 survivants et (au 7 juin) 406 corps retirés. Quant aux familles, elles durent affronter des cadres d’abord trop silencieux puis qui refusèrent , « au nom du règlement » de rendre les corps pour des inhumations privées. Tant d’insensibilité, et de ce qu’il faut bien nommer passivité (même si l’orage se poursuivant, n’aida en rien les opérations), laisse dans l’opinion une trace peu positive.
La nuit du 3 juin, fut celle du souvenir du drame de Tian An Men, 26 ans plus tôt. Depuis, l’Etat, an après an, a su imposer le silence. Les ex-adolescents qui furent témoins de l’époque, ont accepté d’occulter leurs souvenirs, même devant leurs enfants. Seules militent les inoffensives « mères de Tian An Men » ayant perdu leur enfant cette nuit-là. A une exception près : depuis leurs universités des Etats-Unis, un groupe d’étudiants expatriés réclame la fin de l’omerta sur cette page sombre de leur histoire. Puis Global Times, filiale du Quotidien du Peuple, se fend d’un édito pour défendre la répression de l’époque : on ne sait comment interpréter cette curieuse réaction, mais le fait est qu’ici, l’organe officiel, par inconscience ou volonté supérieure, rompt le silence sur le sujet tabou.
Trois projets législatifs et financiers attirent l’attention cette semaine :
– La SAFE, le ministère des Finances et la Banque Centrale veulent ouvrir l’investissement des particuliers vers l’étranger, un pas vers la liberté de circulation du capital. Ceux qui disposent d’un million de yuans, pourront en exporter librement 50%. L’Etat, ainsi, veut renforcer les chances du yuan d’entrer cette année au panier de devises du FMI , des « Droits de Tirage Spéciaux ».
– le Conseil d’Etat admet que son projet PPP de capitaux mixtes publics/privés pour 1043 chantiers nationaux, n’attire pas les foules : les garanties sont trop faibles. Aussi, seuls 10% des projets sont couverts : d’autres mesures incitatives sont en préparation.
– Les 6000 ONG étrangères s’inquiètent du projet de loi en préparation pour les encadrer : dans son état actuel, le texte aboutirait à la fermeture de bon nombre d’entre elles, faute de trouver une administration qui ose assumer leur parrainage. Et les rares ONG qui recevraient l’agrément, se trouveraient muselées et menacées de prison et d’amendes pour leur personnel. Aussi tout l’étranger se mobilise, gouvernements, ONG et Chambres de commerce, pour multiplier les avis tant qu’il est temps, dans la période de consultation légale sur ce projet, et faire pression pour des améliorations : un texte isolant la Chine de ses propres amis, comporterait un risque fort de faire plus de mal que de bien.
Après Gu Kailai (peine de mort avec sursis en août 2012), Wang Lijun (15 ans de prison en septembre 2012), Bo Xilai (perpétuité en septembre 2013, procès ouvert au public), c’est la fin d’une saga avec la condamnation à perpétuité de Zhou Yongkang, 72 ans, ancien patron de toutes les polices de Chine. L’audience a été ouverte le 22 au Tribunal Populaire Intermédiaire n°1 de Tianjin, mais le verdict n’a été rendu public par la presse officielle que le 11 juin 2015.
« Zhou Yongkang a été condamné pour avoir accepté des pots-de-vin à hauteur de 130 millions de yuans, abus de pouvoir et divulgation de secrets d’État », selon Xinhua. L’ex-membre du Comité Permanent a plaidé « coupable » et ne pas fera pas appel de la décision des juges.
Lire notre analyse dans le numéro du Vent de la Chine (n°23) !
Le 26 mai, un Sud-coréen de 44 ans, prit le vol OZ723, Séoul-Hong Kong, puis le bus pour Huizhou (Canton). Depuis le 21 mai, il souffrait de fièvre et de sueurs, mais avait décidé de faire fi de son mal et de prendre l’avion. Les caméras thermiques de trois points de passage-frontière d’Asie, n’avaient rien détecté. Le 29 mai, il se présenta à l’hôpital, avec 39,5°C. Peu après, il était détecté le 1er cas de « MERS », syndrome respiratoire du Moyen-Orient, un coronavirus détecté en 2012, plus meurtrier ( 465 décès mondiaux sur 1142 cas, soit 40,7% de taux de mortalité) que le SARS.
La réponse des services de santé fut fulgurante. Quatre heures après confirmation par Séoul que la Corée abritait bien une épidémie de MERS (17 cas recensés), Hong Kong localisait tous les autres passagers du vol, et la Chine retrouvait en 4h le premier des 77 voyageurs du bus (en 48h, 67 étaient isolés). Le 2 juin, la Commission Nationale de Santé et du Planning diffusait dans tous les hôpitaux un manuel de soins du syndrome. A Huizhou, 54 infirmières choisies par loterie (vu l’excès de candidates, selon la presse, voire vu leur rareté, prétend l’internet) se relaient autour du patient coréen sous respirateur. D’après l’OMS, la durée du cycle du MERS est de 12 jours, contre 21 pour le SARS.
La Chine s’est donc mise en alerte, sans anxiété. Depuis la 1ère vague de SARS en décembre-février 2003, elle a appris et a eu le temps de se préparer.
Après cette épidémie, avait suivi celle de la grippe aviaire H5N1 en 2005, puis en 2009, et du H7N9 en 2013. En 2003, le pays démuni, sous un ministre de la Santé incompétent (l’ex-infirmier personnel de Jiang Zemin) avait traité le mal par la censure et le déni durant deux mois, lui permettant ainsi de migrer sans obstacle de Canton à Hong Kong, au Canada et à Pékin.
Depuis, des efforts financiers ont été faits (200 millions de $ sur le champ, et bien plus les années suivantes) pour créer, à travers les 31 provinces, quatre niveaux de « CDC », appareil de prévention épidémiologique de niveau mondial. Le même effort a été fait pour séparer l’idéologie (l’image nationale) de la santé, et renforcer la coopération avec les nations et l’OMS. De cette modernisation lucide, la Chine récolte les fruits aujourd’hui.
Le conflit maritime qui couvait depuis des années entre Pékin et les Etats-Unis a soudain explosé à Singapour au sommet « Shangri-La » de sécurité de la zone Pacifique, les 30-31 mai.
Ashton Carter, Secrétaire d’Etat à la Défense, reprocha à la Chine d’occuper depuis 2014 neuf atolls en mer de Chine du Sud, d’y installer deux aéroports – capables de recevoir des chasseurs bombardiers—et plusieurs batteries de canons mobiles.
Dénonçant ces actes « non conformes au droit international », il déclara que ces travaux lourds ne conféraient nulle souveraineté à la Chine sur cette mer et que les USA prendraient « toutes mesures nécessaires pour défendre la liberté de navigation et de survol de la zone ». C’est la déclaration d’intention la plus forte de Washington depuis que la Chine s’est lancée dans son expansion en mer à 2000km de chez elle. Cette déclaration signifie que Washington réagira à toute tentative par Pékin pour faire régner sa loi sur cette mer –et que Pékin risque de ne rien pouvoir faire de cet investissement en milliards de yuans.
En même temps, Carter annonçait une « initiative sécuritaire maritime » pour les pays riverains : 425 millions de $ en équipements paramilitaires « made in USA ». Après Singapour, Carter poursuivait sur Hanoi, où il signait le 1er chèque : 18 millions pour un achat de garde-côtes.
Le lendemain dans sa réponse, l’amiral Sun Jianguo, chef d’Etat-major, ne mâcha pas plus ses mots : la mer de Chine est possession chinoise « indiscutable ». « Licite et raisonnable », le chantier « améliore la fonctionnalité des îles, le travail et le confort du personnel », à mieux servir la communauté internationale en secours d’urgence et intervention après catastrophes. Il servirait la recherche scientifique, la météo, l’environnement, la sûreté maritime voire la gestion de la pêche.
Brandissant le bâton après la carotte, Sun envisageait aussi une Zone d’Identification de Défense Aérienne (ADIZ), pour forcer tout avion ou navire à se signaler à son entrée : la décision dépendrait « du degré de menace à notre sécurité aérienne et navale ».
En même temps, pas par hasard, le croiseur USS Shiloh (cf photo) mouilla aux Philippines à Subic Bay : une première, pour un bâtiment de la US Navy depuis 1991, laquelle y avait une base jusqu’alors. Manille qui, 24 ans plus tôt, l’avait fait partir, l’invitait à revenir !
Le Shiloh annonçait qu’il partirait pour une patrouille en escadre, avec destroyer et sous-marins, sans doute dans ces eaux objet du litige. En somme, tous les éléments étaient réunis pour une épreuve de force.
Avant le sommet Shangri-La, Pékin avait tenté de désamorcer l’offensive américaine. Le 27 mai, il publiait son « Livre blanc » de défense maritime . Le 26 mai, il inaugurait deux phares sur les atolls, précisant qu’ils ne servaient qu’au bien-être de l’Asie. Le 28 mai, il protestait quand un Poséidon de l’US Air-force survolait la zone à 12 milles des îles occupées. Par suite, il menaçait d’annuler la visite américaine de Xi Jinping en septembre .
Dès avril, la Chine tentait de restaurer les relations avec le Japon, mauvaises depuis plusieurs années : Li Keqiang recevait une délégation japonaise le 14 avril, puis Xi recevait le 24 mai, à un banquet, 3000 visiteurs nippons, et les pays espéraient signer un genre de téléphone rouge entre militaires, en cas de tension autour des îles Diaoyu-Senkaku, possédées par le Japon mais réclamées par la Chine.
Une même « opération sourire » avait lieu vers le Vietnam, autre pays aux relations dégradées. Une délégation de Hanoi visitait Pékin (7-10 avril) afin de « rebâtir les liens », et Xi évoquait un « besoin mutuel » d’une nouvelle approche, pour « gérer et contrôler ensemble les conflits en mer ».
Comment ont réagi, lors du sommet Shangri-La, les représentants des autres nations, face à la joute des titans?
Lee Hsien Loong, 1er ministre de Singapour, se faisait l’interprète des Etats de l’ASEAN, disant qu’ils souhaitaient ne pas être forcés à prendre parti.
Le Vietnam par contre, non sans subtilité, invite (le 6 juin) 180 citoyens à une croisière payante, sur deux des atolls contestés par Pékin.
Kevin Andrews, ministre australien de la Défense, adjurait les riverains de signer d’urgence un code de conduite de la mer du sud.
La Russie disait discrètement qu’elle « se joindrait à des manœuvres maritimes multinationales » (chinoises) en mai 2016.
Au Shangri-La, un observateur fit cette remarque instructive : pour l’instant, Etats-Unis et Chine ont soigneusement gardé le flou sur leurs intentions.
Que veut au juste la Chine, en prenant ces îles ? Et quelle « ligne rouge » la Maison Blanche ne veut pas lui voir franchir, sous peine de lancer ses contre-mesures militaires ? Mettant la pression sur chacun, la nouvelle donne, va peut être forcer USA et Chine à sortir leurs cartes
Partout à travers la Chine, presque avec les mêmes sujets, le Gaokao, 高考, baccalauréat chinois, se déroulait les 6-7 juin. Le Gaokao, c’est le pic de 9 années d’efforts, où se décide l’avenir du jeune. Pour sa réussite, les parents dépensent sans compter : 38% des foyers versent 500 à 2000¥ par mois en cours particuliers, voire 10.000¥ par mois pour des écoles du soir ou du week-end.. Tandis que d’autres, des millions de ¥ pour un appartement assurant légalement une place dans la meilleure école.
La pression est intense : à Guilin (Guangxi), les ados bachotent sous des slogans tels : « étudie jusqu’à tes derniers jours, tant que tu ne te tues pas aux études » (只要学不死 就 往死里学).À Hengshui (Hebei), le collège posa des grilles aux étages pour stopper une vague de suicides. À Maotanchang (Anhui), à minuit le 1er juin, des dizaines de parents se pressèrent près d’un arbre-Dieu antique, pour être les premiers à déposer leur bâton d’encens. Résultat (pas si propice qu’ils l’espéraient), malgré les efforts des policiers pour le sauver, l’arbre fut carbonisé.
Depuis 2012, la société ayant franchi le pic démographique, le nombre des jeunes baisse chaque année. La promo 2015 compte 9 millions de candidats, contre 9,39 millions en 2014. Les chances de réussite sont autour de 70%, taux plus élevé dans les grandes villes, et variant selon les provinces. Mais ce qui compte n’est pas tant de l’obtenir mais d’accéder à une des meilleures universités, parmi les 1000 du pays, celle dont le diplôme assure un emploi. Ainsi, les jeunes ruraux, qui représentaient dans les années ’80 la moitié des étudiants de Tsinghua, l’université d’élite, n’étaient plus que 17% en 2014.
L’autre porte étroite attend les jeunes en fin d’études : sur 7,49 millions de néo-diplômés en juillet, 6,3% déclarent vouloir créer leur emploi – chiffre en hausse, chez des jeunes découragés d’avance par le marathon pour trouver une place. Parmi les 71,2% qui continuent à rechercher un poste, 48,8% même natifs de Pékin ou de Shanghai, veulent bien partir pour les capitales provinciales où les chances sont meilleures.
Or ces dernières années croît à grande vitesse une solution, permettant d’échapper au stress du système et à sa faible attractivité auprès des employeurs : la fuite à l’étranger.
Dès mai, des centaines de milliers de parents aisés campent aux portes des agences pour retenir une place de « stage vacances études » au Canada, en Australie, aux Etats-Unis ou en Europe, moyennant 2000 à 8000$ (hors avion). Ils seront 500.000 cet été, contre 350.000 12 mois plus tôt.
Ces stages préludent aux études hors-frontières. Aux USA en 2014, ils étaient 274.439 (+16%), et 700.000-800.000 dans le monde. Ces études assurent un diplôme pour retourner au pays, ou choisir de s’installer hors frontières – c’est le cas d’1 jeune sur 3 en Europe, 1 sur 2 aux USA. Surtout pour les centaines de milliers qui partent tôt, dès le lycée ou collège.
Cet exode scolaire, les leaders ne peuvent que l’encadrer, pas l’interdire (ils sont les premiers à y recourir, pour leurs propres enfants).
Ces dernières années, ils militent pour voir reconnaître le Gaokao à l’étranger comme critère d’admission directe aux universités. La plupart des pays ne disent pas non : 60 universités australiennes enrôlent déjà, moyennant un certain score au Gaokao. D’autres, aux USA et en Europe (dont la France), acceptent un Gaokao assorti d’un entretien préliminaire. Cette ouverture pourrait permettre aux parents visant les Etats-Unis de faire l’économie du test linguistique SAT, et de l’année de préparation (souvent, aux USA-mêmes) qui s’y rattache. Et dans ce dossier pédagogique, se glisse la politique : découvrant au programme du SAT l’étude obligatoire des droits civils, tels qu’inscrits à la Constitution américaine, les cadres les plus sectaires dénoncent le test comme « idéologiquement dangereux » pour leurs chères têtes brunes…
L’Etat, enfin, se préoccupe « lentement » de réformer son Gaokao pour l’adapter à la demande des jeunes, et du marché. En décembre, une directive aux universités leur impose de pondérer le score du jeune au Gaokao par sa moyenne annuelle, et par d’autres performances en sport, en art, et en « attitude morale ».
Prévu pour démarrer à la rentrée de septembre à Pékin, un autre projet-pilote va bien plus loin : dans le quartier de Dongcheng (5 millions d’habitants), 100 écoles et lycées interconnectés ouvrent mutuellement leurs cours. Une journée par semaine (20% des études), les jeunes de tous niveaux peuvent choisir leurs options, y compris la musique ou les sciences de la vie. Les résultats notés compteront pour le Gaokao. En cas de succès, le système inspiré d’un modèle britannique, sera élargi au pays.
Ainsi, la Chine se dirige vers un univers pédagogique qui lui est inconnu, incluant contrôle continu, options, avec un accent sur les arts, le sport : le ministère fait preuve de courage (d’absence d’a priori) et le pouvoir au sommet, de lucidité. Il est vrai que c’est une de ses chances d’espérer combler un jour son retard face à l’Occident.
Du 2 au 5 juin à Qingdao, Plaimont, groupement de viticulteurs du Gers au pied des Pyrénées, fêtait avec Liangyatai (LYT), pôle agro-industriel du Shandong, leurs 10 ans de JV.
18 vignerons et cadres gersois accompagnés de leur sénateur Franck Montaugé, étaient venus faire le bilan de cette décennie de coopération.
24 heures passées parmi ces délégations suffisent pour voir l’océan de différences entre ces sociétés à commencer par leurs tailles : LYT salarie 2000 personnes et Plaimont 180.
La coopérative du Sud-Ouest ne produit que son vin, tandis que LYT, très diversifié, réalise 3 milliards de ¥ de chiffre d’affaires. Son produit le plus proche est la distillation d’alcool, (cf photo), en plus de ses divisions « phytosanitaire », « brasserie », agriculture « bio » et immobilier.
Pour autant, cette visite impeccablement organisée par l’hôte du Shandong, vit s’exprimer des deux côtés des sentiments assez rares et indiscutablement sincères : la confiance, et le plaisir d’être ensemble.
La raison est simple : Qingdao-Gascogne, la JV réussit. LYT s’apprête à vendre cette année 500.000 bouteilles de vin de Pacherenc, Saint Mont ou Madiran (et autres). C’est l’équivalent de 15% du marché de Qingdao (9 millions d’habitants). Or LYT, au Shandong, affronte Huadong, concurrent local géant , et en ce pays, 80% du marché du vin est trusté par la production locale.
C’est quasi par hasard que ce mariage s’est fait, en 2005. Visant le marché chinois, Plaimont négociait avec Wuliangye, le n°2 national qui s’était d’abord montré demandeur, avant de couper court, estimant (à tort, comme l’avenir devait le démontrer) que le vin ne « percerait » jamais en ce pays acquis aux alcools forts. Alors, Plaimont s’était rabattu sur ce groupe du Shandong, plus petit, mais solide, et fermement décidé à s’assurer une source fiable de vin français de qualité.
La JV fut donc conclue, à 60% de financement chinois et 40% français. LYT a fourni des locaux : un entrepôt de stockage, un hall d’exposition, une salle de réception et des bureaux modernes pour la vingtaine de membre de personnel, en sus duquel officient, en prospection, 250 vendeurs de LYT.
Li Yueming, le Président du groupe voit dans cette JV la promesse d’une croissance rapide : d’ici 2025, Qingdao-Gascogne « a le potentiel de décupler les ventes, à 5 millions de bouteilles ». Olivier Bourdet-Pees, Directeur général de Plaimont y croit aussi, « à condition d’étendre le territoire des ventes hors du Shandong ».
Li Yueming croit même que les ventes de vin, atteignant aujourd’hui 100 millions de yuans, sont vouées à dépasser en Chine celles d’alcool blanc, huit fois supérieures. Car l’alcool en Chine voit se terminer son âge d’or, étant de plus en plus associé en image à la corruption, peu en odeur de sainteté ces temps-ci. Il passe aussi pour moins propice à la santé que le vin rouge dont les tanins consommés à dose raisonnable, entretiennent le circuit sanguin et préviennent les maladies cardio-vasculaires.
Autre atout : face au vin local, le nectar français passe pour plus pur, non trafiqué. Cerise sur le gâteau, les vins de Plaimont développent des arômes originaux par rapport au Bordeaux – LA référence : une différentiation, à laquelle les Chinois deviennent sensibles à mesure que leurs palais se développent. Ils y trouvent aussi des prix intermédiaires, plus adaptés au « nouveau normal » d’un marché moins dépensier qu’hier.
L’événement de Qindgao a permis à un nouveau projet d’émerger : Liangyatai et Plaimont préparent une nouvelle JV en France, où le Chinois acquerra 40% d’un château sur l’appellation de Saint Mont *. Aidé par son partenaire gersois, le Chinois s’établira en ces murs chargés de siècles, pour y assurer la formation de ses cadres, y faire venir ses clients et des touristes chinois pour une découverte « in situ » des cépages et des crus de la JV.
En fin de compte, cette entreprise mixte très originale, a su se maintenir durant 10 ans, en raison de l’intérêt de chaque partie – la française devant exporter pour survivre et la chinoise, compléter son offre d’alcool, voire la remplacer par un vin de haute qualité à prix abordable.
Remarque finale : en dix ans, on lit chez Plaimont comme Liangyatai une progression des produits, au plan technologique et commercial.
Deux fois l’an, un des cadres de la partie française – Denis Degache (l’ex-maître de chais fondateur du groupe Dragon Seal en Chine, il y a 25 ans) se rend en tournée chinoise, avec son équipe, exprimant ainsi en permanence la volonté du groupe de garder ave LYT un contact étroit.
Or chez ces groupes, cette évolution de la mentalité internationale n’est pas un phénomène de la capitale, mais de la province, et d’un tissu social rural : en Chine comme en France, les campagnes aussi se développent et créent leur avenir – l’une par l’autre !
* cf l’ouvrage de Laurence Lemaire « Le Vin, le Rouge, la Chine ou le vin de Bordeaux et de France et les Chinois« . 107 châteaux à Bordeaux et 3 châteaux en France achetés par les Chinois. http://www.levinlerougelachine.com
La réponse de Wenqi fusa du tac au tac : « plantons des arbres ». Logique, c’était le métier auquel l’aveugle avait été formé dans sa jeunesse, à l’Office des forêts.
« Mais comment tu veux qu’on fasse ? Je f’rai les bras, tu f’ras les yeux ! »
« Pas si bête », réalisa l’aveugle en un éclair. Au bord du village, la rivière Ye atteignait l’été une crue terrible. Yeli s’en protégeait depuis des millénaires par une digue à pente douce, autrefois tenue par des arbres. Mais depuis Deng Xiaoping, la discipline disparue, les arbres avaient été coupés pour bois de chauffe. Résultat, un été sur deux, la digue craquait, laissant les fermes inondées et le bétail noyé.
Aussi le village ne savait comment sortir de l’impasse, trop pauvre pour payer le reboisement. Mais pour ces deux copains que nul ne voulait employer, n’était-ce pas l’unique chance de créer leur emploi ? Et au point où ils étaient, qu’avaient-ils à perdre ?
« Tope là ! », fit Haixia. Sans tergiverser, ils s’en allèrent trouver le Secrétaire du Parti, lui exposer le projet. Sachant subodorer la chance quand il en voyait une, le cadre les accueillit avec enthousiasme : après 30 minutes, les deux Jia étaient titulaires (sans loyer, ni taxes) des 8 hectares pour 30 ans, deal embelli d’une (famélique) prime d’invalidité pour chacun, assez pour leurs besoins courants. A maturité les arbres leur reviendraient, assez pour assurer leurs vieux jours.
Dès le lendemain, ils se mirent au travail, le manchot guidant l’aveugle par la manche de sa veste, le portant sur son dos de l’autre côté du ru, à gué. Pour le faire travailler, il lui ôtait ses savates : Wenqi maniait ses pieds, comme d’autres leurs mains.
Les débuts furent rudes—comme si la nature jouait à essayer de les désespérer. Au bout d’un an, après l’hiver, ils n’avaient planté que 800 greffons, dont deux seulement avaient repris. Dans leur dos, les hommes ricanaient : « des handicapés, ça ne pouvait aboutir à rien, tout le monde savait ça... ».
Ce qui sauva notre équipe, est qu’elle n’avait pas le choix : les Jia changèrent de méthode. Ils choisirent des points plus humides, allongèrent les branches à deux mètres pour renforcer leur robustesse.
Wenqi se spécialisa dans le portage et l’arrosage. Haixia, l’aveugle, grimpait aux saules, peupliers et acacias pour tailler les branches à la hache, suivant les directives de l’ami. Il forait aussi les trous avec une masse et un plantoir de leur invention– un bout de barre à mine surmonté d’une mini-pelle triangulaire.
Au fil des années, il avait affiné son geste, ne frappant plus jamais à côté. A la fin de l’hiver suivant, ils eurent 100 survivants, puis 300, puis 1000… 14 ans plus tard, ils avaient planté 12000 arbres, dont 9000 prospèrent. Voyant les progrès, les voisins cessèrent de persifler, et se mirent à les soutenir. Ils vinrent offrir qui, une semaine d’arrosage, qui de nouveaux outils, qui une remorque d’arbustes de bonne souche du pépiniériste.
À la tâche, nos deux hommes ne faisaient plus qu’un, comblant ensemble leurs handicaps. Forcément, dans ce pays socialiste et confucéen, ils finirent par faire parler d’eux. C’était trop tentant pour la propagande, comme étalage de vertu « nationale », donnant de plus le bon exemple écologiste. Des millions s’en émurent : par leur courage simple, ces deux-là démontraient que la persévérance vient à bout de tout. En chinois, cela se dit d’une façon imagée, « même la tortue boiteuse peut courir 1000 li » (跛鳖千里, bǒ biē qiānlǐ).
Coqueluches du pays, ils virent s’amonceler les gestes de soutien. Un nabab en mal de mécénat leur versa une vraie pension pour leurs 60 ans. Et dans un hôpital de Shijiazhuang, le chef-lieu de province, les médecins dirent à Haixia que son œil gauche reverrait, moyennant greffe de cornée. Ils offraient l’opération !
Mais attention, l’offre pétrie de bonnes intentions, ne risque-t-elle pas de briser cette belle amitié ? Un Haixia tiré des ténèbres, ne serait-il pas tenté de laisser tomber tout de sa vie passée ?
A l’entendre, pas de souci : même une fois sa vue recouvrée, il ne cessera jusqu’au dernier souffle, de planter des arbres à Yeli avec Wenqi, son copain de misère. Car la sagesse acquise dans les années de chien, ne s’oublie jamais – si toutefois Haixia, une fois opéré, ne perd pas sa vertu, avec sa cécité !
9-12 juin, Pékin : CIEPEC, Salon et Conférence sur la protection de l’environnement
10-12 juin, Shanghai : AQUATECH, Salon pour les procédés de l’eau potable et du traitement de l’eau
10-12 juin, Shanghai : CRTS China, Salon international des technologies ferroviaires, infrastructures, locomotives et matériel roulant, signalisation et communication, rail urbain
10-12 juin, Shanghai : FLOWEX, Salon international des pompes, valves et tuyaux
10-12 juin, Shanghai : TUNNEL Expo China, Salon asiatique de l’industrie des tunnels
10-12 juin, Shanghai : Offshore Wind China, Salon international de l’énergie éolienne
10-12 juin, Yantai : SITEVINITECH, Salon international du vin et des équipements vitivinicoles
10-16 juin, Chongqing : AUTO Chongqing, Salon de l’industrie automobile
11-13 juin, Pékin : PHARM MACH, Salon des machines, matériaux et emballages pour l’industrie pharmaceutique en Chine
11-15 juin, Dalian : Dalian BOAT SHOW, Salon nautique
15-17 juin, Shanghai : CIGEE & CDEE, Salons des équipements et des technologies de réseaux électriques intelligents
15-18 juin, Shanghai : SHANGHAITEX, Salon de l’industrie textile